Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

POUVOIRS DU PREMIER PRESIDENT

2e Civ., 5 novembre 2020, n° 19-20.314, (P)

Rejet

Contestation en matière d'honoraires d'avocat – Office du juge – Etendue – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 22 mai 2019), M. Q..., naguère marié à Mme T... J... (l'avocate), dont il a divorcé en juillet 2017, avait confié à cette dernière, en 2003, la défense de ses intérêts et ceux de sa soeur dans un litige qui concernait la succession de leur père.

2. Alors qu'aucune convention d'honoraires n'avait été conclue, l'avocate a établi au mois de février 2016 une facture de ses diligences, dont elle n'a pas obtenu le règlement de M. Q..., qui a indiqué qu'aucun mandat à titre onéreux n'avait été confié à son ex-épouse.

3. Par lettre du 27 juin 2017, l'avocate a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de ses honoraires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses sixième et huitième branches, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'avocate fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes tendant à la fixation de ses honoraires et à la condamnation de M. Q... à leur paiement, alors « que la procédure de contestation en matière d'honoraires et débours d'avocat concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires, de sorte qu'il n'appartient pas au juge de l'honoraire de se prononcer sur le caractère onéreux ou gratuit du mandat conclu entre l'avocat et son client ; qu'en se fondant, pour débouter Mme J... de sa demande en fixation des honoraires dus par M. Q..., sur le caractère prétendument gratuit du mandat litigieux, le premier président a excédé son office, en violation de l'article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991. »

Réponse de la Cour

6. Dès lors qu'il résulte de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que la procédure de contestation en matière d'honoraires et débours d'avocats concerne les contestations relatives au montant et au recouvrement de leurs honoraires, il relève de l'office même du juge de l'honoraire de déterminer, lorsque cela est contesté, si les prestations de l'avocat ont été fournies ou non à titre onéreux.

7. Par suite, c'est sans excéder ses pouvoirs que le premier président a décidé que le mandat qui liait l'avocate à M. Q... n'avait pas été donné à titre onéreux.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Et sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième branches

Enoncé du moyen

9. L'avocate fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que, subsidiairement, gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle ; que le premier président, pour débouter Mme J... de ses demandes en paiement d'honoraires au titre des diligences accomplies dans les différents dossiers dont elle avait été saisie en vue de la défense des intérêts de M. Q..., a recherché exclusivement si les éléments de preuve produits aux débats étaient susceptibles de démontrer le caractère onéreux du mandat conclu entre les parties, après avoir énoncé que le mandat est gratuit, sauf convention contraire ; qu'en statuant ainsi, quand ledit mandat était présumé à titre onéreux en l'état de la profession habituelle de Mme J..., ce dont il résultait qu'il appartenait à M. Q... de démontrer le caractère gratuit du mandat et non à l'avocat de prouver son caractère onéreux, le premier président a violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 1353 du même code ;

3°/ que gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, de sorte que l'absence de convention d'honoraire entre les parties n'est pas de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur le motif impropre tiré de l'absence d'une telle convention entre Mme J... et M. Q..., pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ;

4°/ que gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, de sorte que l'absence de mention par un avocat, au cours de la relation contractuelle, d'honoraires de diligences n'est pas davantage de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur la circonstance impropre tirée de ce qu'à aucun moment, Mme J... n'avait, dans ses échanges avec M. Q..., fait mention d'honoraires de diligences, pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a derechef violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ;

5°/ que si la convention par laquelle les honoraires sont fixés exclusivement en fonction du résultat judiciaire est interdite et nulle, il appartient dans un tel cas au juge de l'honoraire d'apprécier les honoraires dus à l'avocat en fonction des critères institués par l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; qu'il suit de là que la conclusion d'un tel pacte de quota litis entre un avocat et son client n'est pas de nature à exclure l'existence d'un mandat à titre onéreux ; qu'en se fondant pourtant sur le motif impropre tiré de l'existence d'un tel pacte qui aurait été conclu entre Mme J... et M. Q..., pour en déduire l'absence de caractère onéreux du mandat confié à l'avocat, le premier président a de nouveau violé l'article 1986 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ;

7°/ que seule la fixation d'honoraires exclusivement en fonction du résultat judiciaire est interdite ; qu'en retenant, pour dire que les honoraires de résultat auxquels il était fait référence dans les échanges entre l'avocat et son client relevaient d'un pacte de quota litis prohibé, que Mme J... n'avait, dans ses échanges avec M. Q..., pas fait mention d'honoraires de diligences, sans examiner, même sommairement, la facture du 31 décembre 2007 d'honoraires de diligences à hauteur de 20 000 euros hors taxes produite par l'avocat, d'où il résultait que les honoraires de résultat convenus étaient complémentaires d'un honoraire de diligences, le premier président a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Le premier président, après avoir relevé que Mme J... et M. Q... « étaient mariés lorsque ce dernier a demandé à son épouse de se charger de la défense de ses intérêts et de ceux de sa soeur, dans le cadre de la succession de son père », et pris ainsi en considération « le contexte des relations entretenues alors par les parties », a pu en déduire qu'aucune rémunération n'avait été convenue entre elles.

11. Dès lors, c'est sans inverser la charge de la preuve que le premier président, écartant de la sorte, en raison du contexte familial dans lequel l'assistance avait été apportée, la présomption selon laquelle le mandat est salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, puis estimant souverainement que les termes des courriels du 6 mars 2016 émanant de M. Q... et invoqués par l'avocate ne permettaient pas d'établir que le mandat avait été confié à titre onéreux, a statué.

12. Pour conclure à l'inexistence d'un mandat à titre onéreux le premier président ne s'est ainsi fondé, ni sur l'absence entre les parties d'une convention d'honoraires, ou d'échanges relatifs à des honoraires de diligences, ni sur un pacte de quota litis qui aurait été conclu entre elles.

13. Le moyen, qui n'est donc pas fondé en sa deuxième branche, et qui est inopérant en ses troisième, quatrième, cinquième et septième branches, ne peut dès lors être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Caston -

Textes visés :

Article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.016, Bull. 2019, (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 19 novembre 2020, n° 19-17.931, (P)

Rejet

Sursis à exécution – Domaine d'application – Exclusion – Décision statuant sur une demande dépourvue d'effet suspensif – Exception – Décision ordonnant la mainlevée d'une mesure

Il résulte de l'article R.121-22, alinéas 1 à 3, du code des procédures civiles d'exécution que le premier président de la cour d'appel peut ordonner le sursis à l'exécution de toutes les décisions du juge de l'exécution, à l'exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur des demandes dépourvues d'effet suspensif à moins qu'elles n'ordonnent la mainlevée de la mesure.

Ayant retenu à bon droit que la saisine du juge de l'exécution d'une demande de délai de grâce est dépourvue d'effet suspensif, une cour d'appel en a exactement déduit que l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution est inapplicable aux jugements du juge de l'exécution déboutant l'appelant d'une demande de délais de grâce.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 avril 2019) et les productions, un arrêt d'une cour d'appel du 4 avril 2008 a condamné M. G... F... et Mme D... F... à payer diverses sommes à Mme R..., veuve J..., M. Q... R..., M. C... R..., Mme M..., M. I... et M. L....

2. Mme R... a fait pratiquer plusieurs saisies de droits d'associé et de valeurs mobilières, dont une portant sur les parts sociales détenues par M. et Mme F... dans la SCI de la Vernède (la SCI).

3. G... F... est décédé en 2013, laissant pour lui succéder son épouse et ses trois enfants, E..., A... et S... F....

4. Le 16 décembre 2016, Mme R... a fait signifier le cahier des charges pour la vente des parts sociales de la SCI.

5. Par jugement du 4 avril 2017, un juge de l'exécution a débouté Mme D... F..., Mme E... F..., M. S... F... et M. A... F... (les consorts F...) de la demande de délai dont ils l'avaient saisi.

6. Le 6 avril 2017, les consorts F... ont interjeté appel de ce jugement et saisi, par acte du 13 avril 2017, le premier président d'une cour d'appel d'une demande de sursis à l'exécution sur le fondement de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution, qui a été rejetée par ordonnance du 16 juin 2017.

7. Selon procès-verbal de vente du 21 avril 2017, dressé par la Selarl Dubois Fontaine, huissiers de justice, les parts sociales de la SCI ont été adjugées à la société AB Home investissement.

8. Les consorts F... ont saisi un juge de l'exécution d'une demande de nullité de l'adjudication.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Les consorts F... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'adjudication faite le 21 avril 2017 par devant la Selarl Dubois Fontaine, huissiers de justice à Villepinte, alors « qu'en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel ; que jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; qu'en refusant d'annuler l'adjudication en date du 21 avril 2017, après avoir cependant constaté, d'une part, que les consorts F... avaient saisi le premier président de la cour d'appel en date du 13 avril 2017 d'une demande tendant à la suspension de l'exécution du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan rejetant qu'il leur soit accordé un délai de grâce et, d'autre part, que le sursis à exécution de ce jugement a été rejeté par une ordonnance du premier président de la cour d'appel en date du 16 juin 2017, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de l'article R. 121-22, alinéas 1 à 3, du code des procédures civiles d'exécution que le premier président de la cour d'appel peut ordonner le sursis à l'exécution de toutes les décisions du juge de l'exécution, à l'exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur des demandes dépourvues d'effet suspensif à moins qu'elles n'ordonnent la mainlevée d'une mesure.

11. Ayant retenu à bon droit que la saisine du juge de l'exécution d'une demande de délai de grâce est dépourvue d'effet suspensif, la cour d'appel en a exactement déduit que l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution est inapplicable aux jugements du juge de l'exécution déboutant l'appelant d'une demande de délais de grâce. C'est donc sans encourir les griefs du moyen qu'elle a statué comme elle l'a fait.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 25 mars 1999, pourvoi n° 97-15.645, Bull. 1999, II, n° 59 (cassation).

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