Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

POUVOIRS DES JUGES

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 18-22.563, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Assurance – Assurance-vie – Bénéficiaire – Modification ou substitution – Volonté du stipulant

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 22 mai 2018), par avenant du 27 novembre 2008, A... Y..., qui avait souscrit auprès de la banque CIC Est trois contrats d'assurance-vie, a désigné comme bénéficiaires ses quatre soeurs, Mmes D..., G..., C... et O... Y....

2. Il est décédé le 30 janvier 2011.

3. Le 29 avril 2011, un notaire a établi un procès-verbal de description et de dépôt d'un testament olographe de A... Y..., daté du 30 novembre 2010, dans lequel il était stipulé que son auteur instituait légataires universels ses deux enfants, M. S... Y... et Mme F... K... née Y..., et qu'il leur léguait tous ses biens, notamment le produit de ses contrats d'assurance-vie.

4. Après le dépôt d'un rapport d'expertise médicale se prononçant, tel qu'ordonné par le juge des référés, sur l'état de santé mentale du testateur à l'époque de la rédaction du document, Mmes D..., G..., C... et O... Y... ont assigné M. S... Y... et Mme F... Y..., aux fins de voir prononcer l'annulation du testament et de les voir condamner solidairement à leur payer une somme correspondant à celle perçue par eux en vertu de ce testament.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. S... Y... et Mme F... Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à Mmes D..., G..., C... et O... Y... la somme de 305 561,84 euros, chacun à concurrence du capital perçu en vertu du testament annulé, avec intérêts au taux légal, alors « que le changement dé bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie n'est subordonné à aucune condition de forme ; qu'en retenant, pour juger que A... Y... n'avait pas manifesté la volonté de désigner comme bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie ses deux enfants au lieu et place de ses quatre soeurs et condamner en conséquence les premiers à payer aux secondes la somme de 305 561,84 euros perçue en vertu du testament annulé, que les lettres adressées aux différents établissements bancaires le 21 janvier 2011 pour modifier la clause bénéficiaire desdits contrats en faveur de M. S... Y... et Mme F... Y..., épouse K... étaient des lettres-types et n'étaient pas revêtues de la signature de l'intéressé, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et a violé l'article L. 132-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir retenu que le testament olographe du 30 novembre 2010 devait être annulé faute d'avoir été écrit en entier de la main du testateur, et relevé que M. S... Y... et Mme F... Y... faisaient également valoir qu'en tout état de cause, leur père avait écrit aux assureurs, le 21 janvier 2011, pour modifier en leur faveur la clause bénéficiaire de ses contrats d'assurance-vie, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé, sans ajouter à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, que les six courriers à en-tête de A... Y... adressés à différents établissements bancaires étaient des lettres-types non revêtues de la signature de l'intéressé et ne pouvaient être considérés comme la manifestation de la volonté du souscripteur de désigner comme bénéficiaires ses deux enfants aux lieu et place de ses quatre soeurs.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article L. 132-8 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 19 mai 1999, pourvoi n° 96-20.156, Bull. 1999, I, n° 161 (rejet), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-23.197, Bull. 2013, I, n° 177 (rejet).

1re Civ., 18 novembre 2020, n° 19-15.353, (P)

Cassation partielle

Appréciation souveraine – Mariage – Participation aux charges du mariage – Séparation de biens conventionnelle – Clause du contrat relative à la participation – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 février 2019), un jugement a prononcé le divorce de M. W... et de Mme M..., mariés sous le régime de la séparation de biens. Des difficultés sont nées pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. W... fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de la somme de 74 723,19 euros à Mme M... au titre d'une créance entre époux, alors « que le caractère irréfragable de la présomption de contribution aux charges du mariage, au jour le jour, instituée par le contrat de mariage, interdit aux époux de prouver que l'un ou l'autre d'entre eux ne se serait pas acquitté de son obligation ; qu'il en résulte qu'un époux ne peut se prétendre créancier de l'autre au titre du remboursement d'un emprunt bancaire contracté pour la construction du logement familial, lequel participe de l'exécution de l'obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que le caractère irréfragable de cette clause n'interdit pas à un époux de faire la démonstration de ce que sa participation a excédé ses facultés contributives » et que si la sur-contribution est démontrée, elle a pour effet de rendre la clause inefficace », la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil, ensemble l'article 1537 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 214 et 1537 du code civil :

3. Il résulte de ces textes que lorsque les juges du fond ont souverainement estimé irréfragable la présomption résultant de ce que les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu'ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre, un époux ne peut, au soutien d'une demande de créance, être admis à prouver l'insuffisance de la participation de son conjoint aux charges du mariage pas plus que l'excès de sa propre contribution.

4. Pour accueillir la demande de Mme M... tendant à se voir reconnaître titulaire d'une créance au titre du financement par des deniers personnels de la construction d'un immeuble ayant constitué par la suite le domicile conjugal, et ce, sur un terrain appartenant à son mari, après avoir relevé que le contrat de mariage des époux prévoit qu'ils contribueront aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre, l'arrêt retient, d'une part, que le caractère irréfragable de cette clause, dont se prévaut M. W..., n'interdit pas à un époux de faire la démonstration de ce que sa participation a excédé ses facultés contributives, d'autre part, que si la sur-contribution est démontrée, elle a pour effet de rendre la clause inefficace.

5. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

6. Mme M... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que M. W... soit condamné à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de prestation compensatoire, alors « que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné M. W... à payer à Mme M... la somme de 74 723,19 euros au titre d'une créance entre époux entraînera nécessairement la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté Mme M... de sa demande de versement d'une prestation compensatoire, dès lors que pour statuer ainsi, la cour d'appel s'est fondée sur la créance de 74 723,19 euros dont M. W... était débiteur envers Mme M..., en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

7. Il résulte de ce texte que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée se trouvant dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

8. La cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la demande de prestation compensatoire de Mme M..., qui se trouve avec elle dans un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. W... au paiement de la somme de 74 723,19 euros à Mme M... au titre d'une créance entre époux et rejette la demande de prestation compensatoire de Mme M..., l'arrêt rendu le 20 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 214 et 1537 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.892, Bull. 2013, I, n° 189 (rejet) ; 1re Civ., 1er avril 2015, pourvoi n° 14-14.349, Bull. 2015, I, n° 78 (rejet).

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