Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

NATIONALITE

1re Civ., 4 novembre 2020, n° 19-50.027, (P)

Cassation sans renvoi

Nationalité française – Acquisition – Modes – Acquisition à raison du mariage – Conditions – Communauté de vie – Caractérisation – Défaut – Cas – Bigamie

Selon l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.

La situation de bigamie d'un des époux à la date de souscription de la déclaration, qui est exclusive de toute communauté de vie affective, fait obstacle à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 janvier 2019), Mme G..., originaire d'Algérie, a contracté mariage en 1998, dans ce pays, avec un Français. Cette union a été transcrite sur les registres de l'état civil français le 30 juillet 2007. Mme G... a souscrit, le 6 mai 2014, une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, laquelle a été enregistrée le 9 février 2015.

2. Le 14 mars 2016, le ministère public l'a assignée en nullité de cet enregistrement, en soutenant que l'état de bigamie de son conjoint français excluait toute communauté de vie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. Le ministère public fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la déclaration d'acquisition de la nationalité française par mariage souscrite par Mme G..., alors :

« 1°/ qu'en application l'article 26-4, alinéa 3, du code civil, l'enregistrement d'une déclaration acquisitive nationalité française peut, en cas de mensonge ou de fraude, être contesté par le ministère public dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ; que ce texte ne distingue pas, en matière d'acquisition de la nationalité française par mariage, selon l'époux auteur du mensonge ou la fraude ; qu'en l'espèce, lors de la déclaration de nationalité française souscrite le 6 mai 2014 par Mme G..., le nouveau mariage de M. F... avec Mme P..., célébré 10 novembre 2010, a été dissimulé ; que dès lors, en retenant l'existence d'une vie commune entre Mme G... et M. F..., sans reconnaître la fraude commise lors de la souscription de la déclaration, peu important que cette fraude émane de M. F... ou des deux époux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que la communauté de vie requise pour acquérir la nationalité française par mariage, et à laquelle s'obligent les époux en application de l'article 215 du code civil, est un élément de la conception monogamique française du mariage ; que la bigamie est incompatible avec l'existence d'une communauté de vie au sens de l'article 21-2 du code civil ; que la cour d'appel a constaté la bigamie de l'époux en relevant que M. F... s'est marié en 1998 avec Mme G... puis le 10 novembre 2010 avec Mme P... ; que dès lors, en considérant qu'en dépit de la nouvelle union de M. F... en 2010, la persistance de la vie commune avec Mme G... au jour de la déclaration était caractérisée par le fait que les époux avaient fondé une famille nombreuse et avaient un domicile commun, la cour d'appel a violé l'article 21-2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 :

5. Selon ce texte, l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.

6. La situation de bigamie d'un des époux à la date de souscription de la déclaration, qui est exclusive de toute communauté de vie affective, fait obstacle à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger.

7. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que les époux ont vécu ensemble pendant près de vingt ans et donné naissance à cinq enfants dont les deux derniers sont nés sur le territoire français en 2005 et 2013, ce qui caractérise l'existence d'une intention matrimoniale persistante ainsi qu'une communauté de vie réelle et constante au sens de l'article 215 du code civil.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le conjoint français de Mme G... avait contracté en 2010 une nouvelle union, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement du 19 octobre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Lille, sauf en ce qu'il constate l'accomplissement de la formalité prescrite à l'article 1043 du code de procédure civile et déclare recevable l'action du procureur de la République ;

Annule l'enregistrement effectué le 9 février 2015 de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme Y... G... le 6 mai 2014 ;

Constate l'extranéité de Mme G... ;

Ordonne la mention prescrite par l'article 28 du code civil.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Acquaviva - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : Me Balat -

Textes visés :

Article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011.

1re Civ., 18 novembre 2020, n° 19-19.003, (P)

Rejet

Nationalité française – Acquisition – Modes – Déclaration – Enregistrement – Action en contestation du ministère public pour fraude – Prescription – Délai biennal – Point de départ – Détermination

La transcription, en marge de l'acte de mariage d'un époux étranger ayant souscrit une déclaration en vue d'acquérir la nationalité française, en application de l'article 21-2 du code civil, de la mention du jugement de divorce ayant dissous son mariage avec son épouse française, n'est pas, en soi, de nature à mettre le ministère public territorialement compétent en mesure de connaître la fraude ou le mensonge qui l'autorise à exercer, conformément à l'article 26-4 du même code, l'action en annulation de l'enregistrement de cette déclaration.

Nationalité française – Acquisition – Modes – Acquisition à raison du mariage – Déclaration – Enregistrement – Action en contestation du ministère public – Prescription – Délai de deux ans – Point de départ – Découverte de la fraude ou du mensonge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 17 mai 2017, pourvoi n° 16-18.232), M. X... L..., né en 1962 au Maroc, a souscrit, le 12 avril 2002, une déclaration d'acquisition de nationalité en raison de son mariage, célébré le 7 mars 2001 avec une ressortissante française. Cette déclaration a été enregistrée le 18 mars 2003.

2. Après son divorce, prononcé le 1er juillet 2004 et transcrit en marge des actes de l'état civil le 13 juillet, M. X... L... s'est remarié le 23 octobre 2004 avec sa précédente épouse marocaine dont il avait eu un enfant en décembre 2002.

3. Par bordereau de transmission du 27 décembre 2010, le ministère de l'intérieur a informé le ministère de la justice du refus d'enregistrement, le 17 mars 2010, de la déclaration souscrite par Mme V..., l'épouse marocaine de M. L... en raison de la fraude commise par celui-ci.

4. Le 10 décembre 2012, le ministère public a engagé une action en annulation de l'enregistrement de la déclaration souscrite par M. L....

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

6. M. X... L... fait grief à l'arrêt de déclarer l'action du ministère public recevable comme non prescrite et d'annuler, en conséquence, l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 12 avril 2002, alors :

« 1°/ que la transcription d'un divorce en marge des actes d'état civil d'un ressortissant ayant obtenu la nationalité française par mariage porte à la connaissance du ministère public la rupture de la vie commune des époux au sens de l'alinéa 3 de l'article 26-4 du code civil ; qu'en l'espèce, M. L... soutenait que le ministère public avait été informé de la rupture de sa vie commune à compter de la transcription de son jugement de divorce en marge des actes d'état civil le 13 juillet 2004 ; qu'en retenant que l'acte de mariage était muet sur la nationalité des époux, qu'il ne résultait d'aucune de ses mentions que M. L... aurait acquis la nationalité française par son mariage avec Mme E... et que le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Bordeaux, compétent pour exercer l'action en annulation, n'aurait pu supposer une fraude au seul vu d'un tel acte, dressé dans son ressort, sans procéder à des investigations complémentaires fondées sur des critères discriminatoires tirés des patronymes et/ou des lieux de naissance respectifs des époux, sans rechercher si le ministère public n'avait pas eu effectivement connaissance du divorce par suite de sa transcription le 13 juillet 2004 en marge des actes d'état civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26-4 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 16 mars 1998 ;

2°/ qu'aux termes de l'article 26-4 du code civil, l'enregistrement d'une déclaration de nationalité peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans de leur découverte ; que le délai biennal d'exercice de l'action court à compter de la date à partir de laquelle le procureur de la République territorialement compétent a été mis en mesure de découvrir la fraude ou le mensonge ; que compte tenu de l'apposition, en marge des actes de naissance dressés ou transcrits, de mentions relatives au lien matrimonial (mariage, divorce, séparation de corps, annulation de mariage) et à la nationalité (naturalisation, réintégration, déclaration d'acquisition, déclaration de réintégration, décisions juridictionnelles, certificat de nationalité française, etc.), la seule lecture d'un acte de naissance est, dans certaines circonstances, de nature à mettre le procureur de la République territorialement compétent à même de découvrir la fraude ou le mensonge ; que dans ses conclusions d'appel, M. L... avait soutenu que l'action du ministère public s'appuyait en grande partie sur son remariage avec Mme V... le 23 octobre 2004 devant l'officier d'état civil de Cenon (33) et que, non seulement ce mariage avait fait l'objet de publicités régulières mais encore que les services d'état civil avaient expressément appelé sur ce mariage l'attention du procureur de la République qui avait déclaré ne pas s'y opposer ; qu'en déclarant que le signalement fait par le service d'état civil concernait uniquement l'absence de titre de séjour de l'épouse et n'était pas, par lui-même, nullement de nature à constituer un indice de fraude aux dispositions de l'article 21-2 du code civil, sans rechercher si, à la suite de ce signalement, la simple consultation des pièces remises à l'officier d'état civil en application de l'article 70 du code civil, parmi lesquelles l'acte de naissance de M. X... L..., ne mettait pas le ministère public en mesure de découvrir la fraude qu'elle invoquait pour demander l'annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité qu'il avait souscrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26-4, alinéa 3, du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 16 mars 1998. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 26-4 du code civil, l'enregistrement d'une déclaration de nationalité peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans de leur découverte.

8. Le délai biennal d'exercice de l'action court à compter de la date à partir de laquelle le procureur de la République territorialement compétent a été mis en mesure de découvrir la fraude ou le mensonge.

9. La transcription en marge de l'acte de mariage d'un époux étranger ayant souscrit une déclaration en vue d'acquérir la nationalité française en application de l'article 21-2 du code civil, de la mention du jugement de divorce, ayant dissous son mariage avec son épouse française, n'est pas en soi, de nature à mettre le ministère public territorialement compétent en mesure de connaître la fraude ou le mensonge qui l'autorise à exercer, conformément à l'article 26-4 du même code, l'action en annulation de l'enregistrement de cette déclaration.

10. En premier lieu, l'arrêt retient que, si la copie intégrale de l'acte de mariage de M. X... L... avec son épouse française comporte la mention marginale, apposée le 10 septembre 2004, du divorce prononcé le 4 décembre 2003, il ne résulte d'aucune de ses énonciations que l'intéressé ait acquis la nationalité française par son mariage. Il en déduit que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux n'aurait pu suspecter de fraude sans procéder à des investigations complémentaires fondées sur des critères discriminatoires tirés des patronymes ou des lieux de naissance respectifs des époux. Il ajoute que l'acte de naissance de M. X... L... n'est pas produit mais qu'en tout état de cause, celui-ci étant né au Maroc, cet acte n'a pu être dressé ou sa transcription faite dans le ressort de la même circonscription judiciaire.

11. En second lieu, l'arrêt relève que si les services de l'état civil ont appelé l'attention du ministère public sur le mariage de M. X... L... avec Mme V..., c'est exclusivement en raison du séjour irrégulier de celle-ci sur le territoire français, lequel pouvait constituer un obstacle à cette célébration.

12. Ayant ainsi mis en évidence, d'une part, que le ministère public territorialement compétent ne pouvait supposer une fraude au seul vu de la transcription du jugement de divorce en marge de l'acte de mariage, d'autre part, que le signalement relatif au remariage n'était pas, par lui-même, constitutif d'un indice de fraude, la cour d'appel, qui a effectué la première recherche prétendument omise et n'avait pas à procéder à la seconde que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Acquaviva - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 26-4 du code civil.

1re Civ., 4 novembre 2020, n° 19-17.559, (P)

Rejet

Nationalité française – Preuve – Cas – Traité de cession des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon à l'Union indienne du 28 mai 1956

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2018), M. B... J..., né le [...] à Pondichéry, a introduit une action déclaratoire de nationalité en raison de sa filiation avec un père français né sur le territoire de Pondichéry et une mère née en Inde anglaise et devenue française par son mariage.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. M. J... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas français, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve fournis par les parties ; qu'en n'examinant pas les documents français produits par M. J... pour établir sa nationalité française, documents dont il n'était pas contesté ou constaté qu'ils n'étaient pas produits, la cour d'appel a violé les articles 455 et 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. Le moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt, est inopérant.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. J... fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que, conformément à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la nationalité, effet de la filiation, relève de la vie sociale et familiale d'un individu, à travers le lien qu'il entretient avec ses parents égaux entre eux et avec la société de ses parents ; qu'elle est donc incluse à ce titre dans le champ d'application de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en vertu de l'article 14 de cette convention, aucune distinction dans l'exercice de ce droit ne peut être fondée sur des critères tenant au sexe ; que l'article 5 du traité bilatéral de 1962 interdit à l'enfant mineur, né d'une mère française restée française, de conserver la nationalité française, si le père opte pour la nationalité indienne ; que, selon cet article, l'enfant conservera la nationalité française si son père est français, même si sa mère est indienne ; qu'il perdra, en revanche, la nationalité française bien que sa mère soit française, si son père devient indien ; que l'article 5 aboutit ainsi à ce que des enfants placés dans une même situation, enfants de parents dont l'un conserve la nationalité française et pas l'autre, voient leur nationalité française dépendre du sexe du parent français ; que cette disposition consacre une inégalité entre les filiations paternelle et maternelle, comme entre l'homme et la femme ou encore entre les parents, reposant sur le sexe du parent ; qu'une telle disposition discriminatoire porte atteinte au droit à la vie privée et familiale ; qu'en ne l'écartant pas, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 55 de la Constitution ;

2°/ que les buts légitimes susceptibles de justifier une ingérence dans l'exercice des droits à la vie privée et familiale sont la sécurité nationale, la sûreté publique, le bien-être économique du pays, la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aucun de ces buts ne recouvre celui de préserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde par le choix d'une disposition qui privilégie la nationalité du père sur celle de la mère ; que l'article 5 du traité de 1962 ne poursuit pas un but légitime justifiant une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'en refusant d'écarter son application parce qu'il ne violerait pas l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé ledit article ;

3°/ que constitue une discrimination, même si l'assurance au droit à une nationalité est préservée, la détermination des nationaux d'un Etat par application de critères discriminatoires à raison du sexe du parent ; qu'en retenant que la détermination par un Etat de ses nationaux ne peut constituer une discrimination au sens de cet article dès lors qu'est assuré, comme en l'espèce, le droit à une nationalité, quand ce droit est assuré par le recours à un critère discriminatoire, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son article 8 ;

4°/ que la poursuite d'un but légitime ne constitue pas en soi une justification objective et raisonnable justifiant une discrimination ou une ingérence dans un droit fondamental ; qu'il faut encore que la mesure constitutive d'une ingérence en cause soit nécessaire dans une société démocratique au regard du but poursuivi, adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi ; qu'en se limitant à affirmer que les règles gouvernant la conservation de la nationalité française poursuivaient le but légitime de préserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde et constituaient ainsi une justification objective et raisonnable, assimilant ainsi le but légitime et les modalités de la mesure prises pour l'atteindre, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que l'ingérence dans l'exercice d'un droit fondamental fondée sur une discrimination n'est justifiée que si elle est nécessaire dans une société démocratique au regard du but poursuivi, adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi ; que la détermination par un Etat de ses nationaux par application d'un critère discriminatoire fondé sur le sexe du parent n'est ni adéquat, ni proportionné au but poursuivi qu'il s'agisse pour cet Etat de déterminer ses nationaux ou de conserver l'identité de la population des anciens établissements français cédés à l'Inde ; que ces objectifs peuvent parfaitement être atteints par une disposition respectueuse de l'égalité entre les hommes et les femmes, entre les filiations maternelle et paternelle, et entre les parents ; qu'en faisant application de l'article 5 du traité de 1962 parce qu'il ne violerait pas les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé lesdits articles ;

6°/ que l'article 9 de la convention multilatérale des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ratifiée par la France et entrée en vigueur le 3 septembre 1981, prévoit que les femmes doivent avoir des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants ; que l'article 5 du traité bilatéral entre la France et l'Inde de 1962 dispose que la nationalité des enfants mineurs suit celle du père seul ; que cette disposition établit une discrimination fondée sur le sexe du parent ; qu'émanant d'un traité bilatéral antérieur elle doit s'effacer devant les dispositions claires et précises émanant de traités multilatéraux postérieurs énonçant des droits fondamentaux tels que l'égalité entre l'homme et la femme ; qu'en n'écartant pas l'application de l'article 5 du traité de 1962 et en refusant de reconnaître la nationalité française de M. J... par filiation avec sa mère restée française, la cour d'appel a violé l'article 9.2 de la Convention des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ensemble l'article 55 de la Constitution ;

7°/ que l'article 5 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que « les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution » ; que l'article 5 du traité bilatéral entre la France et l'Inde de 1962 fait produire plus de conséquences juridiques à la filiation paternelle qu'à la filiation maternelle pour les enfants du couple ; qu'il établit une inégalité entre les parents dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage en faisant prévaloir la nationalité du père sur celle de la mère ; qu'émanant d'un traité bilatéral antérieur l'article 5 du traité de 1962 doit s'effacer devant les dispositions de l'article 5 du protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonçant des droits fondamentaux tels que l'égalité entre les parents vis-à-vis de leurs enfants, et nécessairement entre le père et la mère ; qu'en n'écartant pas l'application de l'article 5 du traité de 1962 et en refusant de reconnaître la nationalité française de M. J... par filiation avec sa mère restée française parce que son père n'avait pas fait le choix de conserver la nationalité française, la cour d'appel a violé l'article 5 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 55 de la Constitution de 1955 et le préambule de la Constitution de 1946. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt retient à bon droit, par motifs adoptés, que la détermination par un Etat de ses nationaux, par application de la loi sur la nationalité, ne peut constituer une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'est assuré le droit à une nationalité (1re Civ., 25 avril 2007, pourvoi n° 04-17.632, Bull. 2007, I, n° 159).

6. Le moyen ne fait état d'aucune incidence concrète de l'application du Traité de cession des établissements français de Pondichéry, F..., W... et E... à l'Union indienne du 28 mai 1956 sur la vie privée et familiale de M. J....

7. M. J... n'a invoqué devant la cour d'appel ni la convention des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ni le Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Dès lors, le moyen, nouveau et mélangé de fait en ses sixième et septième branches, comme tel irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Hascher - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 avril 2007, pourvoi n° 04-17.632, Bull. 2007, I, n° 159 (rejet).

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