Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

LOIS ET REGLEMENTS

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-11.501, (P)

Cassation

Application dans le temps – Assurance responsabilité – Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 – Dispositions relatives aux clauses dite de réclamation – Sinistre antérieur à son entrée en vigueur (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 octobre 2018), le 1er janvier 1994, la société Mecelec composites (la société Mecelec) a souscrit auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance de responsabilité civile d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, couvrant notamment la faute inexcusable de l'employeur et garantissant à ce titre le remboursement des sommes dont ce dernier serait redevable à l'assurance maladie.

2. En novembre 2006, F... E..., salarié de la société Mecelec depuis 1972 et atteint d'un cancer du poumon qu'il imputait à son exposition à l'amiante, a été déclaré en maladie professionnelle. Il est décédé le 27 juin 2007.

3. Ses ayants droit ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, lequel a, par jugement du 12 mars 2009, confirmé le 29 avril 2010, reconnu la faute inexcusable de l'employeur.

4. La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme a adressé à la société Mecelec une réclamation au titre du recouvrement de sa créance constituée des rentes et indemnités versées à F... E... et à ses ayants droit.

5. L'assureur a refusé sa garantie à la société Mecelec en raison d'une clause introduite dans le contrat lors du renouvellement intervenu le 1er janvier 1998 et excluant de la garantie « les responsabilités découlant de la fabrication, de la commercialisation, de la mise en oeuvre de produits comportant de l'amiante », cette clause ayant été réécrite par un avenant du 1er juin 2003 excluant désormais les « dommages de toute nature causés par l'amiante ».

6. La société Mecelec a assigné l'assureur en garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La société Mecelec fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre l'assureur et de la condamner à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; que la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ne contient aucune disposition quant à son éventuelle rétroactivité et ne saurait régir les effets passés d'un contrat en cours lors de son entrée en vigueur ; qu'il en résulte que, pour ces contrats, la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ne s'applique qu'aux sinistres, c'est-à-dire aux faits dommageables, postérieurs à son entrée en vigueur, et que, pour les sinistres antérieurs, la garantie de l'assureur est nécessairement déterminée par la date du fait dommageable ; que, dès lors, en estimant que devait s'appliquer, quelle que soit la date du fait générateur, le contrat souscrit auprès de la compagnie Axa France IARD dans la version de ses conditions générales et particulières en vigueur au jour de la réclamation des consorts E... fondée sur la faute inexcusable de la société Mecelec, c'est-à-dire de la reprise d'instance du 9 avril 2008, la cour d'appel a violé l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, ainsi que l'article 2 du code civil et les articles 1131 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2 du code civil et l'article 80, IV, de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 :

8. Selon le premier de ces textes, la loi ne produit effet que pour l'avenir. Il en résulte qu'en l'absence de disposition transitoire contraire prévue par le second, lorsque le sinistre en cause, caractérisé par le fait dommageable en raison duquel la responsabilité de l'assuré est recherchée, est survenu avant l'entrée en vigueur, le 3 novembre 2003, de la loi susvisée, les dispositions de son article 80, qui prévoient notamment que la garantie peut, à certaines conditions, être déclenchée par la réclamation, ne s'appliquent pas et la garantie est déclenchée par le fait dommageable.

9. Pour débouter la société Mecelec de ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé que le contrat souscrit en 1994 était en base réclamation, retient que s'il était jugé antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 que le versement de primes durant la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait générateur survenu pendant cette période, toute clause contraire étant réputée non écrite, la loi nouvelle s'applique aux garanties prenant effet postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, du fait de la souscription d'un nouveau contrat ou de la reconduction de garanties des contrats en cours, de sorte que tous les contrats souscrits ou renouvelés postérieurement à cette date peuvent être en base réclamation dans les conditions nouvelles prescrites par les articles L. 124-5 et suivants du code des assurances.

10. L'arrêt ajoute que le contrat du 1er janvier 2003, complété par son avenant du 1er juin 2003 ayant exclu de la garantie « les dommages de toute nature causés par l'amiante », s'est trouvé renouvelé par tacite reconduction au 1er janvier 2004 et était à compter de cette date conforme aux dispositions légales en ce qu'il était en base réclamation, de même que tous les renouvellements ou avenants ultérieurs, et il en déduit que la société Mecelec n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait application rétroactive d'une exclusion de garantie alors que celle-ci est devenue, avec le consentement des deux parties, applicable à tout sinistre déclaré postérieurement à cette date quelle que soit la date du fait générateur.

11. L'arrêt retient enfin que selon les stipulations des conditions générales dans leur version applicable au 1er janvier 2004, la garantie s'applique aux dommages survenus postérieurement à la date de prise d'effet du contrat, le dommage s'entendant, s'agissant de la faute inexcusable de l'employeur, de l'engagement de la responsabilité de ce dernier au titre de cette faute, soit en l'espèce le 9 avril 2008, date de la reprise de l'instance par les ayants droit du salarié devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, et qu'en conséquence, c'est le contrat dans sa version en vigueur à cette dernière date qui fait la loi des parties.

12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la garantie « faute inexcusable de l'employeur » avait couvert les dommages causés par l'amiante jusqu'à l'introduction d'une clause excluant ceux-ci lors du renouvellement du contrat le 1er janvier 1998, ce dont il résultait que le fait dommageable, constitué par l'exposition du salarié à l'amiante, était susceptible de déclencher cette garantie s'il était survenu avant cette dernière date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 2 du code civil ; article 80, IV, de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003.

3e Civ., 19 novembre 2020, n° 19-20.405, (P)

Rejet

Application immédiate – Application aux contrats en cours – Cas – Clause faisant échec au droit au renouvellement – Clause réputée non écrite – Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2018), la société Haussmann-Italiens a donné à bail à M. X... des locaux commerciaux à compter du 1er avril 1998 pour une durée de neuf années.

2. Le 30 mars 2007, la société civile immobilière Caravelle (la SCI), devenue propriétaire des lieux loués, a donné congé à M. X... avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2007, moyennant un loyer annuel en principal de 86 000 euros.

Le loyer du bail renouvelé a été fixé judiciairement à la somme annuelle de 57 970 euros en principal.

3. Le 4 octobre 2013, M. X... a cédé son fonds de commerce à la société Cap Aud.

4. Le 5 août 2014, la SCI a délivré à la société Cap Aud un commandement de payer la somme de 19 589,13 euros au titre des loyers et charges dus au 28 juillet 2014, puis l'a assignée en référé en acquisition de la clause résolutoire. Un arrêt du 19 novembre 2015, qui a déclaré acquise la clause résolutoire au 5 octobre 2014, a été cassé (3e Civ., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-12.179).

5. Le 13 janvier 2016, la société Cap Aud a assigné à jour fixe la SCI aux fins de voir déclarer réputée non écrite la clause de révision du loyer stipulée au bail, annuler le commandement de payer et, subsidiairement, se voir accorder des délais de paiement rétroactifs et la suspension des effets de la clause résolutoire.

La SCI a soulevé l'irrecevabilité des demandes et conclu au rejet de la demande de délais.

6. Un jugement du 23 mars 2017 a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Cap Aud et désigné la société K... Y... en qualité de liquidateur judiciaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du non-respect par la société Cap Aud du principe de cohérence et déclaré celle-ci recevable en ses demandes, alors « que le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui peut s'appliquer à deux instances dès lors que celles-ci ont le même objet ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que la SCI Caravelle soutenait que la société Cap Aud s'était contredite en sollicitant d'abord la suspension des effets de la clause résolutoire lors de la procédure de référé, reconnaissant ainsi la validité du commandement de payer, puis la nullité de ce commandement lors de la procédure au fond, la cour d'appel a affirmé que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui au cours d'une même procédure et que, par conséquent, ce principe était inapplicable aux deux procédures litigieuses, en référé et au fond, avant pourtant de constater que la société Cap Aud avait poursuivi, dans ces deux procédures, le même but, à savoir, la conservation de son titre locatif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel ayant rejeté la demande d'annulation du commandement formée par la société Cap Aud, la SCI est sans intérêt à critiquer la disposition de l'arrêt déclarant cette demande recevable.

9. Le moyen est donc irrecevable.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Cap Aud en contestation des clauses du bail, de déclarer la société Cap Aud recevable en ses demandes et, en conséquence, de déclarer que la clause de révision stipulée aux termes de l'article XIV du bail commercial du 20 mars 1998 est réputée non écrite, alors :

« 1°/ qu'en l'absence de disposition transitoire expresse contraire de la loi nouvelle et à défaut de considérations d'ordre public particulièrement impératives, les contrats demeurent soumis à la loi ancienne en vigueur à la date de leur conclusion ; qu'en l'espèce, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Cap Aud en contestation des clauses du bail, la cour d'appel a considéré que la loi du 18 juin 2014, qui a modifié la rédaction de l'article L. 145-15 du code de commerce, s'applique aux baux en cours lors de son entrée en vigueur et a relevé que l'action de la société Cap Aud, formalisée par un acte d'huissier de justice du 13 janvier 2016, avait été introduite postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article L. 145-15 du code de commerce, pris dans sa nouvelle rédaction, quand la modification apportée à l'article L. 145-15 du code de commerce par cette loi, qui ne comporte pas de disposition transitoire expresse contraire et qui n'a pas été prise pour des considérations d'ordre public particulièrement impératives, ne pouvait s'appliquer au bail commercial litigieux conclu le 20 mars 1998 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 145-15 du code de commerce, pris dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 juin 2014, ensemble le principe de survie de la loi ancienne ;

2°/ que l'action tendant à faire déclarer non écrite une clause ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement d'un bail commercial se prescrit par deux ans ; qu'en l'espèce, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Cap Aud en contestation des clauses du bail, la cour d'appel a considéré que l'action en reconnaissance du caractère non écrit d'une clause n'est pas soumise à la prescription et que, par conséquent, l'action de la société Cap Aud tendant à voir déclarer non écrite la clause du bail relative à la « révision » est imprescriptible et n'est pas soumise au délai de l'article L. 145-60 du code de commerce ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, ensemble l'article L. 145-60 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a relevé que la loi du 18 juin 2014, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce, leur caractère réputé non écrit.

12. Elle a retenu à bon droit que ce texte est applicable aux baux en cours et que l'action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription.

13. Elle en a exactement déduit que l'action tendant à voir réputer non écrite la clause du bail relative à la révision du loyer, formée le 13 janvier 2016, soit après l'entrée en vigueur de la loi précitée, était recevable.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. La SCI fait grief à l'arrêt de dire que les causes du commandement de payer délivré le 5 août 2014 étaient partiellement fondées et que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies, mais que, par l'effet des délais rétroactifs accordés jusqu'au 9 juin 2015 à la société Cap Aud pour apurer les causes du commandement, celle-ci est réputée n'avoir jamais joué, alors :

« 1°/ que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, après avoir considéré que les causes du commandement du 5 août 2014 étaient pour partie infondées, que la société Cap Aud avait versé au 9 juin 2015, entre les mains de l'huissier de justice, la totalité des causes du commandement, à savoir les loyers et indemnités d'occupation échus jusqu'en juin 2015, ainsi que le coût de l'ensemble des actes de procédure engagés par la SCI Caravelle pour parvenir à son expulsion, et qu'il y avait lieu de tenir compte des efforts fournis par la société locataire pour s'en acquitter, de la situation de la débitrice et des besoins de la créancière, la cour d'appel a accordé à la société Cap Aud des délais rétroactifs au 9 juin 2015 et a dit qu'en conséquence la clause résolutoire n'avait pu produire ses effets, quand les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce ne confèrent pas aux juges du fond la faculté d'accorder des délais de paiement de manière rétroactive ; qu'en se statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 145-41 du code de commerce ;

2°/ que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, pour accorder à la société Cap Aud des délais rétroactifs au 9 juin 2015 et dire, en conséquence, que la clause résolutoire n'avait pu produire ses effets, la cour d'appel, après avoir considéré que les causes du commandement du 5 août 2014 étaient pour partie infondées, a constaté que cette société avait versé au 9 juin 2015, entre les mains de l'huissier de justice, la totalité des causes du commandement, à savoir les loyers et indemnités d'occupation échus jusqu'en juin 2015, ainsi que le coût de l'ensemble des actes de procédure engagés par la SCI Caravelle pour parvenir à son expulsion, et a tenu compte des efforts fournis par la société locataire pour s'en acquitter, de la situation de la débitrice et des besoins de la créancière, sans rechercher, comme cela lui était pourtant demandé, si, au moment où la société Cap Aud avait sollicité un délai de paiement, la résiliation n'avait pas déjà été prononcée par une décision de justice ayant acquis autorité de chose jugée ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-41 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

16. La cour d'appel a relevé que, si les causes du commandement de payer étaient partiellement fondées et si les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies, la société locataire avait réglé, le 9 juin 2015, toutes les sommes dues entre les mains de l'huissier de justice poursuivant.

17. Elle a souverainement retenu, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que, compte tenu des efforts de la société locataire pour apurer la dette locative, il y avait lieu de lui accorder des délais rétroactifs au 9 juin 2015 en application de l'article L. 145-41 du code de commerce et en a exactement déduit que la clause résolutoire n'avait pas produit ses effets.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

19. La SCI fait grief à l'arrêt de dire que les causes du commandement de payer délivré le 5 août 2014 n'étaient pas partiellement fondées et que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies mais que, par l'effet des délais rétroactifs accordés jusqu'au 9 juin 2015 à la société Cap Aud pour apurer les causes du commandement, celle-ci est réputée n'avoir jamais joué, qu'en conséquence, l'expulsion de la société Cap Aud des locaux donnés à bail, réalisée en exécution d'un titre devenu inexistant ouvre droit pour la société locataire à un rétablissement de ses droits par équivalent, égal au moins à la valeur du fonds de commerce, de condamner la SCI Caravelle à rembourser à la société Cap Aud le coût des actes engagés à l'occasion de l'exécution forcée de la décision d'expulsion obtenue en référé devenus sans cause, de dire qu'un compte serait fait entre les parties, après le dépôt du rapport d'expertise, de débouter la SCI Caravelle de sa demande en paiement des loyers, charges, accessoires et indemnitésd'occupation arrêtées au 4ème trimestre 2014, de débouter la SCI Caravelle de sa demande en fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation, de rejeter la demande de la SCI Caravelle en paiement de la somme de 79 609,92 euros au titre des indemnités d'occupation échues entre le 11 juin 2015 et le 11 février 2016, et de rejeter sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, alors :

« 1°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision censurée qui présentent un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen du pourvoi relatifs à la recevabilité de l'action de la société Cap Aud entraînera l'annulation, par voie de conséquence, de tous les chefs de dispositif de l'arrêt attaqué visés par ce quatrième moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision censurée qui présentent un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le troisième moyen du pourvoi relatif à la validité du commandement de payer et aux délais de paiement accordés jusqu'au 9 juin 2015 à la société Cap Aud pour apurer les causes du commandement entraînera l'annulation, par voie de conséquence, des chefs du dispositif de l'arrêt attaqué ayant dit que l'expulsion de la société Cap Aud des locaux donnés à bail, réalisée en exécution d'un titre devenu inexistant ouvre droit pour la société locataire à un rétablissement de ses droits par équivalent, égal au moins à la valeur du fonds de commerce, d'avoir condamné la SCI Caravelle à rembourser à la société Cap Aud le coût des actes engagés à l'occasion de l'exécution forcée de la décision d'expulsion obtenue en référé devenus sans cause, d'avoir dit qu'un compte serait fait entre les parties, après le dépôt du rapport d'expertise, d'avoir débouté la SCI Caravelle de sa demande en paiement des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arrêtées au 4e trimestre 2014, d'avoir débouté la SCI Caravelle de sa demande en fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation, d'avoir débouté la SCI Caravelle de sa demande en paiement de la somme de 79 609,92 euros au titre des indemnités d'occupation échues entre le 11 juin 2015 et le 11 février 2016, et d'avoir débouté la SCI Caravelle de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

20. La cassation n'étant pas prononcée sur les premier et deuxième moyens, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Aldigé - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ; articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 22 juin 2017, pourvoi n° 16-15.010, Bull. 2017, III, n° 75 (cassation partielle).

Com., 12 novembre 2020, n° 19-10.579, (P)

Rejet

Loi étrangère – Mise en oeuvre par le juge français – Office du juge – Etendue – Détermination

Loi étrangère – Revendication par une partie – Effets – Etendue – Détermination

Loi étrangère – Mise en oeuvre par le juge français – Recherche de sa teneur – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018), la société agricole Domaine de Palayson et des grands châteaux de Villepey (la société Palayson), propriétaire d'un domaine viticole et d'un ensemble immobilier attenant, est détenue majoritairement par la société Château Holding, dont les actionnaires sont M. et Mme R... U... (les époux U...), lesquels détiennent également le reliquat d'actions de la société Palayson.

Le 10 décembre 2007, la société Palayson a souscrit auprès de la société Landsbanki Luxembourg (la banque), filiale de droit luxembourgeois d'une banque de droit islandais, un prêt « Equity Release » d'un montant de 7 850 000 euros, diminué ensuite à concurrence de 4 000 000 euros, remboursable in fine le 20 décembre 2027, seuls les intérêts étant payés pendant la durée du prêt.

En garantie de ce prêt, la société Palayson a consenti une affectation hypothécaire de son actif immobilier et un nantissement sur un contrat d'assurance-vie souscrit par les époux U... auprès de la société Lex Life & Pension, de droit luxembourgeois, appartenant au groupe Landsbanki.

2. Par un jugement d'un tribunal luxembourgeois du 8 octobre 2008, la banque a été admise au bénéfice de la procédure de sursis de paiement, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 12 décembre 2008, Mme F... étant désignée liquidateur.

3. Les intérêts du prêt n'étant plus réglés depuis le 27 août 2010, la banque a, le 22 février 2011, mis en demeure la société Palayson de régler les sommes dues dans un délai de huit jours, à défaut de quoi la déchéance du terme serait acquise.

4. Entre-temps et par un acte du 1er février 2011, la société Palayson a assigné la banque, son liquidateur et la société Lex Life & Pension, devant le tribunal de grande instance de Draguignan pour obtenir la nullité de l'affectation hypothécaire et du nantissement, et voir fixer le montant du capital restant dû au titre du prêt à la somme de 1 828 564,40 euros, cette somme demeurant remboursable au plus tard le 20 décembre 2027.

Par un jugement du 11 septembre 2014, le tribunal a déclaré l'action recevable, et rejeté les demandes de la société Palayson.

5. Par un jugement du 30 novembre 2015, la société Palayson a été mise en redressement judiciaire, la société Pellier étant désignée mandataire judiciaire. Elle a fait l'objet d'un plan de continuation le 9 janvier 2017, la société Pellier étant nommée commissaire à l'exécution du plan.

La banque a déclaré sa créance en principal et intérêts échus et à échoir, à titre privilégié, qui a été contestée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et cinquième branches, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. La société Palayson et la société Pellier, ès qualités, font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement du 11 septembre 2014 et de déclarer leurs demandes irrecevables, alors :

« 2°/ qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger, sans dénaturation ; que la jurisprudence luxembourgeoise pose que l'action en nullité et visant à voir dire qu'aucune obligation de remboursement n'incombe à l'emprunteur ne constitue pas une poursuite individuelle dont la suspension est imposée par l'article 452 du code de commerce luxembourgeois, sauf à ce que cette demande vise également à obtenir des dommages et intérêts de la personne sujette à la procédure collective ; qu'en retenant que les demandes principales des exposants étaient irrecevables du seul fait qu'elles « impliquaient une conséquence patrimoniale dont la cause est antérieure à la liquidation judiciaire », la cour d'appel a dénaturé le droit étranger en violation de l'article 3 du code civil ;

3°/ qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'il doit pour ce faire confronter les différentes sources du droit étranger invoquées par les parties ; qu'en l'espèce il était fait état, pour justifier de la recevabilité des demandes principales de l'exposante au regard du droit luxembourgeois (demandes en résolution ou nullité et à voir dire et juger que la société Palayson n'est plus débitrice de l'obligation de rembourser le prêt), d'un arrêt de la cour d'appel du Luxembourg du 3 avril 2014 aux termes duquel « les demandes tendant à voir constater l'inexistence, sinon à voir prononcer la nullité du contrat de prêt et du contrat de gage, (les emprunteurs) entendent voir dire qu'aucune obligation de remboursement ne leur incombe. Dans la mesure où la demande ne tend pas à la reconnaissance d'une créance au profit des appelants, mais tend à faire cesser leur situation de débiteurs à l'égard de la banque, elle ne tombe pas dans le champ d'application de l'article 452 du code de commerce. Cette demande ne constitue pas une poursuite individuelle dont la suspension est imposée par l'article 452 du code de commerce » ; qu'en se fondant sur le seul certificat de coutume fourni par la partie adverse et la consultation d'un professeur français sans tenir compte de l'interprétation jurisprudentielle luxembourgeoise de l'article 452 du code de commerce luxembourgeois, la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 3 du code civil ;

4°/ que le juge ne peut écarter les pièces du débat sans les examiner ; qu'en l'espèce il était fait état, pour justifier de la recevabilité des demandes principales de l'exposante au regard du droit luxembourgeois, d'un arrêt de la cour d'appel du Luxembourg du 3 avril 2014 qui retenait la recevabilité de l'action en nullité en ce qu'elle tend à voir constater l'absence d'une créance du chef de la banque, ce qui était confirmé par une consultation du professeur C... rappelant que la faillite de droit luxembourgeois s'apparente au droit français sous l'empire de la loi de 1967 qui reconnaît la recevabilité de l'action en nullité, et a été reconnu par deux arrêts des cours d'appel de Poitiers (3 juillet 2018) et Paris (12 novembre 2015), tous deux définitifs ; qu'en se fondant sur les seules pièces produites par la banque sans examiner celles produites par la société Palayson pour établir la teneur du droit luxembourgeois, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code civil ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt, après avoir énoncé que l'article 452 du code de commerce du Grand Duché du Luxembourg dispose qu'à partir du jugement déclaratif de faillite, toute action mobilière ou immobilière, toute voie d'exécution sur les meubles ou sur les immeubles ne pourra être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs de la faillite, retient que, selon le certificat de coutume produit aux débats, le principe de la suspension des poursuites individuelles résultant de ce texte fait que toutes les actions patrimoniales introduites postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure sont irrecevables, si elles sont exercées par des créanciers chirographaires dont la créance est née avant l'ouverture de la procédure de liquidation et qu'un tel principe n'est pas seulement général et absolu, mais aussi d'ordre public et doit être soulevé d'office par le juge, et que selon la consultation rédigée par M. V..., au regard du principe posé par ce texte, non seulement une demande de dommages-intérêts est irrecevable, mais aussi la demande d'annulation de l'affectation hypothécaire, de même que la demande en nullité du contrat de prêt, combinée à une demande en limitation des restitutions dues.

L'arrêt retient que la société Palayson, qui a saisi le tribunal par un acte du 1er février 2011, postérieur à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la banque, d'une demande d'annulation des affectations hypothécaires et qui, en cause d'appel, présente des demandes de nullité et de résolution du contrat de prêt, et de dommages-intérêts, et demande par ailleurs, en cas de succès de l'action en nullité, à ne pas être condamnée à la restitution du capital emprunté, tandis que la créance de la banque est née antérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation, agit en se prévalant de créances antérieures au jugement d'ouverture. Il en déduit que le succès des actions ainsi engagées ne pourrait qu'affecter le patrimoine de la banque et, par suite, le gage des créanciers, que ces actions présentent, en conséquence, un caractère patrimonial et se trouvent soumises au principe de suspension des poursuites individuelles.

9. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter et qui a, dans l'exercice de son appréciation souveraine de la teneur et de la portée du droit positif luxembourgeois, sans dénaturation, et par un arrêt motivé, retenu que l'action de la société Palayson et de son liquidateur se heurtait à la règle de la suspension des poursuites individuelles dont bénéficiait la banque, a légalement justifié sa décision.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SARL Corlay ; SARL Cabinet Munier-Apaire -

Textes visés :

Article 452 du code de commerce du Grand Duché de Luxembourg.

Rapprochement(s) :

Sur l'application de la loi étrangère par le juge français, à rapprocher : Com., 28 juin 2005, pourvoi n° 02-14.686, Bull. 2005, IV, n° 138 (cassation).

Com., 18 novembre 2020, n° 19-13.402, (P)

Cassation

Non-rétroactivité – Principe – Application en matière civile – Etendue – Détermination

Selon l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif. Les effets légaux d'un contrat étant régis par la loi en vigueur à la date où ils se produisent, l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, est applicable aux expertises ordonnées à compter du 3 août 2014, date de son entrée en vigueur.

Non-rétroactivité – Domaine d'application – Ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 – Expertises ordonnées postérieurement à son entrée en vigueur

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 2019), MM. G..., L..., D..., H..., N..., K..., M..., E..., P... et Mme A... (les consorts G...), devenus associés de la Société civile des Mousquetaires (la SCM) entre 1987 et 1999, en ont été exclus par des assemblées générales entre 1998 et 2009, lesquelles ont fixé la valeur unitaire de leurs parts sociales ainsi que les conditions de leur remboursement.

2. Contestant cette évaluation, les consorts G... ont, par des ordonnances des 7 mars 2007 et 1er février 2010, obtenu la désignation en justice d'un expert aux fins de fixation de la valeur de leurs droits sociaux.

L'expert désigné ayant déposé son rapport le 25 février 2011, les consorts G... ont assigné la SCM en remboursement de leurs parts sur la base de la valeur déterminée par l'expert.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les consorts G... font grief à l'arrêt d'annuler les rapports de l'expert et de rejeter leurs demandes, alors « que l'article 1843-4 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, n'est applicable qu'aux expertises ordonnées postérieurement à la date de son entrée en vigueur, soit le 3 août 2014 ; que pour dire que la nouvelle rédaction de ce texte était applicable à la situation des exposants, la cour d'appel a retenu que les rapports déposés par le tiers évaluateur, même s'ils étaient antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2014, avaient toujours été contestés par la SCM et n'avaient pas encore produit d'effet définitif en l'absence de décision les concernant ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses constatations que l'expert avait été désigné par ordonnance intervenue antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 31 juillet 2014, et qu'il avait de surcroît achevé sa mission avant cette date, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil, par refus d'application s'agissant de la version antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014, et par fausse application pour la version postérieure à cette disposition, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2 du code civil et l'article 1843-4 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014 :

5. Selon le premier de ces textes, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.

Les effets légaux d'un contrat étant régis par la loi en vigueur à la date où ils se produisent, l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, est applicable aux expertises ordonnées à compter du 3 août 2014, date de son entrée en vigueur.

6. Pour annuler les rapports d'expertise du 25 février 2011 et rejeter les demandes formées par les consorts G..., l'arrêt relève qu'il résulte des termes du rapport au Président de la République présentant les dispositions de l'ordonnance du 31 juillet 2014 que le législateur a entendu revenir sur l'interprétation extensive qui était faite par la Cour de cassation des dispositions de l'article 1843-4 pour faire prévaloir les dispositions statutaires quand celles-ci permettent de déterminer le prix des parts, notamment dans le cas d'exclusion d'un associé de société civile tel que l'associé de la SCM. Il ajoute que le législateur a entendu répondre à un impérieux motif d'intérêt général de sécurité juridique et rendre ainsi le nouveau texte applicable aux instances en cours même en cause d'appel, dans le but de corriger sans délai une interprétation juridictionnelle extensive de l'ancienne rédaction, sujette à controverse et de nature à générer un important contentieux. Il en déduit que la nouvelle rédaction est applicable à la situation des consorts G... dès lors que le rapport déposé par le tiers évaluateur, même s'il est antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2014, a toujours été contesté par la SCM et n'a pas encore produit d'effet définitif en l'absence de décision les concernant.

7. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'expert avait été désigné le 7 mars 2007 et le 1er février 2010, de sorte que l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014, était applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Les consorts G... font grief à l'arrêt d'annuler les rapports de M. F... en date du 25 février 2011 et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil a toute latitude pour déterminer la valeur des actions selon les critères qu'il juge opportuns ; qu'en jugeant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que la contestation des consorts G... sur le prix des parts offert par la SCM en application des dispositions du règlement intérieur et des statuts de la société « ne peut donc donner lieu, y compris sous l'empire de l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014, qu'à une évaluation conforme aux dispositions contractuelles librement consenties », la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014. »

Réponse de la Cour

9. Vu l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014 :

10. Il résulte de ce texte qu'il appartient à l'expert de déterminer lui-même, selon les critères qu'il juge appropriés à l'espèce, sans être lié par la convention ou les directives des parties, la valeur des droits sociaux litigieux.

11. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient qu'en devenant associés de la SCM, les consorts G... ont souscrit aux règles des statuts et du règlement intérieur qui stipule, en son article 7, le remboursement de la valeur des parts au prix déterminable selon les modalités qu'il prévoit. Il en déduit que la contestation par les consorts G... du prix des parts offert par la SCM en application de ces stipulations ne peut donner lieu, y compris sous l'empire de l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014, qu'à une évaluation conforme aux dispositions contractuelles librement consenties.

12. En statuant ainsi, alors que l'article 1843-4 du code civil est applicable aux cessions de droits sociaux imposées par les statuts ou le règlement intérieur de la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat général : Mme Beaudonnet - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 2 du code civil ; article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014.

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