Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

JUGE DE L'EXECUTION

2e Civ., 19 novembre 2020, n° 19-17.931, (P)

Rejet

Décision – Sursis à exécution – Domaine d'application

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 avril 2019) et les productions, un arrêt d'une cour d'appel du 4 avril 2008 a condamné M. G... F... et Mme D... F... à payer diverses sommes à Mme R..., veuve J..., M. Q... R..., M. C... R..., Mme M..., M. I... et M. L....

2. Mme R... a fait pratiquer plusieurs saisies de droits d'associé et de valeurs mobilières, dont une portant sur les parts sociales détenues par M. et Mme F... dans la SCI de la Vernède (la SCI).

3. G... F... est décédé en 2013, laissant pour lui succéder son épouse et ses trois enfants, E..., A... et S... F....

4. Le 16 décembre 2016, Mme R... a fait signifier le cahier des charges pour la vente des parts sociales de la SCI.

5. Par jugement du 4 avril 2017, un juge de l'exécution a débouté Mme D... F..., Mme E... F..., M. S... F... et M. A... F... (les consorts F...) de la demande de délai dont ils l'avaient saisi.

6. Le 6 avril 2017, les consorts F... ont interjeté appel de ce jugement et saisi, par acte du 13 avril 2017, le premier président d'une cour d'appel d'une demande de sursis à l'exécution sur le fondement de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution, qui a été rejetée par ordonnance du 16 juin 2017.

7. Selon procès-verbal de vente du 21 avril 2017, dressé par la Selarl Dubois Fontaine, huissiers de justice, les parts sociales de la SCI ont été adjugées à la société AB Home investissement.

8. Les consorts F... ont saisi un juge de l'exécution d'une demande de nullité de l'adjudication.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Les consorts F... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'adjudication faite le 21 avril 2017 par devant la Selarl Dubois Fontaine, huissiers de justice à Villepinte, alors « qu'en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel ; que jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; qu'en refusant d'annuler l'adjudication en date du 21 avril 2017, après avoir cependant constaté, d'une part, que les consorts F... avaient saisi le premier président de la cour d'appel en date du 13 avril 2017 d'une demande tendant à la suspension de l'exécution du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan rejetant qu'il leur soit accordé un délai de grâce et, d'autre part, que le sursis à exécution de ce jugement a été rejeté par une ordonnance du premier président de la cour d'appel en date du 16 juin 2017, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de l'article R. 121-22, alinéas 1 à 3, du code des procédures civiles d'exécution que le premier président de la cour d'appel peut ordonner le sursis à l'exécution de toutes les décisions du juge de l'exécution, à l'exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur des demandes dépourvues d'effet suspensif à moins qu'elles n'ordonnent la mainlevée d'une mesure.

11. Ayant retenu à bon droit que la saisine du juge de l'exécution d'une demande de délai de grâce est dépourvue d'effet suspensif, la cour d'appel en a exactement déduit que l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution est inapplicable aux jugements du juge de l'exécution déboutant l'appelant d'une demande de délais de grâce. C'est donc sans encourir les griefs du moyen qu'elle a statué comme elle l'a fait.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 25 mars 1999, pourvoi n° 97-15.645, Bull. 1999, II, n° 59 (cassation).

2e Civ., 19 novembre 2020, n° 19-20.700, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Pouvoirs – Etendue – Prononcé d'une condamnation à paiement – Condition

En application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution, saisi de la contestation d'une mesure d'exécution, n'étant tenu de statuer au fond que sur la validité et les difficultés d'exécution des titres exécutoires qui sont directement en relation avec la mesure d'exécution contestée, il n'entre pas dans les attributions de ce juge de prononcer une condamnation à paiement hors les cas prévus par la loi.

Compétence – Compétence d'attribution – Etendue – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 novembre 2018), sur le fondement d'une ordonnance d'injonction de payer du 7 mars 2006, la société Hoist Kredit Aktiebolag (la société Hoist Kredit AB), devenue la société Hoist Finance Aktielobag (la société Hoist Finance AB), a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de M. et Mme S....

2. Le 4 mai 2017, M. et Mme S... ont fait assigner la société Hoist Kredit AB devant un juge de l'exécution à fin d'annulation de l'ordonnance d'injonction de payer et de mainlevée de la saisie-attribution.

3. Par jugement du 28 mars 2018, le juge de l'exécution a déclaré caduque l'assignation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui est irrecevable.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme S... font grief à l'arrêt de déclarer recevable comme non prescrite l'action intentée par la société Hoist Kredit AB à l'encontre de M. et Mme S... et de les condamner en conséquence à payer à la société Hoist Kredit AB la somme totale de 15 753,41 euros, alors :

« 1°/ que si le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, il n'a pas compétence pour prononcer une condamnation au paiement ; qu'en condamnant les époux S... au paiement de la somme de 15 753,41 euros, la cour d'appel, saisie d'un appel d'une décision du juge de l'exécution, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ à titre subsidiaire, que le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ; qu'il entre donc dans ses pouvoirs de calculer le montant des intérêts dus en exécution de la condamnation ; qu'en refusant de rechercher le montant des intérêts dus en exécution de l'ordonnance d'injonction de payer en considération du cours du délai de prescription invoqué au prétexte inopérant qu'elle était saisie d'une demande d'exécution d'un titre exécutoire et non de fixation de créance, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

3°/ que le délai d'exécution d'un titre exécutoire, prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, n'est pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre ; que les créances périodiques nées d'une créance en principal fixée par un titre exécutoire à la suite de la fourniture d'un bien ou d'un service par un professionnel à un consommateur sont soumises au délai de prescription prévu à l'article L. 218-2 du code de la consommation, applicable au regard de la nature de la créance ; qu'en jugeant pourtant inopérante l'argumentation des emprunteurs tirée de la prescription biennale des actions des professionnels à l'encontre des consommateurs pour condamner les emprunteurs à payer la somme de 10 158,48 euros au titre des intérêts courus sur la condamnation prononcée par l'ordonnance d'injonction de payer, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire :

6. Le juge de l'exécution, saisi de la contestation d'une mesure d'exécution, n'étant tenu de statuer au fond que sur la validité et les difficultés d'exécution des titres exécutoires qui sont directement en relation avec la mesure d'exécution contestée, il n'entre pas dans les attributions de ce juge de prononcer une condamnation à paiement hors les cas prévus par la loi.

7. L'arrêt, après avoir écarté le moyen tiré de la prescription de la créance de la société Hoist Kredit AB soulevée par M. et Mme S..., les a condamnés à payer à celle-ci une certaine somme due en vertu de l'ordonnance d'injonction de payer du 7 mars 2006.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui statuait sur un recours contre une décision du juge de l'exécution, dans les limites des pouvoirs de ce dernier, ne pouvait pas prononcer de condamnation au paiement de la créance fondant les poursuites, mais seulement statuer sur les contestations de la mesure d'exécution soulevées devant elle, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme S... à payer à la société Hoist Kredit AB la somme totale de 15 753,41 euros, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

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