Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

FONDS DE GARANTIE

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 18-22.069, (P)

Cassation

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante – Victime de l'amiante – Action en justice contre le Fonds – Modalités – Saisine de la cour d'appel – Demande – Pièces justificatives – Recevabilité – Communication – Délai – Inobservation – Portée

Les dispositions des articles 27, 28 et 29 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001, qui fixent au demandeur à une action contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) un délai pour déposer ses pièces et documents justificatifs et au FIVA un délai pour transmettre le dossier, n'imposent pas à la cour d'appel d'écarter des débats les pièces produites à l'expiration de ces délais lorsqu'il est établi que la partie destinataire de la communication a été mise, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d'y répondre.

En conséquence, viole ces textes la cour d'appel qui déclare irrecevables les pièces produites par le demandeur au seul motif qu'elles n'ont pas été remises dans le délai imparti d'un mois.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 juillet 2018), F... K... est décédé le 26 mai 2016 des suites d'un cancer du péritoine. Sa fille, Mme L... K... et sa compagne, Mme I..., ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande de réparation de leurs préjudices personnels. Contestant l'offre d'indemnisation du FIVA, elles ont formé un recours devant une cour d'appel.

Examen du moyen relevé d'office

Vu les articles 27, 28 et 29 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 :

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

3. Selon le premier des textes susvisés, lorsque la déclaration écrite du demandeur exerçant devant la cour d'appel une action contre le FIVA ne contient pas l'exposé des motifs invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration, à peine d'irrecevabilité de la demande.

Selon le deuxième, les pièces et documents justificatifs produits par le demandeur doivent être mentionnés dans la déclaration ou dans l'exposé des motifs et doivent être remis au greffe de la cour d'appel en même temps que cette déclaration ou cet exposé des motifs.

Selon le troisième, dans le mois de la notification par le greffe de la déclaration de recours, le FIVA transmet le dossier au greffe de la cour d'appel.

4. Ces dispositions n'imposent pas à la cour d'appel d'écarter des débats les pièces produites à l'expiration des délais précités, lorsqu'il est établi que la partie destinataire de la communication a été mise, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d'y répondre.

5. La jurisprudence initiée par l'arrêt du 13 septembre 2007 (2e Civ., 13 septembre 2007, n° 06-20.337, Bull. II, n° 217) ne peut être maintenue sans méconnaître les principes de l'égalité des armes et de contradiction inhérents au droit à un procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En effet, en imposant à l'auteur du recours de déposer, à peine d'irrecevabilité, ses pièces et justificatifs dans un délai d'un mois alors que le délai imposé au FIVA n'est assorti d'aucune sanction, cette jurisprudence aboutit à placer l'auteur du recours dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire en matière d'administration de la preuve.

En outre, elle ne lui permet pas de produire de nouvelles pièces en réponse à l'argumentation et aux pièces du FIVA.

6. Pour fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Mme I... et de Mme L... K... à une certaine somme, l'arrêt énonce que sont irrecevables les pièces et documents justificatifs produits par le demandeur qui n'ont pas été déposés au greffe en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs ou qui ont été déposés postérieurement au délai d'un mois prescrit. Il ajoute qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la cour d'appel a été saisie du recours de Mmes A... et K... le 9 novembre 2017, que ces dernières devaient au plus tard déposer leurs pièces le 9 décembre 2017 et que les pièces 57 à 63, 67 à 75, 76 à 85 et 86 à 89, dont l'irrecevabilité est invoquée, ont été déposées postérieurement au délai d'un mois imparti.

7. En statuant ainsi, en considérant que les pièces litigieuses étaient irrecevables au seul motif qu'elles n'avaient pas été remises dans le délai imparti d'un mois, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : Me Balat ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 27, 28 et 29 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001.

Rapprochement(s) :

En sens contraire, sur les conditions de recevabilité des pièces justificatives fournies à l'appui d'une action en justice contre le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante : 2e Civ., 8 janvier 2009, pourvoi n° 08-14.127, Bull. 2009, II, n° 2 (cassation partielle) ; 2e Civ., 13 septembre 2007, pourvoi n° 06-20.337, Bull. 2007, II, n° 217 (cassation partielle).

2e Civ., 5 novembre 2020, n° 19-21.631, (P)

Rejet

Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages – Intervention – Intervention volontaire – Recevabilité – Conditions – Détermination

Aux termes de l'article L. 421-5 du code des assurances, le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) peut intervenir même devant les juridictions répressives et même pour la première fois en cause d'appel, en vue notamment de contester le principe ou le montant de l'indemnité réclamée, dans toutes les instances engagées entre les victimes d'accidents ou leurs ayants droit, d'une part, les responsables ou leurs assureurs, d'autre part.

Il en résulte que l'intervention volontaire du FGAO sur le fondement de ce texte est subordonnée à l'existence d'une instance opposant la victime d'un accident ou ses ayants droit, d'une part, et le responsable ou son assureur, d'autre part.

En conséquence, une cour d'appel, qui constate que le litige oppose seulement l'assureur du responsable à son assuré, en déduit exactement que l'intervention du FGAO est irrecevable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 26 mars 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 15-29.008) et les productions, M. S..., souscripteur d'une police d'assurance automobile auprès de la société AGF Iard, devenue Allianz Iard (l'assureur), par avenant à effet du 4 juillet 2009, fait assurer un véhicule.

2. Le 28 novembre 2009, ce véhicule, conduit par M. S..., a été impliqué dans un accident de la circulation, à l'occasion duquel un tiers a été blessé.

3. Par arrêt du 11 avril 2011, M. S... a été condamné pénalement des chefs de blessures involontaires et de mise en circulation d'un véhicule non réceptionné ou non conforme à un type réceptionné.

4. L'assureur l'a alors assigné en annulation du contrat d'assurance et en remboursement des indemnités versées à la victime.

5. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) est intervenu volontairement à l'instance devant la juridiction de renvoi.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le FGAO fait grief à l'arrêt de déclarer son intervention volontaire irrecevable, alors :

« 1°/ que le Fonds de garantie, dont la vocation est subsidiaire, est toujours recevable à intervenir dans l'instance dans laquelle l'assureur poursuit la nullité du contrat d'assurance automobile pour dire que, le cas échéant, une nullité à intervenir ne lui sera pas opposable et ne sera pas opposable à la victime ; qu'en déclarant l'intervention volontaire du Fonds de garantie irrecevable faute d'intérêt pour le Fonds à intervenir dans l'instance dans laquelle la société Allianz poursuivait la nullité du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par M. S..., la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et L. 421-1 et L. 421-5 du code des assurances ;

2°/ qu'en opposant au Fonds de garantie que la question de l'opposabilité de la nullité du contrat à lui-même et à la victime, avec comme conséquence la garantie due par l'assureur à celle-ci, « n'était pas en question dans le présent litige », quand elle était pourtant saisie d'une demande de l'assureur tenant à « dire que la compagnie Allianz [...] n'est pas tenue de garantir Y... S... des conséquences de l'accident survenu le 28 novembre 2009, dans lequel est impliqué le véhicule Subaru immatriculé [...] », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 421-5 du code des assurances, le fonds de garantie peut intervenir même devant les juridictions répressives et même pour la première fois en cause d'appel, en vue notamment de contester le principe ou le montant de l'indemnité réclamée, dans toutes les instances engagées entre les victimes d'accidents ou leurs ayants droit, d'une part, les responsables ou leurs assureurs, d'autre part.

9. Il en résulte que l'intervention volontaire du FGAO sur le fondement de ce texte est subordonnée à l'existence d'une instance opposant la victime d'un accident ou ses ayants droit, d'une part, et le responsable ou son assureur, d'autre part.

10. La cour d'appel ayant constaté que le litige opposait seulement l'assureur à son assuré, M. S..., le moyen qui invoque la violation d'un texte inapplicable en l'espèce est inopérant.

11. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article L. 421-5 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Crim., 10 février 1993, pourvoi n° 92-81.391, Bull. crim. 1993, n° 69 (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.