Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

ETRANGER

1re Civ., 4 novembre 2020, n° 19-20.772, (P)

Cassation sans renvoi

Contrôles – Contrôle d'identité sur le fondement de l'article 8271-6-1 du code du travail – Conditions – Consentement préalable des intéressés

Il résulte des articles L. 8211-1 et L. 8271-6-1 du code du travail que les officiers et agents de police judiciaire, dans leur mission de lutte contre le travail illégal, ne peuvent obtenir les justifications d'identité et d'adresse prévues par ces textes sans le consentement préalable des intéressés à être entendus.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Nîmes, 28 janvier 2019), et les pièces de la procédure, le 22 janvier 2019, les fonctionnaires de police ont effectué un contrôle de travail dissimulé sur un chantier de construction d'une maison individuelle et procédé au contrôle d'identité de M. I..., de nationalité albanaise. Celui-ci, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative.

2. Le 24 janvier 2019, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par le préfet, d'une requête en prolongation de la mesure.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. M. I... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 8271-6-1 du code du travail que les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, avec leur consentement, toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature ; que ces dispositions sont d'application stricte ; qu'en déclarant régulier le contrôle d'identité de M. I... sans constater son consentement à son audition, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 8271-6-1 du Code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 8211-1 et L. 8271-6-1 du code du travail :

4. Selon ces textes, les officiers et agents de police judiciaire sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal et sont habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu'à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l'exercice de leur mission, de justifier de leur identité et de leur adresse.

5. Il en résulte que les officiers et agents de police judiciaire ne peuvent obtenir ces justifications sans le consentement préalable des intéressés à être entendus.

6. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de la procédure, l'ordonnance relève que le contrôle de l'identité de M. I... est intervenu sur le fondement de l'article L. 8271-6-1 du code du travail.

7. En statuant ainsi, sans constater que celui-ci avait préalablement consenti à son audition, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 28 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 8211-1 et L. 8271-6-1 du code du travail.

1re Civ., 4 novembre 2020, n° 19-20.966, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Procédure – Nullité – Cas – Nullité de la procédure judiciaire préalable – Exclusion – Applications diverses – Contrôle de la régularité d'une procédure d'expulsion d'un local d'habitation

Il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention, statuant sur une demande de prolongation d'une rétention administrative, de se prononcer sur la régularité d'une procédure d'expulsion d'un local d'habitation, question relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 8 juin 2019), et les pièces de la procédure, M. I..., ressortissant ivoirien, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral du 4 juin 2019, à la suite d'une opération d'expulsion d'un immeuble qu'il occupait sans droit ni titre avec d'autres ressortissants étrangers.

2. Le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. I... d'une contestation de la décision de placement en rétention et par le préfet d'une demande de prolongation de cette mesure.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, L. 552-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

5. En vertu du premier de ces textes, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

Selon le second, en matière de compétence d'attribution, tout juge autre que le juge de l'exécution doit relever d'office son incompétence.

6. Lorsque la régularité d'un contrôle des titres de séjour est contestée devant le juge des libertés et de la détention, saisi d'une demande de prolongation d'une mesure de rétention administrative sur le fondement du troisième de ces textes, celle-ci ne s'apprécie qu'au regard des critères posés par le quatrième.

7. Pour annuler l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonner la remise en liberté de M. I..., l'ordonnance retient que les opérations d'expulsion justifiant le contrôle de l'intéressé sont irrégulières et que ce contrôle l'est également.

8. En statuant ainsi, alors qu'il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention, statuant sur une demande de prolongation d'une rétention administrative, de se prononcer sur la régularité d'une procédure d'expulsion d'un local d'habitation, question relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle dit l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 8 juin 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ; article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ; articles L. 552-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 14 février 2006, pourvoi n° 05-12.641, Bull. 2006, I, n° 77 (cassation sans renvoi) ; 1re Civ., 6 juin 2012, pourvoi n° 11-11.384, Bull. 2012, I, n° 120 (cassation sans renvoi).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.