Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 4 novembre 2020, n° 18-20.210, (P)

Cassation partielle

Actionnariat des salariés – Plan d'épargne d'entreprise – Règlement – Modification – Conditions – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L.3332-1 du code du travail, le plan épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières.

Selon l'article R. 3332-3 du code du travail, le règlement du plan précise les modifications du choix de placement initial pouvant intervenir à l'occasion du départ du salarié de l'entreprise.

Il en résulte que la modification du plan réalisée conformément aux règles applicables selon qu'il s'agit d'une décision unilatérale ou d'un accord collectif, s'impose à tous les porteurs de parts, sans qu'il soit besoin de recueillir leur consentement, quelle que soit la date des versements effectués sur leur compte au plan épargne entreprise.

Actionnariat des salariés – Plan d'épargne d'entreprise – Règlement – Modification – Mise en oeuvre – Délai – Non-respect par l'employeur – Portée

La seule méconnaissance par l'employeur du délai de mise en oeuvre de la modification du règlement du plan épargne d'entreprise se résout en dommages et intérêts. Doit en conséquence être approuvé, l'arrêt qui, après avoir constaté que le porteur de part avait été informé le 24 avril 2013, des conditions de réaffectation automatique de son épargne en cas de départ de l'entreprise, telles qu'elles résultaient d'une part de la modification du plan d'épargne initial opérée par avenant du 16 octobre 2007 et d'autre part de la modification du règlement du plan d'épargne d'entreprise intervenue le 24 avril 2013, a retenu que le transfert de ses avoirs du fonds actions vers le fonds monétaire Natixis Avenir qui avait eu lieu ce même jour, alors que l'article 21 du règlement du plan d'épargne d'entreprise prévoyait que les modifications entraient en vigueur trois jours après l'information des porteurs de parts, ne pouvait donner lieu qu'à des dommages et intérêts que l'intéressé ne sollicitait pas.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 mai 2018), M. W... a été engagé le 4 janvier 1989, en qualité d'assistant principal, chef de mission, par la société d'expertise comptable Guerard Viala aux droits de laquelle vient la société Mazars.

2. Après avoir acquis le statut d'associé du groupe Mazars, tout en conservant sa qualité de salarié, il est devenu, en 2007, directeur de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et membre du comité Régions regroupant les dirigeants de région.

3. La société Mazars a mis en place, par décision unilatérale du 1er septembre 1996, un plan d'épargne d'entreprise offrant aux salariés la faculté d'investir des fonds dans différents FCPE, dont des FCPE dédiés leur permettant d'acquérir indirectement des actions ou obligations Mazars et prévoyant que ceux qui quittent l'entreprise, à l'exception des retraités et préretraités, ne peuvent plus alimenter leur compte au plan d'épargne entreprise mais peuvent néanmoins après leur départ conserver sur leur compte les sommes placées.

4. Le salarié a fait le choix d'acquérir des actions Mazars & Guerard qui sont devenues des parts du FCPE Mazars & Guerard Actions.

5. Par un avenant du 16 octobre 2007, adopté après avis du comité d'entreprise, la société Mazars a apporté différentes modifications au plan initial, en y ajoutant notamment une clause prévoyant le transfert automatique de l'épargne investie en titres de l'entreprise que le salarié quitte, en parts du FCPE Multi-entreprises à orientation monétaire « Natixis Avenir 6 Sécurité ».

6. L'article 15 du règlement du FCPE du 7 septembre 2010 précisait ainsi que les porteurs de parts ayant quitté l'entreprise étaient avertis de la disponibilité de leurs parts et que leurs parts seraient transférées, à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de disponibilité des droits dont ils étaient titulaires, vers le fonds commun de placement monétaire.

7. Après avoir été licencié le 10 septembre 2012, le salarié a été averti, par lettre du 24 avril 2013, qu'en raison de son départ de l'entreprise, il était procédé, aux termes d'une demande formulée auprès de Natixis Interépargne, au transfert automatique, en date du jour même, de ses parts du FCPE Mazars Actions.

8. Reprochant notamment à son ancien employeur d'avoir ainsi réaffecté, sans qu'il en fût informé, son épargne du fonds commun de placement initial vers le fonds commun de placement à orientation monétaire « Natixis Avenir 6 Sécurité », il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir, à titre principal, la nullité de ce transfert et la réaffectation de son épargne ainsi que le paiement de diverses sommes notamment au titre de la rupture du contrat de travail et au titre de la clause de non concurrence.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal du salarié et le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur ;Publication sans intérêt

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre premières branches, du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité du FCPE Mazars Actions et du transfert automatique de ses parts effectué le 24 avril 2013 ainsi que de sa demande en paiement des dividendes qui lui étaient dus annuellement depuis son licenciement, alors :

« 1°/ qu'il n'invoquait pas à l'appui de sa contestation de la validité du transfert de ses parts du FCPE Mazars Actions le non-respect par l'employeur de son obligation d'information relative à l'insertion de la nouvelle disposition de l'article 4.4 dans le règlement du plan d'épargne d'entreprise mais faisait valoir que les dispositions de l'article 4.4 prévoyant un transfert automatique des parts des salariés quittant l'entreprise lui étaient inopposables pour les acquisitions de parts qu'il avait faites avant la modification du règlement du PEE, soit la quasi-totalité de ses actions ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer que la disposition de l'article 4.4 lui était opposable, que la ''sanction du défaut d'information d'un salarié n'est pas l'inopposabilité de l'accord'', la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3332-1, R. 3332-2 et L. 3332-7 du code du travail ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, il soutenait que le transfert automatique des parts en cas de départ du salarié de l'entreprise prévu par l'article 4.4 inséré au règlement du plan d'épargne entreprise par un avenant en date du 16 octobre 2007 ne pouvait concerner les parts souscrites avant l'adoption de cette disposition, nécessairement exclues de son champ d'application ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions d'appel, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 ;

3°/ qu'en se bornant à affirmer que l'avenant du 16 octobre 2007 était également applicable à tous sans préciser les raisons qui lui faisaient considérer que l'article 4.4 de cet avenant avait vocation à s'appliquer quelle que soit la date d'acquisition des titres transférés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 3332-2 du code du travail et 1134 du code civil ;

4°/ qu'en statuant par de tels motifs qui ne mettent pas en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur l'exacte application de la règle de droit, la cour d'appel a, derechef, violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Aux termes de l'article L. 3332-1 du code du travail, le plan épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières.

12. Selon l'article R. 3332-3 du code du travail, le règlement du plan précise les modifications du choix de placement initial pouvant intervenir à l'occasion du départ du salarié de l'entreprise.

13. Il en résulte que la modification du plan réalisée conformément aux règles applicables selon qu'il s'agit d'une décision unilatérale ou d'un accord collectif, s'impose à tous les porteurs de parts, sans qu'il soit besoin de recueillir leur consentement, quelle que soit la date des versements effectués sur leur compte au plan épargne entreprise.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en ses autres branches, du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

15. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ que dès la souscription d'un plan épargne entreprise, l'employeur est débiteur, en vertu de l'article L. 3332-7 du code du travail, d'une obligation d'information qui ne porte pas seulement sur l'existence de ce plan mais doit aussi concerner son contenu ; que le non-respect par l'employeur de son obligation d'informer le personnel des modifications intervenues relatives aux modifications de choix de placement en cas de départ de l'entreprise est sanctionné par l'inopposabilité des dispositions du règlement modifié, sans que l'information délivrée aux représentants du personnel puisse suppléer l'absence d'information individuelle délivrée à un salarié ; qu'ayant relevé que la société Mazars ne s'était pas acquittée de son obligation d'information lors de l'insertion dans le règlement du plan d'épargne d'entreprise, par un avenant du 16 octobre 2007, d'un article 4.4 qui prévoyait qu'en cas de perte de la qualité de salarié ou d'associé, les avoirs en parts des FCPE ''Mazars et Guerard Actions'' seraient automatiquement transférés en parts d'un FCPE Multi-entreprises à orientation monétaire, la cour d'appel qui, pour déclarer néanmoins opposable à M. W... l'article 4.4 du règlement, a retenu que cette disposition avait fait l'objet d'une information du comité d'entreprise, a statué par un motif inopérant, en violation des articles L. 3332-7, L. 3332-1 et R. 3332-3 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;

6°/ que dès la souscription d'un plan épargne entreprise, l'employeur est débiteur, en vertu de l'article L. 3332-7 du code du travail, d'une obligation d'information qui ne porte pas seulement sur l'existence de ce plan mais doit aussi concerner son contenu ; que le non-respect par l'employeur de son obligation d'informer le personnel des modifications apportées au règlement relatives aux modifications de choix de placement en cas de départ de l'entreprise est sanctionné par l'inopposabilité aux intéressés des dispositions du règlement modifié et la nullité subséquente du transfert des avoirs d'un salarié décidé et réalisé en application d'une clause qui lui était inopposable ; qu'après avoir relevé que le 24 avril 2013, l'article 15 du règlement du FCPE Mazars Actions avait été modifié en ce qu'il prévoyait désormais que les parts des salariés ayant quitté l'entreprise seraient automatiquement transférées dans le compartiment ''Avenir Monétaire du FCPE Avenir'', classé Monétaire euro, dès lors que la société Mazars en aura informé le teneur de compte conservateur de parts et l'intéressé, la Cour d'appel a retenu qu'en raison de l'absence d'information délivrée à M. W... concernant les modifications des dispositions antérieures du règlement du FCPE Mazars Actions relatives au départ du salarié de l'entreprise, l'article 15, dans sa nouvelle version, ne lui était pas applicable à la date du 24 avril 2013 de sorte que la société Mazars devait respecter les règles prévues par l'article 15 dans sa rédaction antérieure qui prévoyait un transfert à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date de disponibilité des parts, et qu'elle ne pouvait procéder au transfert des parts le jour même de la modification du règlement, le 24 avril 2013 ; qu'en considérant néanmoins que cette irrégularité n'entraînait pas l'annulation du transfert au motif inopérant qu'en vertu de l'article 21 du règlement du FCPE, la modification du règlement était devenu opposable au salarié le 27 avril 2013, la cour d'appel a violé les article L. 3332-7, L. 3332-1 et R. 3332-3 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;

7°/ qu'en demandant le paiement des dividendes qui lui étaient dus depuis son licenciement, il demandait implicitement mais nécessairement réparation du préjudice résultant pour lui de la vente forcée de ses actions réalisée de façon illicite le 24 avril 2013 si bien qu'après avoir constaté l'irrégularité dont était affecté le transfert des avoirs du salarié, la cour d'appel qui rejette les demandes formées à ce titre par l'intéressé en déclarant qu'il ne formule aucune demande de dommages-intérêts, a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. Aux termes de l'article R. 3332-3 du code du travail, le règlement du plan précise les modifications du choix de placement initial pouvant intervenir à l'occasion du départ du salarié de l'entreprise.

17. Selon l'article 15 du règlement du plan tel que modifié le 24 avril 2013, les parts des salariés ayant quitté l'entreprise, seront automatiquement transférés dans le compartiment « Avenir Monétaire » du FCPE « Avenir » classé « Monétaire », dès lors que la société Mazars en aura informé le teneur de compte conservateur des parts et l'intéressé.

L'article 21 de ce règlement précise que toute modification du règlement entre en vigueur au plus tôt trois jours ouvrés après l'information des porteurs de parts.

18. La seule méconnaissance par l'employeur de ce délai de mise en oeuvre de la modification du règlement du plan se résout en dommages-intérêts.

19. La cour d'appel, après avoir constaté que le salarié avait été informé le 24 avril 2013 des conditions de réaffectation automatique de son épargne en cas de départ de l'entreprise, telles qu'elles résultaient d'une part de la modification du plan d'épargne initial opérée par avenant du 16 octobre 2007 et d'autre part de la modification du règlement du plan d'épargne d'entreprise intervenue le 24 avril 2013, a relevé que le transfert de ses avoirs du fonds actions vers le fonds monétaire Natixis Avenir avait eu lieu ce même jour, alors que l'article 21 du règlement du plan d'épargne d'entreprise prévoyait que les modifications entraient en vigueur trois jours après l'information des porteurs de parts. Elle en a déduit exactement, sans méconnaître les termes du litige, que cette mise en oeuvre anticipée ne pouvait donner lieu qu'à des dommages-intérêts que le salarié ne sollicitait pas.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal du salarié ;Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident formé par la société Mazars ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. W... de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés calculée sur la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, l'arrêt rendu le 25 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L.3332-1et R. 3332-3 du code du travail.

Soc., 25 novembre 2020, n° 18-13.769, (P)

Cassation partielle

Employeur – Détermination – Coemployeurs – Notion – Critères – Détermination – Portée

Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 19 janvier 2018), le groupe David, composé de la société David miroiterie et de la société David services, a été repris le 22 septembre 2010 par le groupe verrier japonais AGC (Asahi Glass Compagny Limited).

La société AGC France exerçait la présidence de la nouvelle société AGC David miroiterie venue aux droits de la société David miroiterie et ayant absorbé la société David services.

Les actions de la société AGC David miroiterie étaient détenues par une autre société du groupe, également présidée par la société AGC France.

2. Les salariés non protégés ont été licenciés pour motif économique le 16 mai 2012, en raison de la cessation d'activité de la société AGC David miroiterie. Celle-ci a été placée le 9 janvier 2013 en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 9 avril 2013, Mme UN... étant désignée en qualité de liquidatrice.

3. Contestant leur licenciement, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de la société AGC David miroiterie et de la société AGC France, invoquant la qualité de coemployeur de celle-ci.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société AGC France fait grief à l'arrêt de la déclarer coemployeur avec la société AGC David miroiterie, de dire qu'elle est tenue, in solidum avec cette dernière société, au paiement et au remboursement de diverses sommes, et de la condamner au paiement de ces sommes, alors « qu'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant, pour décider que la société AGC France avait la qualité de coemployeur des salariés à la cause, qu'à compter de février 2012, la société AGC David miroiterie a délégué à cette société la gestion de ses ressources humaines, que cette dernière lui a facturé son intervention, que dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, que cette dernière société a géré sa trésorerie et, qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, elle a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David miroiterie, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :

5. La Cour juge de façon constante que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière (Soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.209 et s., Bull. 2014, V, n° 159, Molex ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-27.266 et s., Bull. 2016, V, n° 146, Continental ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-26.541, Bull. 2016, V, n° 145, Proma ; Soc., 6 juillet 2016, n° 15-15.481 à 15-15.545, Bull. 2016, V, n° 147, 3 Suisses).

6. Le premier de ces arrêts a ainsi été commenté par la chambre sociale (Site de la Cour, mensuel du droit du travail n° 56, juillet 2014, p. 4) : « L'arrêt confirme l'importance prise par ce critère d'immixtion dans la gestion économique et sociale de sa filiale par la société mère. Seule est susceptible d'être reprochée à une société mère son immixtion globale et permanente dans le fonctionnement de sa filiale, qui doit prendre à la fois une dimension économique et une dimension sociale. (...) Il n'y a immixtion sociale qu'à condition que la direction du personnel et la gestion des ressources humaines soient prises en main par la société mère qui ne permet plus à la filiale de se comporter comme le véritable employeur à l'égard de ses salariés.

La situation de coemploi devrait donc rester exceptionnelle. »

7. Il apparaît nécessaire eu égard à l'évolution du contentieux de préciser les critères applicables en la matière.

8. Il y a lieu de juger, en application de l'article L. 1221-1 du code du travail précité, que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

9. Pour déclarer la société AGC France coemployeur avec la société AGC David miroiterie, dire qu'elle est tenue, in solidum avec cette dernière société, au paiement et au remboursement de diverses sommes et la condamner au paiement de ces sommes, l'arrêt retient que les sociétés AGC David miroiterie, AGC France, les autres filiales ou sous-filiales oeuvraient toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales -dont AGC David miroiterie- plus particulièrement dans la transformation du verre.

10. L'arrêt relève également que la société AGC France présidait, par l'intermédiaire d'un directeur, M. KR..., qui la représentait, d'une part, la société AGC David miroiterie, d'autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David miroiterie. Il constate que M. KR... avait réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David miroiterie, géré des litiges commerciaux, signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d'embauche, d'avertissement, de rupture, ainsi qu'un accord salarial en février 2011 et accordé des congés payés, sans que soit démontrée l'existence de consignes particulières données par la société AGC David miroiterie à ces diverses occasions.

11. L'arrêt constate encore que si les éléments produits ne permettent pas d'établir que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que celle-ci fixait les prix de vente, il était imposé en revanche à la société AGC David miroiterie de traiter diverses commandes, rarement rentables, pour d'autres sociétés du groupe, qu'elle était parfois amenée à prêter ses machines à d'autres sociétés françaises du groupe et bénéficiait également de prêts.

12. L'arrêt retient enfin qu'il existait, entre les sociétés AGC France et AGC David miroiterie, une confusion de direction, d'intérêt et d'activités qui s'est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion sociale de la société AGC David miroiterie, la seconde ayant délégué à la première, à compter de février 2012, la gestion de ses ressources humaines et la société AGC France lui ayant facturé son intervention. Il ajoute que cette confusion s'est également traduite par une immixtion anormale dans la gestion économique puisque, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une autre filiale du groupe, moyennant redevance, et que la trésorerie a été gérée par la société AGC France.

L'arrêt observe que, en outre, entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit d'autres filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David miroiterie.

13. En se déterminant ainsi, sans caractériser une immixtion permanente de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société AGC David miroiterie et la société AGC France coemployeuses des salariés, juge que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à l'égard de la société AGC France, condamne la société AGC France au paiement de ces sommes, juge que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de diverses sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au remboursement à Pôle Emploi des allocations de chômage versées aux salariés et condamne la société AGC France au paiement de ces sommes, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prache - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 1221-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la définition de la notion de coemploi, à rapprocher : Soc., 6 juillet 2016, pourvoi n° 15-15.481, Bull. 2016, V, n° 147 (rejet) ; Sur la définition de la notion de coemploi, évolution par rapport à : Soc., 10 décembre 2015, pourvoi n° 14-19.316, Bull. 2015, V, n° 252 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 6 juillet 2016, pourvoi n° 14-27.266, Bull. 2016, V, n° 146 (cassation partielle), et pourvois suivants ; Soc., 7 mars 2017, pourvoi n° 15-16.865, Bull. 2017, V, n° 39 (cassation partielle).

Soc., 4 novembre 2020, n° 19-12.775, (P)

Rejet

Employeur – Obligations – Mise en place d'institutions représentatives du personnel – Carence – Procès-verbal de carence – Défaut – Faute – Caractérisation – Portée

La Cour a jugé (Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 108 (cassation partielle) ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392, V, n° 1466 (cassation partielle)), qu'il résulte de l'application combinée de l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 27 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil et de l'article 8, § 1, de la directive n° 2002/14/CE du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

En revanche, il appartient au salarié de démontrer l'existence d'un préjudice lorsque, l'institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l'institution représentative du personnel, les salariés n'étant pas dans cette situation privés d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

Employeur – Obligations – Mise en place d'institutions représentatives du personnel – Préjudice – Preuve – Nécessité – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 novembre 2018), M. S... a été engagé par la société 2L Multimédia en 2008.

2. Il a saisi le 19 avril 2016 la juridiction prud'homale de demandes de dommages et intérêts notamment pour harcèlement moral, puis, à la suite de son licenciement intervenu le 20 janvier 2017, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le trois premiers moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour refus de mise en place des élections des délégués du personnel, alors « que des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des délégués du personnel titulaires est réduit de moitié ou plus ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts à raison du défaut d'organisation des élections par l'employeur après avoir constaté qu'il n'avait pas été procédé à de nouvelles élections avant juin 2016 en suite du départ des délégués titulaires en novembre 2013 et avril 2014, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légale de ses propres constatations au regard de l'article L. 2314-7 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

5. La Cour a jugé (Soc., 17 mai 2011, pourvoi n° 10-12.852, Bull. 2011, V, n° 108 ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-14.392 publié), qu'il résulte de l'application combinée de l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail, 1382 du code civil et de l'article 8, § 1, de la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

6. En revanche, il appartient au salarié de démontrer l'existence d'un préjudice lorsque, l'institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l'institution représentative du personnel, les salariés n'étant pas dans cette situation privés d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

7. Il résulte de l'arrêt de la cour d'appel et des productions, d'une part, qu'à la suite des élections des délégués du personnel ayant eu lieu en avril 2013, les deux élus délégués du personnel titulaires ont quitté l'entreprise respectivement en novembre 2013 et avril 2014 et l'un des deux suppléants a également quitté l'entreprise en avril 2014, ce dont il résultait qu'un délégué du personnel était toujours présent et d'autre part que dès que le salarié avait demandé l'organisation d'élections partielles, l'employeur y avait procédé.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2323-1 et L. 2324-5 du code du travail ; article 1382 du code civil ; article 8, § 1, de la directive n° 2002/14/CE du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ; alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Soc., 12 novembre 2020, n° 19-18.490, (P)

Rejet

Employeur – Obligations – Sécurité des salariés – Obligation de sécurité – Manquement – Préjudice – Préjudice spécifique d'anxiété – Action en réparation – Prescription – Délai – Nature – Détermination – Portée

L'action par laquelle un salarié, ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, demande réparation du préjudice d'anxiété, au motif qu'il se trouve, du fait de l'employeur, dans un état d'inquiétude permanente généré par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, se rattache à l'exécution du contrat de travail.

Il en résulte que cette action est soumise à la prescription de deux ans prévue à l'article L. 1471-1 du code du travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 novembre 2018), M. M... a travaillé de 1957 à 1987, en qualité de laveur cuiseur en ligne de fibre, au sein d'un établissement de production de pâte à papier, implanté à Tarascon et exploité en dernier lieu par la société Fibre excellence Tarascon.

2. Par arrêté ministériel du 2 octobre 2013 publié le 12 octobre 2013, cet établissement a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période 1951 à 2001.

3. Le 3 novembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réparation de son préjudice d'anxiété.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite et de le débouter de ses demandes, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action en reconnaissance du préjudice d'anxiété se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit au plus tôt à compter du jour de publication de l'arrêté ayant inscrit l'établissement employeur sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'ayant constaté que le salarié avait travaillé de 1957 à 1987 au sein de l'établissement de la société Fibre excellence Tarascon inscrit, pour la période courant de 1951 à 2001, sur la liste susvisée par un arrêté en date du 2 octobre 2013 publié le 12 octobre 2013, tout en refusant de lui faire bénéficier du délai de prescription susvisé d'une durée de cinq ans, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, 26- II de cette même loi et 2224 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

6. L'action par laquelle un salarié, ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, demande réparation du préjudice d'anxiété, au motif qu'il se trouve, du fait de l'employeur, dans un état d'inquiétude permanente généré par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, se rattache à l'exécution du contrat de travail.

7. Ayant constaté que l'arrêté ministériel qui a inscrit l'établissement de Tarascon sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre du régime légal de l'ACAATA avait été publié le 12 octobre 2013, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de prescription de l'action du salarié expirait le 12 octobre 2015 de sorte que la demande introduite postérieurement à cette date était prescrite.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article L. 1471-1 du code du travail ; article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.

Soc., 18 novembre 2020, n° 19-15.795, (P)

Rejet

Employeur – Redressement et liquidation judiciaires – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Exercice de l'action – Action directe du salarié contre les institutions de garantie – Possibilité (non) – Fondements – Détermination – Portée

Les articles L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail excluent pour le salarié le droit d'agir directement contre les institutions de garantie et lui permettent seulement de demander que les créances litigieuses soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour lesdites institutions de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.

Employeur – Redressement et liquidation judiciaires – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Mise en oeuvre – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 20 novembre 2018), par protocole d'accord du 4 décembre 2003, la majorité des actions constituant le capital de la société Comptoir automobile réunionnais (la société CAR), créée en 1994, dont M. A... était l'un des fondateurs et dirigeant, a été cédée à la société Groupe Caillé. M. A... qui cessait ses fonctions de dirigeant, a conclu avec la société CAR un contrat de travail à effet au 1er janvier 2004 pour exercer des fonctions de responsable commercial.

2. Suite à la liquidation judiciaire de la société CAR, le liquidateur a notifié le 9 novembre 2010 à M. A... son licenciement pour motif économique et ses indemnités de rupture ont été liquidées sur la base d'une ancienneté acquise au 1er janvier 2004.

3. Se prévalant d'une ancienneté depuis le 1er avril 1994 comme directeur général salarié de la société CAR, M. A... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de l'AGS à lui payer une certaine somme au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. M. A... fait grief à l'arrêt de dire ses demandes irrecevables, alors :

« 1°/ que le juge doit d'office, lorsqu'un salarié dont l'employeur fait l'objet d'une procédure collective formule une demande de condamnation directement à l'encontre de l'AGS, traiter cette prétention comme une demande de fixation au passif de la procédure collective avec demande de mise en oeuvre de la garantie AGS ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande du salarié tendant à la condamnation de l'AGS à lui payer une somme de 43 089,60 euros à titre de complément d'indemnité légale, la cour d'appel s'est bornée à relever que celui-ci n'avait pas jugé utile, même à l'audience, de réclamer l'inscription de cette somme au passif de la liquidation avec le bénéfice de la garantie AGS ; qu'en statuant ainsi, lorsque cette circonstance ne dispensait pas le juge de son office de requalifier la demande du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 625-4 du code de commerce et L. 3253-15 du code du travail ;

2°/ qu'il incombe au juge de définir l'objet du litige et de restituer aux conclusions des parties leur véritable portée juridique ; qu'en déclarant irrecevable la demande du salarié tendant à la condamnation de l'AGS à lui payer une somme de 43 089,60 euros à titre de complément d'indemnité légale, quand il lui appartenait de restituer à la prétention du salarié sa véritable portée juridique en la requalifiant en demande de fixation de cette somme au passif de la liquidation avec bénéfice de la garantie AGS, même sans sollicitation expresse de celui-ci à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon les articles L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail, si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14, lesquelles lui versent les sommes restées impayées à charge pour lui de les reverser à chaque salarié créancier.

7. Ces textes excluent pour le salarié le droit d'agir directement contre les institutions intéressées et lui permettent seulement de demander que les créances litigieuses soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour lesdites institutions de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.

8. Ayant constaté que le salarié n'avait pas sollicité une fixation de sa créance au passif de la procédure collective, c'est à bon droit que la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, accueilli la fin de non-recevoir opposée par l'AGS à la demande en paiement de l'intéressé dirigée contre elle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pietton - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité pour le salarié d'obtenir directement des institutions de garantie le paiement de sa créance, à rapprocher : Soc., 10 octobre 1990, pourvoi n° 88-43.927, Bull. 1990, V, n° 439 (2) (cassation) ; Soc., 26 janvier 2000, pourvoi n° 96-42.376, Bull. 2000, V, n° 39 (1) (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité.

Soc., 18 novembre 2020, n° 19-11.686, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Maternité – Licenciement – Nullité – Effets – Paiement des salaires pendant la période couverte par la nullité – Applications diverses – Redressement et liquidation judiciaires – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Etendue – Détermination – Portée

Employeur – Redressement et liquidation judiciaires – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Domaine d'application – Créances résultant de la rupture du contrat de travail – Salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement – Cas – Créance due à la suite de la nullité du licenciement d'une salariée en état de grossesse – Etendue – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 septembre 2018) et les pièces de la procédure, Mme B... a été engagée le 6 septembre 2010 en qualité de comptable par la société BG2P (la société). Suite au prononcé le 17 octobre 2013 de la liquidation judiciaire de la société, avec maintien de l'activité jusqu'au 24 octobre 2013 et mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, le liquidateur judiciaire, la société BTSG, en la personne de M. S..., a procédé le 12 novembre 2013 au licenciement pour motif économique de l'intéressée qui se trouvait en congé de maternité depuis le 24 septembre 2013.

2. Invoquant la période de protection allant du 24 septembre 2013 au 27 mai 2014 dont elle bénéficiait, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir juger que son licenciement était nul, et indiquant qu'elle ne sollicitait pas sa réintégration, a demandé la fixation de ses créances au passif de la liquidation judiciaire dont celle représentant les salaires qu'elle aurait dû percevoir pendant la période allant du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014.

3. Par jugement du 7 mai 2015, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de la salariée intervenu pendant la période de protection du fait du congé de maternité était nul, fixé ses créances au passif de la société dont la somme de 12 901 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014, celle de 1 290 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire et dit que le jugement était opposable à l'AGS et au CGEA dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.

4. A la suite du refus du liquidateur de demander à l'AGS d'avancer les sommes correspondant aux rappels de salaires et congés payés au motif qu'elles ne rentraient pas dans la garantie de cet organisme, la salariée a, le 7 octobre 2015, saisi le conseil de prud'hommes en interprétation de cette décision sur les limites de la garantie de l'AGS.

5. Par jugement du 31 mars 2016, le conseil de prud'hommes a dit que les créances de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 et celle de congés payés afférents devaient être prises en charge et garanties par l'AGS.

Rectification d'erreur matérielle relevée d'office

6. Avis a été donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile.

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

7. C'est par suite d'une erreur purement matérielle que, dans le dispositif de la décision attaquée, la cour d'appel a dit que la créance de rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 est garantie par l'AGS dans les termes énoncés à l'article L. 3253-8 d) du code du travail, au lieu de l'article L. 3253-8 5° d) du même code.

8. Il y a lieu, pour la Cour de cassation, de réparer cette erreur, qui affecte un chef de dispositif qui lui est déféré.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que sa créance au titre de salaires pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 et des congés payés afférents, fixée dans le jugement du 7 mai 2015, était garantie par l'AGS dans les termes et limites énoncés à l'article L. 3253-8 5°d) du code du travail, alors « qu'est nul le licenciement d'une salariée en état de grossesse prononcé pendant les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit et les dix semaines suivant leur expiration, l'employeur devant alors verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité ; que ce versement rentre dans le champ d'application de l'article L. 3253-9 du code du travail, qui impose à l'AGS de couvrir les créances résultant du licenciement des salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement, dès lors que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, a manifesté, au cours des périodes mentionnées au 2° de l'article L. 3253-8, son intention de rompre le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que le licenciement de Mme B..., intervenu pendant le congé de maternité durant lequel elle était protégée, est nul ; qu'il en résulte que les sommes dues à Mme B... pendant la période de protection du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 et les congés payés y afférents rentraient dans le cadre de cette garantie ; qu'en ayant dit que le jugement définitif du 7 mai 2015, ayant fixé les créances de Mme B... à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société BG2P et dit qu'il était opposable à l'AGS et au CGEA ''dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail'', s'interprétait en ce sens que la créance de rappel de salaires pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 et les congés payés y afférents était garantie par l'AGS dans les termes et limites énoncés à l'article L. 3253-8 d) du code du travail, cependant qu'il convenait de dire que la créance, qui résultait du licenciement nul, était couverte par l'AGS et le CGEA de Rouen faute de fonds suffisants de la SAS BG2P à hauteur respectivement de 12 901 euros bruts et 1 290 euros bruts, l'arrêt infirmatif a violé par fausse application l'article L. 3253-8 5°d) du code du travail, l'article L. 3253-9 du même code par refus d'application, ensemble les articles L. 1225-4 et L. 1225-71 du code du travail, et 461 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. L'AGS et l'UNEDIC contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que le moyen est nouveau dès lors qu'il ne résulte pas des conclusions de la salariée qu'elle a sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L. 3253-9 du code du travail.

11. Cependant, il ressort des conclusions de la salariée devant la cour d'appel qu'elle invoquait ces dispositions et soutenait que l'AGS devait garantir la créance de salaire, assimilée à des créances de rupture.

12. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 3253-9 du code du travail et l'article L. 1225-71, alinéa 2, du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

13. D'une part, selon l'article L. 3253-9 du code du travail, sont couvertes par l'assurance prévue à l'article L. 3253-6 du même code, les créances résultant du licenciement des salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement dès lors que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, a manifesté, au cours des périodes mentionnées au 2° de l'article L. 3253-8, son intention de rompre le contrat de travail.

14. D'autre part, l'article L. 1225-71, alinéa 2, du code du travail prévoit qu'une salariée en état de grossesse, bénéficiaire d'une protection spécifique relative au licenciement, dont le licenciement est nul, doit percevoir les salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité. Cette créance constitue une créance résultant du licenciement, de sorte que l'AGS doit sa garantie en application de l'article L. 3253-9 du code du travail.

15. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que les créances dues à un salarié bénéficiant d'une protection particulière relative au licenciement, qui ne résultent pas de la rupture de son contrat de travail mais concernent des salaires dus en application de l'article L. 3253-8 du code du travail, ne sont pas garanties par l'AGS. Il en déduit que les premiers juges ne pouvaient donc interpréter le dispositif de leur jugement en disant que la créance de salaire et de congés payés de la salariée pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 devait être prise en charge par l'AGS, alors que celle-ci n'était tenue à garantie que dans la limite d'un mois et demi de travail en application de l'article L. 3253-8 5° d) du code du travail.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ORDONNE la rectification de l'arrêt RG n° 16/02073 rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel de Rouen et dit que, dans son dispositif, il y a lieu de lire : « Dit que la créance de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 ainsi que la créance de congés payés sur rappel de salaire fixées par le jugement du 7 mai 2015 est garantie par l'AGS (CGEA de Rouen) dans les termes et limites énoncés à l'article L. 3253-8 5° d) du code du travail » au lieu de « Dit que la créance de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 ainsi que la créance de congés payés sur rappel de salaire fixées par le jugement du 7 mai 2015 est garantie par l'AGS (CGEA de Rouen) dans les termes et limites énoncés à l'article L. 3253-8 d) du code du travail » ;

ORDONNE la mention de cette rectification en marge de la décision rectifiée ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la créance de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 ainsi que la créance de congés payés sur rappel de salaire fixées par le jugement du 7 mai 2015 est garantie par l'AGS dans les termes et limites énoncés à l'article L. 3253-8 5° d) du code du travail et en ses dispositions relatives aux dépens, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que le jugement du 7 mai 2015 doit être interprété en ce sens que la créance de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2013 au 27 mai 2014 ainsi que la créance de congés payés sur rappel de salaire fixées aux sommes de 12 901 euros bruts et 1 290 euros bruts sont garanties par l'AGS (CGEA de Rouen) en application de l'article L. 3253-9 du code du travail.

- Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pietton - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 1225-71, alinéa 2, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et L. 3253-9 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le droit à réparation du salarié dont le licenciement est annulé sur le fondement de l'article L. 1225-71, alinéa 2, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, à rapprocher : Soc., 15 décembre 2015, pourvoi n° 14-10.522, Bull. 2015, V, n° 261 (2) (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 25 novembre 2020, n° 19-19.996, (P)

Rejet

Maternité – Protection de la grossesse et de la maternité – Locaux dédiés à l'allaitement – Employeur – Obligations – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L.1225-32 du code du travail, tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en demeure d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement.

Cette mise en demeure doit émaner des agents de contrôle de l'inspection du travail dans les conditions prévues par l'article R. 4721-5 du code du travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mars 2019), statuant en référé, le syndicat Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière a mis en demeure, le 6 avril 2018, la société Ikea, d'ouvrir des négociations pour mettre en place des salles d'allaitement dans les établissements employant plus de cent salariées.

2. Contestant le refus de l'employeur de faire droit à cette demande, le syndicat Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière, le syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et le syndicat Commerce indépendant démocratique (les syndicats) ont saisi le président du tribunal de grande instance statuant en référé pour qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre en place des salles d'allaitement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et sixième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. Les syndicats font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société Ikea ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail ;

2°/ que constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent, le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société Ikea ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, aux motifs inopérants que la fédération des services CFDT, la CFE CGC SNEC, la CGT Fédération du commerce, de la distribution et des services et la FEC CGT FO avaient conclu avec la société Ikea un accord d'entreprise du 20 avril 2017 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, pour une période du 20 avril 2017 au 19 avril 2020, mettant en place dans chaque établissement un local permettant aux salariées de titrer leur lait une heure par jour, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail ;

5°/ que constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent, le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société Ikea ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, aux motifs inopérants que les syndicats parties à l'accord du 20 avril 2017 mettant en place des locaux tire-lait dans l'ensemble des établissements avant avril 2020 auraient, en signant cet accord, acté du caractère satisfactoire, sur la période visée, des engagements pris par l'entreprise, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 1225-32 du code du travail, tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en demeure d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement.

6. Cette mise en demeure émane des agents de contrôle de l'inspection du travail dans les conditions prévues par l'article R. 4721-5 du code du travail.

7. La cour d'appel relève que la mise en demeure d'avoir à installer une salle d'allaitement émanait d'une organisation syndicale, que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a été saisie de la question de l'absence de salles d'allaitement au sein de l'entreprise Ikea, et qu'il n' a pas été n'a pas donné suite à cette demande.

8. L'employeur n'a donc pas été mis en demeure, au sens de l'article L. 1225-32 visé ci-dessus, d'installer des locaux dédiés à l'allaitement.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Les syndicats font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la condamnation de la société Ikea à leur verser une certaine somme à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice portée à l'intérêt collectif de la profession du fait de l'absence de mise en place du local d'allaitement pour la période antérieure à l'assignation, alors « que la cassation à intervenir sur l'une ou l'autre des branches du premier moyen de cassation emportera par voie de conséquence et en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif ayant confirmé l'ordonnance du 14 août 2018 du tribunal de grande instance de Versailles en ce qu'elle avait dit n'y avoir lieu à référé et rejeté la demande tendant à la condamnation de la société Ikea à verser au syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et à la Fédération des employés et cadres du commerce de la CGT Force ouvrière la somme de 20 000 euros pour chacun des vingt-neuf établissements dont l'effectif excède le seuil de cent salariées, à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession du fait de l'absence de mise en place du local d'allaitement pour la période antérieur à l'assignation, soit 580 000 euros. »

Réponse de la Cour

11. Le rejet du premier moyen rend sans objet le second moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L.1225-32 et R. 4721-5 du code du travail.

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