Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

ASSURANCE DE PERSONNES

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-23.023, (P)

Cassation

Accidents corporels – Police – Garantie – Subrogation conventionnelle – Droits et actions de la victime contre le tiers responsable – Action directe contre l'assureur du responsable – Transmission

Il résulte de l'article 1250, 1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article L. 124-3 du code des assurances, que par l'effet de la subrogation conventionnelle prévue aux articles L. 131-2, alinéa 2, et L. 211-25 du même code, l'assureur de la victime d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne est, pour le recouvrement des prestations indemnitaires ou de l'avance sur indemnité qu'il a versées à son assuré, investi de l'ensemble des droits et actions dont celle-ci disposait contre la personne tenue à réparation ou son assureur.

Encourt en conséquence la censure l'arrêt qui, pour débouter l'assureur de la victime de sa demande dirigée contre l'assureur du responsable du dommage retient que les stipulations de la police prévoient uniquement la possibilité d'un recours subrogatoire contre le responsable du dommage et non contre son assureur, alors que par l'effet de la subrogation conventionnelle, l'assureur de la victime est investi de l'action directe contre l'assureur du responsable.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Assurance mutuelle des motards du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Y... D... épouse S..., M. B... S..., Mme O... S..., M. C... S..., représenté par sa tutrice Mme Y... D... épouse S..., l'Association pour la réalisation et la gestion d'un complexe motocycliste (ARCM), prise en la personne de son président, M. Q... J..., en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de l'ARCM, la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (la caisse) et l'association Mutuelle Pro BTP.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 juillet 2019), le 18 août 2012, M. C... S..., assuré auprès de la société Assurance mutuelle des motards au titre d'un contrat comportant, en exécution d'un avenant signé le 20 mars 2012, une garantie corporelle conducteur, a été victime d'un accident sur un circuit géré par l'ARCM, assurée au titre de sa responsabilité civile auprès de la société Generali Iard.

3. La société Assurance mutuelle des motards a versé à la victime une certaine somme à valoir sur son indemnisation et Mme D..., en qualité de représentante légale de son fils, M. C... S..., placé sous tutelle, a obtenu, en référé, l'allocation, de la part de cet assureur, d'une indemnité provisionnelle complémentaire.

4. Mme D..., agissant tant en son nom qu'en qualité de représentante légale de M. C... S..., a assigné l'ARCM, la société Generali Iard, la caisse, la société Mutuelle Pro BTP et la société Assurance mutuelle des motards, afin de voir mettre en cause la responsabilité de l'ARCM dans l'accident survenu et la garantie de son assureur.

5. La société Assurance mutuelle des motards a formé une demande reconventionnelle contre l'ARCM et la société Generali Iard, afin d'obtenir le remboursement des sommes dues en exécution du contrat souscrit par M. C... S..., arguant être subrogée dans les droits de ce dernier.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société Assurance mutuelle des motards fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre la société Generali Iard, alors « que l'assureur qui bénéficie d'une subrogation conventionnelle dans les droits et actions de l'assuré qu'il a dédommagé à l'encontre de la personne tenue de réparer le dommage dispose de la plénitude des actions que son assuré aurait été admis à exercer ; qu'il peut ainsi exercer l'action directe dont disposait la victime à l'encontre de l'assureur du tiers responsable ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le contrat d'assurance souscrit par la victime comprenait une clause prévoyant la subrogation de son assureur dans ses droits et actions contre tout responsable du dommage, la cour d'appel a néanmoins estimé que la Mutuelle des motards était mal fondée à agir à l'encontre de l'assureur du responsable du dommage ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1250, 1° du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L. 124-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1250,1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, et les articles L.131-2, alinéa 2, L. 124-3 et L. 211-25 du code des assurances :

7. Il résulte des premier et troisième de ces textes que par l'effet de la subrogation conventionnelle prévue aux deuxième et dernier, l'assureur de la victime d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne est, pour le recouvrement des prestations indemnitaires ou de l'avance sur indemnité qu'il a versées à son assuré, investi de l'ensemble des droits et actions dont celui-ci disposait contre la personne tenue à réparation ou son assureur.

8. Pour débouter la société Assurance mutuelle des motards de sa demande dirigée contre la société Generali Iard, l'arrêt énonce que les dispositions combinées des articles L. 131-2 et L. 211-25 du code des assurances autorisent, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur, pour le remboursement des indemnités à caractère indemnitaire, à être subrogé dans les droits du contractant contre le tiers responsable ou son assureur, à condition pour ce dernier que cette subrogation soit contractuellement prévue. Il ajoute qu'en l'espèce, les conditions générales de la police d'assurance produites par la société Assurance mutuelle des motards stipulent, dans un « article 9.80 subrogation » : « nous sommes subrogés dans vos droits et actions contre tout responsable du sinistre à concurrence de l'indemnité que nous avons payée » et définissent en page 5 la subrogation comme le « droit par lequel nous nous substituons à vous pour récupérer auprès du responsable du dommage les indemnités que nous vous avons versées ».

L'arrêt retient encore que ces stipulations prévoient uniquement, de manière claire et précise, la possibilité d'un recours subrogatoire contre le responsable du dommage. Il en déduit que la société Assurance mutuelle des motards ne dispose d'aucune action subrogatoire conventionnelle contre la société Generali Iard, seule l'ARCM ayant été déclarée responsable, pour partie, de l'accident litigieux.

9. En statuant ainsi, alors que par l'effet de la subrogation conventionnelle, l'assureur de la victime est investi de l'action directe contre l'assureur du responsable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1250, 1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; articles L. 124-3, L. 131-2, alinéa 2, et L. 211-25 du code des assurances.

2e Civ., 5 novembre 2020, n° 19-17.164, (P)

Rejet

Assurance de groupe – Assurance de groupe souscrite par l'employeur au profit du salarié – Garantie collective – Garantie collective complémentaire de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale – Bénéficiaires – Salariés, anciens salariés et leurs ayants droit – Cessation de la relation de travail – Effets – Maintien des garanties à titre gratuit – Bénéficiaires – Salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur ancien employeur

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 mars 2019), la société Déménagements transports Pupier (la société DTP) a souscrit, le 1er décembre 2012, un contrat collectif d'assurance complémentaire santé au bénéfice de ses salariés auprès de la société Groupama Gan vie (l'assureur).

2. Par jugement du 17 mai 2016, la société DTP a été placée en liquidation judiciaire, avec désignation de M. V... en qualité de liquidateur.

3. M. V..., es qualités, a sollicité de l'assureur la mise en oeuvre, au bénéfice des salariés licenciés de la société DTP, du dispositif de maintien des garanties prévu par l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

4. L'assureur ayant soutenu que le régime de portabilité des droits ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'adhérent, M. V..., ès qualités, l'a assigné devant un tribunal de commerce.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de lui ordonner de maintenir le contrat complémentaire santé versé aux débats, référencé sous Régime n° 158 - Contrat n° 9545/0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013, souscrit par la société DTP le 11 janvier 2013, postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société DTP consécutivement à la liquidation judiciaire selon les modalités prévues par les contrats souscrits et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, alors « que l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance-chômage, selon les conditions qu'il détermine ; que, toutefois, le maintien des garanties est subordonné à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance lorsque l'entreprise souscriptrice est placée en liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la loi ne subordonnait la portabilité des droits au profit des salariés licenciés qu'à « l'existence et l'application d'un contrat collectif de complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu et ne crée qu'une seule exclusion au bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde » (arrêt, p. 5 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 18 et 19), s'il existait un dispositif assurant le financement du maintien de la couverture santé et prévoyance souscrite par la société DTP, ce que contestait la société Groupama Gan Vie qui faisait valoir que le financement du dispositif de portabilité reposait sur un système de mutualisation pesant sur l'employeur et les salariés demeurant dans l'entreprise, et non sur l'assureur, qui ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

6. L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine.

7. Ces dispositions, qui revêtent un caractère d'ordre public en application de l'article L. 911-14 du code de la sécurité sociale, n'opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance.

8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé qu'il n'était pas justifié de la résiliation du contrat collectif d'assurance en cause, puis retenu que les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale ne prévoyant aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés par suite d'une liquidation judiciaire de leur ancien employeur, il n'y avait pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et énoncé, enfin, que les observations de l'assureur sur le financement de la couverture mutuelle des salariés licenciés ne se rapportaient pas à un critère ou à une condition d'application de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Gelbard-Le Dauphin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi ; articles L. 911-1 et L. 911-14 du même code.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 janvier 2018, pourvoi n° 17-10.636, Bull. 2018, II, n° 7 (rejet), et l'avis cité.

1re Civ., 12 novembre 2020, n° 19-16.964, (P)

Rejet

Assurance – Police connexe à un prêt – Déchéance du terme – Effets

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 21 mars 2019), suivant acte authentique du 6 juin 2007, la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à M. L... et Mme R... (les emprunteurs) deux prêts destinés à financer l'acquisition d'un bien immobilier. A la suite du placement de M. L... en longue maladie, d'échéances demeurées impayées et d'un refus de garantie opposé par l'assureur couvrant les risques décès, invalidité, incapacité, la société Crédit logement, agissant en qualité de mandataire de la banque (le mandataire), s'est prévalue de la déchéance du terme par acte du 10 juin 2013.

2. Par acte du 28 août 2013, la banque a fait pratiquer une saisie-attribution contestée par les emprunteurs devant le juge de l'exécution.

Par actes des 27 et 28 août 2013, les emprunteurs ont assigné la banque et le mandataire aux fins de voir constater la forclusion de l'action et ont sollicité l'allocation de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde. Celle-ci a sollicité reconventionnellement le remboursement du solde des prêts par conclusions du 18 août 2014.

3. Le 4 octobre 2013, l'assureur a finalement accepté de prendre en charge les échéances des prêts pour la période du 26 avril 2009 au 1er septembre 2012.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, à l'exception des échéances impayées du 1er décembre 2010 au 1er août 2011 afférentes à un des deux prêts et de les condamner à payer diverses sommes à la banque, alors :

« 1°/ que l'action des professionnels, pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'en présence d'une dette payable par termes successifs, lorsque l'emprunteur a agi en justice avant le 11 février 2016 aux fins de voir constater la forclusion du prêteur et que le prêteur a lui-même formulé une demande reconventionnelle en paiement avant cette date, le principe de sécurité juridique et le droit à un procès équitable exigent que l'emprunteur puisse se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de cassation antérieure à son revirement du 11 février 2016, en ce qu'elle décidait, sur le fondement de l'article L. 137-2 du code de la consommation, que la prescription de l'action en paiement du capital restant dû courait à compter du premier incident de paiement non régularisé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que pour les deux prêts concernés, les premiers impayés non régularisés étaient antérieurs au revirement de jurisprudence du 11 février 2016, de même que l'action des emprunteurs visant à voir constater la forclusion de la banque ainsi que la demande reconventionnelle en paiement de la banque ; qu'en outre, s'agissant du prêt de 18 000 euros, il résulte des constatations de l'arrêt que selon la solution jusqu'alors consacrée par la haute juridiction, l'action de la banque en paiement du capital restant dû était déjà prescrite lors du revirement de jurisprudence précité ; que dès lors, en appliquant le revirement de jurisprudence du 11 février 2016 à la présente instance, en cours au moment de son prononcé, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que, dans leurs conclusions d'appel, les emprunteurs faisaient valoir, éléments de preuve à l'appui, que s'agissant du prêt de 104 765 euros, le premier impayé non régularisé remontait en réalité à l'année 2009 et non au 1er septembre 2011 comme le soutenait la banque ; que dès lors, en jugeant qu'il ressortait des pièces versées aux débats par la banque que le premier impayé non régularisé relatif au prêt de 104 765 euros remontait au 1er septembre 2011, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la cour d'appel a exactement énoncé que la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée. Cette évolution relève de l'office du juge dans l'application du droit.

6. En second lieu, sous le couvert d'un grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à remettre, en discussion devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a estimé que la date du premier impayé non régularisé concernant l'un des prêts devait être fixée le 1er septembre 2011.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer diverses sommes à la banque au titre des prêts, alors « que le règlement par l'assureur, en vertu du contrat d'assurance adossé à un prêt immobilier, des échéances impayées par l'emprunteur ayant conduit la banque à prononcer la déchéance du terme, rend caduque la déchéance du terme ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'assureur avait dans un premier temps refusé de prendre en charge les mensualités impayées par les emprunteurs, que la banque avait prononcé la déchéance du terme des deux prêts immobiliers le 10 juin 2013 en raison de ces impayés, et que l'assureur avait finalement reconsidéré sa position en acceptant la mise en jeu de sa garantie le 4 octobre 2013 ; qu'il résultait de ces constatations que la déchéance du terme était caduque ; que dès lors, en jugeant que « les versements effectués ultérieurement par la compagnie d'assurance [n'avaient] pas pu avoir pour effet de remettre en cause l'exigibilité résultant de la déchéance du terme prononcée le 10 juin 2013 », la cour d'appel a violé l'article 1186 du code civil dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

9. Le règlement des sommes correspondant au montant des échéances impayées d'un prêt ayant conduit la banque à prononcer la déchéance du terme, effectué postérieurement à celle-ci par l'assureur de l'emprunteur, ne peut, sauf stipulations contractuelles expresses, entraîner la caducité de cette déchéance.

10. Ayant relevé que l'article 5 des conditions générales des prêts prévoyait que les régularisations postérieures à la déchéance du terme ne faisaient pas obstacle à l'exigibilité résultant de cette dernière, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les versements effectués par l'assureur sur le compte des emprunteurs n'avaient pu avoir pour effet de remettre en cause l'exigibilité résultant de la déchéance du terme.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que, dans leurs conclusions d'appel, les emprunteurs soutenaient que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde à leur égard, à raison de leurs capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi des deux prêts immobiliers ; qu'à cet égard, ils faisaient valoir que « concomitamment aux prêts immobiliers, le Crédit Lyonnais [avait] consenti aux consorts L... deux crédits à la consommation », et que la banque « n'apport[ait] aucune explication sur ces crédits (...) lesquels augmentent pourtant le passif des emprunteurs » ; que dès lors, en écartant toute responsabilité de la banque au titre du devoir de mise en garde, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges ont l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, l'acte authentique du 6 juin 2007 portant sur l'acquisition de l'immeuble par les emprunteurs et le financement de l'achat par deux prêts consentis par la banque, partie à l'acte, stipulait expressément, pour le prêt de 104 765 euros, que la « première échéance » interviendrait « le : 1er juillet 2009 » ; que dès lors, en jugeant que « la cour d'appel ignore cependant à quoi correspond la date [du 1er juillet 2009] invoquée par les époux L... alors que l'examen de l'acte de prêt ne fait à aucun moment apparaître la stipulation d'un différé d'amortissement », pour en déduire que la banque n'avait pas commis de faute en prélevant immédiatement des échéances mensuelles au titre du prêt de 104 765 euros, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat précité en violation du principe susvisé ;

3°/ que, dans leurs conclusions d'appel, les emprunteurs faisaient valoir que la poursuite du recouvrement forcé par la banque et le mandataire était fautif, dans la mesure où il était établi que l'assurance devait prendre en charge les mensualités des prêts à compter de juillet 2009 ; qu'ils soulignaient avoir informé le mandataire, par un courrier du 13 juin 2013 produit aux débats, de leur démarche auprès de l'assureur pour contester le refus de prise en charge initialement opposé, et demandé au mandataire de la banque de suspendre toute poursuite dans l'attente de connaître la position de l'assureur ; qu'ils ajoutaient que, par un courrier du 13 juillet 2013 également produit aux débats, ils avaient transmis au mandataire la réponse de l'assureur qui acceptait de mandater leur médecin-expert pour un examen médical de M. L... ; que dès lors, en ne recherchant pas si la banque et son mandataire n'avaient pas commis une faute en diligentant une saisie à l'encontre des emprunteurs le 28 août 2013, malgré le recours et l'examen médical à venir de M. L... dont ils étaient informés, et qui étaient de nature à modifier la position de l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

13. En premier lieu, l'arrêt relève que dans la perspective de l'octroi des prêts litigieux, la banque avait établi une fiche de renseignements certifiés exacts par les emprunteurs le 21 avril 2007, sur le montant de leurs revenus, qu'à cette fiche ont été joints divers justificatifs, que la fixation des échéances de remboursement des prêts litigieux a pris en compte un crédit antérieur, que la charge de remboursement mensuel global restait sensiblement constante et, en tout état de cause, toujours inférieure au taux d'endettement de 33 % communément admis comme permettant un remboursement sans risque particulier et que les mensualités des prêts ont été régulièrement honorées jusqu'à ce que M. L... soit confronté à des problèmes de santé.

14. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel a ainsi fait ressortir qu'en l'absence d'un risque d'endettement excessif, la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard des emprunteurs.

15. En deuxième lieu, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de l'acte authentique, rendue nécessaire par l'ambiguïté de ses clauses, qu'elle a estimé que la banque avait pu prélever la première échéance le 11 juin 2007.

16. En troisième lieu, se fondant sur le fait que l'assureur avait commencé par refuser sa garantie aux emprunteurs et n'avait modifié sa position qu'en octobre 2013, soit postérieurement à la date à laquelle les sommes étaient devenues exigibles à la suite du prononcé de la déchéance du terme, aux mises en demeure du mandataire et à la mesure de saisie-attribution, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que la banque n'avait pas commis de faute en poursuivant le recouvrement forcé des sommes dues malgré le changement de position de l'assureur.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; article 1186 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 03-14.717, Bull. 2004, II, n° 361 (rejet) ; 1re Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 07-14.932, Bull. 2009, I, n° 124 (rejet) ; 1re Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-16.914, Bull. 2009, I, n° 124 (rejet).

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 18-22.563, (P)

Rejet

Assurance-vie – Bénéficiaires – Modification ou substitution – Volonté certaine et non équivoque de l'assuré – Caractérisation – Défaut – Applications diverses

C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis qu'une cour d'appel estime, sans ajouter à l'article L. 132-8 du code des assurances une condition qu'il ne prévoit pas, que des lettres-type portant l'en-tête du souscripteur d'une police d'assurance-vie et non revêtues de sa signature, adressées à des établissements bancaires, ne peuvent être considérées comme la manifestation de sa volonté de modifier la désignation des bénéficiaires du contrat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 22 mai 2018), par avenant du 27 novembre 2008, A... Y..., qui avait souscrit auprès de la banque CIC Est trois contrats d'assurance-vie, a désigné comme bénéficiaires ses quatre soeurs, Mmes D..., G..., C... et O... Y....

2. Il est décédé le 30 janvier 2011.

3. Le 29 avril 2011, un notaire a établi un procès-verbal de description et de dépôt d'un testament olographe de A... Y..., daté du 30 novembre 2010, dans lequel il était stipulé que son auteur instituait légataires universels ses deux enfants, M. S... Y... et Mme F... K... née Y..., et qu'il leur léguait tous ses biens, notamment le produit de ses contrats d'assurance-vie.

4. Après le dépôt d'un rapport d'expertise médicale se prononçant, tel qu'ordonné par le juge des référés, sur l'état de santé mentale du testateur à l'époque de la rédaction du document, Mmes D..., G..., C... et O... Y... ont assigné M. S... Y... et Mme F... Y..., aux fins de voir prononcer l'annulation du testament et de les voir condamner solidairement à leur payer une somme correspondant à celle perçue par eux en vertu de ce testament.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. S... Y... et Mme F... Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à Mmes D..., G..., C... et O... Y... la somme de 305 561,84 euros, chacun à concurrence du capital perçu en vertu du testament annulé, avec intérêts au taux légal, alors « que le changement dé bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie n'est subordonné à aucune condition de forme ; qu'en retenant, pour juger que A... Y... n'avait pas manifesté la volonté de désigner comme bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie ses deux enfants au lieu et place de ses quatre soeurs et condamner en conséquence les premiers à payer aux secondes la somme de 305 561,84 euros perçue en vertu du testament annulé, que les lettres adressées aux différents établissements bancaires le 21 janvier 2011 pour modifier la clause bénéficiaire desdits contrats en faveur de M. S... Y... et Mme F... Y..., épouse K... étaient des lettres-types et n'étaient pas revêtues de la signature de l'intéressé, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et a violé l'article L. 132-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir retenu que le testament olographe du 30 novembre 2010 devait être annulé faute d'avoir été écrit en entier de la main du testateur, et relevé que M. S... Y... et Mme F... Y... faisaient également valoir qu'en tout état de cause, leur père avait écrit aux assureurs, le 21 janvier 2011, pour modifier en leur faveur la clause bénéficiaire de ses contrats d'assurance-vie, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé, sans ajouter à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, que les six courriers à en-tête de A... Y... adressés à différents établissements bancaires étaient des lettres-types non revêtues de la signature de l'intéressé et ne pouvaient être considérés comme la manifestation de la volonté du souscripteur de désigner comme bénéficiaires ses deux enfants aux lieu et place de ses quatre soeurs.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article L. 132-8 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 19 mai 1999, pourvoi n° 96-20.156, Bull. 1999, I, n° 161 (rejet), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-23.197, Bull. 2013, I, n° 177 (rejet).

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