Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

AGRICULTURE

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-15.449, (P)

Rejet

Accidents du travail – Invalidité – Taux – Détermination – Modalités – Accidents successifs – Conditions

Il résulte de l'article D. 752-26, alinea 4, du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1123 du 19 juillet 2007, qu'en cas d'accidents successifs, le calcul du taux utile afférent à la rente du dernier accident prend en compte la somme de tous les taux d'incapacité permanente reconnus à l'assuré relevant de l'article L. 752-1 du même code, c'est-à-dire à l'assuré relevant du régime de l'assurance obligatoire des non salariés agricoles, de sorte que seules les incapacités permanentes résultant d'accidents du travail pris en charge au titre de ce régime peuvent être considérées, au sens de ce texte, comme résultant d'accidents successifs et prises en compte pour le calcul du taux utile.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 21 février 2019), M. K... (l'assuré), alors salarié agricole, affilié en cette qualité, au titre des accidents du travail, au régime de protection sociale des salariés agricoles, a été victime, le 4 mars 2006, d'un accident du travail pour lequel la caisse de mutualité sociale agricole Mayenne-Orne-Sarthe (la caisse) lui a attribué une rente de 25 % pour un taux d'incapacité permanente partielle de 50 %. Ayant quitté son emploi salarié pour exercer une activité d'exploitant agricole relevant de l'assurance accident du travail des exploitants agricoles (ATEXA), il a été victime d'un second accident du travail, le 13 septembre 2014, pour lequel la caisse lui a attribué une rente de 22,5 % pour un taux d'incapacité permanente partielle de 45 %.

2. Après rejet de son recours amiable, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale en sollicitant la prise en compte du taux d'incapacité permanente du premier accident du travail pour le calcul du taux utile afférent à la rente du dernier accident.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors :

« 1°/ que pour déterminer la partie du taux de l'accident considérée inférieure ou supérieure à 50 %, en cas d'accidents successifs, le calcul du taux utile afférent à la rente du dernier accident du travail prend en compte la somme de tous les taux d'incapacité permanente reconnus à l'assuré ; qu'en refusant ce cumul à la victime d'un premier accident du travail alors qu'il était salarié agricole et d'un second alors qu'il était non-salarié agricole, la cour d'appel a violé, par ajout d'une condition d'unicité de régime qu'il ne prévoit pas, l'article D. 752-26, alinéa 4, du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ qu'une différence de traitement doit être justifiée par des raisons d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en ne recherchant pas si la distinction entre les assurés mono ou multi-régimes s'expliquait par un motif légitime voulu par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité devant la loi, tel qu'il résulte de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte du quatrième alinéa de l'article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1123 du 19 juillet 2007, applicable au litige, qu'en cas d'accidents successifs, le calcul du taux utile afférent à la rente du dernier accident prend en compte la somme de tous les taux d'incapacité permanente reconnus à l'assuré relevant de l'article L. 752-1 du même code, c'est-à-dire à l'assuré relevant du régime ATEXA, de sorte que seules les incapacités permanentes résultant d'accidents du travail pris en charge au titre de ce régime peuvent être considérées, au sens de ce texte, comme résultant d'accidents successifs et prises en compte pour le calcul du taux utile.

5. Ayant constaté que l'accident dont l'assuré avait été victime le 4 mars 2006 avait été pris en charge au titre du régime des salariés agricoles, la cour d'appel, qui a rappelé que la distinction entre les régimes des salariés agricoles et des non-salariés agricoles procédait de la loi, a à bon droit retenu que le taux d'incapacité permanente partielle qui a été attribué à l'assuré au titre de l'accident du 4 mars 2006 ne pouvait être pris en compte pour le calcul du taux utile applicable à la rente concernant l'accident survenu le 13 septembre 2014.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre (président) - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles L. 752-1 et D. 752-26, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1123 du 19 juillet 2007, du code rural et de la pêche maritime.

1re Civ., 25 novembre 2020, n° 18-24.769, (P)

Cassation partielle

Contrat d'intégration – Nullité – Effets – Restitution des prestations fournies

Pour remettre les parties à un contrat d'intégration annulé dans leur état antérieur, seules doivent être prises en considération les prestations fournies par chacune d'elles en exécution de ce contrat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 18 septembre 2018), le groupement agricole d'exploitation en commun des Tesnières (le GAEC) a débuté une activité d'engraissement de bovins à la fin de l'année 2011. Après avoir acheté les animaux à la société [...] (la SARL), il assurait leur engraissement puis, sauf exception, les revendait à la société [...] (l'EURL).

2. Invoquant l'existence d'un contrat d'intégration irrégulier, le GAEC a assigné l'EURL, la SARL et le gérant de celle-ci en nullité.

La SARL a été placée en liquidation judiciaire.

3. La nullité du contrat d'intégration conclu verbalement entre le GAEC et l'EURL a été prononcée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. L'EURL fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au GAEC la somme de 173 377 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation du contrat d'intégration, alors « que, pour remettre les parties d'un contrat d'intégration annulé dans leur état antérieur, seules doivent être prises en considération les prestations fournies par chacune d'elles en exécution de ce contrat ; qu'en condamnant l'EURL à effectuer une restitution comprenant des prestations contractuelles entre le GAEC et la SARL, et non au prorata du nombre effectif d'animaux que l'EURL a pu acquérir avant la rupture des relations contractuelles, quand elle avait seulement prononcé la nullité du contrat d'intégration conclu entre le GAEC et l'EURL, de sorte qu'elle ne pouvait condamner cette dernière à procéder à des restitutions résultant d'un contrat qui n'avait pas été annulé, la cour d'appel a violé les articles 1234, devenu 1342, et 1304, devenu 1178, du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Le GAEC conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

7. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Pour remettre les parties à un contrat d'intégration annulé dans leur état antérieur, seules doivent être prises en considération les prestations fournies par chacune d'elles en exécution de ce contrat.

9. Pour condamner l'EURL a payer au GAEC une somme excédant les restitutions consécutives à l'annulation du contrat d'intégration ayant lié ces parties, l'arrêt retient que les relations avec le GAEC ont impliqué, dès l'origine et de manière concertée, tant la SARL, vendeur des animaux maigres, que l'EURL, destinataire des animaux engraissés, de sorte que celle-ci doit également s'acquitter des restitutions relatives au contrat d'intégration ayant lié le GAEC à la SARL.

10. En statuant ainsi, alors que l'EURL ne pouvait être tenue que des restitutions consécutives à l'annulation du contrat d'intégration l'ayant personnellement liée au GAEC, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'EURL [...] à verser au GAEC des Tesnières la somme de 173 377 euros hors taxe avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 18 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 décembre 2014, pourvoi n° 13-23.903, Bull. 2014, I, n° 206 (cassation partielle).

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