Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-16.016, (P)

Cassation partielle

Indemnisation – Offre de l'assureur – Défaut – Indemnité portant intérêt au double du taux légal – Point de départ – Date de consolidation de la victime – Date contestée par la victime – Absence d'influence

Il résulte des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances que lorsque l'offre définitive, qui doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice, n'a pas été faite dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. La circonstance que la victime a contesté la date de consolidation retenue par le premier expert mandaté par l'assureur ne dispense pas ce dernier de faire une offre d'indemnisation.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 février 2019), le 4 mai 2012, Mme R..., qui marchait sur un trottoir, a été heurtée par un véhicule assuré auprès de la société Mutuelle assurances des instituteurs de France (l'assureur).

2.L'assureur a mandaté un expert, M. U..., lequel a déposé son rapport le 11 juillet 2013.

3.Par ordonnance du 28 mai 2014, le juge des référés a ordonné une expertise médicale, confiée à M. E... qui a déposé son rapport le 6 août 2015.

4.Les 25 et 30 mai 2016, Mme R... a assigné l'assureur en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Mme R... fait grief à l'arrêt de chiffrer le préjudice subi au titre de ses pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle à la seule somme de 124 527,39 euros et de juger qu'après déduction de la créance de l'organisme social il lui revient la seule somme de 50 051,67 euros et de la débouter du surplus de ses demandes, alors que « pour déterminer le capital représentatif de la rente servie par la CPAM à la victime, pour en déduire le montant de son préjudice, les juges du fond doivent faire application du barème figurant en annexe 1 de l'arrêté du 11 février 2015 modifiant l'arrêté du 27 décembre 2011 modifié relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en refusant de faire application de ce barème, la cour d'appel a violé les textes précités » ;

Réponse de la Cour

7. Si l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale en application de l'article L. 376-1 peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, les modalités fixées par cet arrêté ne s'imposent pas au juge, qui reste libre de se référer au barème qu'il estime le plus adéquat.

8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, pour déterminer le capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité servie à la victime, qui devait être imputé sur l'indemnisation allouée, a fait application du même barème que celui qu'elle retenait pour capitaliser les pertes de gains professionnels futurs.

9. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. Mme R... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à l'évaluation du préjudice subi au titre de son déficit fonctionnel temporaire à la somme de 616 euros, alors qu' « une partie est recevable à formuler pour la première fois en cause d'appel une demande qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et peut ajouter à celles-ci toutes les demande qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en l'espèce, Mme R... expliquait qu'elle demandait l'augmentation du montant de l'indemnisation qui lui avait été accordée en première instance au titre du déficit fonctionnel temporaire, car elle y incluait désormais une demande de réparation de son « préjudice d'agrément temporaire » dont elle n'avait pas demandé réparation devant le tribunal ; qu'en déclarant cette demande, qui constituait le complément de ses demandes de première instance tendant à la réparation de ses préjudices poursuivait la même fin, irrecevable la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 546, 564 et 565 du code de procédure civile :

11. Il résulte du premier de ces textes qu'une partie qui n'a pas obtenu totalement satisfaction en première instance est recevable à former appel. Il résulte des deuxième et troisième que sont recevables, comme n'étant pas nouvelles, les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

12. Pour déclarer Mme R... recevable en son appel mais irrecevable à contester le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire pour lequel elle avait entièrement obtenu gain de cause en première instance, et confirmer le jugement sur la somme de 506 euros allouée à ce titre, l'arrêt retient que devant le tribunal de grande instance, Mme R... sollicitait l'allocation d'une somme qui lui a été intégralement allouée par le jugement, qu'elle n'invoque ni erreur de calcul ni aggravation de ce chef de préjudice et qu'elle est dès lors dépourvue d'intérêt à demander la réformation du jugement.

13. En statuant ainsi, alors que la demande présentée en cause d'appel, qui tendait à la même fin d'indemnisation du préjudice résultant de l'accident que celle soumise au premier juge, et était dès lors recevable, la cour d'appel, qui a confondu les règles relatives à la recevabilité de l'appel et celles relatives à la recevabilité de la demande, a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

14. Mme R... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de doublement des intérêts au taux légal, alors « que l'assureur est tenu de faire une offre définitive d'indemnisation à la victime dans les cinq mois qui suivent la date à laquelle il a été informé de la date de consolidation de son état ; que la contestation, par la victime, des conclusions de l'expertise qui a fixé la date de consolidation ne dispense pas l'assureur de son obligation ; qu'en se fondant sur la circonstance que Mme R... avait contesté les conclusions de l'expertise du Dr U... datée du 11 juillet 2013, qui avait fixé la date de consolidation de ses blessures au 4 mai 2013, pour juger que la date à laquelle l'assureur en avait eu connaissance n'avait pas fait courir le délai de 5 mois dont il disposait pour formuler une offre d'indemnisation définitive à la victime, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :

15. Il résulte de ces textes que lorsque l'offre définitive, qui doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice, n'a pas été faite dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

16. Pour rejeter la demande de Mme R... de doublement du taux de l'intérêt légal, l'arrêt retient que si la consolidation avait été fixée au 4 mai 2013 par l'expert U... mandaté par l'assureur dans son rapport du 11 juillet 2013, Mme R... a contesté les éléments de ce rapport par lettre du 26 août 2013 adressée à l'assureur qui lui a proposé, à sa demande, de faire réaliser une seconde expertise amiable, ce à quoi la victime n'a pas donné suite et qui a conduit à la mise en oeuvre, en référé, d'une expertise judiciaire confiée à M. E..., lequel a déposé un rapport définitif le 6 août 2015, en fixant une date de consolidation de l'état de la victime différente de celle retenue par M. U....

17. L'arrêt ajoute que dans ces conditions, le délai de cinq mois prévu par l'article L. 211-9 n'a commencé à courir que du jour où l'assureur a eu connaissance du rapport de M. E... et que l'offre définitive adressée par l'assureur le 28 septembre 2015 l'a été dans ce délai et n'était pas manifestement insuffisante ni dérisoire.

18. En statuant ainsi, alors que la circonstance que la victime avait contesté la date de consolidation retenue par l'expert ne dispensait pas l'assureur de faire une offre d'indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare Mme R... recevable en son appel mais irrecevable à contester, devant la cour, le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire pour lequel elle a entièrement obtenu gain de cause en première instance, en ce qu'il confirme le jugement qui a fixé à 506 euros le préjudice de Mme R... au titre du déficit fonctionnel temporaire, en ce qu'il déboute Mme R... de sa demande au titre du doublement des intérêts au taux légal et en ce qu'il condamne la société Maif à payer à Mme R... la somme totale de 64 157,67 euros en réparation de ses préjudices sous déduction, le cas échéant, des provisions déjà versées, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article R. 376-1 du code de la sécurité sociale ; articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Soc., 7 octobre 1987, pourvoi n° 84-14.977, Bull. 1987, V, n° 528 (rejet) ; 2e Civ., 25 janvier 1989, pourvoi n° 87-19.392, Bull. 1989, II, n° 23 (cassation).

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-23.023, (P)

Cassation

Indemnisation – Tiers payeur – Subrogation conventionnelle – Effets – Droits et actions transmis par la victime – Etendue – Détermination – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Assurance mutuelle des motards du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Y... D... épouse S..., M. B... S..., Mme O... S..., M. C... S..., représenté par sa tutrice Mme Y... D... épouse S..., l'Association pour la réalisation et la gestion d'un complexe motocycliste (ARCM), prise en la personne de son président, M. Q... J..., en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de l'ARCM, la Caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (la caisse) et l'association Mutuelle Pro BTP.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 juillet 2019), le 18 août 2012, M. C... S..., assuré auprès de la société Assurance mutuelle des motards au titre d'un contrat comportant, en exécution d'un avenant signé le 20 mars 2012, une garantie corporelle conducteur, a été victime d'un accident sur un circuit géré par l'ARCM, assurée au titre de sa responsabilité civile auprès de la société Generali Iard.

3. La société Assurance mutuelle des motards a versé à la victime une certaine somme à valoir sur son indemnisation et Mme D..., en qualité de représentante légale de son fils, M. C... S..., placé sous tutelle, a obtenu, en référé, l'allocation, de la part de cet assureur, d'une indemnité provisionnelle complémentaire.

4. Mme D..., agissant tant en son nom qu'en qualité de représentante légale de M. C... S..., a assigné l'ARCM, la société Generali Iard, la caisse, la société Mutuelle Pro BTP et la société Assurance mutuelle des motards, afin de voir mettre en cause la responsabilité de l'ARCM dans l'accident survenu et la garantie de son assureur.

5. La société Assurance mutuelle des motards a formé une demande reconventionnelle contre l'ARCM et la société Generali Iard, afin d'obtenir le remboursement des sommes dues en exécution du contrat souscrit par M. C... S..., arguant être subrogée dans les droits de ce dernier.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société Assurance mutuelle des motards fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre la société Generali Iard, alors « que l'assureur qui bénéficie d'une subrogation conventionnelle dans les droits et actions de l'assuré qu'il a dédommagé à l'encontre de la personne tenue de réparer le dommage dispose de la plénitude des actions que son assuré aurait été admis à exercer ; qu'il peut ainsi exercer l'action directe dont disposait la victime à l'encontre de l'assureur du tiers responsable ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le contrat d'assurance souscrit par la victime comprenait une clause prévoyant la subrogation de son assureur dans ses droits et actions contre tout responsable du dommage, la cour d'appel a néanmoins estimé que la Mutuelle des motards était mal fondée à agir à l'encontre de l'assureur du responsable du dommage ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1250, 1° du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L. 124-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1250,1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, et les articles L.131-2, alinéa 2, L. 124-3 et L. 211-25 du code des assurances :

7. Il résulte des premier et troisième de ces textes que par l'effet de la subrogation conventionnelle prévue aux deuxième et dernier, l'assureur de la victime d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne est, pour le recouvrement des prestations indemnitaires ou de l'avance sur indemnité qu'il a versées à son assuré, investi de l'ensemble des droits et actions dont celui-ci disposait contre la personne tenue à réparation ou son assureur.

8. Pour débouter la société Assurance mutuelle des motards de sa demande dirigée contre la société Generali Iard, l'arrêt énonce que les dispositions combinées des articles L. 131-2 et L. 211-25 du code des assurances autorisent, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur, pour le remboursement des indemnités à caractère indemnitaire, à être subrogé dans les droits du contractant contre le tiers responsable ou son assureur, à condition pour ce dernier que cette subrogation soit contractuellement prévue. Il ajoute qu'en l'espèce, les conditions générales de la police d'assurance produites par la société Assurance mutuelle des motards stipulent, dans un « article 9.80 subrogation » : « nous sommes subrogés dans vos droits et actions contre tout responsable du sinistre à concurrence de l'indemnité que nous avons payée » et définissent en page 5 la subrogation comme le « droit par lequel nous nous substituons à vous pour récupérer auprès du responsable du dommage les indemnités que nous vous avons versées ».

L'arrêt retient encore que ces stipulations prévoient uniquement, de manière claire et précise, la possibilité d'un recours subrogatoire contre le responsable du dommage. Il en déduit que la société Assurance mutuelle des motards ne dispose d'aucune action subrogatoire conventionnelle contre la société Generali Iard, seule l'ARCM ayant été déclarée responsable, pour partie, de l'accident litigieux.

9. En statuant ainsi, alors que par l'effet de la subrogation conventionnelle, l'assureur de la victime est investi de l'action directe contre l'assureur du responsable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1250, 1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; articles L. 124-3, L. 131-2, alinéa 2, et L. 211-25 du code des assurances.

2e Civ., 5 novembre 2020, n° 19-17.062, (P)

Cassation partielle

Tiers payeur – Recours – Recours subrogatoire d'une société d'assurance – Fondement juridique – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2019), lors du tournage d'une scène d'un film produit par la société Ex nihilo, M. et Mme F... ont été heurtés par un véhicule conduit par l'un des acteurs et appartenant à M. X..., que ce dernier venait de prêter à la société Ex nihilo pour remplacer un véhicule indisponible.

2. La société GMF (la GMF), assureur de ce véhicule, ayant indemnisé M. et Mme F..., a exercé un recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex nihilo, en invoquant à son encontre une défaillance dans la sécurisation des lieux de tournage, et de ses assureurs de responsabilité, la société Allianz IARD (la société Allianz), venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, et la société Circles group.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses première et troisième branches, qui est préalable

Enoncé du moyen

3. La société Ex nihilo et la société Circles group font grief à l'arrêt de déclarer la société Ex nihilo responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont les époux F... ont été victimes le 24 août 2011 et de la condamner in solidum avec la société Circles group à payer à la GMF la somme de 198 083,15 euros au titre de son recours subrogatoire, alors :

« 1°/ que si l'article L. 121-12 du code des assurances dispose de façon générale que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, il est dérogé à cette règle par l'article L. 211-1 du même code en cas de dommages résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué ; que dans cette hypothèse, l'assureur ne peut être subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; qu'elle a également relevé que la société GMF avait, sur le fondement de l'article L. 211-9 du code des assurances, en sa qualité d'assureur de M. X..., propriétaire du véhicule impliqué, réglé diverses sommes à titre d'indemnités aux époux F... ; qu'en retenant cependant que le recours subrogatoire intenté par la société GMF contre la société Circles group, assureur de la société Ex nihilo, n'était pas régi par les dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances mais par celles de l'article L. 121-12 du même code, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé par fausse application le premier de ces textes et par refus d'application le second ;

3°/ subsidiairement, l'assureur ne peut en tout état de cause être subrogé que dans les droits et actions qui appartiennent au tiers victime qu'il indemnise ; que l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, à l'exclusion de celles des articles 1382 et suivants (devenus 1240 et suivants) du code civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. et Mme F... avaient été victimes d'un accident de la circulation le 24 août 2011 impliquant un véhicule appartenant à M. X..., qui avait été prêté gracieusement par ce dernier à la société Ex nihilo pour les besoins du tournage, ce dont il résulte que cette dernière était la gardienne du véhicule ; que l'indemnisation de M. et Mme F... ne pouvait en conséquence intervenir que sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, ce qui a d'ailleurs été le cas ; qu'en conséquence, à supposer même que la société GMF puisse faire valoir avoir été subrogée dans les droits de M. et Mme F... à l'égard de la personne responsable de l'accident, son recours subrogatoire fondé sur les articles 1382 et 1383 du code civil (devenus 1240 et 1241) n'en demeurerait pas moins irrecevable, faute d'existence de tout recours ouvert sur le fondement de ces textes au profit des victimes de l'accident ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble les articles 1382 et 1383 du code civil (devenus 1240 et 1241). »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 1382, devenu 1240, et 1383, devenu 1241, du code civil, L. 121-12, alinéa 1, et L. 211-1, alinéas 2 et 3, du code des assurances :

4. Il résulte du premier de ces textes que les victimes d'un accident dans lequel se trouve impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peuvent être indemnisées que sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

5. Selon le dernier de ces textes, les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée en son premier alinéa doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, et l'assureur n'est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident que lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. Il en découle que l'assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident ne peut agir que sur le fondement de ce texte, à l'exclusion du droit commun.

6. Pour déclarer la société Ex nihilo responsable, sur le fondement de sa faute, des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011 et la condamner in solidum avec la société Circles group à payer à la GMF la somme de 198 083,15 euros au titre de son recours subrogatoire, l'arrêt retient tout d'abord que, selon l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, et que l'article L. 211-1 du même code dispose notamment que les contrats d'assurance couvrant la responsabilité de toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule.

7. L'arrêt relève ensuite que la GMF exerce toutefois son recours subrogatoire contre la société Ex nihilo en tant qu'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de la faute, et non en tant que gardienne du véhicule impliqué dans l'accident, et que le recours subrogatoire ainsi dirigé n'est pas régi par l'article L. 211-1, alinéa 3, du code des assurances mais par l'article L. 121-12 de ce code, applicable aux assurances de dommages en général et aux assurances de responsabilité en particulier et que, bien qu'il n'envisage expressément que la subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré, il est de jurisprudence constante que l'assureur peut se prévaloir, sur le fondement de cet article, d'une subrogation dans les droits du tiers victime qu'il indemnise et exercer ainsi le recours qui lui appartenait contre le coresponsable de l'accident.

8. L'arrêt en déduit que la GMF apparaît recevable à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société Ex nihilo en qualité de tiers coresponsable, comme l'ont retenu avec pertinence les premiers juges.

9. En accueillant ainsi les demandes de la GMF à l'encontre de la société Ex nihilo sur le fondement des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, alors qu'il résultait de ses constatations qu'un véhicule, dont le propriétaire n'avait pas été dépossédé contre sa volonté, était impliqué dans l'accident, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

10. La cassation prononcée sur le moyen du pourvoi incident prive de tout effet la condamnation de la société Allianz, assureur de responsabilité civile de la société Ex nihilo, mais non du véhicule impliqué dans l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011, à garantir cette dernière des condamnations prononcées à son encontre.

Demande de mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la GMF, dans la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Ex nihilo responsable, sur le fondement de sa faute, des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 24 août 2011, en ce qu'il condamne in solidum la société Ex nihilo et la société Circles group à payer la somme de 198 083,15 euros à la société GMF au titre de son recours subrogatoire, et en ce qu'il condamne la société Allianz IARD à garantir la société Ex nihilo des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 21 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; articles L. 121-12, alinéa 1, et L. 211-1, alinéas 2 et 3, du code des assurances ; articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 septembre 2013, pourvoi n° 12-24.409, Bull. 2013, II, n° 169 (cassation).

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