Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

VENTE

3e Civ., 21 novembre 2019, n° 18-23.251, (P)

Rejet

Immeuble – Diagnostic de performance énergétique – Contrôleur technique ou technicien de la construction – Diagnostic erroné – Conséquences – Responsabilité – Dommage – Réparation – Caractérisation du préjudice

Selon le II de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, le diagnostic de performance énergétique mentionné au 6° de ce texte n'a, à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, qu'une valeur informative.

Dès lors, une cour d'appel, qui a retenu qu'un diagnostiqueur avait commis une faute dans l'accomplissement de sa mission à l'origine d'une mauvaise appréciation de la qualité énergétique d'un immeuble, en a déduit à bon droit que le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée ne consistait pas dans le coût de l'isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente.

Immeuble – Diagnostic de performance énergétique – Contrôleur technique ou technicien de la construction – Diagnostic erroné – Conséquences – Responsabilité – Dommage – Réparation – Perte de chance

Immeuble – Diagnostic de performance énergétique – Document à simple valeur informative – Portée

Donne acte à M. et Mme U... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme W... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble,12 juin 2018), que, par acte du 27 novembre 2009, M. et Mme W... ont vendu à M. et Mme U... une maison d'habitation ; qu'une expertise a révélé que le diagnostic de performance énergétique (DPE) était erroné ; que M. et Mme U... ont assigné M. et Mme W..., le diagnostiqueur, M. G..., et son assureur,

La Mutualité Mutuelles du Mans assurances, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et en indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que M. et Mme U... font grief à l'arrêt de déclarer M. G... responsable de la seule perte de chance et de limiter leur indemnisation, alors, selon le moyen, que, lorsque le diagnostic prévu au 6° de l'article L. 271-4 du du code de la construction et de l'habitation n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et se révèle erroné, le coût des travaux nécessaires pour réaliser une isolation thermique conforme à la performance énergétique annoncée dans ce diagnostic constitue un préjudice certain dont le diagnostiqueur doit réparation ; qu'en jugeant que le préjudice subi par les époux U... du fait de l'information erronée du diagnostic sur la qualité énergétique du bien était seulement une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente et non pas le coût de l'isolation nécessaire pour satisfaire à la performance énergétique annoncée, la cour d'appel a violé les articles L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation et 1382, devenu 1240, du code civil ;

Mais attendu que, selon le II de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, le DPE mentionné au 6° de ce texte n'a, à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, qu'une valeur informative ; qu'ayant retenu que M. G... avait commis une faute dans l'accomplissement de sa mission à l'origine d'une mauvaise appréciation de la qualité énergétique du bien, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée ne consistait pas dans le coût de l'isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Greff-Bohnert - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 271-4 II du code de la construction et de l'habitation.

Rapprochement(s) :

Sur la responsabilité du diagnostiqueur en cas de diagnostic erroné, à rapprocher : 3e Civ., 15 octobre 2015, pourvoi n° 14-18.077, Bull. 2015, III, n° 99 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-12.408, Bull. 2016, III, n° 66 (cassation), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 30 juin 2016, pourvoi n° 14-28.839, Bull. 2016, III, n° 87 (cassation partielle).

Com., 27 novembre 2019, n° 18-16.821, (P)

Rejet

Vendeur – Obligations – Obligation de renseigner – Produit nouveau – Risques pouvant résulter de l'utilisation

Ayant relevé que l'acquéreur avait interrogé le vendeur sur la portée exacte des caractéristiques techniques du produit, mis sur le marché, en 2012, pour le traitement des pommes, puis étendu, peu à peu, à la culture des abricotiers, et retenu que le vendeur avait, certes, informé l'acquéreur qu'il ne fallait pas, ou le moins possible, marquer les fruits et qu'il convenait de s'approprier la méthode d'application du produit, mais n'avait donné aucune indication sur cette méthode ni sur le fait que l'épiderme duveteux de l'abricot était de nature à retenir le talc, composé de particules fines, et que les conséquences d'un marquage étaient irrémédiables, le fruit ne pouvant être nettoyé, la cour d'appel a pu en déduire que le vendeur avait manqué à son obligation de donner à l'acquéreur d'un produit nouveau, fût-il utilisateur professionnel de ce produit, les renseignements nécessaires à son usage et de l'informer, le cas échéant, des risques pouvant en résulter.

Vendeur – Obligations – Obligation de renseigner – Produit nouveau – Renseignements nécessaires à l'utilisation

Vendeur – Obligations – Obligation de renseigner – Produit nouveau – Vente à un professionnel – Dispense (non)

Donne acte à la société Compo expert France du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'association Ceta du Vidourle ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 mars 2018), que le 30 avril 2014, la société Etablissements X... (la société X...) a vendu à la société le Puech rouge (la société le Puech), arboriculteur, un produit fabriqué par la société Compo expert France (la société Compo), destiné à créer une barrière protectrice sur les organes végétatifs en vue de prévenir les dégâts liés aux coups de soleil ; que les abricots traités avec ce produit étant devenus impropres à la consommation, la société le Puech a assigné en paiement de dommages-intérêts la société X..., laquelle a appelé en garantie la société Compo, se prévalant d'un manquement par cette dernière à son obligation d'information et de conseil ;

Attendu que la société Compo fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devra relever et garantir la société X... de sa condamnation à payer à la société le Puech une certaine somme en réparation de son préjudice alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation d'information du fabricant à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société Compo avait manqué à son devoir de conseil envers la société X... en ne la mettant pas en mesure de satisfaire sa propre obligation de conseil envers la société le Puech, dès lors qu'elle n'avait pas alerté « les utilisateurs des dangers de marquage des fruits en cas d'application tardive ni de ce que l'épiderme duveteux de l'abricot est de nature à davantage retenir le produit qu'un fruit lisse » ; que, pour se prononcer ainsi, la cour d'appel s'est fondée sur les informations générales transmises au Ceta du Vidourle par un courriel du 4 avril 2014 et leur mise en oeuvre par la société le Puech ; qu'en statuant de la sorte, tandis que l'obligation d'information dont la société Compo était redevable envers la société X..., son seul cocontractant, devait s'apprécier au regard des renseignements que cette dernière, acquéreur professionnel, avait fourni à la société Compo sur l'utilisation par l'acquéreur final du produit qu'elle lui avait commandé, la cour d'appel a violé les articles 1147, dans sa rédaction applicable en la cause, et 1615 du code civil ;

2°/ que le professionnel n'engage pas sa responsabilité au titre de son devoir d'information, de conseil et de mise en garde, si le préjudice allégué par son client résulte d'une méconnaissance des préconisations qui lui ont été faites s'agissant de la mise en oeuvre du produit acheté ; qu'en l'espèce, la société Compo faisait valoir que M. S..., l'un de ses préposés, avait indiqué dans un courriel du 4 avril 2014 au Ceta du Vidourle, qui l'avait interrogé d'une manière générale sur l'application du produit Invelop Talc sur des abricots de variété Farbaly, qu'il convenait de procéder à plusieurs passages, dont un premier passage à 45 kg/ha la semaine du 7 avril, après avoir précisé qu'il convenait d'éviter de marquer les fruits ou le moins possible ; qu'elle faisait également valoir que la société le Puech avait appliqué le produit Invelop Talc en un seul passage, le 24 mai 2014, prenant ainsi le risque que les pluies ayant lieu entre la date d'application et la date de récolte ne soient pas suffisantes pour nettoyer complètement les fruits, et selon un dosage supérieur à celui préconisé pour cette période de l'année, de sorte que l'utilisation du produit avait été trop tardive et ne correspondait pas aux préconisations de la société Compo ; que la cour d'appel a néanmoins jugé le contraire, aux motifs qu'il était impossible à la société le Puech d'appliquer le produit durant la semaine du 7 avril puisqu'il n'avait été livré que le 17 avril et qu'elle avait « pris la précaution de n'appliquer qu'une fois le produit à un dosage inférieur aux 45 kg par hectare préconisé par M. S... pour le premier passage », cette application ayant été effectuée tandis que « les abricots étaient au stade de « petits fruits », leur récolte n'ayant lieu qu'en juillet », de sorte que l'application n'était « pas tardive au regard des indications données dans le Powerpoint du fabricant qui fait état page 24 de passages sur des abricotiers variété Farbaly fin mai pour un dosage de 30 kg par hectare sur l'itinéraire Crau 1 » ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le courriel du 4 avril 2014 transféré à la société le Puech le 7 avril mentionnait expressément le risque de marquage et comportait des préconisations précises sur les dates d'application du produit Invelop Talc, notamment sur la nécessité de procéder à un premier passage la semaine du 7 avril au plus tard, ni si cette préconisation était formulée afin que les pluies ultérieures soient suffisantes pour nettoyer les fruits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, dans sa rédaction applicable en la cause, et 1615 du code civil ;

3°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'application, par la société le Puech, du produit Invelop Talc sur sa production d'abricots Farbaly le 24 mai 2014 n'était pas tardive « au regard des indications données dans le Powerpoint du fabricant qui fait état page 24 de passages sur des abricotiers variété Farbaly fin mai pour un dosage de 30 kg par hectare sur l'itinéraire Crau 1 avec un résultat cité page 27 de 90 % de fruits indemnes sur Invelop », et dès lors le « premier passage » avait été effectué à un dosage « inférieur aux 45 kg par hectare préconisé par M. S... [...] alors que les abricots étaient au stade de « petits fruits », leur récolte n'ayant lieu qu'en juillet » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que ce document s'il mentionnait effectivement un passage à la fin du mois de mai à un dosage de 30 kg par hectare, mentionnait également trois autres passages préalables, dont le premier au début du mois d'avril, pour une récolte en juillet, conformément aux préconisations de la société Compo laquelle avait insisté sur une première application précoce au début du mois d'avril pour éviter le marquage des fruits, la cour d'appel a dénaturé par omission cet écrit en violation de l'article 1134 alors applicable ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société le Puech avait interrogé la société Compo sur la portée exacte des caractéristiques techniques du produit, mis sur le marché, en 2012, pour le traitement des pommes, puis étendu, peu à peu, à la culture des abricotiers, l'arrêt retient que cette dernière avait, certes, informé la société le Puech qu'il ne fallait pas, ou le moins possible, marquer les fruits et qu'il convenait de s'approprier la méthode d'application du produit, mais n'avait donné aucune indication sur cette méthode ni sur le fait que l'épiderme duveteux de l'abricot était de nature à retenir le talc, composé de particules fines, et que les conséquences d'un marquage étaient irrémédiables, le fruit ne pouvant être nettoyé ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui, sans dénaturation, a procédé à la recherche invoquée par la deuxième branche, a pu déduire que la société le Puech avait manqué à son obligation de donner à l'acquéreur d'un produit nouveau, fût-il utilisateur professionnel de ce produit, les renseignements nécessaires à son usage et de l'informer, le cas échéant, des risques pouvant en résulter ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Kass-Danno - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; Me Carbonnier ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; article 1615 du code civil.

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