Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION

Soc., 20 novembre 2019, n° 18-20.208, (P)

Cassation partielle

Salaire – Frais professionnels – Remboursement – Action en paiement – Prescription – Prescription biennale – Domaine d'application – Cas – Indemnité de transport – Portée

L'action en paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels n'est pas soumise à la prescription triennale prévue à l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 se rapportant à l'action en paiement ou en répétition du salaire.

Doit, ainsi, être approuvée la cour d'appel qui, retenant qu'une indemnité de transport relève du régime des frais professionnels, en déduit que l'action en paiement de cette prime est soumise à la prescription biennale prévue pour les actions portant sur l'exécution du contrat de travail.

Salaire – Frais professionnels – Remboursement – Domaine d'application – Indemnité de transport – Effets – Délai de prescription de l'action en paiement – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé en qualité de secrétaire de rédaction par la société d'édition et d'impression du Languedoc Provence Côte d'Azur (la société) suivant contrat à durée déterminée du 1er décembre 1988 ; que son contrat s'étant poursuivi au-delà de son terme est devenu un contrat à durée indéterminée ; que par jugement du 24 novembre 2014, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société, convertie en liquidation judiciaire le 2 décembre 2014, M. I... étant désigné en qualité de liquidateur ; que le 29 octobre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la reclassification de son emploi et la fixation au passif de la liquidation judiciaire de ses créances de salaire, de primes et de dommages-intérêts ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur la seule somme de 884,70 euros au titre de la prime de transport, alors, selon le moyen, que la prescription triennale instituée par l'article L. 143-13 du code du travail s'applique à toute action afférente au salaire ; que tel est le cas d'une action tendant au remboursement de frais professionnels ; qu'en retenant, pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 884,70 euros au titre de la prime de transport, que « les intimés font valoir à juste titre que la prescription triennale ne s'applique pas aux actions en paiement relatives aux frais professionnels » et que « l'indemnité de transport a le caractère d'un avantage en nature de sorte que la prescription est biennale », la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 ;

Mais attendu que la cour d'appel, ayant retenu, par des motifs non critiqués, que le versement de l'indemnité de transport relevait du régime des frais professionnels, en a exactement déduit que l'action en paiement de cette prime n'était pas soumise aux dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail issues de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 se rapportant à l'action en paiement ou en répétition du salaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen : Publication sans intérêt

Et attendu que la cassation à intervenir entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le deuxième moyen relatif à la fixation de la créance salariale qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il retient une prescription triennale pour les salaires et les sommes assimilées et fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société SEILPCA la Marseillaise la créance de M. A... à la somme de 17 027,16 euros au titre du rappel de salaire pour la période d'octobre 2012 à avril 2015, outre la somme de 1 702,71 euros au titre des congés payés afférents et à la somme de 1 758,80 euros au titre du treizième mois pour la période correspondante, l'arrêt rendu le 25 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Articles L. 3245-1 et L. 1471-1 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Rapprochement(s) :

Sur la nature juridique des indemnités de transport, à rapprocher : Soc., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-23.341, Bull. 2017, V, n° 8 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités.

Soc., 20 novembre 2019, n° 18-11.811, (P)

Cassation partielle

Salaire – Salaire minimum – Salaire minimum conventionnel – Contrôle du respect de la rémunération minimale conventionnelle – Calcul – Assiette – Eléments pris en compte – Prise en compte des éléments de salaire à versement non mensuel uniquement pour le mois où ils ont été effectivement versés – Exclusion – Cas – Article 32 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et de sociétés de conseils du 15 décembre 1987 – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que M. D... a été engagé le 27 juillet 2000 en qualité de technicien micro-réseaux par la société GMF-BMI ; que le contrat de travail a été transféré à des employeurs successifs, en dernier lieu à la société Sogeti France ; que depuis le 31 décembre 2016 le salarié est classé, au sein de la catégorie cadre, à la position 3.1, coefficient 170, grade A de la classification des emplois de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec ; que le salarié a saisi la formation des référés d'une juridiction prud'homale de diverses demandes ; que le syndicat Alliance ouvrière est intervenu volontairement devant la cour d'appel ;

Sur les deux moyens du pourvoi incident du salarié et du syndicat :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :

Vu l'article 32 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 ;

Attendu, selon ce texte, que dans les barèmes des appointements minimaux garantis afférents aux positions définies, sont inclus les avantages en nature évalués d'un commun accord et mentionnés dans la lettre d'engagement ainsi que les rémunérations accessoires en espèces, mensuelles ou non, fixées par la lettre d'engagement ou par la lettre de régularisation d'engagement ou par un accord ou une décision ultérieure ; que pour établir si l'ingénieur ou le cadre reçoit au moins le minimum le concernant, les avantages prévus ci-dessus doivent être intégrés dans la rémunération annuelle dont 1/12 ne doit, en aucun cas, être inférieur à ce minimum ; que par contre, les primes d'assiduité et d'intéressement, si elles sont pratiquées dans l'entreprise, les primes et gratifications de caractère exceptionnel et non garanties ne sont pas comprises dans le calcul des appointements minimaux, non plus que les remboursements de frais, les indemnités en cas de déplacement ou détachement ; qu'il en résulte qu'en instituant un contrôle du respect de la rémunération minimale conventionnelle, une fois l'année écoulée, par comparaison entre le salaire minimum conventionnel mensuel et le douzième de la rémunération annuelle à intégrer dans l'assiette de comparaison, la convention collective fait exception au principe selon lequel les éléments de salaire à versement non mensuel ne doivent être pris en compte dans la comparaison avec le salaire minimum mensuel que pour le mois où ils ont été effectivement versés ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement, par provision, de la différence entre le salaire brut mensuel versé au salarié sur la période de juillet 2014 à juillet 2017 inclus et le salaire brut mensuel conventionnellement garanti, exception faite des mois de juin et de décembre de chaque année comprise dans cette période, l'arrêt retient que si les primes de vacances et de fin d'année ne doivent pas être déduites des appointements minimaux bruts garantis, en revanche, contrairement à l'argumentaire de l'employeur tendant à une appréciation année par année du respect du minimum conventionnel, c'est mois par mois qu'il doit être vérifié si le salaire brut est au moins égal au minimum mensuel conventionnel garanti ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sogeti France au paiement, par provision, de la différence entre le salaire brut mensuel versé au salarié sur la période de juillet 2014 à juillet 2017 inclus et le salaire brut mensuel conventionnellement garanti, exception faite des mois de juin et de décembre de chaque année comprise dans cette période, l'arrêt rendu le 7 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Schamber - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 32 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite convention Syntec.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que les éléments de salaire à versement non mensuel ne doivent être pris en compte dans la comparaison avec le salaire minimum mensuel que pour le mois où ils ont été effectivement versés, à rapprocher : Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-22.539, Bull. 2018, V, (cassation partielle).

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