Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

SEPARATION DES POUVOIRS

Soc., 14 novembre 2019, n° 18-13.887, (P)

Rejet

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Licenciement économique – Plan de sauvegarde de l'emploi – Projet de restructuration – Mise en oeuvre – Obligation de sécurité – Employeur – Manquement – Contrôle – Office du juge judiciaire – Détermination – Portée

Selon l'article L. 1235-7-1 du code du travail, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4.

Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

En revanche, une cour d'appel, qui constate être saisie de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en oeuvre d'un projet de restructuration, en déduit exactement que le juge judiciaire est compétent.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2018), que la société Chubb France, qui exploite une activité de conception, d'installation et de maintenance de systèmes de sécurité incendie, a présenté au début de l'année 2015 un projet de réorganisation de son activité, intitulé « Convergence », destiné à harmoniser et simplifier les processus de gestion informatique, notamment en développant de nouveaux outils informatiques entre les différentes entités fusionnées au sein de la société ; que ce projet s'accompagnait d'un plan de sauvegarde de l'emploi compte tenu de la suppression prévue de soixante et onze postes de travail ; que le projet « Convergence » a fait l'objet d'une mesure d'expertise, à la demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ayant pour objet l'évaluation des impacts sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, à la suite duquel a été émis le 20 avril 2015 par ledit comité un avis défavorable ; qu'un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu le 29 mai 2015 et validé par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 30 juin 2015 ; que le 1er juillet 2015, le CHSCT réseau a voté le recours à une nouvelle expertise avec notamment pour mission l'identification des risques de facteurs psychosociaux en lien avec le projet ; qu'à compter du 4 juillet 2015, le projet « Convergence » a été mis en place à titre expérimental avant d'être déployé en juillet 2016 sur l'agence de Marseille littoral et étendu en janvier 2017 à l'ensemble de la région Méditerranée ; que plusieurs licenciements économiques étaient intervenus dès novembre 2015 ; que le 16 janvier 2017, l'expert a conclu à l'existence de risques psychosociaux ; que le secrétaire du CHSCT réseau a déclenché le 10 mars 2017 une procédure d'alerte en raison de l'existence d'une cause de danger grave et imminent au sein de la région Méditerranée, puis a saisi le 16 mars 2017 l'inspection du travail ; que le CHSCT a fait assigner en référé la société afin notamment qu'il soit constaté que celle-ci n'avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, qu'il lui soit ordonné, sous astreinte, de suspendre toute mise en oeuvre du projet « Convergence » dans la région pilote Méditerranée et qu'il soit interdit tout déploiement de ce même projet dans d'autres régions ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer le juge judiciaire compétent et en conséquence de rejeter l'exception d'incompétence au profit du juge administratif, alors, selon le moyen, que l'appréciation des éventuels manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, commis dans le cadre de l'établissement ou de la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi conclu après l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, relève de la compétence du juge administratif ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde applicable à la société Chubb France avait été conclu dans le cadre d'un accord majoritaire du 29 mai 2015, de sorte que l'appréciation des éventuels manquements de l'employeur à son obligation de sécurité dans l'établissement et la mise en oeuvre de ce plan, s'agissant notamment de la prise en compte des risques psychosociaux induits par le projet de restructuration, échappait à la compétence du juge judiciaire ; que dès lors, en retenant la compétence du juge judiciaire, et en se prononçant sur les demandes de suspension et d'interdiction formées par le CHSCT de la société Chubb France, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret fructidor an III, ensemble les articles L. 1233-61 et L. 1235-7-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

Mais attendu que selon l'article L. 1233-57-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, l'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée notamment de sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3, de la présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63, de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ; que selon l'article L. 1235-7-1 du code du travail, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4 ; que ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le juge judiciaire avait été saisi de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en oeuvre du projet de restructuration, en a exactement déduit que celui-ci était compétent ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 1233-24-1, L. 1233-24-4, L. 1233-57-4, L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail.

1re Civ., 14 novembre 2019, n° 18-21.664, (P)

Rejet

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige opposant un service public industriel et commercial à ses usagers – Définition – Cas – Litige concernant les dommages causés à l'occasion de la fourniture de la prestation

Après avoir relevé que le propriétaire de marchandises ayant été endommagées à l'occasion de leur acheminement par le réseau ferroviaire national, à la suite de la rupture d'une caténaire, avait conclu un contrat avec un commissaire de transport, qui avait lui-même contracté avec une société titulaire d'une licence d'entreprise ferroviaire, et retenu que le dommage invoqué par le propriétaire de ces marchandises s'inscrivait dans une chaîne contractuelle qui le rendait utilisateur du réseau ferroviaire, une cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que ledit propriétaire bénéficiait de la prestation de mise à disposition de l'infrastructure ferroviaire fournie par l'établissement public SNCF réseau, en a exactement déduit qu'il devait être regardé comme un usager de ce service public industriel et commercial et que, par suite, la juridiction judiciaire avait compétence pour connaître de l'action en responsabilité exercée à l'encontre de cet établissement public.

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige opposant un service public industriel et commercial à ses usagers – Usagers – Définition – Personne bénéficiant des prestations du service en cause – Applications diverses

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 juillet 2018), que la société Peugeot Citroën automobiles (la société PCA) a chargé la société Gefco, commissionnaire de transport, de l'organisation du transport de deux-cent-trente-et-un véhicules neufs, assurés auprès des sociétés Axa Corporate solutions assurance, CNA Insurance Company Limited, AIG Europe Limited, XL Insurance Company Limited, Royal & Sun Alliance Insurance PLC, KA Köln Assekuranz Agentur GmbH, Great Lakes Reinsurance (UK) PLC et Torus Insurance Marketing Limited, la société Starstone Services Limited venant aux droits de cette dernière (les assureurs) ; que la société Gefco a confié les opérations matérielles de transport à la société Euro cargo rail, qui a chargé les véhicules sur des wagons en vue de leur acheminement par le réseau ferré national ; que, le 5 mars 2013, la rupture d'une caténaire a provoqué d'importants dommages auxdits véhicules ; que la société PCA et les assureurs ont assigné la société Gefco, la société Euro cargo rail et l'établissement public Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau (l'établissement public), en responsabilité et indemnisation ; que ce dernier a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que l'établissement public fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître de l'action en responsabilité dirigée contre lui, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une action tendant à la réparation d'un dommage causé par un ouvrage public relève de la compétence des juridictions judiciaires dans la seule hypothèse où elle est intentée par l'usager d'un service public industriel et commercial utilisant l'ouvrage en cette qualité ; que le seul fait d'utiliser un ouvrage public ne confère pas la qualité d'usager du service public industriel et commercial qui en assure la gestion ; qu'en l'occurrence, en déduisant la compétence des juridictions judiciaires pour connaître de l'action en responsabilité engagée par la société PCA à l'encontre de SNCF Réseau du fait que cette société était utilisatrice du réseau ferroviaire, la cour d'appel a violé les lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII, ainsi que le décret du 16 fructidor an III ;

2°/ que la qualité d'usager d'un service public industriel et commercial est reconnue à celui qui bénéficie personnellement et directement des prestations en cause ; qu'en se fondant sur la présence d'une chaîne contractuelle rendant la société PCA utilisatrice du réseau ferroviaire dont SNCF Réseau a la charge sans rechercher si la société PCA bénéficiait personnellement et directement de prestations dues par le service à son égard, pour estimer que le litige relevait de la compétence des juridictions judiciaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII, ainsi que du décret du 16 fructidor an III ;

Mais attendu que, conformément à l'article L. 2111-9 du code des transports, l'établissement public Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, a la qualité d'établissement public national à caractère industriel et commercial et est le gestionnaire du réseau ferré national ; que la voie ferrée et ses dépendances ont le caractère d'ouvrages publics ; que, si les actions en responsabilité dirigées contre l'exploitant d'un service public en raison des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics qui concourent à son activité ressortissent à la juridiction administrative, la juridiction judiciaire a seule compétence pour connaître des dommages causés à l'usager d'un service public industriel et commercial à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service à son égard, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, dans l'exécution de travaux publics ou dans l'entretien ou le fonctionnement d'un ouvrage public ;

Et attendu qu'après avoir relevé que la société PCA a conclu un contrat de commission de transport avec la société Gefco, qui a elle-même contracté avec la société Euro cargo rail, titulaire d'une licence d'entreprise ferroviaire, l'arrêt retient que le dommage invoqué par la société PCA s'inscrit dans une chaîne contractuelle qui la rend utilisatrice du réseau ferroviaire ; qu'ayant ainsi fait ressortir que cette société bénéficiait de la prestation de mise à disposition de l'infrastructure ferroviaire fournie par l'établissement public, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à procéder à la recherche inopérante visée par la seconde branche du moyen, qu'elle devait être regardée comme un usager de ce service public industriel et commercial et que, par suite, la juridiction judiciaire avait compétence pour connaître du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : Mme Ab-Der-Halden et M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII ; décret du 16 fructidor an III.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence judiciaire s'agissant des dommages causés par un service public industriel et commercial à un usager à l'occasion de la fourniture de la prestation, à rapprocher : 1re Civ., 20 mai 2009, pourvoi n° 07-20.680, Bull. 2009, I, n° 103 (cassation) ; 1re Civ., 14 avril 2010, pourvoi n° 09-11.973, Bull. 2010, I, n° 100 (rejet).

1re Civ., 14 novembre 2019, n° 18-16.514, (P)

Cassation

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige relatif à un contrat de droit privé – Contrat de droit privé – Caractérisation – Cas – Convention liant un éco-organisme, chargé par des producteurs de s'acquitter pour leur compte de leur obligation légale de collecte des déchets, et une collectivité territoriale

Saisi par la Cour de cassation (1re Civ., 10 avril 2019, pourvoi n° 18-16.514, publié), le Tribunal des conflits a, par arrêt du 1er juillet 2019 (n° 4162), décidé que la convention par laquelle un syndicat mixte avait confié à un éco-organisme agréé la prise en charge de la gestion des déchets diffus spécifiques ménagers présentait le caractère d'un contrat de droit privé et que, par suite, le litige relatif à l'exécution de cette convention ressortissait à la juridiction judiciaire.

Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ce litige.

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant convention conclue le 15 juillet 2013, le syndicat mixte Sud Rhône environnement (le syndicat mixte) a confié à la société EcoDDS (la société), éco-organisme agréé, la prise en charge de la gestion de déchets diffus spécifiques ménagers ; qu'un litige relatif à l'exécution de la convention étant né entre les parties, la société a saisi la juridiction judiciaire aux fins d'annulation du titre exécutoire émis contre elle par le syndicat mixte ; que celui-ci a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que l'arrêt déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige et renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Attendu, cependant, que, saisi par la Cour de cassation (1re Civ., 10 avril 2019, pourvoi n° 18-16.514, publié), en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le Tribunal des conflits a, par arrêt du 1er juillet 2019 (n° 4162), énoncé, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 541-10-4 du code de l'environnement que la collecte des déchets ménagers de produits chimiques dangereux pour la santé et l'environnement incombe de plein droit aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits, que, par suite, la convention par laquelle une collectivité territoriale s'engage envers un éco-organisme agissant pour le compte des producteurs, importateurs et distributeurs à collaborer à cette collecte en contrepartie d'un versement financier ne peut être regardée comme confiant à cet organisme l'exécution du service public de la collecte et du traitement des déchets ménagers ni comme le faisant participer à cette exécution et que, l'agrément d'un éco-organisme chargé par les producteurs de s'acquitter pour leur compte de leur obligation légale n'investissant pas cet organisme de missions de service public, la convention n'a pas davantage pour objet de coordonner la mise en oeuvre de missions de service public incombant respectivement à une personne publique et à une personne privée ; qu'il a jugé, en second lieu, que, si la convention litigieuse, conclue pour une durée indéterminée, prévoyait que le syndicat mixte pouvait mettre fin « de plein droit » à son exécution moyennant un préavis de quatre-vingt-dix jours, alors que la société ne pouvait la résilier que dans des cas limitativement prévus, cette clause, compte tenu notamment des conséquences respectives de la résiliation pour les deux parties et des prérogatives importantes accordées par ailleurs à la société, ne pouvait être regardée comme impliquant que les relations contractuelles aient été placées dans l'intérêt général sous un régime exorbitant du droit commun, et qu'aucune autre clause de la convention n'avait une telle portée ; qu'il en a déduit que la convention liant la société au syndicat mixte présentait le caractère d'un contrat de droit privé et que, dès lors, le litige relatif à l'exécution de cette convention ressortissait à la compétence de la juridiction judiciaire ; que, conformément à l'article 11 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits, cette décision s'impose à toutes les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III.

Rapprochement(s) :

Tribunal des conflits, 1er juillet 2019, n° 4162, publié au Recueil Lebon ; 1re Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-22.793, Bull. 2019, (cassation).

1re Civ., 14 novembre 2019, n° 18-22.793, (P)

Cassation

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige relatif à un contrat de droit privé – Contrat de droit privé – Caractérisation – Cas – Convention liant un éco-organisme, chargé par des producteurs de s'acquitter pour leur compte de leur obligation légale de collecte des déchets, et une collectivité territoriale

Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui, pour décliner la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige relatif à l'exécution d'une convention par laquelle un syndicat mixte a confié à un éco-organisme agréé la prise en charge de la gestion des déchets diffus spécifiques ménagers, énonce que la gestion et le traitement des déchets ménagers demeurent une mission de service public, qu'ils soient exercés directement par le syndicat mixte ou que celui-ci confie tout ou partie de ses tâches à un tiers, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la gestion des déchets diffus spécifiques ménagers, dont la collecte incombe de plein droit aux producteurs, importateurs et distributeurs de produits chimiques dangereux pour la santé et l'environnement (TC, 1er juillet 2019, Société EcoDDS c. Syndicat mixte Sud Rhône environnement, n° 4162), n'obéissait pas à un régime distinct de celui applicable à la gestion des déchets des ménages, confiée aux communes.

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige relatif à un contrat de droit privé – Caractérisation – Cas – Convention liant un éco-organisme, chargé par des producteurs de s'acquitter pour leur compte de leur obligation légale de collecte des déchets, et une collectivité territoriale

Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui, pour décliner la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige relatif à l'exécution d'une convention par laquelle un syndicat mixte a confié à un éco-organisme agréé la prise en charge de la gestion des déchets diffus spécifiques ménagers, retient la faculté de résiliation unilatérale, sans indemnité et sans avoir à justifier d'un motif, stipulée au profit du syndicat mixte, confère un caractère administratif au contrat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, au regard de l'économie générale de ce contrat et compte-tenu, notamment, des conséquences respectives de la résiliation pour les deux parties et des prérogatives accordées par ailleurs à l'éco-organisme, cette clause de résiliation unilatérale pouvait être regardée comme impliquant que les relations contractuelles aient été placées dans l'intérêt général sous un régime exorbitant du droit commun.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant convention conclue le 20 septembre 2013, le Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation du Libournais Haute-Gironde (le syndicat mixte) a confié à la société EcoDDS (la société), éco-organisme agréé, la prise en charge de la gestion de déchets diffus spécifiques ménagers ; qu'un litige relatif à l'exécution de cette convention étant né entre les parties, la société a saisi la juridiction judiciaire aux fins d'annulation du titre exécutoire émis contre elle par le syndicat mixte ; que celui-ci a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales et L. 541-10-4 du code de l'environnement ;

Attendu que, pour décliner la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige, l'arrêt énonce que la gestion et le traitement des déchets ménagers sont une mission de service public et demeurent une mission de service public qu'ils soient exercés directement par le syndicat mixte ou que celui-ci confie tout ou partie de ses tâches à un tiers ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la gestion des déchets diffus spécifiques ménagers, dont la collecte incombe de plein droit aux producteurs, importateurs et distributeurs de produits chimiques dangereux pour la santé et l'environnement (TC, 1er juillet 2019, Société EcoDDS c/ Syndicat mixte Sud Rhône environnement, n° 4162), n'obéissait pas à un régime distinct de celui applicable à la gestion des déchets des ménages, confiée aux communes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur la cinquième branche du moyen :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient encore qu'il résulte de l'article 2.2 de la convention conclue entre les parties que la collectivité dispose d'une faculté de résiliation unilatérale, sans indemnité et sans avoir à justifier d'un motif, tandis que la société ne peut résilier sans indemnité au profit de son cocontractant que dans des cas limitativement prévus, et que cette disposition dérogatoire au droit commun confère un caractère administratif au contrat ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, au regard de l'économie générale du contrat et compte tenu, notamment, des conséquences respectives de la résiliation pour les deux parties et des prérogatives accordées par ailleurs à la société, cette clause de résiliation unilatérale pouvait être regardée comme impliquant que les relations contractuelles aient été placées dans l'intérêt général sous un régime exorbitant du droit commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2018 (n° RG : 16/00805), entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales ; article L. 541-10-4 du code de l'environnement.

Rapprochement(s) :

Tribunal des conflits, 1er juillet 2019, n° 4162, publié au Recueil Lebon ; 1re Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-16.514, Bull. 2019, (cassation).

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