Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 28 novembre 2019, n° 18-17.946, (P)

Cassation sans renvoi

Maladie – Interruption de travail – Déclaration tardive – Nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois – Sanction – Détermination – Portée

Selon l'article R. 323-12 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible.

Selon l'article D. 323-2 du même code, en cas d'envoi à la caisse primaire d'assurance maladie de l'avis d'interruption ou de prolongation d'arrêt de travail au-delà du délai prévu par l'article R. 321-2, la caisse informe l'assuré du retard constaté et de la sanction à laquelle il s'expose en cas de nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois suivant la date de prescription de l'arrêt considéré et en cas de nouvel envoi tardif, sauf si l'assuré est hospitalisé ou dans l'impossibilité d'envoyer son avis d'arrêt de travail en temps utile, le montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de l'arrêt et la date d'envoi est réduit de 50 %.

Il résulte du rapprochement de ces textes qu'en cas de nouvel envoi tardif de l'avis d'arrêt de travail, avant la fin de la période d'interruption de travail, alors que l'assuré a fait l'objet d'un avertissement, il y a lieu exclusivement à la réduction à hauteur de la moitié des indemnités journalières. Cette mesure se rapportant aux conditions d'attribution des indemnités journalières, elle n'est pas susceptible de modération par le juge.

Maladie – Interruption de travail – Déclaration tardive – Nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois – Sanction – Réduction des indemnités journalières – Quantum – Pouvoir modérateur du juge – Défaut

Sur le moyen unique :

Vu les articles R. 323-12 et D. 323-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible ; que, selon le second, en cas d'envoi à la caisse primaire d'assurance maladie de l'avis d'interruption ou de prolongation d'arrêt de travail au-delà du délai prévu par l'article R. 321-2, la caisse informe l'assuré du retard constaté et de la sanction à laquelle il s'expose en cas de nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois suivant la date de prescription de l'arrêt considéré et en cas de nouvel envoi tardif, sauf si l'assuré est hospitalisé ou dans l'impossibilité d'envoyer son avis d'arrêt de travail en temps utile, le montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de l'arrêt et la date d'envoi est réduit de 50 % ; qu'il résulte du rapprochement de ces textes qu'en cas de nouvel envoi tardif de l'avis d'arrêt de travail, avant la fin de la période d'interruption de travail, alors que l'assuré a fait l'objet d'un avertissement, il y a lieu exclusivement à la réduction à hauteur de la moitié des indemnités journalières ; que cette mesure se rapportant aux conditions d'attribution des indemnités journalières, elle n'est pas susceptible de modération par le juge ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que la caisse primaire d'assurance maladie du Lot (la caisse) a réduit de moitié le montant des indemnités journalières versées à Mme O... (l'assurée) pour la période du 15 au 21 février 2017, au motif que l'avis de prolongation d'arrêt de travail prescrit du 14 février au 14 mars 2017 lui était parvenu tardivement ; que l'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour faire droit à ce recours, le jugement, après avoir rappelé les articles L. 321-2, R. 321-2 et R. 321-12 du code de la sécurité sociale, retient que l'assurée ne peut faire la preuve de la date exacte de dépôt du certificat dans la boîte aux lettres de la caisse qui déclare l'avoir réceptionné le 21 février 2017 ; que néanmoins, la justification de son état perturbé au moment des faits, le faible dépassement du délai réglementaire par rapport à la tolérance habituelle de la caisse, s'agissant en outre d'un arrêt d'un mois au cours duquel des vérifications pouvaient être effectuées, et la situation très précaire de l'assurée, justifient un allégement de la sanction prononcée et la réduction de 25 % seulement du montant normalement dû pour la période considérée ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses constatations que l'assurée avait fait l'objet d'un avertissement lors d'un précédent arrêt de travail, de sorte que le montant des indemnités journalières afférentes à l'arrêt de travail litigieux devait être réduit de 50 % pour la période écoulée entre la prescription de l'arrêt de travail et la date d'envoi de l'avis, le tribunal a violé les textes susvisés, le premier par fausse application, le second par refus d'application ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 avril 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Cahors ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute Mme O... de son recours.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles R. 323-12 et D. 323-2 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Sur l'information sur la sanction encourue en cas de déclaration tardive de deux arrêts de travail successifs, à rapprocher : 2e Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-18.879, Bull. 2019, (rejet).

2e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-21.329, (P)

Cassation sans renvoi

Prestations indues – Remboursement – Action en remboursement – Action exercée à l'encontre de l'assuré – Fondement – Détermination – Portée

Selon l'article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, en cas de versement indu d'une prestation, hormis les cas mentionnés à l'article L. 133-4 et les autres cas où une récupération peut être opérée auprès d'un professionnel de santé, l'organisme chargé de la gestion d'un régime obligatoire ou volontaire d'assurance maladie ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles récupère l'indu correspondant auprès de l'assuré.

Il s'ensuit que lorsque le litige porte sur le remboursement, par un assuré, de prestations indues à la caisse primaire d'assurance maladie, qui en a assuré le versement, l'action engagée par l'organisme relève exclusivement des dispositions du texte susvisé.

Viole, en conséquence, ce dernier le juge du fond qui accueille la demande d'une caisse primaire formée auprès d'un assuré en remboursement de prestations indûment versées et fixe le montant de son préjudice sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, qu'en cas de versement indu d'une prestation, hormis les cas mentionnés à l'article L. 133-4 et les autres cas où une récupération peut être opérée auprès d'un professionnel de santé, l'organisme chargé de la gestion d'un régime obligatoire ou volontaire d'assurance maladie ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles récupère l'indu correspondant auprès de l'assuré ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, qu'à la suite d'un contrôle de la consommation pharmaceutique de l'un de ses assurés, M. C..., la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) a notifié à ce dernier, le 7 mars 2016, une mise en demeure de régler une certaine somme au titre de prestations indûment versées, l'intéressé ayant obtenu la délivrance de médicaments dans des proportions incompatibles avec un usage thérapeutique personnel et sur présentation d'ordonnances dupliquées ; que la caisse a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en remboursement du coût de ces médicaments sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

Attendu que pour accueillir partiellement cette demande et condamner M. C... à verser à la caisse une certaine somme au titre du préjudice subi, le jugement relève, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1240 du code civil, qu'il est acquis que M. C... s'est fait délivrer par trente-cinq pharmacies, sur la période du 3 janvier 2012 au 1er avril 2015, des médicaments sur la base d'ordonnances établies par treize médecins ; que les faits de la cause s'analysent sur la base d'ordonnances établies aux fins d'obtenir frauduleusement dans différentes pharmacies des produits médicamenteux ; que la caisse a ainsi été conduite à verser à l'intéressé des prestations auxquelles il n'avait pas droit au titre des médicaments qu'il s'est fait indûment délivrer ; qu'il en résulte un trop versé, d'un montant de 2 799,80 euros ; que cependant, il ressort des pièces et des débats que le tribunal évalue le préjudice à la somme de 1 500 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le litige portait sur le remboursement, par l'assuré, de prestations indues, de sorte que l'action engagée par la caisse relevait exclusivement des dispositions du texte susvisé, le tribunal a violé ce dernier ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 mars 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris est irrecevable en sa demande.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, applicable au litige.

2e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-18.344, (P)

Rejet

Vieillesse – Pension – Liquidation – Assuré ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne – Prise en compte des périodes d'assurance accomplies dans un autre Etat membre et dans un Etat tiers – Conditions – Détermination

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 avril 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 mars 2017, pourvoi n° 16-10.851) et les productions, qu'après avoir exercé une activité professionnelle salariée au Royaume-Uni, en France et à Monaco, M. X..., ressortissant britannique né [...], a obtenu de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la caisse), le bénéfice d'une pension de vieillesse, à effet du 1er décembre 2009, calculée sur la base d'un taux minoré de 32,50 % ; que, contestant le mode de calcul de cette pension qui ne prend pas en compte les trimestres travaillés à Monaco, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que la libre circulation des travailleurs, assurée à l'intérieur de l'Union, implique l'abolition non seulement de toutes discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore de toutes formes dissimulées de discriminations, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail ; que si des différences entre les régimes de sécurité sociale des divers États membres peuvent subsister, le but de l'article 45 du TFUE, ne serait pas atteint si, par suite de l'exercice de leur droit à la libre circulation, les travailleurs migrants devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure la législation d'un État membre, une telle conséquence étant de nature dissuader le travailleur communautaire d'exercer son droit à la libre circulation, et constituerait, dès lors, une entrave à cette liberté ; qu'une législation nationale n'est conforme à l'article 45 précité que si elle ne désavantage pas le travailleur concerné par rapport à ceux qui exercent la totalité de leurs activités dans l'État membre où elle s'applique et si elle ne le conduit pas à verser des cotisations sociales à fonds perdus ; qu'en refusant à M. X... le bénéfice d'une pension de retraite à taux plein en application d'un cumul de ses périodes travaillées en France, au Royaume-Uni et dans la Principauté de Monaco quand il aurait eu droit à une telle pension s'il avait travaillé dans un seul État membre, en France, sans travailler au Royaume-Uni, la cour d'appel a violé les articles 45 et 48 du TFUE, ensemble les principes de libre circulation et d'égalité de traitement des travailleurs à l'intérieur de l'Union européenne ;

2°/ que la libre circulation des travailleurs, assurée à l'intérieur de l'Union, implique l'abolition de toutes formes dissimulées de discriminations, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail ; qu'en refusant à M. X... le bénéfice d'une pension de retraite à taux plein en application d'un cumul de ses périodes travaillées en France, au Royaume-Uni et dans la Principauté de Monaco, la cour d'appel a validé une discrimination commise à son encontre en comparaison des ressortissants d'États membres ayant conclu une convention bilatérale de sécurité sociale avec un État tiers autorisant la totalisation des périodes travaillées dans cet État et dans d'autres États membres et a ainsi violé les articles 45 et 48 du TFUE, ensemble les principes de libre circulation et d'égalité de traitement des travailleurs à l'intérieur de l'Union européenne ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 15 janvier 2002, aff. C -55/00...), que les autorités de sécurité sociale compétentes d'un premier Etat membre de l'Union européenne sont tenues de prendre en compte, aux fins de l'acquisition du droit à prestations de vieillesse, les périodes d'assurance accomplies dans un Etat tiers par un ressortissant d'un second Etat membre lorsque, en présence des mêmes conditions de cotisation, lesdites autorités compétentes reconnaissent, à la suite d'une convention internationale bilatérale conclue entre le premier Etat membre et l'Etat tiers, la prise en compte de telles périodes accomplies par leurs propres ressortissants ;

Et attendu qu'ayant relevé que la convention franco-monégaque du 28 février 1952, publiée par le décret n° 54-682 du 11 juin 1954, ne comporte pas de clause prévoyant la totalisation des périodes d'assurance validées en France et dans la Principauté de Monaco avec celles validées dans un Etat tiers à cette convention, la cour d'appel en a exactement déduit qu'un ressortissant français qui aurait travaillé en France, à Monaco et dans un autre Etat membre de l'Union ne pourrait pas cumuler les périodes d'assurances acquises dans les trois Etats, de sorte qu'en application du principe d'égalité de traitement, M. X... qui ne pouvait prétendre à davantage de droits qu'un ressortissant français, pouvait revendiquer la totalisation des périodes d'assurance acquises au Royaume-Uni et en France par application des règlements de coordination communautaires, d'une part, et la totalisation des périodes d'assurance validées en France et dans la Principauté de Monaco par application de la convention franco-monégasque, d'autre part, la pension la plus élevée des deux devant lui être attribuée ;

D'où il suit que nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel quand la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue ou que le point de droit en cause a été résolu par une jurisprudence établie de cette Cour, quelle que soit la nature des procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale, publiée par le décret n° 54-682 du 11 juin 1954.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 mars 2017, pourvoi n° 16-10.851, Bull. 2017, II, n° 55 (cassation) ; CJCE, arrêt du 15 janvier 2002, Gottardo, C-55/00.

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