Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 28 novembre 2019, n° 18-20.225, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Faute inexcusable de l'employeur – Maladies professionnelles – Maladies distinctes – Irrecevabilité de la demande formulée pour la première fois devant la cour d'appel

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, identique en sa première branche, qui sont recevables :

Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile, L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, et les tableaux n° 25 et 44 des maladies professionnelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. H..., salarié de la société Sup'intérim, mis à disposition, entre novembre 2005 et septembre 2009, de plusieurs entreprises utilisatrices de main d'oeuvre temporaire, a successivement obtenu la reconnaissance du caractère professionnel de deux pathologies distinctes, une silicose, au titre du tableau n° 25 des maladies professionnelles, puis une sidérose au titre du tableau n° 44 ; qu'ayant infructueusement recherché devant une juridiction de sécurité sociale la reconnaissance, au titre de la maladie prise en charge sur la base du tableau n° 25, d'une faute inexcusable de son employeur qui a mis en cause les entreprises utilisatrices de main d'oeuvre temporaire, parmi lesquelles la société Endel, M. H... a poursuivi cette action devant la cour d'appel au titre de la maladie prise en charge sur la base du tableau n° 44 ;

Attendu que pour accueillir la demande de M. H... tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de la maladie prise en charge sur la base du tableau n° 44, l'arrêt retient qu'il convient de constater, à la lecture des conclusions développées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et du jugement entrepris, que si M. H... a saisi la juridiction de première instance d'une demande fondée uniquement sur sa première maladie professionnelle, pour autant sa prétention se fondant sur sa maladie professionnelle reconnue au titre du tableau n° 44 n'est pas nouvelle en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, à savoir la reconnaissance d'une faute inexcusable ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande des sociétés intimées tendant à voir déclarer irrecevable la demande de M. H... en reconnaissance d'une faute inexcusable fondée sur sa deuxième maladie professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation des préjudices en découlant formée au titre d'une maladie professionnelle particulière ne tend pas aux mêmes fins que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation des préjudices en découlant formée au titre d'une maladie distincte, de nature différente, et n'en constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a déclaré la décision de prise en charge du 11 mars 2011 de la maladie inscrite au tableau n° 25 inopposable à la société Sup'interim, et en ce qu'il a débouté M. H... de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable au titre de cette maladie, l'arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande, formée par M. H..., pour la première fois devant la cour d'appel, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et d'indemnisation des préjudices en découlant, au titre de la maladie prise en charge le 23 décembre 2011 par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut sur la base du tableau n° 44 des maladies professionnelles.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Foussard et Froger ; SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 564 et 565 du code de procédure civile ; article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige ; tableaux n° 25 et 44 des maladies professionnelles.

2e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-19.764, (P)

Cassation partielle

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Décision de refus – Notification – Notification à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief – Notification à l'employeur – Portée

Dès lors qu'elle a été notifiée à l'employeur dans les conditions prévues par l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la décision de refus de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle revêt un caractère définitif à son égard, de sorte que la mise en cause de ce dernier dans l'instance engagée contre la même décision par la victime ou ses ayants droit, est sans incidence sur les rapports entre l'organisme social et l'intéressé.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que K... M... (la victime), salarié de 1976 à 2004 de la société Renault (l'employeur), est décédé le [...] ; que sa veuve a souscrit, le 18 octobre 2010, une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'un cancer du colon, affection non désignée dans un tableau de maladies professionnelles ; que suivant l'avis défavorable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) a refusé de prendre en charge cette affection au titre de la législation professionnelle ; que Mme M... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le second moyen du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire que la décision de refus de prise en charge est définitive à l'égard de l'employeur, alors, selon le moyen, que dès lors qu'il a été appelé dans l'instance, la reconnaissance ultérieure du caractère professionnel d'une maladie née du recours exercé par l'assuré contre le refus par la CPAM de prise en charge de sa maladie s'impose à l'employeur ; qu'en affirmant, après avoir reconnu le caractère professionnel de la maladie ayant provoqué le décès de l'assuré, que dans les rapports caisse/employeur, la décision initiale de refus de prise en charge était définitive quand il résultait de la décision que l'employeur avait été appelé dans la cause, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que, dès lors qu'elle a été notifiée à l'employeur, dans les conditions prévues par l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la décision de refus de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle revêt un caractère définitif à son égard, de sorte que la mise en cause de ce dernier dans l'instance engagée contre la même décision par la victime ou ses ayants droit, est sans incidence sur les rapports entre l'organisme social et l'intéressé ;

Et attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la décision de refus de prise en charge prise par la caisse a été notifiée à l'employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal et le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, qui sont similaires :

Vu l'article L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 % ;

Attendu que pour faire droit au recours, l'arrêt retient essentiellement que la cour d'appel n'est pas liée par les avis défavorables des deux comités de reconnaissance des maladies professionnelles ; que l'origine multifactorielle de la maladie n'est pas non plus de nature à exclure son caractère professionnel, dès lors que l'article L. 461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale n'exige pas que le travail habituel du salarié soit la cause unique ou essentielle de la maladie mais qu'elle en soit une cause directe ; qu'il est établi que le cancer colo-rectal dont est décédé la victime

a été directement causé par une exposition significative aux poussières d'amiante ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la maladie de la victime, non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, ne pouvait être reconnue d'origine professionnelle que s'il existait un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail habituel de la victime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la décision de refus de prise en charge du 21 novembre 2012 est définitive à l'égard de la société Renault, l'arrêt rendu le 24 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 décembre 2018, pourvoi n° 17-21.528, Bull. 2018, (cassation sans renvoi) ; 2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi, n° 18-14.182, Bull. 2019, (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.