Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-21.947, (P)

Déchéance partielle et cassation

Caisse – URSSAF – Contrôle – Opérations de contrôle – Objet – Contrôle de l'application des dispositions du code de la sécurité sociale – Recherche des infractions constitutives de travail illégal – Portée

Si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées par l'article L. 8211-1 du code du travail est soumise, pour le recouvrement des cotisations qui en découle, à la procédure prévue par l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par l'article L. 243-7 du même code, à la recherche des infractions susmentionnées aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes.

Sur la déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre les arrêts des 30 juin 2017 et 19 janvier 2018, relevée d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 978 du code de procédure civile ;

Attendu que l'URSSAF de Basse-Normandie s'est pourvue en cassation contre les arrêts des 30 juin 2017, 19 janvier 2018 et 28 juin 2018 ;

Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre les arrêts de la cour d'appel de Caen des 30 juin 2017 et 19 janvier 2018, il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre ces décisions ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 28 juin 2018 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'ayant procédé, après envoi d'un avis, au contrôle pour la période courant du 1er janvier 2007 au 22 juillet 2010 des cotisations dues par la société French Education (la société), l'URSSAF de la Manche, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Basse-Normandie, a relevé l'existence d'infractions en matière de travail dissimulé, qui ont donné lieu à un procès-verbal transmis au ministère public ; qu'après lui avoir notifié, le 22 septembre 2010, une lettre d'observations, annulée et remplacée par une seconde lettre d'observations du 19 novembre 2010, puis une mise en demeure le 20 janvier 2011, l'URSSAF a décerné une contrainte le 5 juillet 2011, à laquelle la société a fait opposition devant une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 8211-1 du code du travail, L. 243-7, R. 133-8 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, les premier, deuxième et quatrième dans leur rédaction applicable à la date des opérations de contrôle litigieuses, le troisième en sa rédaction alors applicable ;

Attendu que si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées au premier de ces textes est soumise, pour le recouvrement des cotisations qui en découle, à la procédure prévue par le troisième, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par le deuxième, à la recherche des infractions susmentionnées aux seuls fins de recouvrement des cotisations afférentes ;

Attendu que pour accueillir le recours de la société et annuler le redressement litigieux, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, constate que les deux lettres d'observations notifiées successivement par l'URSSAF visent ce texte et que la première, du 22 septembre 2010, mentionne comme objet du contrôle l'application de la législation de sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires AGS, et se rapporte à la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2009, avec comme date de fin de contrôle le 30 août 2010 et que la seconde, du 19 novembre 2010, revêtue de la mention « annule et remplace », mentionne comme objet du contrôle la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées aux articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail, la fin du contrôle étant également fixée au 30 août 2010 ; qu'il relève que l'URSSAF justifie avoir envoyé l'avis préalable exigé par l'article R. 243-59 dans le cadre du contrôle de la législation de sécurité sociale prévu au 11 décembre 2009 et avoir remis, le 5 janvier 2010, au représentant de la société, le document informant le cotisant de ses droits ; qu'il en déduit que la recherche des infractions n'avait pas pour seule finalité le recouvrement des cotisations sociales et que la procédure ayant abouti au redressement était fondée sur le constat de délit de travail dissimulé, ce qui imposait que le redressement soit porté à la connaissance de l'employeur par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement ; que, constatant que la notification du redressement de l'assiette de cotisations en date du 19 novembre 2010 avait été signée par les inspecteurs de recouvrement, il retient que ce redressement avait été établi en contravention avec les dispositions de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'URSSAF avait procédé aux opérations litigieuses dans le cadre du contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés, les premier et troisième par fausse application, les deux autres par refus d'application ;

Et sur le sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir le recours de la société et annuler le redressement litigieux, l'arrêt relève que le représentant de la société, de langue anglaise, a été entendu par le truchement d'une personne dont il est mentionné dans le procès-verbal qu'elle n'était pas interprète professionnelle et qui a attesté de ce que, dépourvue de compétence en matière de traduction, elle a fait son possible pour que les parties se comprennent au mieux, en ajoutant qu'à l'issue de l'entretien, le dirigeant de la société ayant refusé dans un premier temps de signer le document qu'on lui présentait car ne pouvant contrôler son contenu en français, les représentants de l'URSSAF lui ont précisé par la suite « qu'il avait juste besoin de le signer pour en terminer là » ; qu'il ressort de ces éléments que le dirigeant de la société n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète habilité pour ce faire lors de son audition laquelle portait sur les faits constitutifs de travail illégal ainsi que l'établit le contenu du procès-verbal de déclaration du 4 juin 2010 dressé par les inspecteurs de recouvrement auquel fait référence le procès-verbal de travail dissimulé du 30 août 2010 invoqué au soutien du redressement notifié le 19 novembre 2010 ; que l'absence de garantie qui en découle ainsi que le non-respect des dispositions de l'article R. 133-8 précité constituent des manquements préjudiciables aux droits du cotisant ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le redressement litigieux n'était pas suffisamment fondé sur les autres éléments invoqués par l'URSSAF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre les arrêts de la cour d'appel de Caen des 30 juin 2017 et 19 janvier 2018 ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 8211-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ; articles L. 243-7, R. 133-8 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 juillet 2016, pourvoi n° 15-16.110, Bull. 2016, II, n° 190 (rejet).

2e Civ., 28 novembre 2019, n° 18-22.807, (P)

Rejet

Cotisations – Assiette – Sommes versées à titre transactionnel en cours d'exécution du contrat de travail – Portée

Selon l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018, applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.

Ayant souverainement constaté que les sommes versées aux salariés en exécution des protocoles transactionnels constituaient un élément de rémunération versé en contrepartie ou à l'occasion du travail, le juge du fond en a exactement déduit qu'elles entraient dans l'assiette des cotisations et contributions dues par la société.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble, 12 juillet 2018), rendu en dernier ressort, qu'à la suite d'un contrôle de la société d'économie mixte des transports publics de l'agglomération grenobloise, établissement d'Echirolles (la société), portant sur les années 2013 à 2015, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales des sommes versées aux salariés au titre de protocoles transactionnels ; qu'une mise en demeure lui ayant été notifiée, le 21 septembre 2016, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la société fait grief au jugement de valider le chef de redressement alors, selon, le moyen que la somme versée au salarié en application d'un protocole d'accord transactionnel est exclue de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales si elle indemnise un préjudice ; qu'en l'espèce, il est constant que dans l'unique volonté d'un apaisement du climat social à la suite des élections professionnelles, la société exposante a accepté de verser aux salariés une indemnité transactionnelle en réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait du refus de la société d'accorder des jours de repos complémentaires ou de compenser les heures de dotation vestimentaire ; qu'en contrepartie de ces versements, pour lesquels il est expressément stipulé qu'ils ne constituaient pas la reconnaissance par la société du bien-fondé des demandes des salariés, les salariés qui ont obtenu des rappels de salaires par jugements prud'homaux ont accepté de les restituer à la société qui les considéreraient comme indus ; qu'en validant néanmoins la réintroduction de sommes transactionnelles dans l'assiette des cotisations, au motif inopérant que la demande des salariés portait sur le paiement d'éléments de salaire, quand les sommes transactionnelles avaient uniquement pour objet la compensation d'un préjudice subi par les salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits et l'article 2044 du code civil ;

Mais attendu que, selon l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018, applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ;

Et attendu qu'ayant rappelé les dispositions de l'article 32 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, le jugement relève qu'à la suite de contestations portées par plusieurs salariés de la société devant les juridictions prud'homales afin d'obtenir des rappels de salaires sur des jours fériés, ainsi que le paiement du 1er mai 2008 ayant coïncidé avec le jour de l'Ascension et le paiement d'heures de récupération de leur dotation vestimentaire, des protocoles transactionnels ont été conclus ; qu'il retient que, quelle que soit la qualification retenue dans ces derniers, la somme versée aux salariés en exécution des protocoles constituait une rémunération, puisqu'elle était destinée à indemniser le jeudi de l'Ascension qui n'avait été ni payé, ni récupéré, ainsi que le temps passé à retirer la dotation habillement ;

Que de ces constatations procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant lui, le tribunal a exactement déduit que les sommes versées en exécution des transactions conclues avec les salariés constituant un élément de rémunération versé en contrepartie ou à l'occasion du travail, elles entraient dans l'assiette des cotisations et contributions dues par la société ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018, applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses.

2e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-12.128, (P)

Rejet

Cotisations – Réduction – Réduction des cotisations sur les bas salaires – Bénéfice – Exclusion – Groupement d'intérêt public

Il résulte de la combinaison des articles L. 241-13 du code de la sécurité sociale et L. 5424-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que les groupements d'intérêt public ne sont pas au nombre des employeurs auxquels s'applique, pour la rémunération de leurs agents, la réduction dégressive prévue par le premier.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 décembre 2017), qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF) a informé le groupement d'intérêt public du Penthièvre (le GIP) qu'il avait appliqué à tort la réduction sur les bas salaires instituée par l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ; que le GIP a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que le GIP fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que le personnel employé par un établissement public industriel et commercial est, à l'exception du comptable public et du dirigeant, soumis au droit privé ; que les agents sont embauchés par un contrat de travail de droit privé, et possèdent en conséquence la qualité de salarié ; qu'au cas présent, pour soutenir qu'il entrait dans le champ d'application de la réduction « Fillon », le groupement d'intérêt public (GIP) de Penthièvre exposait qu'il était un EPIC, de sorte que l'ensemble de ses subordonnés avait la qualité de salarié ; qu'en jugeant cependant que le personnel employé par le GIP était « des agents contractuels de droit privé », et non des salariés, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 241-13 I du code de la sécurité sociale et L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que le bénéfice de la réduction « Fillon » est ouvert à tous les employeurs tenus d'assurer leurs salariés contre le risque de privation d'emploi auprès de l'assurance chômage ; qu'il est indifférent que la couverture du risque auprès de cet organisme découle d'un choix réversible de l'employeur, dès lors que celui-ci est tenu de s'acquitter d'une cotisation sociale auprès de l'assurance chômage pour couvrir le risque perte d'emploi de ses salariés ; qu'au cas présent, pour démontrer qu'il entrait dans le champ d'application de la réduction « Fillon », le groupement d'intérêt public (GIP) de Penthièvre exposait qu'il avait adhéré à la convention d'assurance chômage, et qu'à ce titre, il s'acquittait d'une cotisation auprès de l'assurance chômage pour couvrir le risque de perte d'emploi de ses salariés ; qu'en refusant cependant d'appliquer la réduction « Fillon » aux motifs que la convention d'assurance chômage n'aurait pas de caractère irrévocable pour les groupements d'intérêt public, la cour d'appel a violé l'article L. 241-13 I du code de la sécurité sociale en ajoutant au texte une condition qu'il ne contient pas ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 241-13 du code de la sécurité sociale et L. 5424-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que les groupements d'intérêt public ne sont pas au nombre des employeurs auxquels s'applique, pour la rémunération de leurs agents, la réduction dégressive prévue par le premier de ces textes ;

D'où il suit qu'inopérant en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ; article L. 5424-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 décembre 2016, pourvoi n° 15-28.586, Bull. 2016, II, n° 273 (rejet).

2e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-21.499, (P)

Rejet

Cotisations – Réduction – Réduction des cotisations sur les bas salaires – Conditions – Négociation annuelle sur les salaires effectifs – Modalités – Détermination – Portée

L'employeur est seulement tenu, pour bénéficier de la réduction des cotisations à sa charge sur les bas salaires prévue par l'article L. 241-13, III, du code de la sécurité sociale, d'engager la négociation annuelle obligatoire prévue par l'article L. 2242-8, 1°, du code du travail, et non de parvenir à la conclusion d'un accord.

Par suite, doit être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui, ayant constaté que la négociation annuelle obligatoire sur les salaires avait été engagée au cours de l'année 2014, décide que l'ouverture de ces négociations justifiait l'exonération au titre de cette même année, peu important que celles-ci aient abouti à un protocole d'accord conclu en janvier 2015, et portant sur l'année 2015.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 juin 2018), qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'URSSAF Midi-Pyrénées a notifié à la société Verdie agence (la société), pour son établissement de Toulouse Minimes, un redressement portant sur la réintégration dans l'assiette des cotisations sociales du montant de la réduction sur les bas salaires en raison de l'absence de négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs au cours des années 2012 à 2014 ; qu'une mise en demeure lui ayant été délivrée le 18 mai 2015, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors, selon le moyen :

1°/ Que l'exonération des cotisations patronales attachée à la négociation annuelle obligatoire portant, d'une part, sur les salaires effectifs et, d'autre part, sur la durée effective et l'organisation du temps de travail, ne peut s'appliquer qu'à l'année à laquelle la négociation se réfère ; qu'en l'espèce, la société Verdie agence a conclu un protocole d'accord du 22 janvier 2015 relatif aux Négociations Annuelles Obligatoires pour l'année 2015 ; que ce protocole faisait référence à un courrier du 8 décembre 2014 invitant à l'engagement de négociations, à un calendrier de négociations du 11 décembre 2014 ainsi qu'à différentes réunions qui se sont tenues de décembre 2014 à janvier 2015 ; que ce protocole, qui stipulait expressément (p. 6) être conclu « pour une durée déterminée d'un an, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire pour 2015 », prévoyait ainsi toutes sortes de mesures mises en place pour l'année 2015 portant notamment sur une revalorisation du SMIC à compter du 1er février 2015, une fixation de la cotisation de protection sociale complémentaire des salariés à compter du 1er janvier 2015, voire encore la reconduction du versement d'une prime de transport pour 2015 ; qu'en retenant que le fait que des négociations aient été engagées au cours de l'année 2014, pour donner lieu au protocole d'accord du 22 janvier 2015 portant sur l'année 2015, justifiait l'exonération au titre de l'année 2014 pour laquelle aucune négociation annuelle n'a été engagée, la cour d'appel a violé les articles L 2242-1 et L. 2242-8 du code du travail ;

2°/ Que lorsque l'employeur n'a pas rempli au cours d'une année civile l'obligation de négociation annuelle obligatoire telle que prévue à l'article L. 2242-8 du code du travail, le montant de la réduction est diminué de 10 % au titre des rémunérations versées cette même année et de 100 % lorsque l'employeur ne remplit pas cette obligation pour la troisième année consécutive ; qu'en l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont d'abord constaté « qu'au cours des années 2012, 2013 et 2014 aucune NAO n'a été engagée » pour ensuite annuler la réduction déclarée en 2014 ; qu'en reprochant à l'URSSAF d'avoir retenu un taux de 100 % pour l'année 2014 objet du redressement, la cour d'appel a violé l'article L 131-3-2 I alinéa 2 du code de la sécurité sociale et les articles L 2242-1 et L. 2242-8 du code du travail ;

Mais attendu que l'employeur est seulement tenu, pour bénéficier de la réduction des cotisations à sa charge sur les bas salaires prévues par l'article L. 241-13, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, d'engager la négociation annuelle obligatoire prévue par l'article L. 2242-8, 1° du code du travail, et non de parvenir à la conclusion d'un accord ;

Et attendu que l'arrêt retient que si le protocole d'accord du 22 janvier 2015 mentionne qu'il porte sur les négociations annuelles obligatoires « année 2015 », la société justifie que par lettre remise en main propre le 8 décembre 2014 au seul délégué syndical de l'entreprise, elle l'avait convoqué à une première réunion, fixée le 11 décembre 2014, ayant pour objet la négociation annuelle obligatoire « pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 », que l'engagement de la négociation annuelle en 2014 a certes été tardif, mais antérieur au contrôle dont la société a été informé par le courrier de l'inspecteur du recouvrement daté du 15 décembre 2014, de sorte qu'il ne peut être sérieusement contesté que ces négociations ont bien été engagées au cours de l'année 2014 ;

Que de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, dont elle a fait ressortir que la société avait engagé pour l'année 2014 la négociation annuelle obligatoire sur les salaires, de sorte qu'elle remplissait la condition prévue pour la réduction de ses cotisations, la cour d'appel a exactement déduit que le redressement opéré par l'URSSAF était infondé ;

D'où il suit que le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article L. 241-13, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige ; article L. 2242-8, 1°, du code du travail.

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