Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 20 novembre 2019, n° 18-50.070, (P)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Admission en soins psychiatriques – Période d'observation et de soins initiale – Procédure – Certificat médical – Délai – Point de départ – Détermination

Le point de départ des délais de vingt-quatre et soixante-douze heures impartis pour constater, par certificat médical, la nécessité du maintien de la mesure est la date de la décision d'admission, quel que soit le lieu de prise en charge.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Lyon, 22 octobre 2018), et les pièces de la procédure, le 12 octobre 2018, M. D... a été examiné, à l'occasion de sa garde à vue pour des faits d'apologie du terrorisme, par un médecin psychiatre qui a préconisé son admission en soins psychiatriques sans consentement.

Le même jour, l'intéressé a été pris en charge par le service des urgences de l'hôpital Edouard Herriot, où un médecin psychiatre a établi, à 22 heures, un certificat en vue d'une admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État, au visa duquel le préfet a pris, le lendemain, une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.

En exécution de cette décision, M. D... a été transféré, d'abord, à l'hôpital du Vinatier où a été rédigé, le 14 octobre, le certificat médical des vingt-quatre heures, puis à l'hôpital [...], où a été établi, le 16 octobre, le certificat des soixante-douze heures.

2. En application de l'article L. 3211-12-1 du même code, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention afin qu'il statue sur la poursuite de la mesure.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

3. Le procureur général fait grief à l'ordonnance de décider la mainlevée de la mesure d'hospitalisation psychiatrique sans consentement alors qu' « après avoir déclaré que le service d'urgences de l'hôpital Edouard Herriot n'était pas un établissement autorisé à assurer des soins psychiatriques sans consentement et alors que les soins prodigués par un service d'urgence s'analysent en soins libres, la juridiction du premier président a cependant conclu que la période d'observation d'hospitalisation sous contrainte avait commencé à la date de l'admission de M. D... au sein dudit service, qu'il apparaît clairement que la juridiction du premier président de la cour d'appel a interprété de manière contradictoire la prise en charge de M. D... au sein du service des urgences de l'hôpital Edouard Herriot, alors que la mesure d'hospitalisation sous contrainte a démarré à la date de l'arrêté préfectoral pris le 13 octobre prononçant l'admission de M. D... en soins psychiatriques sous contrainte au sein du centre hospitalier du Vinatier et que les certificats de 24 heures et de 72 heures, pris respectivement les 14 et 16 octobre, s'inscrivaient dans le délai légal prévu par l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3211-2-2 et L. 3211-2-3 du code de la santé publique :

4. Aux termes du premier de ces textes, lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du titre [Ier du livre II de la troisième partie du code précité], elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète. Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée. Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article. Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° du I de l'article L. 3211-2-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l'état de santé du patient et de l'expression de ses troubles mentaux.

5. Aux termes du second, lorsqu'une personne remplissant les conditions pour être admise en soins psychiatriques prévues aux chapitres II et III du titre [précité] est prise en charge en urgence par un établissement de santé qui n'assure pas, en application de l'article L. 3222-1, la prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques au titre des chapitres II à IV du [même] titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, son transfert vers un établissement exerçant cette mission est organisé, selon des modalités prévues par convention, dans des délais adaptés à son état de santé et au plus tard sous quarante-huit heures.

La période d'observation et de soins initiale mentionnée à l'article L. 3211-2-2 prend effet dès le début de la prise en charge.

6. Il en résulte que le point de départ des délais de vingt-quatre et soixante-douze heures impartis pour constater la nécessité du maintien de la mesure est la date de la décision d'admission, quel que soit le lieu de prise en charge.

7. Pour décider la mainlevée de la mesure, l'ordonnance retient que M. D..., qui n'était plus libre de ses mouvements lors de son admission au service des urgences de l'hôpital Edouard Herriot, remplissait les conditions pour être placé en soins psychiatriques sans consentement, sur décision du représentant de l'État, à compter du premier certificat médical du 12 octobre, de sorte que la période d'observation a pris effet à compter de cette date et que les certificats médicaux de vingt-quatre et de soixante-douze heures, datés respectivement des 14 et 16 octobre, n'ont pas été établis dans le délai légal.

8. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que la décision d'admission avait été prise par le préfet le 13 octobre 2018, ce dont il résultait que les certificats des 14 et 16 octobre avaient été établis dans les délais légaux de vingt-quatre et soixante-douze heures, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 octobre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust -

Textes visés :

Articles L. 3211-2-2 et L. 3211-2-3 du code de la santé publique.

1re Civ., 7 novembre 2019, n° 19-18.262, (P)

Rejet

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Admission en soins psychiatriques – Poursuite de la mesure – Procédure devant le juge des libertés et de la détention – Délai pour statuer – Point de départ – Détermination

Il résulte de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le délai de douze jours dans lequel le juge des libertés et de la détention doit statuer sur la poursuite d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement se décompte depuis la date du prononcé de la décision d'admission.

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Mesures d'isolement et de contention – Contrôle par le juge des libertés et de la détention (non)

Le placement sous contention dans une chambre d'isolement d'un service d'urgence constitue une mesure médicale qui ne relève pas du contrôle du juge des libertés et de la détention.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Reims, 10 octobre 2018) et les pièces de la procédure, le 12 septembre 2018, à la suite d'une crise clastique survenue dans un contexte d'alcoolisation aiguë et de dispute familiale, M. D... a été conduit par les forces de l'ordre au service des urgences du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, où il a été admis à 19 heures 20.

Le 13 septembre, son père a demandé son admission en soins psychiatriques. Il a été examiné par un médecin des urgences, puis par un psychiatre de l'Etablissement public de santé mentale de la Marne (EPSM), qui ont chacun certifié que ses troubles mentaux nécessitaient son admission en soins psychiatriques sans son consentement.

Sur la base de ces certificats médicaux, le directeur de l'EPSM a pris, le même jour, une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers.

2. En application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

3. M. D... fait grief à l'ordonnance de décider la prolongation des soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète, alors qu'« il résulte des dispositions de l'article R. 3211-25 du code de la santé publique que le premier alinéa de l'article 641 et le second alinéa de l'article 642 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la computation des délais dans lesquels le juge doit être saisi et doit statuer en matière de soins psychiatriques ; qu'en conséquence, le jour de l'événement qui fait courir le délai compte, et il n'y a pas de prorogation lorsque le délai expire un samedi, dimanche ou jour férié ; que dès lors, le placement en isolement étant intervenu le 12 septembre 2018, le juge de la liberté et de la détention a statué après expiration du délai légal le 24 septembre 2018, et le juge délégué par le premier président, tenu de constater que la mainlevée était acquise, a violé, ensemble les articles L. 3211-12-1 IV et R. 3211-25 du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le délai de douze jours dans lequel le juge des libertés et de la détention doit statuer sur la poursuite d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement se décompte depuis la date du prononcé de la décision d'admission.

5. L'ordonnance constate que la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement a été prise par le directeur de l'EPSM le 13 septembre 2018 et que le juge des libertés et de la détention a statué sur la poursuite de la mesure le 24 septembre 2018. Il s'en déduit que celui-ci s'est prononcé dans le délai légal.

6. Par ce motif de pur droit, suggéré en défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues à l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'ordonnance se trouve légalement justifiée au regard de l'article L. 3211-12-1.

Sur le second moyen

Énoncé du moyen

7. M. D... fait le même grief à l'ordonnance, alors :

1°/ que « l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l'établissement lequel mentionne pour chaque mesure d'isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; que les garanties ainsi instituées pas la loi pour la sauvegarde de la liberté individuelle et de la sûreté des personnes ne peuvent être contournées à aucun titre ; qu'en jugeant que ces garanties légales ne s'appliquent que dans les établissements de santé chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement et non dans les services d'urgence d'un centre hospitalier, le juge délégué par le premier président de la cour d'appel a violé les articles 66 de la Constitution et L. 3222-5-1 du code de la santé publique » ;

2°/ que « le pôle châlonnais de psychiatrie rassemble des structures de soins au sein même du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, un accueil des urgences psychiatriques y étant assuré 24h/24 dans le cadre d'une convention de partenariat ; que le requérant a été hospitalisé dès le 12 septembre 2018 aux urgences psychiatriques de l'Hôpital de Châlons-en-Champagne ; qu'en jugeant que les garanties légales ne s'appliquent que dans les établissements de santé chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement et non dans les services d'urgence d'un centre hospitalier, le juge délégué par le premier président de la cour d'appel a violé les articles 66 de la Constitution et L. 3222-5-1 du code de la santé publique ».

Réponse de la Cour

8. Il résulte des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3216-1 du code de la santé publique qu'il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la mise en oeuvre d'une mesure médicale, distincte de la procédure de soins psychiatriques sans consentement qu'il lui incombe de contrôler.

9. L'ordonnance constate que M. D... a été placé sous contention dans une chambre d'isolement d'un service d'urgence.

10. Il s'en déduit que cette mesure médicale échappait au contrôle du juge des libertés et de la détention.

11. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'ordonnance se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article L. 3211-12-1 du code de la santé publique ; articles L. 3211-12, 3211-12-1 et 3216-1 du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai dans lequel le juge des libertés et de la détention doit statuer, à rapprocher : 1re Civ., 5 février 2014, pourvoi n° 11-28.564, Bull. 2014, I, n° 20 (rejet).

1re Civ., 21 novembre 2019, n° 19-20.513, (P)

Rejet

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Mesures d'isolement et de contention – Contrôle par le juge des libertés et de la détention (non)

Les mesures d'isolement et de contention constituent des modalités de soins ne relevant pas de l'office du juge des libertés et de la détention, qui s'attache à la seule procédure de soins psychiatriques sans consentement pour en contrôler la régularité et le bien-fondé.

En conséquence, est inopérant le grief tenant au défaut de production devant le JLD de copies du registre consignant ces mesures en application de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 15 avril 2019), et les pièces de la procédure, le 21 mars 2019, le directeur de l'Institut MGEN Marcel Rivière (l'institut) a pris une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement de M. C..., à la demande de sa mère.

2. Le 26 mars 2019, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le directeur a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

4. M. C... fait grief à l'ordonnance de rejeter les moyens d'irrégularité invoqués et d'ordonner le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète, alors que « la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du centre hospitalier doit précéder l'admission effective du patient ; que le requérant a fait valoir sans être contesté que la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du centre hospitalier en date du 21 mars 2019 est postérieure à son admission effective en soins psychiatriques contraints intervenue le 20 mars 2019 ; que le patient retenu sans consentement, sans statut et sans garanties juridiques entre son arrivée effective dans l'établissement et la signature, le lendemain, de la décision d'admission, souffre nécessairement d'une atteinte à ses droits ; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge a violé les articles L. 3211-1, II, 1°, du code de la santé publique, 8 de la loi du 17 juillet 1978, et 5.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique que la mesure de soins psychiatriques sans consentement commence à la date du prononcé de la décision d'admission.

6. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement de M. C... était intervenue le 21 mars 2019, jour de son entrée à l'institut, le premier président en a exactement déduit que celle-ci était intervenue sans retard.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Énoncé du moyen

8. M. C... fait le même grief à l'ordonnance alors que « l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l'établissement lequel mentionne pour chaque mesure d'isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; qu'en l'espèce, selon le personnel soignant accompagnant le patient à l'audience, expressément interrogé par l'avocat, M. C... aurait encore été en chambre d'isolement jusqu'au début de la semaine d'audience soit au plus tard le 8 avril ; qu'en s'abstenant de vérifier comme il y était invité la régularité de l'isolement et d'exiger la production du registre d'isolement jusqu'à cette date le juge a violé les articles L. 3222-5-1 du code de la santé publique et 66 de la Constitution. »

Réponse de la Cour

9. L'ordonnance énonce à bon droit qu'aucun texte n'impose la production devant le juge des libertés et de la détention du registre prévu à l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique consignant les mesures d'isolement et de contention, lesquelles constituent des modalités de soins. Celles-ci ne relevant pas de l'office du juge des libertés et de la détention, qui s'attache à la seule procédure de soins psychiatriques sans consentement pour en contrôler la régularité et le bien-fondé, le premier président en a justement déduit que le grief tenant au défaut de production de copies du registre était inopérant.

10. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 19-18.262, Bull. 2019, (rejet).

1re Civ., 21 novembre 2019, n° 19-17.941, (P)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Procédure – Contrôle de la régularité de la décision ayant maintenu le programme de soins psychiatriques – Cas – Absence de décision administrative levant toute mesure de soins sans consentement – Office du juge – Détermination

En l'absence de décision administrative levant toute mesure de soins sans consentement, il appartient au juge de statuer sur la requête en maintien de la mesure qui lui est présentée.

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Prise en charge de la personne décidée sous une autre forme que l'hospitalisation complète – Modifications – Contrôle de la régularité de la décision ayant maintenu le programme de soins transformé en hospitalisation complète – Conditions – Détermination

Lorsque le juge statue sur la poursuite de la réadmission en hospitalisation complète d'un patient, il contrôle la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d'appel.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 28 décembre 2018), et les pièces de la procédure, M. M... a présenté des troubles psychiatriques qui ont motivé des soins sans consentement, tantôt sous le régime d'une hospitalisation complète, tantôt en soins ambulatoires, sous la forme d'un programme de soins.

Le 7 décembre 2018, le préfet a pris une décision de réadmission en hospitalisation complète.

2. Le 11 décembre 2018, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.

Examen des moyens

Sur le second moyen, qui est préalable, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

3. M. M... fait grief à l'ordonnance de constater que l'appel est devenu sans objet, alors que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé ; qu'en déclarant l'appel sans objet au vu d'un certificat médical de demande de modification de la prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète, en date du 26 décembre 2018, en l'absence de toute décision du préfet sur une éventuelle modification du régime des soins, quand il lui appartenait de statuer sur la requête en maintien de la mesure présentée par ce dernier qui était contestée par le requérant, le juge délégué par le premier président a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4, alinéa 1er, du code de procédure civile :

4. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

5. Pour décider que l'appel est devenu sans objet, l'ordonnance retient qu'un certificat médical en date du 26 décembre 2018 a constaté une amélioration de l'état du patient et conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure sous une autre forme que l'hospitalisation complète.

6. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de décision du préfet levant toute mesure de soins sans consentement, il lui appartenait de statuer sur la requête en maintien de la mesure présentée par celui-ci, le premier président a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

7. M. M... fait grief à l'ordonnance de constater que l'appel est devenu sans objet, alors que « les irrégularités de la procédure de soins psychiatriques affectant la décision du juge de la liberté et de la détention, peuvent être contestées pour la première fois même en cause d'appel ; qu'en retenant pour déclarer le requérant irrecevable à contester la régularité de la procédure administrative de soins qu'il ne lui appartient pas de contrôler la procédure de programme de soins antérieure, le juge délégué par le premier président a violé les articles L. 3211-3, L. 3211-2-1 et L. 3211-11 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique :

8. Dans le cas où il est saisi, sur le fondement du deuxième de ces textes, pour statuer sur la réadmission en hospitalisation complète d'un patient intervenue en application du premier, le juge peut contrôler la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d'appel.

9. Pour rejeter les conclusions de nullité, l'ordonnance retient que, dès lors que le juge des libertés et de la détention a statué dans un délai de douze jours après la décision de réintégration du préfet, il ne lui appartient pas de contrôler la procédure de programme de soins antérieure.

10. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 28 décembre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande formée par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article 4, alinéa 1, du code de procédure civile ; articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 22 novembre 2018, pourvoi n° 18-14.642, Bull. 2018, (1) (cassation sans renvoi).

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