Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

3e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-23.259, (P)

Rejet

Clauses abusives – Domaine d'application – Contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs – Professionnel – Définition – Professionnel de l'immobilier – Société civile immobilière

Ayant relevé qu'une société civile immobilière (SCI) avait pour objet l'investissement et la gestion immobiliers, notamment la mise en location d'immeubles dont elle avait fait l'acquisition, qu'elle était donc un professionnel de l'immobilier, mais que cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l'occasion du contrat de maîtrise d'oeuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière, une cour d'appel en déduit, à bon droit, que cette société n'était intervenue au contrat litigieux qu'en qualité de maître de l'ouvrage non professionnel, de sorte qu'elle pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

Clauses abusives – Domaine d'application – Contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs – Professionnel – Définition – Non-professionnel de la construction – Société civile immobilière

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 26 juin 2018), que, par contrat du 23 septembre 2013, la société civile immobilière Pela (la SCI) a confié à M. B..., architecte, la maîtrise d'oeuvre complète de la construction d'un bâtiment à usage professionnel, le contrat prévoyant que, même en cas d'abandon du projet, pour quelque raison que ce soit, les honoraires seraient dus et réglés en totalité au maître d'oeuvre ; que, la SCI Pela ayant abandonné son projet, M. B... l'a assignée en paiement d'une somme correspondant à l'intégralité des honoraires prévus au contrat ;

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de déclarer abusive la clause insérée dans le contrat de maîtrise d'oeuvre, d'en prononcer la nullité, de rejeter sa demande en paiement formée sur le fondement de cette clause et de limiter le montant de ses honoraires, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est un professionnel toute personne morale qui agit à des fins professionnelles ; qu'en retenant que la SCI Pela n'avait pas conclu le contrat de maitrise d'oeuvre en qualité de professionnelle, cependant qu'elle constatait elle-même que la SCI Pela « a[vait] pour objet social l'investissement et la gestion immobiliers, notamment la mise en location d'immeubles dont elle a fait l'acquisition », de sorte que la construction du bâtiment, en vue de laquelle était conclu le contrat de maîtrise d'oeuvre, relevait de son activité professionnelle et poursuivait des fins professionnelles, la cour d'appel a violé l'article liminaire du code de la consommation, ensemble les articles L. 212-1 et L. 212-2 du même code ;

2°/ qu'est un professionnel toute personne morale qui agit à des fins professionnelles ; qu'en retenant, pour conclure que la SCI Pela avait conclu le contrat de maîtrise d'oeuvre en qualité de non-professionnel, que le domaine de la construction faisait appel à des « connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques qui sont radicalement distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière », quand seule importait la finalité professionnelle poursuivie par la SCI, la cour d'appel a violé l'article liminaire du code de la consommation, ensemble les articles L. 212-1 et L. 212-2 du même code ;

3°/ qu'en toute hypothèse, ne sont pas abusives les clauses qui ne visent qu'à assurer le caractère obligatoire du contrat ; qu'en retenant que la clause prévoyant que « même en cas d'abandon du projet, pour quelque raison que ce soit, les honoraires seront dus et réglés en totalité au maître d'oeuvre », était abusive, quand une telle clause ne faisait que sanctionner l'inexécution du contrat par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1 du code de la consommation ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la SCI avait pour objet social l'investissement et la gestion immobiliers, et notamment la mise en location d'immeubles dont elle avait fait l'acquisition, qu'elle était donc un professionnel de l'immobilier, mais que cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l'occasion du contrat de maîtrise d'oeuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques distinctes de celles exigées par la seule gestion immobilière, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la SCI n'était intervenue au contrat litigieux qu'en qualité de maître de l'ouvrage non professionnel, de sorte qu'elle pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la clause litigieuse avait pour conséquence de garantir au maître d'oeuvre, par le seul effet de la signature du contrat, le paiement des honoraires prévus pour sa prestation intégrale, et ce quel que fût le volume des travaux qu'il aurait effectivement réalisés, sans qu'il n'en résultât aucune contrepartie réelle pour le maître de l'ouvrage, qui, s'il pouvait mettre fin au contrat, serait néanmoins tenu de régler au maître d'oeuvre des honoraires identiques à ceux dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme, la cour d'appel a retenu à bon droit que cette clause constituait une clause abusive ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

Sur la qualité d'une SCI, promoteur immobilier, professionnel de l'immobilier mais non-professionnel de la construction, à rapprocher : 3e Civ., 4 février 2016, pourvoi n° 14-29.347, Bull. 2016, III, n° 23 (rejet).

1re Civ., 27 novembre 2019, n° 18-22.525, (P)

Cassation

Démarchage et vente à domicile – Droit de rétractation – Professionnel – Conditions – Objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale – Applications diverses

Il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code.

Les juges du fond apprécient souverainement si un contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel concerné.

Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 1er septembre 2017, Mme V..., exerçant une activité de production et de fourniture de bois de chauffage sous l'enseigne V... du bois, a reçu à son domicile un représentant de la société Memo.Com (la société) et signé un ordre d'insertion publicitaire dans un annuaire local ; que, le 28 septembre 2017, elle a donné son accord par courriel au bon à tirer adressé par la société ; que la facture n'ayant pas été acquittée, la société a assigné en paiement Mme V... qui, bien que régulièrement convoquée, n'a pas comparu ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief au jugement de dire l'article L. 221-3 du code de la consommation applicable, d'annuler l'ordre d'insertion et de rejeter ses demandes en paiement, alors, selon le moyen, que le contrat d'insertion publicitaire dans un annuaire recensant des entreprises, conclu par un professionnel tel qu'un marchand de bois de chauffage à l'effet de promouvoir l'entreprise auprès du public, entre dans le champ d'activité principale de ce dernier ; que, dès lors, les exigences posées par les articles L. 221-3 et L. 221-5 du code de la consommation ne peuvent être invoquées par le professionnel ; qu'en décidant le contraire, pour annuler l'ordre d'insertion du 1er septembre 2017, le juge du fond a violé les articles L. 221-3, L. 221-5, L. 221-18 et L. 242-3 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code ;

Et attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le tribunal d'instance a estimé qu'un contrat d'insertion publicitaire n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de Mme V... ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 7 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, le jugement retient qu'il n'est pas contesté que Mme V... emploie moins de cinq salariés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ce fait n'était pas dans le débat, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 juillet 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Périgueux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Bergerac.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 221-3 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 12 septembre 2018, pourvoi n° 17-17.319, Bull. 2018, I, (rejet).

1re Civ., 27 novembre 2019, n° 18-19.097, (P)

Cassation

Intérêts – Taux – Calcul – Stipulation d'une base différente de celle de l'année civile – Annulation – Conditions – Surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation – Preuve – Charge – Détermination

Pour obtenir l'annulation de la stipulation d'intérêts se référant à une année bancaire de trois-cent-soixante jours, l'emprunteur doit démontrer que les intérêts conventionnels, calculés sur cette base, ont généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1907 du code civil, ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, ces trois derniers textes dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offre préalable du 20 octobre 2010, acceptée le 2 novembre 2010, la société Banque populaire du Massif Central, devenue Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (la banque), a consenti à M. R... (l'emprunteur) deux prêts immobiliers, dont l'un a fait l'objet, le 12 mai 2015, d'un avenant portant sur la renégociation du taux d'intérêt conventionnel ; que, reprochant à la banque d'avoir calculé les intérêts du prêt sur une année bancaire de trois-cent-soixante jours, l'emprunteur l'a assignée en annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et en restitution de sommes ;

Attendu que, pour accueillir les demandes, l'arrêt retient que l'emprunteur n'a aucune démonstration mathématique à produire, dès lors que la seule stipulation d'une clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année de trois-cent-soixante jours est sanctionnée par la nullité de la stipulation de l'intérêt nominal et sa substitution par le taux légal, de sorte que l'emprunteur n'a pas à rapporter la preuve d'un quelconque préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'emprunteur doit, pour obtenir l'annulation de la stipulation d'intérêts, démontrer que ceux-ci ont été calculés sur la base d'une année de trois-cent-soixante jours et que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Avel - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 1907 du code civil ; articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

Sur l'application de l'année lombarde au calcul des intérêts conventionnels d'un prêt remboursable par mensualités et consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, à rapprocher : 1re Civ., 4 juillet 2019, pourvoi n° 17-27.621, Bull. 2019, (rejet), et l'arrêt cité.

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