Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 14 novembre 2019, n° 18-20.303, (P)

Cassation

Actes de procédure – Nullité – Vice de forme – Définition – Personne morale – Organe la représentant légalement – Désignation – Défaut

L'erreur dans la désignation du représentant d'une personne morale ne constitue qu'une irrégularité pour vice de forme n'entraînant la nullité de l'acte qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.

Assignation – Mentions obligatoires – Personne morale – Organe la représentant légalement – Désignation – Défaut – Irrégularité de forme

Sur le moyen unique :

Vu les articles 114, 117 et 648 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en dernier ressort par le président d'un tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (l'AP-HP) a fait assigner le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'hôpital René Muret (le CHSCT) à fin de voir annuler une délibération désignant un cabinet d'expertise chargé d'évaluer la charge de travail et les risques psychosociaux encourus par les personnels de l'établissement ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AP-HP, l'ordonnance relève que par délibération du 5 avril 2018, il a été expressément donné mandat à Mme N..., membre du CHSCT, pour représenter celui-ci en justice à l'occasion des procédures judiciaires pouvant être exercées dans le cadre du recours à l'expertise pour risque grave et retient que l'absence de pouvoir de la secrétaire du CHSCT pour le représenter en justice dans la présente instance, constitue une irrégularité de fond affectant l'assignation sans que le CHSCT ait à justifier d'un grief ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'erreur dans la désignation du représentant d'une personne morale ne constitue qu'une irrégularité pour vice de forme n'entraînant la nullité de l'acte qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 juillet 2018, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bobigny ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Sommer - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 114, 117 et 648 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Ch. Mixte, 22 février 2002, pourvoi n° 00-19.369, Bull. 2002, Ch. Mixte, n° 1 (cassation), et les arrêts cités.

2e Civ., 14 novembre 2019, n° 18-15.389, (P)

Cassation

Instance – Péremption – Décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 – Possibilité de relever d'office – Application dans le temps – Application immédiate – Exclusion – Cas – Situation juridique régulièrement constituée

En application de l'article 2 du code civil, la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur. L'article 388 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, disposant que la péremption doit, à peine d'irrecevabilité devant être relevée d'office, être demandée ou opposée avant tout autre moyen et ne peut être relevée d'office par le juge, il en résulte que la péremption se trouve couverte lorsque les parties ne l'ont pas invoquée avant tout autre moyen.

En conséquence, si le juge dispose, dès le 11 mai 2017, date d'entrée en vigueur de la modification apportée par le décret susvisé du 6 mai 2017 à l'article 388 du code de procédure civile, du pouvoir de relever d'office la péremption, il ne peut le faire, sans remettre en cause la situation juridique régulièrement constituée au profit des parties, pour une période écoulée antérieurement à des conclusions qu'avaient échangées les parties et durant laquelle seules celles-ci disposaient de la faculté de soulever la péremption. Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel ayant statué en ce sens.

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche, et le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche, réunis :

Vu l'article 2 du code civil et l'article 388 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 ;

Attendu qu'en application du premier texte, la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur ; qu'il résulte du second, selon lequel la péremption doit, à peine d'irrecevabilité devant être relevée d'office, être demandée ou opposée avant tout autre moyen et ne peut être relevée d'office par le juge, que la péremption se trouve couverte lorsque les parties ne l'ont pas invoquée avant tout autre moyen ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société financière pour le développement de la Réunion (la société Sofider) et la société Foncière Caille ont relevé appel de l'ordonnance du juge commissaire d'un tribunal mixte de commerce ayant admis, pour un certain montant, une créance de la première société au passif de la seconde, placée en procédure de sauvegarde, pour laquelle ont été désignées la SCP B... et L..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, et la société O..., en qualité de mandataire judiciaire ; que l'arrêt statuant sur ces appels ayant été cassé (Com., 18 novembre 2014, pourvoi n° 13-26.294), les deux sociétés appelantes ont saisi la cour d'appel de renvoi, respectivement les 4 et 5 décembre 2014 ; qu'après jonction des deux instances, la société Sofider a conclu au fond le 13 avril 2017, puis la société Foncière Caille, le 3 juillet 2017 ; que par un arrêt avant dire droit la cour d'appel a invité les parties à conclure sur la péremption de l'instance ;

Attendu que pour constater la péremption et l'extinction de l'instance, l'arrêt retient que l'article 386 du code de procédure civile prévoit que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, qu'aux termes de l'article 388, la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen, elle est de droit et le juge peut la constater d'office après avoir invité les parties à présenter leurs observations, que la possibilité, pour le juge, de soulever d'office la péremption a été en consacrée par le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 et ne l'empêche pas de constater les effets d'une péremption acquise plus tôt au cours de la procédure, qu'en l'espèce, les déclarations de saisine sont du 4 et du 5 décembre 2014 et qu'il n'est justifié d'aucune diligence des parties avant le 22 mars 2017 pour la société Foncière Caille (mise en cause des organes de la procédure collective) et avant des conclusions du 13 avril 2017 pour la société Sofider, que dans les deux cas, le délai de deux années a été dépassé, les parties ayant, durant plus de deux années, parfaitement ignoré la procédure, désintérêt devant être sanctionné par la péremption, de sorte que l'instance est éteinte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que si le juge disposait, dès le 11 mai 2017, date d'entrée en vigueur de la modification apportée par le décret susvisé du 6 mai 2017 à l'article 388 du code de procédure civile, du pouvoir de relever d'office la péremption, il ne pouvait le faire pour une période écoulée antérieurement aux conclusions qu'avaient échangées les parties et durant laquelle seules celles-ci disposaient de la faculté de soulever la péremption, la cour d'appel, qui a remis en cause la situation juridique régulièrement constituée au profit des parties, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 388 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 ; article 2 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le maintien de la loi ancienne en cas de situation juridique régulièrement constituée : 2e Civ., 30 avril 2003, pourvoi n° 00-14.333, Bull. 2003, II n° 123 (cassation).

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