Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

LOIS ET REGLEMENTS

2e Civ., 14 novembre 2019, n° 18-15.389, (P)

Cassation

Application – Application immédiate – Application immédiate aux instances en cours – Procédure civile – Décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 – Actes régulièrement accomplis sous l'empire du texte ancien – Portée

Non-rétroactivité – Domaine d'application – Procédure civile – Péremption d'instance

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche, et le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche, réunis :

Vu l'article 2 du code civil et l'article 388 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 ;

Attendu qu'en application du premier texte, la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur ; qu'il résulte du second, selon lequel la péremption doit, à peine d'irrecevabilité devant être relevée d'office, être demandée ou opposée avant tout autre moyen et ne peut être relevée d'office par le juge, que la péremption se trouve couverte lorsque les parties ne l'ont pas invoquée avant tout autre moyen ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société financière pour le développement de la Réunion (la société Sofider) et la société Foncière Caille ont relevé appel de l'ordonnance du juge commissaire d'un tribunal mixte de commerce ayant admis, pour un certain montant, une créance de la première société au passif de la seconde, placée en procédure de sauvegarde, pour laquelle ont été désignées la SCP B... et L..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, et la société O..., en qualité de mandataire judiciaire ; que l'arrêt statuant sur ces appels ayant été cassé (Com., 18 novembre 2014, pourvoi n° 13-26.294), les deux sociétés appelantes ont saisi la cour d'appel de renvoi, respectivement les 4 et 5 décembre 2014 ; qu'après jonction des deux instances, la société Sofider a conclu au fond le 13 avril 2017, puis la société Foncière Caille, le 3 juillet 2017 ; que par un arrêt avant dire droit la cour d'appel a invité les parties à conclure sur la péremption de l'instance ;

Attendu que pour constater la péremption et l'extinction de l'instance, l'arrêt retient que l'article 386 du code de procédure civile prévoit que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, qu'aux termes de l'article 388, la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen, elle est de droit et le juge peut la constater d'office après avoir invité les parties à présenter leurs observations, que la possibilité, pour le juge, de soulever d'office la péremption a été en consacrée par le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 et ne l'empêche pas de constater les effets d'une péremption acquise plus tôt au cours de la procédure, qu'en l'espèce, les déclarations de saisine sont du 4 et du 5 décembre 2014 et qu'il n'est justifié d'aucune diligence des parties avant le 22 mars 2017 pour la société Foncière Caille (mise en cause des organes de la procédure collective) et avant des conclusions du 13 avril 2017 pour la société Sofider, que dans les deux cas, le délai de deux années a été dépassé, les parties ayant, durant plus de deux années, parfaitement ignoré la procédure, désintérêt devant être sanctionné par la péremption, de sorte que l'instance est éteinte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que si le juge disposait, dès le 11 mai 2017, date d'entrée en vigueur de la modification apportée par le décret susvisé du 6 mai 2017 à l'article 388 du code de procédure civile, du pouvoir de relever d'office la péremption, il ne pouvait le faire pour une période écoulée antérieurement aux conclusions qu'avaient échangées les parties et durant laquelle seules celles-ci disposaient de la faculté de soulever la péremption, la cour d'appel, qui a remis en cause la situation juridique régulièrement constituée au profit des parties, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 388 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 ; article 2 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le maintien de la loi ancienne en cas de situation juridique régulièrement constituée : 2e Civ., 30 avril 2003, pourvoi n° 00-14.333, Bull. 2003, II n° 123 (cassation).

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