Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 14 novembre 2019, n° 18-18.833, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Réalisation de l'actif – Eléments incorporels – Bail – Cession – Offre d'acquisition – Contenu – Clause de substitution – Portée

L'auteur d'une offre d'acquisition du droit au bail commercial dont est titulaire une société en liquidation judiciaire, qui n'a pas soumis la clause de substitution au profit d'une société en cours de création à la condition de ce que l'éventuelle substitution s'opérerait sans garantie de l'acquéreur substitué, reste tenu du paiement du prix de cession, l'acceptation de la faculté de substitution par le liquidateur ne déchargeant jamais, à elle seule, le débiteur originaire de sa dette.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 12 avril 2018), que la société Natural Corner a été mise en liquidation judiciaire le 25 janvier 2017, M. T... étant désigné liquidateur ; que le 23 février 2017, Mme Y... a présenté une offre d'acquisition du droit au bail commercial dont la société était titulaire ; que par une ordonnance du 20 mars 2017, le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré de ce droit au bail à Mme Y... ou toute autre personne morale ou physique qu'elle se substituerait et dont elle resterait garante, moyennant le prix de 22 000 euros ; que, prétendant que les conditions suspensives contenues dans son offre n'avaient pas été reprises par le juge-commissaire qui avait, au contraire, ajouté une faculté de substitution au profit d'une personne physique et la garantie du substitué par le substituant, et qu'elles ne s'étaient pas réalisées de sorte que la vente n'était pas parfaite, Mme Y... a fait appel de l'ordonnance ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que pour justifier sa demande de censure de l'ordonnance déférée, Mme Y... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'elle n'avait tenu aucun compte de ce que l'offre de reprise du droit au bail qu'elle avait présentée le 23 février 2017 était assortie de trois conditions suspensives, parmi lesquelles figurait une clause de substitution ; qu'elle n'a, en revanche, jamais soutenu que cette dernière eût été soumise à des conditions suspensives ; qu'en jugeant dès lors, pour déclarer irrecevables ses demandes, « qu'il ressort très clairement de la rédaction de [l'offre d'achat] que, contrairement à ce que soutient Mme Y..., elle n'a assorti la clause de substitution au profit d'une société en cours de création d'aucune condition suspensive », la cour a dénaturé ses conclusions en violation du principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que l'offre de reprise d'un élément d'actif est exclusivement déterminée par son objet, et selon les seules conditions offertes ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a constaté la cour, l'offre de reprise sur le droit au bail présentée par Mme Y..., assortie de trois conditions strictement définies, avait prévu une clause de substitution au seul profit d'une société en cours de création, et cela sans offrir de la garantir ; que, pour juger que Mme Y... était irrecevable à former un recours contre l'ordonnance du 20 mars 2017, la cour a retenu qu'elle avait été remplie de ses droits puisque le juge-commissaire avait « entièrement fait droit à (son) offre » ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant constaté que l'ordonnance critiquée avait décidé d'autoriser la cession avec faculté de substitution également au profit d'une personne physique, en ajoutant que Mme Y... « resterait garante » de toute personne substituée, conditions qui n'étaient pas celles de l'offre de reprise, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales attachées à ses constatations, a violé l'article 546 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré des dispositions de l'article 1216-1 du code civil, que les parties n'avaient pas invoquées, pour en faire une application contestable à la clause de substitution contenue dans l'offre de reprise de Mme Y..., sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que l'article 1216 du code civil dispose qu'un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé, la cession devant être constatée par écrit, à peine de nullité ; que l'article 1216-1 ajoute que si le cédé y a expressément consenti, la cession de contrat libère le cédant pour l'avenir et qu'à défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l'exécution du contrat ; que, cependant, le droit de substitution ne constitue pas une cession, mais uniquement la faculté reconnue d'y procéder éventuellement ; que si le bénéficiaire de cette faculté reconnue, qui n'a pas encore la qualité de cédant, décide ultérieurement de l'exercer, pour céder sa qualité de partie à un tiers, ainsi qu'il y est d'ores et déjà autorisé, rien ne s'oppose à ce que, devenant cédant, il sollicite de celui qui aura alors qualité de cédé à son égard, d'être libéré pour l'avenir par l'acte de cession à intervenir ; qu'en l'espèce, l'offre présentée par Mme Y... prévoyait un droit de substitution exclusivement au profit d'une société en cours de création ; que cependant, une fois ce droit reconnu, Mme Y..., si elle décidait de l'exercer, conservait la faculté de solliciter du cédé, selon la loi, d'être libérée pour l'avenir par la cession à intervenir ; que l'ordonnance déférée, au contraire, a définitivement imposé à Mme Y... de « rester garante » en toute hypothèse si elle exerçait sa faculté de substitution, c'est-à-dire de « rester tenue avec la personne morale définitivement acquéreur, du paiement du prix de cession » ; qu'en justifiant cette solution, qui a privé Mme Y... de ses droits, la cour a violé les articles 1216 et 1216-1 du code civil ;

5°/ que, dans son offre de reprise, Mme Y... s'est bornée à proposer une clause de substitution au profit d'une société en cours de création, sans autre limitation ; que cette offre, qui pouvait être refusée, laissait à Mme Y..., si un droit de substitution lui était reconnu et qu'elle décidait de l'exercer par une cession conclue avec un tiers, la faculté de solliciter du cédé d'être libérée pour l'avenir par cet acte ; qu'en décidant d'autoriser la cession en des termes imposant à Mme Y... de demeurer en toute hypothèse garante du tiers en cas de substitution, sans aucune possibilité de solliciter alors d'être libérée pour l'avenir par l'acte de cession à conclure, l'ordonnance du juge- commissaire a nécessairement ajouté une charge supplémentaire à l'offre que Mme Y... avait transmise ; qu'en jugeant le contraire, pour décider dès lors que, remplie de ses droits, Mme Y... était irrecevable à agir contre ladite ordonnance, la cour a violé l'article 546 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté, sans dénaturation, que l'offre de Mme Y... n'avait pas soumis la clause de substitution au profit d'une société en cours de création à la condition que l'éventuelle substitution s'opérerait sans garantie de l'acquéreur substitué, l'arrêt en déduit exactement, en se bornant à faire référence à l'article 1216-1 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 sans en faire application, que le juge-commissaire devait retenir, dans ces circonstances, que, l'acceptation de la faculté de substitution ne déchargeant jamais, à elle seule, le débiteur originaire de sa dette, Mme Y... resterait tenue, aux termes de son offre, du paiement du prix de cession ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que le liquidateur avait accepté la faculté de substitution sans décharger Mme Y..., qui ne le demandait pas, de sa dette, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune charge supplémentaire n'avait été imposée à Mme Y... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en ses sixième et septième branches :

Attendu que Mme Y... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que Mme Y... reprochait en particulier à l'ordonnance rendue par le juge-commissaire, de n'avoir tenu aucun compte des conditions suspensives dont elle avait assorti son offre de reprise, spécialement de celle qui exigeait « l'intervention du bailleur à l'acte » ; que cet « acte », de toute évidence, ainsi que l'a par ailleurs constaté le juge des référés du tribunal de grande instance d'Orléans, dans son ordonnance du 30 mars 2018, et qu'en convenaient les parties, ne pouvait s'entendre que de la cession elle-même, telle qu'allait la prononcer le juge-commissaire par son ordonnance, exécutoire de plein droit ; qu'en jugeant dès lors, contre l'évidence que cet « acte » ne pouvait viser qu'un contrat de bail devant être conclu postérieurement à ladite ordonnance, la cour a dénaturé l'offre de reprise de Mme Y..., en violation du principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ qu'en jugeant, pour justifier que « l'acte » visé par la condition suspensive ne pouvait être qu'un contrat de bail passé devant notaire, et non la cession elle-même, et que cet acte « devait être établi après qu'ait été donné l'autorisation de céder le droit au bail », quand, d'une part, les parties avaient admis que l'ordonnance du juge-commissaire, étant exécutoire, ne nécessiterait la conclusion d'aucun bail subséquent et, d'autre part, le juge-commissaire lui-même, donnant effet à la cession et au bail au jour de sa décision, n'a prévu aucune réitération et en a exclu même la nécessité, la cour a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de l'offre rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que Mme Y... n'avait pas assorti son offre d'une clause imposant au liquidateur ou au juge-commissaire de recueillir l'agrément des bailleurs avant la cession, mais avait simplement fait connaître qu'elle exigeait l'intervention des bailleurs à l'acte, ce qui ne pouvait s'entendre d'une intervention de ces derniers devant le juge-commissaire qui n'a pas dressé d'acte mais uniquement d'une intervention de leur part à l'acte notarié constatant la cession devant être établi après qu'ait été donnée l'autorisation de céder le droit au bail ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant soutenu, dans ses conclusions devant la cour d'appel, qu'il était nécessaire qu'un acte de cession soit dressé postérieurement à l'ordonnance du juge-commissaire eu égard aux conditions suspensives qui assortissaient son offre, Mme Y... n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; SCP Foussard et Froger ; Me Le Prado -

Com., 14 novembre 2019, n° 18-15.871, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Réalisation de l'actif – Immeuble – Vente de gré à gré – Ordonnance autorisant la cession – Rétractation du consentement de l'auteur de l'offre – Possibilité (non)

L'ordonnance qui, dans le cadre de la réalisation des actifs d'une liquidation judiciaire, autorise la cession de gré à gré d'un bien conformément aux conditions et modalités d'une offre déterminée rend impossible la rétractation de son consentement par l'auteur de l'offre.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 février 2018), que la SCI I... a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 6 juin et 18 juillet 2012, Mme L... étant désignée en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a formé une demande d'autorisation de vendre aux enchères publiques l'immeuble appartenant à la SCI ; qu'en cours d'instance, la gérante de la société Les Genêts a adressé au liquidateur une proposition d'achat ; que, par une ordonnance du 19 novembre 2014, le juge-commissaire a dit n'y avoir lieu d'ordonner la vente par voie de saisie immobilière et a autorisé la cession amiable au prix proposé au profit de la société Les Genêts ou de toute personne morale la substituant ; que, revenant sur sa proposition, la société Les Genêts a formé appel de l'ordonnance ;

Attendu que la société Les Genêts fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rétractation de l'ordonnance et de confirmer cette dernière alors, selon le moyen :

1°/ que l'auteur d'une offre d'achat de gré à gré d'un immeuble appartenant au débiteur en liquidation judiciaire peut rétracter cette offre jusqu'à ce que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession de gré à gré soit passée en force de chose jugée ; qu'une telle ordonnance n'acquiert force de chose jugée qu'à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la plus tardive des notifications faites aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par cette décision, parmi lesquelles l'auteur de l'offre d'achat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'appel interjeté par la société Les Genêts était recevable, dès lors que l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 19 novembre 2014, autorisant la vente du bâtiment appartenant à la SCI I... à la société Les Genêts, n'avait été notifiée à cette dernière que par acte du 19 janvier 2016, l'appel ayant été interjeté le 27 janvier suivant ; que la cour d'appel a également constaté que la société Les Genêts avait renoncé à son offre d'acquisition le 11 août 2015, c'est-à-dire à une date à laquelle l'ordonnance du juge-commissaire n'avait pas acquis force de chose jugée, puisqu'elle demeurait susceptible d'un recours de la part de la société Les Genêts, à qui elle n'avait pas été notifiée ; qu'en décidant pourtant que l'ordonnance était passée en force de chose jugée, au motif impropre qu'aucun texte n'imposait la notification de l'ordonnance à l'acquéreur et qu'elle était dès lors passée en force de chose jugée dix jours après la notification au débiteur ainsi qu'aux créanciers inscrits et au liquidateur judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 642-18, L. 642-19-1, R. 642-37-1, R. 661-3, R. 642-23 et R. 642-36, ensemble les articles 500 et 539 du code de procédure civile ;

2°/ que, sauf dispositions contraires, le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire ; que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 du code de commerce est formé devant la cour d'appel ; que ce recours est ouvert aux parties et aux personnes, dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions, dans les dix jours de leur communication ou notification ; que l'auteur de l'offre sur laquelle le juge-commissaire a statué peut ainsi former ce recours devant la cour d'appel tant que cette ordonnance ne lui a pas été notifiée, de sorte que cette décision ne peut acquérir force de chose jugée tant que ce recours demeure ouvert ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 19 novembre 2014 était passée en force de chose jugée à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de sa notification au débiteur, au créancier inscrit et au liquidateur judiciaire, dès lors qu'aucun texte n'imposait cette notification à l'acquéreur ; qu'en se prononçant ainsi, privant ainsi de tout effet utile le recours ouvert à l'acquéreur contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession de gré à gré de l'immeuble de la SCI I... à la suite de son offre, qu'il avait pourtant rétractée, la cour d'appel a violé les articles R. 642-37-1 et R. 661-3 du code de commerce, ensemble l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'ordonnance qui, dans le cadre de la réalisation des actifs d'une liquidation judiciaire, autorise la cession de gré à gré d'un bien conformément aux conditions et modalités d'une offre déterminée rend impossible la rétractation de son consentement par l'auteur de l'offre ; que par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée en son dispositif ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Com., 27 novembre 2019, n° 18-19.861, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Règlement des créanciers – Priorité de paiement – Exclusion – Cas – Créance résultant d'une condamnation pour insuffisance d'actif – Portée

Le juge saisi d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée contre un dirigeant en procédure collective doit, en application de l'article R. 651-6 du code de commerce, déterminer le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge de ce dirigeant, cette condamnation devant alors être portée par le greffier sur l'état des créances de la procédure à laquelle l'intéressé est soumis. Il en résulte que le règlement de cette créance suit l'ordre de répartition d'ordre public entre les créanciers de la procédure collective sans que ce créancier bénéficie d'une priorité de paiement. L'arrêt retient donc, à bon droit, que la saisie conservatoire, pratiquée par ce dernier, n'ayant pas été convertie en saisie-attribution avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, l'arrêt de toute procédure d'exécution à compter de ce jugement implique sa mainlevée.

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Arrêt des poursuites individuelles – Domaine d'application – Cas – Créance résultant d'une condamnation pour insuffisance d'actif – Saisie conservatoire – Conversion en saisie-attribution avant le jugement d'ouverture – Défaut – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2018), que le 12 juin 2012, la société Neo Security, filiale de la société Neo sécurité devenue la société Calysteo, a été mise en liquidation judiciaire, la société MJA, en la personne de Mme S..., étant désignée liquidateur ; que par deux actes du 26 juin 2012, la société Neo sécurité a consenti à la société Neo Security, avec faculté de substitution au profit du repreneur de ses actifs, deux promesses unilatérales irrévocables de vente portant sur les marques qu'elle possédait ; que le 3 août 2012, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société Neo Security au profit de la société Fiducial Private Security (la société FPS), laquelle a levé l'option d'achat des marques moyennant un prix de cession de 125 000 euros ; que par une ordonnance du 13 septembre 2012, la société MJA, ès qualités, a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire entres les mains de la société FPS en garantie d'une somme de 4 605 978,58 euros représentant le montant des dommages-intérêts qu'elle entendait demander à la société Calysteo, en tant que dirigeante de fait de sa filiale, sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d'actif ; que le 22 octobre 2012, la société MJA, ès qualités, a fait assigner la société Calysteo devant le tribunal en paiement de l'insuffisance d'actif de la société Neo Security ; que la société FPS a saisi un tribunal aux fins de voir déclarer parfaite la cession des marques, voir rendre une décision valant acte de vente, et voir désigner un séquestre du prix de cession ; que les 12 mars et 28 mai 2014, la société Calysteo a été successivement mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, M. B... étant désigné liquidateur ; que par un jugement du 19 novembre 2015, dont la société MJA, ès qualités, a fait appel, le tribunal, saisi par la société FPS du litige relatif à la cession des marques, a notamment ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire ; que par un autre arrêt du 24 octobre 2017, la société Calysteo a été condamnée à payer la somme de 1 000 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Neo Security, la cour d'appel disant qu'en application de l'article R. 651-6 du code de commerce, cette condamnation serait portée par le greffier sur l'état des créances de la société Calysteo ;

Attendu que la société MJA, ès qualités, fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire alors, selon le moyen, que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif déroge nécessairement au principe d'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution ; qu'il en va de même de la saisie conservatoire pratiquée aux fins de garantir le recouvrement de la créance résultant d'une telle action ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions résultant des articles L. 622-21, L. 651-2 et R. 651-6 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le juge saisi d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif formée contre un dirigeant en procédure collective doit, en application de l'article R. 651-6 du code de commerce, déterminer le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge de ce dirigeant, cette condamnation devant alors être portée par le greffier sur l'état des créances de la procédure à laquelle l'intéressé est soumis, et qu'il en résulte que le règlement de cette créance suit l'ordre de répartition d'ordre public entre les créanciers de la procédure collective sans que ce créancier bénéficie d'une priorité de paiement, l'arrêt retient à bon droit que la saisie conservatoire n'ayant pas été convertie en saisie attribution avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Calysteo, l'arrêt de toute procédure d'exécution à compter de ce jugement impliquait la mainlevée de cette saisie ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles L. 622-21, L. 651-2 et R. 651-6 du code de commerce.

Com., 27 novembre 2019, n° 18-18.194, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Redressement judiciaire – Ouverture – Causes – Cessation des paiements – Report de la date – Délai d'un an pour agir – Expiration – Régularisation de la procédure – Impossibilité

Doit être censurée l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui, dans une instance en report de la date de cessation des paiements, et afin de régulariser la procédure, ordonne la mise en cause de la personne morale débitrice, alors qu'à la date de son ordonnance, le délai d'un an fixé par l'article L. 631-8 du code de commerce, qui court à compter du jugement ouvrant la procédure collective du débiteur, était déjà expiré et qu'aucune régularisation de la procédure n'était donc plus possible.

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. V... que sur le pourvoi incident relevé par la société Z... L... et Cie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 7 mai 2014, la société Z... L... et Cie (la société Z...), qui avait pour dirigeant M. V..., a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 18 avril 2014 ; que la procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 28 mai 2014, M. W... étant nommé en qualité de liquidateur ; que par un acte du 10 mars 2015, ce dernier a assigné M. V... en report de la date de cessation des paiements ; que celui-ci a soulevé la nullité de l'assignation, au motif qu'elle lui avait été délivrée à titre personnel, et non en qualité de représentant légal de la société débitrice ; qu'un jugement du 11 janvier 2017 a rejeté cette exception de procédure et accueilli la demande de report ; qu'à la suite de l'appel interjeté contre ce jugement, le conseiller de la mise en état a, par une ordonnance du 15 juin 2017, déclaré recevable l'appel formé par M. V... à titre personnel et ordonné la mise en cause de la société débitrice « prise en la personne de son représentant légal » ;

Sur la recevabilité du premier moyen du pourvoi principal, contestée par la défense :

Vu l'article 125 du code de procédure civile ;

Attendu que M. V..., agissant à titre personnel, est sans intérêt à obtenir la cassation de la disposition de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 juin 2017 qui ordonne la mise en cause de la société Z..., cette disposition ne lui faisant pas grief ; que le moyen est irrecevable ;

Sur les seconds moyens des pourvois principal et incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu les articles L. 631-8 du code de commerce et 126 du code de procédure civile ;

Attendu que, par sa décision du 15 juin 2017, le conseiller de la mise en état ordonne la mise en cause de la société Z... prise en la personne de son représentant légal ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il relevait que le jugement ouvrant le redressement judiciaire de la société Z... avait été rendu le 7 mai 2014, de sorte qu'à la date de son ordonnance, le délai d'un an fixé par l'article L. 631-8 susvisé pour agir en report de la date de cessation des paiements était déjà expiré et qu'aucune régularisation de la procédure n'était donc plus possible, le conseiller de la mise en état a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

REJETTE le pourvoi principal ;

Et sur le pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle ordonne la mise en cause de la société Z... et Cie en la personne de son représentant légal, l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 juin 2017 ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette les exceptions de nullité de l'assignation et du rapport de M. Bonnet désigné par le juge-commissaire, l'arrêt rendu le 12 avril 2018 entre les parties par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de report de la date de cessation des paiements formée par M. W..., en qualité de liquidateur de la société Z... L... et Cie.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article L. 631-8 du code de commerce ; article 126 du code de procédure civile.

Com., 27 novembre 2019, n° 13-21.068, (P)

Rejet

Sauvegarde – Période d'observation – Arrêt des poursuites individuelles – Arrêt des procédures d'exécution – Domaine d'application – Infraction pénale – Date de naissance de la créance indemnitaire de la partie civile – Détermination – Inscription d'hypothèque – Point de départ du délai de déclaration des créances – Report – Portée

Il résulte de l'article L. 622-24, alinéa 7, du code de commerce que lorsqu'une infraction pénale a été commise avant le jugement d'ouverture de la procédure collective de l'auteur, le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées de cette infraction court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant si cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture. Pour autant, cette possibilité du report du point de départ du délai de déclaration des créances n'autorise pas la partie civile, dont la créance de dommages-intérêts est née à la date de la réalisation du dommage, à prendre une inscription d'hypothèque postérieurement au jugement d'ouverture, par exception à l'interdiction posée à l'article L. 622-30 du même code.

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. L... K... et Mme A..., épouse K..., que sur le pourvoi incident relevé par la société Foncia Grand Bleu et MM. Z... et J... M... ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 avril 2013), que MM. Q... et L... K... et Mme A..., épouse K..., ont été déclarés coupables du délit d'escroquerie au préjudice de la société Agence M..., devenue la société Foncia Grand Bleu, et de MM. Z... et J... M... ; que M. Q... K... a été mis en liquidation judiciaire le 5 mars 2007 ; qu'une juridiction répressive a déclaré MM. K... et Mme A... K... tenus solidairement de la réparation des préjudices causés à la société Foncia Grand Bleu, en réservant les droits de cette dernière ; que la société Foncia Grand Bleu et MM. M... ont saisi un tribunal de grande instance aux fins de condamnation de M. L... K... et de Mme K... à des dommages-intérêts, et de fixation de cette même somme à la liquidation judiciaire de M. Q... K... ; qu'ils ont également demandé la « validation » d'hypothèques judiciaires provisoires qu'ils avaient prises le 8 août 2007 sur les biens appartenant à ce dernier ;

Attendu que la société Foncia Grand Bleu et MM. M... font grief à l'arrêt de rejeter cette dernière demande et de dire que les hypothèques litigieuses sont inopposables à la liquidation judiciaire de M. Santo K... alors, selon le moyen, que selon l'article L. 622-24, alinéa 7, du code de commerce, le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées d'une infraction pénale court dans les conditions prévues au premier alinéa ou à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, lorsque cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture ; qu'il s'évince d'une telle règle que par exception à l'interdiction prévue par l'article L. 622-30 du code de commerce, la partie civile peut, à titre d'accessoire de sa créance de réparation du dommage causé par une infraction pénale, prendre une inscription hypothécaire postérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en énonçant qu'aucune exception ne permettait d'inscrire une hypothèque postérieurement au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24 alinéa 7, et L. 622-30 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 622-24, alinéa 7, du code de commerce que, lorsqu'une infraction pénale a été commise avant le jugement d'ouverture de la procédure collective de l'auteur, le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées de cette infraction court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant si cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture ; que, pour autant, cette possibilité du report du point de départ du délai de déclaration des créances n'autorise pas la partie civile, dont la créance de dommages-intérêts est née à la date de la réalisation du dommage, à prendre une inscription d'hypothèque postérieurement au jugement d'ouverture, par exception à l'interdiction posée à l'article L. 622-30 du code précité ; que le moyen qui postule le contraire n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens du pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 622-24, alinéa 7, et L. 622-30 du code de commerce.

Com., 14 novembre 2019, n° 18-20.408, (P)

Cassation partielle

Sauvegarde – Plan de sauvegarde – Apurement du passif – Remises ou délais accordés – Consultation des créanciers – Lettre de consultation – Conditions de forme – Non-respect – Sanction – Détermination – Portée

La notification au créancier d'une lettre de consultation à laquelle n'est pas joint l'un des documents exigés par l'article R. 626-7, II, du code de commerce, ne fait pas courir le délai de réponse prévu par l'article L. 626-5, alinéa 2, du même code.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 626-5, alinéa 2, et R. 626-7, II du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société GDKS, mise en sauvegarde le 27 janvier 2016, a proposé un plan de sauvegarde prévoyant l'apurement de son passif par un paiement de 35 % des créances en principal le 1er septembre 2017 (option A) ou un paiement de 100 % des créances en 10 annuités (option B) ; que la société Le Crédit lyonnais (la banque), consultée sur ces propositions de règlement par une lettre reçue le 20 décembre 2016, a répondu au mandataire judiciaire le 23 janvier 2017, en précisant opter pour l'option B ; que considérant que cette réponse était tardive, de sorte qu'était acquis l'accord de la banque pour un paiement de sa créance selon l'option A, le mandataire judiciaire a présenté le plan de sauvegarde au tribunal en précisant que la créance serait remboursée suivant cette option ; que cette modalité d'apurement a été reprise par le plan de sauvegarde adopté par un jugement du 1er mars 2017, auquel la banque a formé tierce-opposition en invoquant l'irrégularité de la lettre de consultation, au motif qu'elle n'était pas accompagnée d'un état de la situation passive et active de la société débitrice, comme l'exige l'article R. 627-6 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter cette tierce-opposition, l'arrêt retient que si une notification irrégulière ou incomplète peut avoir pour effet de ne pas faire courir le délai de 30 jours, c'est à la condition que l'irrégularité ou l'incomplétude portent sur des éléments déterminants qui auraient empêché le créancier de pouvoir valablement opter dans le délai requis, et que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la notification au créancier d'une lettre de consultation à laquelle n'est pas joint l'un des documents exigés par l'article R. 626-7, II du code de commerce, ne fait pas courir le délai de réponse prévu par l'article L. 626-5, alinéa 2, du même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la tierce-opposition formée par la société Le Crédit lyonnais, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; Me Rémy-Corlay -

Textes visés :

Articles L. 626-5, alinéa 2, et R. 626-7, II, du code de commerce.

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