Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

APPEL CIVIL

2e Civ., 28 novembre 2019, n° 18-20.225, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Demande nouvelle – Définition – Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale (non) – Applications diverses

La demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation des préjudices en découlant formée au titre d'une maladie professionnelle particulière ne tend pas aux mêmes fins que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation des préjudices en découlant formée au titre d'une maladie distincte, de nature différente, et n'en constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Viole les articles 564 et 565 du code de procédure civile, la cour d'appel qui déclare recevable, comme n'étant pas nouvelle, la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au titre de la maladie professionnelle prise en charge sur la base du tableau n° 44 des maladies professionnelles au motif qu'elle tend aux mêmes fins que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur formée au titre de la maladie professionnelle prise en charge sur la base du tableau n° 25, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, identique en sa première branche, qui sont recevables :

Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile, L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, et les tableaux n° 25 et 44 des maladies professionnelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. H..., salarié de la société Sup'intérim, mis à disposition, entre novembre 2005 et septembre 2009, de plusieurs entreprises utilisatrices de main d'oeuvre temporaire, a successivement obtenu la reconnaissance du caractère professionnel de deux pathologies distinctes, une silicose, au titre du tableau n° 25 des maladies professionnelles, puis une sidérose au titre du tableau n° 44 ; qu'ayant infructueusement recherché devant une juridiction de sécurité sociale la reconnaissance, au titre de la maladie prise en charge sur la base du tableau n° 25, d'une faute inexcusable de son employeur qui a mis en cause les entreprises utilisatrices de main d'oeuvre temporaire, parmi lesquelles la société Endel, M. H... a poursuivi cette action devant la cour d'appel au titre de la maladie prise en charge sur la base du tableau n° 44 ;

Attendu que pour accueillir la demande de M. H... tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de la maladie prise en charge sur la base du tableau n° 44, l'arrêt retient qu'il convient de constater, à la lecture des conclusions développées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et du jugement entrepris, que si M. H... a saisi la juridiction de première instance d'une demande fondée uniquement sur sa première maladie professionnelle, pour autant sa prétention se fondant sur sa maladie professionnelle reconnue au titre du tableau n° 44 n'est pas nouvelle en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, à savoir la reconnaissance d'une faute inexcusable ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande des sociétés intimées tendant à voir déclarer irrecevable la demande de M. H... en reconnaissance d'une faute inexcusable fondée sur sa deuxième maladie professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation des préjudices en découlant formée au titre d'une maladie professionnelle particulière ne tend pas aux mêmes fins que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation des préjudices en découlant formée au titre d'une maladie distincte, de nature différente, et n'en constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a déclaré la décision de prise en charge du 11 mars 2011 de la maladie inscrite au tableau n° 25 inopposable à la société Sup'interim, et en ce qu'il a débouté M. H... de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable au titre de cette maladie, l'arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande, formée par M. H..., pour la première fois devant la cour d'appel, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et d'indemnisation des préjudices en découlant, au titre de la maladie prise en charge le 23 décembre 2011 par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut sur la base du tableau n° 44 des maladies professionnelles.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Foussard et Froger ; SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 564 et 565 du code de procédure civile ; article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige ; tableaux n° 25 et 44 des maladies professionnelles.

2e Civ., 14 novembre 2019, n° 18-22.167, (P)

Cassation sans renvoi

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Domaine d'application – Détermination

L'obligation faite à l'appelant, par l'article 902, alinéa 3, du code de procédure civile, de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai d'un mois suivant la réception de l'avis que le greffe adresse à l'avocat de l'appelant, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d'appel.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Cas – Article 902 du code de procédure civile – Défaut de notification de la déclaration d'appel à l'avocat constitué par l'intimé

Acte d'appel – Déclaration au greffe – Notification – Notification à l'avocat constitué par l'intimé – Délai – Point de départ – Détermination

Sur le moyen unique :

Vu l'article 902, alinéa 3,du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai d'un mois suivant la réception de l'avis que le greffe adresse à l'avocat de l'appelant, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d'appel ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme B... a relevé appel du jugement du juge aux affaires familiales d'un tribunal de grande instance dans une affaire l'opposant à son époux M. I... ; que par un avis du 26 février 2018, le greffe de la cour d'appel a informé l'avocat de Mme B... que M. I... n'avait pas pu être rendu destinataire de la déclaration d'appel et l'a invité, conformément à l'article 902 du code de procédure civile, à notifier cette déclaration d'appel ; que M. I... a constitué un avocat dans l'instance d'appel le 8 mars 2018 ;

Attendu que pour constater la caducité de la déclaration d'appel de Mme B..., l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'article 902 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et applicable à l'espèce, retient que ce texte, tel que modifié par ce décret en ce qu'il a ajouté en l'alinéa 3 les termes « cependant, si entre-temps, l'intimé à constitué avocat avant la signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat », ne donne pas lieu à interprétation en ce qu'il prévoit littéralement que la sanction de la caducité de la déclaration d'appel doit également être relevée d'office en l'absence de notification de la déclaration d'appel à l'avocat qui se sera constitué pour l'intimé dans le délai d'un mois courant à compter de l'avis donné par le greffe, que Mme B... n'a satisfait à cette exigence procédurale que le 11 mai 2018, soit hors le délai d'un mois ayant expiré le 26 mars 2018, et que l'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a constaté la caducité de son appel ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 mai 2018 ;

Dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel en application de l'article 902 du code de procédure civile ;

Dit que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Limoges ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens exposés devant la cour d'appel.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 902, alinéa 3, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de sanction du défaut de notification entre avocats de la déclaration d'appel en cas de constitution d'un avocat par l'intimé, à rapprocher : Avis de la Cour de cassation, 12 juillet 2018, pourvoi n° 18-70.008, Bull. 2018, Avis. Sur le point de départ du délai d'un mois pour signifier la déclaration d'appel, évolution par rapport à : 2e Civ., 26 juin 2014, pourvoi n° 13-20.868, Bull. 2014, II, n° 159 (rejet).

2e Civ., 14 novembre 2019, n° 18-17.839, (P)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Cas – Force majeure – Article 910-3 du code de procédure civile – Application dans le temps – Détermination – Portée

L'article 910-3 du code de procédure civile, issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, prévoyant que l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code peut être écartée en cas de force majeure, est entré en vigueur le 1er septembre 2017 et, en l'absence de disposition contraire, est applicable aux instances en cours. Par conséquent, à compter de cette date, le conseiller de la mise en état statue sur la caducité de la déclaration d'appel prévue par l'article 908 dans les conditions fixées par cet article 910-3.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Cas – Force majeure – Caractérisation – Défaut – Applications diverses

Se livrant à l'appréciation de l'existence d'un tel cas de force majeure, une cour d'appel relève que si l'un des appelants justifiait de son hospitalisation avant la formation de son appel qui s'était poursuivie dans un centre médical spécialisé où il se trouvait toujours à la date de l'arrêt, sa maladie ne l'avait pas empêché de formaliser une déclaration d'appel, ainsi que des conclusions, bien que tardives. La cour d'appel a pu en déduire qu'aucun cas de force majeure n'avait empêché les appelants de conclure dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, de sorte que c'est à bon droit qu'elle a constaté la caducité de la déclaration d'appel prévue par ce texte.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 mars 2018), que Z..., I... et K... A..., (les consorts A...) ont relevé appel, le 5 avril 2017, du jugement d'un tribunal de grande instance les ayant condamnés in solidum au profit de Mme R..., représentée par Mme F..., sa tutrice, remplacée dans ses fonctions par Mme T..., au remboursement de capitaux décès de contrats souscrits auprès des sociétés MAAF vie assurances et Cardif assurance vie, cette dernière étant elle-même partiellement condamnée in solidum au remboursement et le GIE Afer étant mis hors de cause ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, pris en ses deuxième et sixième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Attendu que les consorts A... font grief à l'arrêt de prononcer la caducité de leur déclaration d'appel dans le litige les opposant à Mme R..., représentée par sa tutrice, et aux sociétés Cardif assurance vie, MAAF et GIE Afer, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article 910-3 du code de procédure civile s'appliquent aux appels dont la recevabilité est jugée après le 1er septembre 2017, dès lors qu'à cette date la caducité de la déclaration d'appel n'a pas encore été prononcée ; qu'en l'espèce, la caducité de la déclaration d'appel des consorts A... avait été prononcée par l'ordonnance du 24 octobre 2017 du conseiller de la mise en état, ce dont il résultait que le constat de la caducité était postérieur au 1er septembre 2017, et que l'article 910-3 aurait dû s'appliquer ; qu'en jugeant cependant que le constat de caducité de l'appel était intervenu avant le 1er septembre 2017 et qu'il n'y avait donc pas lieu à appliquer le texte dérogatoire, la cour d'appel a violé les articles 908 et 910-3 du code de procédure civile ;

2°/ que la force majeure se caractérise par la présence d'un événement imprévisible et irrésistible ; qu'en l'espèce, l'opération chirurgicale dont avait été brusquement l'objet Mme A..., le 24 mars 2017 - qui avait été suivie de soins constants et particulièrement lourds et avait nécessité une hospitalisation complète - présentait les caractères de la force majeure exonératrice de la sanction de caducité pour absence de dépôt de conclusions dans le délai de trois mois après la déclaration d'appel ; qu'en refusant de considérer la maladie de Mme A... comme un cas de force majeure et en refusant par conséquent d'écarter la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les articles 910-3 et 908 du code de procédure civile ;

3°/ que la force majeure se caractérise par la présence d'un événement imprévisible et irrésistible ; qu'en l'espèce, il résultait des faits aux débats et ainsi que le faisaient valoir les consorts A... que juste après le jugement du 16 mars 2017, Mme A... avait donné mandat à son conseil pour qu'il interjette appel et que celui-ci avait donc pu formaliser une déclaration d'appel le 5 avril suivant ; qu'en revanche, le 24 mai 2017, elle avait brusquement fait l'objet d'une opération chirurgicale, suivie de soins constants et particulièrement lourds, nécessitant une hospitalisation complète ; que cet événement imprévisible et irrésistible, qui présentait donc les caractères de la force majeure exonératrice de la sanction de caducité, l'avait empêchée de donner des instructions à son conseil afin de déposer dans les délais des écritures en sa faveur ; qu'en jugeant, cependant, pour écarter la force majeure, que la maladie de Mme A... existait et était connue d'elle en mars 2017 et ne l'avait pas empêchée de formaliser une déclaration d'appel en avril, la cour d'appel a violé les articles 910-3 et 908 du code de procédure civile ;

4°/ que la force majeure se caractérise par la présence d'un événement imprévisible et irrésistible ; qu'en l'espèce, à compter du 24 mars 2017, Mme A..., de façon imprévisible et irrésistible, avait brutalement fait l'objet d'une intervention chirurgicale pour un grave problème de santé, nécessitant par la suite une prise en charge complète, son état ne lui permettant plus de s'occuper de ses affaires ; qu'il en résultait que sa maladie l'avait donc empêchée de donner à son conseil des directives afin qu'il dépose des écritures en sa faveur dans ce dossier ; que ce n'était qu'après avoir enfin réussi à entrer en contact avec Mme A... que son conseil avait pu déposer des conclusions le 12 juillet 2017 ; que par conséquent sa maladie présentait les caractères de la force majeure exonératrice de la sanction de caducité pour absence de dépôt de conclusions dans les délais légaux ; qu'en déduisant cependant du fait que Mme A... avait pu déposer tardivement des écritures, le 12 juillet 2017, que sa maladie n'était pas constitutive d'un cas de force majeure l'exonérant de la sanction de la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les articles 910-3 et 908 du code de procédure civile ;

Mais attendu que si l'article 910-3 du code de procédure civile, issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, prévoyant que l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code peut être écartée en cas de force majeure et entré en vigueur le 1er septembre 2017, était applicable au jour où le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel, la première branche ne peut être accueillie dès lors que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation de la force majeure ;

Et attendu qu'ayant relevé que si Mme A... justifiait de son hospitalisation le 24 mars 2017 au centre hospitalier de Lyon-sud, puis de son transfert au centre médical spécialisé de Praz-Coutant à Passy le 22 mai 2017, établissement où elle se trouvait toujours le 18 juillet 2017, sa maladie ne l'avait pas empêchée de formaliser une déclaration d'appel en avril 2017, ainsi que des conclusions, bien que tardives, le 12 juillet 2017, la cour d'appel, qui a pu en déduire qu'aucun cas de force majeure n'avait empêché les appelants de conclure dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, a constaté à bon droit la caducité de la déclaration d'appel prévue par ce texte ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau et Fattaccini ; Me Goldman ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Articles 908 et 910-3 du code de procédure civile.

2e Civ., 14 novembre 2019, n° 18-23.631, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Déclarations d'appel successives – Régularisation de la première déclaration d'appel – Première déclaration d'appel déclarée irrecevable par le conseiller de la mise en état – Infirmation – Portée

En cas d'infirmation de l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état qui avait prononcé l'irrecevabilité d'une première déclaration d'appel, une nouvelle déclaration d'appel formée entre-temps par la même partie n'a eu pour effet que de régulariser la première déclaration qui était affectée d'une irrégularité de forme n'ayant pas conduit au prononcé de son annulation.

Une cour d'appel en déduit exactement que cette nouvelle déclaration d'appel n'a pas fait courir le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile à l'appelant pour conclure.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Déclarations d'appel successives – Infirmation de la décision constatant l'irrecevabilité de la première déclaration d'appel – Effets – Délai de l'appelant pour conclure – Point de départ – Détermination

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Conclusions de l'appelant – Délai – Point de départ – Infirmation de l'ordonnance prononçant l'irrecevabilité de la déclaration d'appel – Portée

L'ordonnance du conseiller de la mise en état, qui a prononcé l'irrecevabilité de la déclaration d'appel et était revêtue dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée, a immédiatement mis fin à l'instance d'appel, de sorte que l'arrêt infirmatif de la cour d'appel, rendu à l'issue d'une procédure de déféré dénuée d'effet suspensif, s'il a anéanti l'ordonnance infirmée, n'a pu, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique découlant de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que faire à nouveau courir le délai pour conclure de l'article 908 du code de procédure civile, qui avait pris fin avec l'ordonnance déférée. Encourt par conséquent la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui constate la caducité de la déclaration d'appel en faisant courir le délai imparti à l'appelant pour conclure depuis la première déclaration d'appel et non depuis la date de son arrêt infirmatif.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. I... a relevé appel, le 29 août 2016, du jugement d'un conseil de prud'hommes l'ayant débouté de demandes qu'il formait contre son ex-employeur, la société Transit sud azur ; que le conseiller de la mise en état ayant, par une ordonnance du 26 octobre 2016, prononcé l'irrecevabilité de son appel, M. I... a déféré cette ordonnance à la cour d'appel et relevé un deuxième appel du même jugement, dont la caducité a été prononcée par une ordonnance, devenue irrévocable, après laquelle M. I... a relevé un troisième appel le 17 février 2017 ; que par un arrêt du 23 mars 2017, la cour d'appel, infirmant l'ordonnance du 26 octobre 2016 a déclaré recevable la déclaration d'appel du 29 août 2016 ; que M. I... a pris des conclusions sur le fond le 25 avril 2017 ; que la société Transit sud azur a déféré à la cour d'appel une ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 février 2018 déclarant irrecevables ses conclusions d'incident tendant à ce que l'acte d'appel du 17 février 2017 soit déclaré irrecevable et à titre subsidiaire caduc ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. I... fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du magistrat de la mise en état du 15 février 2018, de dire la déclaration d'appel du 17 février 2017 dépourvue d'effet compte tenu de la première déclaration d'appel du 29 août 2016 et de constater la caducité de la déclaration d'appel du 29 août 2016 en l'absence de conclusions sur le fond de l'appelant dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, alors, selon le moyen que le défaut d'indication de l'intimé dans l'acte d'appel est une irrégularité de forme qui entache la validité de l'acte en sorte que le délai d'appel est interrompu et que l'appelant peut réitérer valablement son appel si son appel précédent a été privé d'effet ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel du 29 août 2016 ne comportait pas le nom de l'intimé et le magistrat de la mise en état a déclaré l'appel irrecevable, en sorte que le délai d'appel légal avait été interrompu et que l'appel ultérieur du 17 février 2017 intervenu après l'ordonnance d'irrecevabilité du 20 octobre 2016 était recevable et devait produire ses effets ; qu'en décidant néanmoins que l'appel réitéré le 17 février 2017 devait être tenu pour dépourvu de tout effet compte tenu de la validation ultérieure de la déclaration d'appel du 29 août 2016 par l'arrêt du 23 mars 2017, alors que cette circonstance demeurait sans incidence, la cour d'appel a violé les articles 58, 901 et 908 du code de procédure civile et l'article 2241 du code civil ;

Mais attendu que la troisième déclaration d'appel a été formée à une époque où la première déclaration d'appel était dénuée d'effet interruptif du délai d'appel, pour avoir été déclarée irrecevable par une ordonnance du conseiller de la mise en état revêtue dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée ; qu'il résulte de l'infirmation de cette ordonnance que la troisième déclaration d'appel n'a eu pour effet que de régulariser la première déclaration, affectée d'une irrégularité de forme n'ayant pas conduit au prononcé de son annulation, sans pouvoir faire courir le délai de dépôt des conclusions, fixé par l'article 908 du code de procédure civile ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que pour infirmer l'ordonnance du 15 février 2018, dire que la déclaration d'appel du 17 février 2017 était dépourvue d'effet compte tenu de la recevabilité de la première déclaration d'appel du 29 août 2016 et constater la caducité de la déclaration d'appel du 29 août 2016 en l'absence de conclusions sur le fond de l'appelant dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, l'arrêt retient que compte tenu de la validation de la déclaration d'appel du 29 août 2016 par l'arrêt du 23 mars 2017, l'appel réitéré par M. I... une troisième fois le 17 février 2018 doit être tenu pour dépourvu de tout effet, que la déclaration d'appel du 29 août 2016 étant ainsi la seule valable, il appartenait au conseil de M. I... de conclure dans les trois mois, soit avant le 29 novembre 2016 en application de l'article 908 du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance du conseiller de la mise en état, qui a prononcé l'irrecevabilité de la déclaration d'appel et était revêtue dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée, a immédiatement mis fin à l'instance d'appel, de sorte que l'arrêt infirmatif de la cour d'appel, rendu à l'issue d'une procédure de déféré dénuée d'effet suspensif, s'il a anéanti l'ordonnance infirmée, n'a pu, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique, que faire à nouveau courir le délai pour conclure de l'article 908 du code de procédure civile, qui avait pris fin avec l'ordonnance déférée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

Attendu que les conclusions d'appelant ont été remises au greffe de la cour d'appel dans un délai de trois mois suivant l'arrêt du 23 mars 2017 ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté la caducité de la déclaration d'appel du 29 août 2016 en l'absence de conclusions sur le fond de l'appelant dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société Transit sud azur de sa demande tendant à la caducité de la déclaration d'appel de M. I... du 29 août 2016 ;

Dit que l'instance d'appel se poursuit devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 908 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-23.796, Bull. 2017, II, n° 215 (rejet), et les arrêts cités.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.