Numéro 11 - Novembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2019

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACTION EN JUSTICE

2e Civ., 7 novembre 2019, n° 18-21.329, (P)

Cassation sans renvoi

Fondement juridique – Exclusivité – Applications diverses – Action en remboursement de prestations indues fondée sur l'article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, qu'en cas de versement indu d'une prestation, hormis les cas mentionnés à l'article L. 133-4 et les autres cas où une récupération peut être opérée auprès d'un professionnel de santé, l'organisme chargé de la gestion d'un régime obligatoire ou volontaire d'assurance maladie ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles récupère l'indu correspondant auprès de l'assuré ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, qu'à la suite d'un contrôle de la consommation pharmaceutique de l'un de ses assurés, M. C..., la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) a notifié à ce dernier, le 7 mars 2016, une mise en demeure de régler une certaine somme au titre de prestations indûment versées, l'intéressé ayant obtenu la délivrance de médicaments dans des proportions incompatibles avec un usage thérapeutique personnel et sur présentation d'ordonnances dupliquées ; que la caisse a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en remboursement du coût de ces médicaments sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

Attendu que pour accueillir partiellement cette demande et condamner M. C... à verser à la caisse une certaine somme au titre du préjudice subi, le jugement relève, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1240 du code civil, qu'il est acquis que M. C... s'est fait délivrer par trente-cinq pharmacies, sur la période du 3 janvier 2012 au 1er avril 2015, des médicaments sur la base d'ordonnances établies par treize médecins ; que les faits de la cause s'analysent sur la base d'ordonnances établies aux fins d'obtenir frauduleusement dans différentes pharmacies des produits médicamenteux ; que la caisse a ainsi été conduite à verser à l'intéressé des prestations auxquelles il n'avait pas droit au titre des médicaments qu'il s'est fait indûment délivrer ; qu'il en résulte un trop versé, d'un montant de 2 799,80 euros ; que cependant, il ressort des pièces et des débats que le tribunal évalue le préjudice à la somme de 1 500 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le litige portait sur le remboursement, par l'assuré, de prestations indues, de sorte que l'action engagée par la caisse relevait exclusivement des dispositions du texte susvisé, le tribunal a violé ce dernier ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 mars 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris est irrecevable en sa demande.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, applicable au litige.

1re Civ., 27 novembre 2019, n° 18-21.532, (P)

Cassation partielle

Intérêt – Définition – Portée

Viole l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle, une cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable la demande d'une association tendant à la remise à titre conservatoire des oeuvres d'un auteur décédé sans héritier ni légataire, détenues prétendument frauduleusement par un tiers, énonce que les pièces produites ne suffisent pas à établir la volonté manifestée par l'artiste de transmettre ses oeuvres au public, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en référé, que H... G..., artiste-peintre, décédée en [...], a laissé pour lui succéder son neveu, U... G..., lui-même décédé sans héritier ou légataire en [...] ; que, soutenant que Mme L... détenait frauduleusement des oeuvres de l'artiste et qu'elles se trouvaient ainsi dans l'impossibilité d'organiser des expositions, et invoquant le trouble manifestement illicite en résultant, l'association H... G... (l'association) et sa présidente, Mme E..., ont sollicité, sur le fondement des articles L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle et 809 du code de procédure civile, à titre conservatoire, la remise, par Mme L... à la commune de Sens ou à l'Etat, des oeuvres en sa possession ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de l'association, l'arrêt énonce que les pièces produites ne suffisent pas à établir la volonté prétendument expressément manifestée par l'artiste de transmettre ses oeuvres au public, dont la preuve doit être préalablement rapportée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation ainsi prononcée entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen, relatif à la condamnation in solidum de l'association et de Mme E... au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par Mme E..., l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Ghestin -

Textes visés :

Article 31 du code de procédure civile ; article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle.

Rapprochement(s) :

Sur l'intérêt à agir non subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, à rapprocher : 3e Civ., 1er octobre 2008, pourvoi n° 07-16.273, Bull. 2008, III, n° 145 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Com., 24 mai 2011, pourvoi n° 10-24.869, Bull. 2011, IV, n° 80 (1) (cassation partielle).

3e Civ., 14 novembre 2019, n° 18-21.136, (P)

Rejet

Qualité – Servitude – Action en fixation de l'assiette d'une servitude de passage – Action intentée par un occupant (non)

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 juin 2018), que, par acte du 28 mars 1997, la SCI Nantes-Pitre-Chevallier (la SCI) a consenti à la SCCV Loire Océan, constructeur de la résidence Le Roxane, une servitude de passage sur la parcelle cadastrée section [...] au profit des parcelles cadastrées section [...] et [...], devenues [...], [...] et [...] ; que la SCI a consenti, sur la parcelle [...] devenue [...], un bail à construction à la société Rophidina (la locataire) qui, en 2015, édifié une construction ; que, soutenant que cette construction faisait obstacle à l'exercice de la servitude, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Roxane (le syndicat), devenu propriétaire de la parcelle [...] et bénéficiaire d'une convention d'occupation de la parcelle [...] appartenant à la commune de Nantes, a assigné la SCI et la locataire en suspension des travaux et en remise en état des lieux ;

Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une servitude est instaurée au profit d'un fonds dominant, et non du propriétaire de celui-ci ; que l'utilisateur du fonds dominant peut donc agir pour faire respecter la servitude par le propriétaire du fonds dominant si son intérêt est lésé ; que la cour d'appel a constaté que le syndicat des copropriétaires était occupant précaire de la parcelle [...], faisant partie du fonds dominant ; qu'en estimant qu'il n'avait pas qualité pour agir afin de faire respecter cette servitude, elle a violé les articles 637 du code civil et 31 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une servitude est instaurée au profit d'un fonds dominant ; que la cour d'appel a constaté que le fonds dominant était constitué des parcelles [...] et [...], devenues [...], [...] et [...] et que le syndicat des copropriétaires était propriétaire de la parcelle [...] ; qu'en estimant qu'il ne pouvait pas agir pour faire respecter la servitude de passage, au motif inopérant que cette parcelle était engazonnée, la cour d'appel a violé les articles 637 du code civil et 31 du code de procédure civile ;

3°/ qu'une servitude ne s'éteint que si, du fait du propriétaire du fonds dominant, elle ne peut plus être utilisée, ou encore par la réunion des fonds dominant et servant et par le non-usage trentenaire ; que la cour d'appel, en estimant impossible pour le syndicat, propriétaire et usager de parties du fonds dominant, d'agir pour faire respecter la servitude, en a implicitement consacré l'extinction ; qu'elle a ainsi violé les articles 703, 705 et 706 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, souverainement, que le seul passage à pied et en véhicule convenu à l'acte du 28 mars 1997 concernait la parcelle [...] et, à bon droit, que le syndicat, simple occupant, n'avait pas qualité pour se prévaloir de la servitude de passage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Occhipinti ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 637 du code civil ; article 31 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la qualité à agir pour se prévaloir d'une servitude de passage, à rapprocher : 3e Civ., 27 octobre 1993, pourvoi n° 91-16.433, Bull. 1993, III, n° 134 (rejet), et l'arrêt cité.

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