Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION

Soc., 28 novembre 2018, n° 17-15.379, (P)

Cassation partielle

Salaire – Cause – Travail du salarié – Fourniture de la prestation – Défaut – Versement du salaire – Obligation – Cas – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 6 février 2006 par la société Adrexo en qualité de distributeur ; qu'à compter du mois de mai 2012, il n'a plus disposé de son véhicule automobile ; que le salarié a été licencié le 12 février 2013 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié : Publication sans intérêt

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié un rappel de salaire d'octobre 2012 au 12 février 2013, l'arrêt retient qu'il appartenait à l'employeur soit de fournir du travail au salarié, fût-ce autre chose que de la distribution, soit de le licencier ;

Attendu, cependant, que lorsqu'un salarié n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la possession d'un véhicule était exigée par le contrat de travail, qu'elle était nécessaire à l'activité professionnelle du salarié et que ce dernier, du fait qu'il ne disposait plus d'un véhicule automobile à la suite d'une saisie-attribution, était dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Adrexo à payer à M. Y... les sommes de 1987,84 euros et 198,78 euros au titre du rappel de salaire d'octobre 2012 au 12 février 2013 et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 7 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 1221-1 du code du travail ; article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que le versement du salaire est la contrepartie de la prestation du salarié, à rapprocher : Soc., 16 septembre 2009, pourvoi n° 08-41.191, Bull. 2009, V, n° 187 (cassation).

Soc., 14 novembre 2018, n° 17-14.937, (P)

Rejet

Salaire – Egalité de traitement – Atteinte au principe – Défaut – Cas – Différence d'évolution de carrière résultant de l'entrée en vigueur d'un accord collectif – Conditions – Détermination – Portée

Le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés engagés postérieurement à l'entrée en vigueur d'un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l'avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu'ils ne bénéficient à aucun moment d'une classification ou d'une rémunération plus élevée que celle des salariés embauchés antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire.

Doit être approuvé l'arrêt qui déboute un salarié de ses demandes quand ce dernier invoquait l'existence d'une inégalité de traitement au seul motif de l'évolution des dispositions conventionnelles.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 janvier 2017), que M. Y... a été engagé le 14 février 1977 par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine en qualité d'employé aux écritures ; que le 1er juin 1977, il a été muté au Centre de traitement électronique inter caisses de Bretagne ; qu'au mois de septembre 1983, il a réussi le concours de l'école des cadres ; que le 1er mai 1984, il a été engagé par l'URSSAF d'Ille-et-Vilaine devenue l'URSSAF de Bretagne et a été promu agent de contrôle des employeurs devenu inspecteur du recouvrement ; qu'il a fait valoir ses droits à la retraite le 30 mai 2012 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de réparation du préjudice subi pour perte de rémunération et de sa demande de dommages-intérêts pour violation du principe de l'égalité de traitement et non-respect des dispositions conventionnelles alors, selon le moyen :

1°/ qu'au regard du respect du principe d'égalité de traitement, la seule circonstance que des salariés, appartenant à la même catégorie professionnelle et exerçant les mêmes fonctions, aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de rémunération entre eux ; qu'en l'espèce, pour écarter une inégalité de traitement entre les inspecteurs du recouvrement selon qu'ils avaient été diplômés avant ou après le 1er janvier 1993, la cour d'appel a jugé que les différences de traitement inhérentes à la succession de régimes juridiques dans le temps n'étaient pas en soi contraires au principe d'égalité ; qu'en statuant ainsi, quand au contraire, en présence d'une différence de traitement entre des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle et exerçant les mêmes fonctions née de la seule succession de conventions collectives, et donc a priori contraire au principe d'égalité, il appartenait à l'URSSAF de Bretagne de justifier que la différence de traitement instituée ainsi entre les inspecteurs du recouvrement selon qu'ils avaient été diplômés avant ou après le 1er janvier 1993 était justifiée par une raison objective et pertinente autre que la conclusion d'un nouvel accord collectif, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

2°/ qu'au regard du respect du principe d'égalité de traitement, la seule circonstance que des salariés, appartenant à la même catégorie professionnelle et exerçant les mêmes fonctions, aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de rémunération entre eux ; qu'en l'espèce, après avoir dit que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs sont présumées justifiées et que cette présomption de justification s'étend également aux différences de traitement opérées par voie d'accord collectif entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, la cour d'appel a jugé que M. Y... ne démontrait pas que la différence de traitement était étrangère à toute considération de nature professionnelle ; qu'en statuant ainsi, quand les inspecteurs du recouvrement, qu'ils aient été diplômés avant ou après le 1er janvier 1993, exercent des fonctions identiques au sein d'une même catégorie professionnelle, de sorte que la différence de traitement instituée entre eux selon la date d'obtention de leur diplôme ne pouvait être présumée conforme au principe d'égalité à charge pour l'agent de démontrer le contraire, la cour d'appel a derechef violé le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

3°/ qu'il résulte des articles 32 et 33 dans leur rédaction issue du protocole d'accord du 14 mai 1992 que les échelons attribués à l'agent après sa réussite à l'examen sanctionnant la fin d'études de la formation des cadres option « agent de contrôle des employeurs » organisé par l'UCANSS devaient être conservés par le salarié lors de sa promotion aux fonctions d'inspecteur de recouvrement ; que le fait que les partenaires sociaux aient ultérieurement supprimé les échelons d'avancement n'est pas de nature à remettre en cause l'inégalité de traitement existant entre les inspecteurs du recouvrement diplômés après le 1er janvier 1993 qui ont gardé leurs échelons d'avancement et qui ont vu ces derniers pris en compte lors de la transposition de classification intervenue en 2005, et les inspecteurs du recouvrement diplômés avant le 1er janvier 1993 qui ont été privés de ces échelons d'avancement ce qui a affecté leur classification en 2005 ; qu'en relevant que les partenaires sociaux avaient du reste, au fil des protocoles depuis celui de 1992, réduit la portée de l'attribution des échelons au mérite dans l'évolution de carrière des salariés, qu'elle résulte de l'appréciation par la hiérarchie ou de l'obtention d'un diplôme, et que les échelons de l'article 32 avaient même disparu en 2005, quand de tels motifs étaient impropres à écarter une inégalité de traitement illicite entre les inspecteurs du recouvrement diplômés avant et après le 1er janvier 1993, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

Mais attendu que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés embauchés postérieurement à l'entrée en vigueur d'un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l'avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu'ils ne bénéficient à aucun moment d'une classification ou d'une rémunération plus élevée que celle des salariés embauchés antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire ;

Et attendu qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le salarié se plaignait d'une inégalité de traitement au seul motif de l'évolution des dispositions conventionnelles sans soutenir que les salariés relevant des dispositions du protocole d'accord du 14 mai 1992 avaient bénéficié d'une classification ou d'une rémunération plus élevée que celle des salariés promus sous l'empire des dispositions conventionnelles antérieures et placés dans une situation identique ou similaire ;

Qu'il en résulte l'absence d'atteinte au principe d'égalité de traitement ;

Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée en son dispositif ;

Que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Sur le deuxième moyen : Publication sans intérêt

Sur le troisième moyen : Publication sans intérêt

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux dernières branches : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Principe d'égalité de traitement.

Rapprochement(s) :

Sur le défaut d'atteinte au principe d'égalité de traitement en cas de différence d'évolution de carrière résultant de l'entrée en vigueur d'un accord collectif, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 16-26.729, Bull. 2018, V, (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.007, n° 17-20.008, (P)

Rejet

Salaire – Egalité de traitement – Domaine d'appliacation – Détermination – Portée

L'égalité de rémunération doit être assurée pour chacun des éléments de la rémunération. Le « différentiel complément Poste » institué par les articles 61 et 63 de la décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste constitue un complément indemnitaire accordé aux agents affectés avant le 1er janvier 1995 au service général afin de maintenir le niveau de leurs indemnités après l'instauration du niveau unique du « complément Poste ». Les pratiques indemnitaires anciennes introduisant une dispersion hors norme pour moins de 10 % des agents, il a été décidé que la différence entre le « complément Poste » et le complément indemnitaire précédemment attribué sera versée sous l'appellation « différentiel complément Poste ». Une cour d'appel en déduit à bon droit que cette indemnité dont bénéficiaient les salariés en cause qui ont été engagés avant 1995, ayant un objet et une finalité distincts de celui du « complément Poste », ne devait pas être prise en compte dans la comparaison entre le « complément Poste » versé aux salariés et celui versé aux fonctionnaires se trouvant dans une situation identique ou similaire.

Salaire – Egalité de traitement – Atteinte au principe – Défaut – Cas – Différence de montant du complément Poste – Appréciation – Eléments pris en compte – Exclusion – Différentiel complément Poste – Portée

Salaire – Egalité de traitement – Atteinte au principe – Défaut – Cas – Différence de montant du complément poste – Conditions – Fonctions – Appréciation – Détermination – Portée

Selon la délibération du 25 janvier 1995 du conseil d'administration de La Poste, les primes et indemnités perçues par les agents de droit public et les agents de droit privé et initialement regroupées au sein d'un complément indemnitaire ont été supprimées et incorporées dans un tout indivisible appelé « complément Poste » constituant désormais de façon indissociable l'un des sous-ensembles de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel et, selon la décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste, la rémunération des agents de La Poste se compose de deux éléments, d'une part, le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels, lié au grade et rémunérant l'ancienneté et l'expérience, d'autre part, le « complément poste » perçu par l'ensemble des agents, qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste. En application du principe d'égalité de traitement, pour percevoir un « complément Poste » du même montant, un salarié doit justifier exercer au même niveau des fonctions identiques ou similaires à celles du fonctionnaire auquel il se compare.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-20.007 et 17-20.008 ;

Sur les premier et second moyens des pourvois réunis :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 29 mars 2017), que Mmes Y... et C..., salariées de La Poste, ont, par acte du 29 mai 2013, saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaires au titre du « complément Poste » ;

Attendu que La Poste fait grief aux arrêts de faire droit aux demandes des salariées, alors, selon le moyen :

1°/ que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en l'espèce,

La Poste avait rappelé, dans ses écritures, qu'un accord collectif conclu à La Poste le 5 février 2015 a supprimé le complément Poste et lui a substitué une double allocation comprenant d'une part, un complément de rémunération et, d'autre part, pour certains agents bénéficiant, à sa date, d'un complément Poste plus élevé que ce complément de rémunération, une « indemnité de carrière antérieure personnelle » destinée à permettre (article II-1) « le maintien, à titre personnel, du montant du complément Poste acquis avant la date de mise en oeuvre du présent accord », et dont il est précisé qu'elle « est héritée notamment de la perte antérieure de dispositifs de primes et indemnités » ; qu'en accueillant cependant la demande en rappel de complément Poste des demandeurs sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet accord n'avait pas à la fois validé pour le passé et pérennisé pour l'avenir les différences de traitement existantes dans l'attribution du complément Poste, dont les partenaires sociaux ont ainsi reconnu qu'elles étaient non seulement fondées mais justifiées par la compensation de la perte des primes et indemnités antérieures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

2°/ que le complément Poste, tel que finalisé par la décision n° 717 du 4 mai 1995, a pour double vocation, d'une part, de rémunérer le niveau de fonction et la maîtrise du poste, d'autre part, d'indemniser les agents de la perte de primes et indemnités antérieures ; que, selon l'article 63 de cette décision et l'article 13 du « guide mémento des règles de gestion RH » PS-II.1, le « différentiel de complément Poste » versé à certains agents de droit privé ayant perçu antérieurement à son institution des primes et indemnités « hors normes », constitue une « composante » du complément Poste, qui représente « la différence entre ce complément et le complément indemnitaire précédemment versé » ; que cet élément de rémunération, dont l'unique particularité est d'être destiné aux agents ayant perçu des primes et indemnités d'un montant excédant le maximum du champ de normalité ou du seuil unique en l'absence de champ de normalité, a donc le même objet et la même finalité que la part indemnitaire du complément Poste, à savoir permettre le maintien, à titre personnel, de ces primes et indemnités antérieurement acquises ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 63 de la décision n° 717 du 4 mai 1995, ensemble l'article 13 du « Guide mémento des règles de gestion » PS-II.1 ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article 2 du code civil qu'une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu'il tient du principe d'égalité de traitement pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord ;

Attendu, ensuite, que l'égalité de rémunération doit être assurée pour chacun des éléments de la rémunération ; qu'ayant relevé que le « différentiel complément Poste » institué par les articles 61 et 63 de la décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste constitue un complément indemnitaire accordé aux agents affectés avant le 1er janvier 1995 au service général afin de maintenir le niveau de leurs indemnités après l'instauration du niveau unique du complément Poste, que les pratiques indemnitaires anciennes introduisant une dispersion hors norme pour moins de 10 % des agents, il a été décidé que la différence entre le complément Poste et le complément indemnitaire précédemment attribué sera versée sous l'appellation « différentiel complément Poste », la cour d'appel en a déduit à bon droit que cette indemnité dont bénéficiaient les deux salariées en cause qui ont été engagées avant 1995, ayant un objet et une finalité distincts de celui du complément Poste, ne devait pas être prise en compte dans la comparaison entre le complément Poste versé aux salariés et celui versé aux fonctionnaires se trouvant dans une situation identique ou similaire ;

Attendu, enfin, que, selon la délibération du 25 janvier 1995 du conseil d'administration de La Poste, les primes et indemnités perçues par les agents de droit public et les agents de droit privé et initialement regroupées au sein d'un complément indemnitaire ont été supprimées et incorporées dans un tout indivisible appelé « complément Poste » constituant désormais de façon indissociable l'un des sous-ensembles de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel et, selon la décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste, la rémunération des agents de La Poste se compose de deux éléments, d'une part, le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels, lié au grade et rémunérant l'ancienneté et l'expérience, d'autre part, le « complément Poste », perçu par l'ensemble des agents, qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste ; qu'en application du principe d'égalité de traitement, pour percevoir un complément Poste du même montant, un salarié doit justifier exercer au même niveau des fonctions identiques ou similaires à celles du fonctionnaire auquel il se compare ;

Et attendu qu'après avoir constaté que La Poste s'était engagée, aux termes de l'accord salarial du 10 juillet 2001 à combler d'ici fin 2003 l'écart existant entre les compléments poste des agents contractuels des niveaux I.2, I.3 et II.1 et ceux perçus par les fonctionnaires de même niveau, la cour d'appel a relevé d'abord, que les salariées, qui avaient renoncé à leurs demandes postérieures à l'entrée en vigueur de l'accord du 2 février 2015, se comparaient à un fonctionnaire exerçant comme elles les fonctions de guichetier confirmé, dont le montant mensuel du « complément Poste » était supérieur à celui qu'elles percevaient, ensuite, que La Poste fournissait pour seule explication à cette différence, un historique de carrière distinct du fonctionnaire ainsi que la renonciation par les fonctionnaires aux indemnités et primes perçues avant 1995, contredisant ainsi le plan de convergence progressive qu'elle avait mis en place pour combler l'écart existant ; qu'elle en a exactement déduit que la différence de traitement n'était justifiée par aucune raison pertinente et que le principe « à travail égal salaire égal » avait été méconnu ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur) - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Balat -

Textes visés :

Article 2 du code civil ; décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste ; principe d'égalité de traitement.

Rapprochement(s) :

Sur l'application dans le temps d'une convention ou d'un accord collectif, à rapprocher : Soc., 24 janvier 2007, pourvoi n° 04-45.585, Bull. 2007, V, n° 14 (2) (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité. Sur le principe que l'égalité de rémunération doit être assurée pour chacun des éléments de la rémunération, cf. : CJCE, arrêt du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, § 34 ; CJCE, arrêt du 26 juin 2001, Brunnhofer, C-381/99, § 35 et suivants. Sur le contentieux dit du « complément Poste », à rapprocher : Soc., 4 avril 2018, pourvoi n° 16-27.703, Bull. 2018, V, n° 63 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.

Soc., 14 novembre 2018, n° 17-16.959, (P)

Rejet

Salaire – Heures supplémentaires – Accomplissement – Preuve – Eléments de preuve – Appréciation – Office du juge

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 21 février 2017), que M. Y... a été engagé le 6 octobre 2009 en qualité de technicien par la société AGP grande cuisine ; qu'après transfert du contrat de travail à la société ADEIHR AGP, le salarié s'est engagé, par avenant du 14 mai 2012, à solliciter l'autorisation préalable de l'employeur avant d'effectuer des heures supplémentaires ; qu'invoquant l'existence d'heures supplémentaires non payées et exposant avoir été victime de faits de harcèlement moral, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur puis a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur n'est tenu au paiement que des seules heures supplémentaires accomplies avec son accord, au moins implicite, ou rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié ; qu'il s'ensuit que le salarié refusant de déférer à son obligation contractuelle de solliciter préalablement à l'exécution d'heures supplémentaires l'accord exprès de l'employeur à leur accomplissement n'a pas droit à leur paiement ; qu'en faisant dès lors droit au paiement des heures supplémentaires réclamées par M. Y..., quand elle constatait, d'une part, que « l'employeur avait exigé qu'il donne son autorisation à l'accomplissement d'heures supplémentaires », d'autre part, que M. B... reconnaissait que des heures supplémentaires qu'il avait accomplies avec M. Y... l'avaient été « sans avoir jamais sollicité au préalable l'autorisation de les effectuer » et, enfin, que « des heures supplémentaires ont été effectuées sans l'accord de l'entreprise », ce dont il résultait que le salarié n'avait, au moins pour partie des heures supplémentaires dont il réclamait le paiement, jamais sollicité l'accord de l'employeur cependant qu'il en avait l'obligation contractuelle formelle, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ que la société ADEIHR AGP soutenait qu'il était contractuellement fait interdiction à M. Y... d'exécuter la moindre heure supplémentaire en l'absence d'une demande expresse émanant de l'employeur, ce dernier se trouvant ensuite dans l'obligation - à raison du non-respect par le salarié de cette obligation, qui lui avait pourtant été rappelé par courrier - de le mettre en demeure de cesser d'exécuter des heures supplémentaires non-commandées, puis de le sanctionner par un avertissement au vu du caractère persistant du comportement de l'intéressé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur, qui exigeait son accord préalable et exprès à l'exécution de toute heure supplémentaire, n'admettait pas les réclamations du salarié au titre des heures supplémentaires par lui réalisées, ne les estimant pas justifiées ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'opposition ainsi manifestée par l'employeur à l'exécution des heures supplémentaires, par voie de courrier, de mise en demeure et d'avertissement, ne permettait pas d'exclure tout accord implicite à l'exécution des heures supplémentaires réclamées, et ainsi tout droit à paiement de ces dernières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail ;

3°/ qu'en allouant à M. Y... un rappel d'heures supplémentaires, motif pris que, « certes, des heures supplémentaires ont été effectuées sans l'accord de l'entreprise, mais le salarié a exposé qu'il s'agissait de terminer en urgence les réparations au sein d'une cuisine de restaurant, qui ne pouvaient attendre, en sorte qu'il préférait achever ses réfections, le jour même, plutôt que de les reporter au lendemain, ce qui aurait vivement déplu aux clients et qui l'aurait contraint à rester une journée supplémentaire sur place », la cour d'appel, qui a uniquement relevé l'existence d'une préférence du salarié à l'exécution immédiate de travaux destinée à lui éviter de revenir sur le chantier le lendemain, sans donc caractériser, ce faisant, que les heures supplémentaires étaient rendues nécessaires par la charge de travail qui lui était confiée et la nature des tâches à effectuer, a - derechef - privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail, ensemble l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

4°/ qu'en affirmant, pour dire que « le gérant savait pertinemment que des heures supplémentaires indispensables avaient été accomplies par M. Y... », que « la continuation de son travail entraînait nécessairement au moins la même charge de travail, d'autant plus qu'à compter du 1er février 2014, il a perçu une prime de responsabilité pour le service après-vente et pour exercer des responsabilités supplémentaires », la cour d'appel a statué par des motifs d'ordre général et abstrait, violant l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Et attendu qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, ayant constaté que la charge de travail du salarié, qui avait donné lieu au paiement d'heures supplémentaires pour la période de mai à décembre 2012, avait été maintenue puis accrue pendant la période postérieure, a fait ressortir, peu important l'absence d'autorisation préalable de l'employeur et sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la réalisation de nouvelles heures supplémentaires avait été rendue nécessaire par les tâches confiées à l'intéressé ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : Publication sans intérêt

Mais attendu, d'abord, que le rejet du premier moyen prive de portée le deuxième moyen, pris en sa première branche ;

Attendu, ensuite, que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond qui ont estimé que l'intention de dissimulation de l'employeur était établie ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé : Publication sans intérêt

Sur le quatrième moyen, ci-après annexé : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Schamber - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions dans lesquelles les heures supplémentaires doivent être accomplies pour être payées par l'employeur, à rapprocher : Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.659, Bull. 2018, V, (cassation partielle).

Soc., 7 novembre 2018, n° 17-15.833, (P)

Rejet

Salaire – Primes et gratifications – Suppression ou réduction – Cas – Absence pour fait de grève – Validité – Conditions – Détermination – Portée

Si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d'une prime, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution.

Une cour d'appel ayant constaté que les salariés absents pour maladie non professionnelle ayant plus d'une année d'ancienneté bénéficiaient du maintien de leur plein salaire, y compris les primes, sans entraîner d'abattement de ces primes, en a exactement déduit, s'agissant de périodes d'absence qui ne sont pas légalement assimilées à un temps de travail effectif, que l'abattement des primes d'ancienneté, de quart et mensuelle, auquel l'employeur a procédé pour calculer la retenue relative aux jours d'absence du salarié pour fait de grève, présentait un caractère discriminatoire.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 7 février 2017), que M. Y..., salarié, depuis le 1er octobre 1989, de la société Exxonmobil Chemical France (la société), travaille de manière postée, selon le rythme de 3x8, et percevait au mois de mai 2012 une rémunération brute de 3 027,56 euros pour 138 heures 64 de travail, ainsi que différentes primes, telles que la prime d'ancienneté, la prime de quart et une prime mensuelle ; qu'après avoir été gréviste pendant quatre jours au mois d'avril 2012, soit 32 heures, il a, avec le syndicat CFDT chimie énergie de Haute-Normandie, saisi le 17 septembre 2014 la juridiction prud'homale, contestant la retenue sur salaire pratiquée et demandant réparation du préjudice moral subi ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme au titre de la retenue pour fait de grève exercé en avril 2012 alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond doivent se prononcer sur l'ensemble des pièces versées aux débats et ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que dans ses conclusions d'appel, elle faisait valoir que, pour toutes les absences non assimilées à du temps de travail effectif, les primes de quart et d'ancienneté étaient incluses dans l'assiette pour le calcul de la retenue opérée du fait de ladite absence, de sorte que pour ces primes, la retenue opérée sur la rémunération du salarié au titre de sa période de grève ne pouvait être considérée comme discriminatoire ; qu'à l'appui de ce moyen, la cour d'appel produisait différentes pièces dont il ressortait que les primes de quart et d'ancienneté étaient incluses dans l'assiette pour le calcul de la retenue opérée en cas de congés payés, d'absence pour maladie, pour congé pour événement familial, en cas d'autorisations d'absences payées ou non payées, et en cas de congé paternité ; que pour retenir l'existence d'une discrimination liée à l'exercice du droit de grève, la cour d'appel s'est uniquement fondée sur le règlement maladie Esso raffinage SAF et le guide administratif du personnel posté en 3x8 continu ; qu'en se déterminant ainsi, sans examiner ni même viser les pièces précédemment évoquées, produites par la société, la cour d'appel a méconnu les exigences s'induisant de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ subsidiairement, que la retenue de salaire en cas de grève doit correspondre au temps exact de la cessation de travail, ce qui suppose qu'elle soit calculée sur l'horaire mensuel des salariés ; que la société faisait valoir que la retenue sur salaire pour la participation du salarié au mouvement de grève devait être calculée en considération du nombre d'heures de référence du mois considéré, soit 138,64 heures ; que pour se

prononcer comme elle l'a fait, la cour d'appel s'est fondée sur un temps de travail réel, effectif ou assimilé au cours du mois d'avril de 142 heures ; qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer sur les éléments l'ayant conduit à retenir cette référence de 142 heures, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 2511-1, L. 1134-2 et L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d'une prime, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ;

Et attendu qu'ayant constaté que les salariés absents pour maladie non professionnelle ayant plus d'une année d'ancienneté bénéficiaient du maintien de leur plein salaire, y compris les primes, sans entraîner d'abattement de ces primes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit, s'agissant de périodes d'absence qui ne sont pas légalement assimilées à un temps de travail effectif, que l'abattement des primes d'ancienneté, de quart et mensuelle, auquel l'employeur a procédé pour calculer la retenue relative aux jours d'absence du salarié pour fait de grève, présentait un caractère discriminatoire ;

Attendu, ensuite, que, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend, en sa seconde branche, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1221-1 et L. 2511-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le caractère discriminatoire de l'attribution d'une prime aux salariés selon qu'ils ont participé ou non à un mouvement de grève, à rapprocher : Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 12-18.125, Bull. 2014, V, n° 92 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.

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