Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-20.278, (P)

Cassation

Contentieux général – Compétence matérielle – Créances des caisses – Réduction

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse ;

Attendu selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) lui ayant réclamé, le 8 juin 2016, le remboursement de sommes indûment perçues au titre d'indemnités journalières versées sur la base d'un taux journalier erroné, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale en sollicitant soit une remise de dette, soit un échéancier de paiement ;

Attendu que pour accorder à M. X... la remise totale de la dette, le jugement retient en substance que l'indu résulte d'une erreur de la caisse et que la situation financière et personnelle de l'intéressé constitue un obstacle à la répétition de l'indu ;

Qu'en statuant ainsi, alors que seul l'organisme social avait la faculté de remettre ou de réduire, en cas de précarité de la situation du débiteur, le montant de sa créance, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 mars 2017, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 256-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 19 mars 1992, pourvoi n° 89-21.056, Bull. 1992, V, n° 203 (cassation), et les arrêts cités ; 2e Civ., 10 mai 2012, pourvoi n° 11-11.278, Bull. 2012, II, n° 79 (cassation sans renvoi).

2e Civ., 8 novembre 2018, n° 17-24.850, (P)

Rejet

Contentieux général – Compétence matérielle – Exclusion – Cas – Accident du travail – Faute inexcusable – Tiers substitué à l'employeur dans la direction du salarié victime – Demande en garantie de l'employeur

L'article L. 142-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ne donne compétence à la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale que pour régler les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole. L'article L. 452-4 du même code ne donne compétence à cette juridiction, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, que pour connaître de l'existence de la faute inexcusable reprochée à l'employeur et du montant de la majoration des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3. Un arrêt irrévocable ayant décidé que l'accident du travail était dû à la faute inexcusable d'un organisme de formation professionnelle, substitué à l'employeur dans la direction du salarié victime, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, saisie d'une demande en garantie formulée par l'employeur à l'encontre de cet organisme et de son assureur, a jugé que la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale n'était pas compétente pour connaître de cette demande.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 juillet 2017), qu'employé par la commune du Mans (l'employeur) dans le cadre d'un contrat emploi-jeune, pour la période du 2 juillet 2002 au 1er juillet 2007, M. X... a, par une convention signée, le 3 novembre 2003, avec son employeur, bénéficié d'une formation professionnelle dispensée par l'association Les amis du plein air (l'association) ; que M. X... a été victime, le 7 septembre 2004, d'un accident pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse) ; qu'un arrêt irrévocable d'une cour d'appel a reconnu la faute inexcusable de l'association, substituée dans la direction du salarié à l'employeur ; que ce dernier a assigné, devant un tribunal de grande instance, l'association et son assureur, la Mutuelle assurance des instituteurs de France, en remboursement des sommes qui lui seront réclamées au titre des indemnités complémentaires et du surcoût des cotisations consécutif à l'accident du travail ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'association et son assureur, alors, selon le moyen, que dans le cas où un stagiaire de la formation continue victime d'un accident pendant son stage est, dans le même temps, lié par un contrat de travail à un employeur, le centre de formation assume toutefois, en matière d'accidents du travail, les obligations de l'employeur autres que celles relatives au paiement des cotisations, dès lors que les articles L. 6342-5, R. 6342-3 du code du travail, L. 412-8 et R. 412-5 du code de la sécurité sociale, ne distinguent pas selon que le stagiaire est ou non titulaire d'un contrat de travail ; qu'aussi, lorsque l'employeur, lié par contrat de travail avec le stagiaire, a été condamné au titre de la faute inexcusable à rembourser à la caisse les sommes versées au stagiaire victime de l'accident du travail en réparation de ses préjudices, le recours qu'il prétend exercer contre le centre de formation au sein duquel avait lieu le stage n'est pas un recours dirigé contre un tiers, au sens de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, mais un recours dirigé contre une personne que l'employeur s'était substituée pendant le stage et qui assume en ce cas, en vertu de la législation professionnelle, les obligations de l'employeur autres que celles relatives au paiement des cotisations ; qu'aussi, un tel recours est nécessairement fondé sur les règles du droit de la sécurité sociale et relève par conséquent de la compétence des juridictions de sécurité sociale ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que le recours formé contre l'association Les amis du plein air par la ville du Mans, liée par un contrat de travail (« emploi-jeune ») à M. X..., lequel avait subi un accident du travail alors qu'il effectuait un stage en formation continue organisé par l'association, relevait de la compétence des juridictions de droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, L. 142-2 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 6342-5 et R. 6342-3 du code du travail, L. 412-8 et R. 412-5 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu, d'une part, que l'article L. 142-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ne donne compétence à la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale que pour régler les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ; que l'article L. 452-4 du même code ne donne compétence à cette juridiction, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, que pour connaître de l'existence de la faute inexcusable reprochée à l'employeur et du montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3 ;

Et attendu qu'ayant relevé que la demande en garantie formulée par l'employeur était dirigée contre l'association et son assureur, la cour d'appel en a exactement déduit que la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale n'était pas compétente pour statuer ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 142-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ; articles L. 142-2, L. 454-1 et L. 452-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 février 2015, pourvoi n° 13-25.524, Bull. 2015, II, n° 32 (rejet).

2e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-18.248, (P)

Cassation

Contentieux général – Pénalité – Recours gracieux – Avis motivé de la commission des pénalités – Communication – Défaut – Effets

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 114-17, I, alinéa 6, et R. 114-11 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure ainsi que la sauvegarde des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que, par décision du 12 novembre 2014, après un recours gracieux, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Aude a notifié à Mme X... épouse Y... une pénalité financière, au motif que celle-ci avait commis une fraude en ne déclarant pas son changement de situation familiale au cours de la période du 28 décembre 2011 au 30 septembre 2013 ; que l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale aux fins d'obtenir l'annulation de cette pénalité ainsi que le retrait de son inscription du fichier de la base nationale fraude ;

Attendu que pour rejeter les demandes, après avoir constaté que l'avis de la commission, dont la teneur est rappelée par la décision du 12 novembre 2014, n'avait pas été adressé directement à Mme Y..., le jugement retient que cette omission, que l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale ne sanctionne pas par la nullité, n'entache pas la validité de la décision du 12 novembre 2014 ainsi que cela résulte de l'article 114 du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'intéressée n'avait pas été destinataire de l'avis motivé de la commission saisie par le directeur de l'organisme dans le cadre de son recours gracieux, le tribunal qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 avril 2016, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Carcassonne ; remet la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montpellier.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Articles L. 114-17, I, alinéa 6, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 et R. 114-11 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-27.666, (P)

Rejet

Contentieux général – Procédure – Représentation des parties – Représentation légale des organismes de sécurité sociale – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Organisme conventionné pour la gestion du régime social des travailleurs indépendants

Un organisme conventionné pour la gestion du régime d'assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants des professions non agricoles au sens des dispositions de l'article L. 611-20 du code de la sécurité sociale, ne revêtant pas le caractère d'un organisme de sécurité sociale, les règles de représentation en justice et dans les actes de la vie civile fixées par les articles L. 122-1 et R. 121-2 du même code, ne lui sont pas applicables.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2017), que l'association Réunion des assureurs maladie des professions libérales d'Ile-de-France (l'association) a saisi un tribunal d'instance aux fins de saisie des rémunérations de M. X..., médecin d'exercice libéral, pour le paiement de cotisations, majorations de retard et pénalités ayant fait l'objet de six contraintes devenues définitives ;

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action, alors, selon le moyen, que la Réunion des assureurs maladie (RAM) est un organisme conventionné au sens de l'article L. 611-20 du code de la sécurité sociale, et ainsi un organisme de sécurité sociale en application de l'article R. 111-1 du même code, lequel se trouve représenté de plein droit en justice et dans tous les actes de la vie civile par son président, par le seul effet des dispositions de l'article R. 121-2 de ce code ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action menée par la RAM d'Ile-de-France, que cette dernière ne justifiait pas que ses représentants légaux avaient pouvoir d'agir en justice, et surtout qu'il s'agissait de personnes physiques, seules habilitées à la représenter valablement en justice, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés, ensemble l'article R. 142-17 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'association revêt le caractère non d'un organisme de sécurité sociale, mais d'un organisme conventionné pour la gestion du régime d'assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants des professions non agricoles au sens des dispositions de l'article L. 611-20 du code de la sécurité sociale, de sorte que les règles de représentation en justice et dans les actes de la vie civile fixées par les articles L. 122-1 et R. 121-2 du même code ne lui sont pas applicables ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Decomble - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles L. 122 -1, R. 121-2 et L. 611-20 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 janvier 2004, pourvoi n° 01-17.920, Bull. 2004, II, n° 8 (cassation).

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