Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 8 novembre 2018, n° 17-25.843, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Absence de réclamation de l'employeur – Effet

L'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute au titre de la législation professionnelle.

Il en résulte que si un employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable en revanche à contester à la faveur de cette instance l'opposabilité de la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels.

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Opposabilité à l'employeur – Contestation de l'opposabilité de la prise en charge par l'employeur – Demande dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur – Recevabilité (non)

Faute inexcusable de l'employeur – Action de la victime – Caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Contestation par l'employeur – Indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur – Portée

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;

Attendu que ce texte régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute au titre de la législation professionnelle ; qu'il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant déclaré un accident du travail qui lui serait advenu le 5 mars 2012 au service de la société Transports A... (l'employeur) et que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault (la caisse) a pris en charge le 23 mars 2012 au titre de la législation professionnelle, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître une faute inexcusable de son employeur ; que celui-ci, qui n'avait pas frappé d'un recours contentieux la prise en charge de l'accident par la caisse, en a alors contesté l'origine professionnelle et a demandé que la prise en charge ne lui soit pas opposable ;

Attendu que l'arrêt dit que la décision de prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du travail subi, le 5 mars 2012, par M. X... est inopposable à l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la décision de prise en charge par la caisse d'assurance maladie de l'Hérault, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 5 mars 2012 déclaré par M. X... est inopposable à son employeur la société Transports A..., l'arrêt rendu le 5 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de l'employeur tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cadiot - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.

Rapprochement(s) :

Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de la caisse de prise en charge de l'accident du travail, à rapprocher : 2e Civ., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-26.842, Bull. 2017, II (cassation partielle) Sur l'indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance la faute inexcusable de l'employeur : 2e Civ., 5 novembre 2015, pourvoi n° 13-28.373, Bull. 2015, II, n° 247 (cassation partielle) ; 2e Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 15-10.066, Bull. 2016, II, n° 44 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

2e Civ., 8 novembre 2018, n° 17-24.181, (P)

Rejet

Tiers responsable – Jugement commun – Recours de la victime – Mise en cause des caisses – Omission – Effet

Les dispositions de l'article L. 455-2 du code de la sécurité sociale se rapportent aux modalités du recours exercé par la victime et l'organisme social à l'encontre du tiers responsable d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et ne s'appliquent pas à la procédure de fixation du taux des cotisations d'accident du travail dues par l'employeur de la victime.

Par suite, c'est à bon droit que la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail retire du compte employeur d'une société le coût d'un accident du travail dont un tiers a été jugé responsable par un jugement d'un tribunal correctionnel, devenu définitif à son encontre, peu important que la caisse primaire d'assurance maladie n'ait pas été appelée en déclaration de jugement commun au cours de l'instance pénale.

Cotisations – Taux – Fixation – Taux individuel – Accidents ou maladies pris en considération – Exclusion – Accident dont un tiers est responsable – Défaut d'appel en déclaration de jugement commun de la caisse – Absence d'influence

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CNITAAT, 28 juin 2017) que Franck Y..., salarié de la société Samsic intérim (la société), a été victime le 24 janvier 2011 d'un accident mortel du travail alors qu'il avait été mis à disposition de la société Euridis en qualité de soudeur intérimaire ; que la plate-forme de travail sur laquelle il se trouvait, et qui était la propriété de la société Tissot a été heurtée par une grue conduite par M. Z..., entraînant sa chute ; que le coût de cet accident a été inscrit par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (la CARSAT) sur le compte employeur 2011 de la société et pris en compte pour la fixation du taux de cotisation au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles des années 2013 et 2014 ; que par jugement du 8 avril 2014 devenu définitif à l'égard de M. Z..., un tribunal correctionnel, devant lequel la caisse primaire d'assurance maladie n'avait pas été appelée en déclaration de jugement commun, a déclaré M. Z..., et les sociétés Tissot et Bouygues travaux publics coupables du délit d'homicide involontaire ; que la CARSAT ayant refusé de retirer du compte employeur 2011 le coût de cet accident, et de modifier en conséquence le taux de cotisation des années 2013 et 2014, la société a saisi la juridiction de la tarification d'un recours ;

Attendu que la CARSAT fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de la société, alors, selon le moyen, que la victime d'un accident du travail ou ses ayants droit qui agit contre le tiers responsable de l'accident doit appeler la caisse primaire d'assurance maladie en déclaration de jugement commun ; qu'à défaut, le jugement ayant constaté la responsabilité du tiers dans l'accident du travail n'est pas opposable à la caisse, de sorte que la CARSAT est fondée à maintenir les conséquences financières de l'accident du travail au compte employeur de la société ; qu'en affirmant au contraire que la seule production d'une décision faisant mention d'un tiers responsable suffisait à justifier le retrait de l'accident du compte employeur sans justification d'une mise en cause de la CPAM, la CNITAAT a violé les articles L. 454-1 et L. 455-2 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que les dispositions de l'article L. 455-2 du code de la sécurité sociale se rapportent aux modalités du recours exercé par la victime et l'organisme social à l'encontre du tiers responsable d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et ne s'appliquent pas à la procédure de fixation du taux des cotisations d'accident du travail dues par l'employeur de la victime ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 455-2 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-17.747, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Tiers responsable – Recours contre l'employeur – Exclusion – Condition

Il résulte des articles L. 451-1 et L. 452-5 du code de la sécurité sociale, que, sauf si la faute de l'employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l'entreprise, qui a indemnisé la victime d'un accident du travail pour tout ou partie de son dommage, n'a pas de recours contre l'employeur de la victime.

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 451-1 et L. 452-5 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, sauf si la faute de l'employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l'entreprise, qui a indemnisé la victime d'un accident du travail pour tout ou partie de son dommage, n'a pas de recours contre l'employeur de la victime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant été victime, le 26 mai 1999, d'un accident du travail alors qu'il manoeuvrait un engin emprunté à la société Entreprise Roxin (la société), M. Z..., salarié de la société Léon Noël (l'employeur), a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable contre l' employeur et une action en responsabilité civile contre la société ; que l'employeur a recherché la garantie de la société ;

Attendu que, pour condamner l'employeur à garantir la société, à hauteur de la moitié de toutes les condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et dépens au profit des époux Z... et/ou de la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, l'arrêt relève que la spécificité des règles édictées par le code de la sécurité sociale en matière d'accident du travail n'a pas pour objet de permettre à l'employeur d'éluder une partie des conséquences de sa responsabilité dans l'accident de son salarié, notamment en le dispensant d'indemniser certains chefs de préjudices, mais seulement de garantir au salarié victime d'être indemnisé, quelle que soit la solvabilité de son employeur, grâce à la substitution de la sécurité sociale à l'employeur pour le paiement des indemnités ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur n'avait pas commis une faute intentionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 7 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes présentées par la société Entreprise Roxin.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Decomble - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Articles L. 451-1 et L. 452-5 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 12 mars 1992, pourvoi n° 88-17.163, Bull. 1992, V, n° 180 (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité 2e Civ., 5 novembre 1998, pourvoi n° 97-10.848, Bull. 1998, II, n° 264 (cassation partielle).

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