Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-20.278, (P)

Cassation

Caisse – Créances – Réduction – Précarité de la situation de débiteur – Pouvoirs des juridictions contentieuses

Selon l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse.

Viole ce texte, le tribunal qui accorde la remise totale de l'indu notifié par l'organisme social, alors que seul ce dernier avait la faculté, en cas de précarité de la situation du débiteur, de remettre ou de réduire le montant de sa créance.

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse ;

Attendu selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) lui ayant réclamé, le 8 juin 2016, le remboursement de sommes indûment perçues au titre d'indemnités journalières versées sur la base d'un taux journalier erroné, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale en sollicitant soit une remise de dette, soit un échéancier de paiement ;

Attendu que pour accorder à M. X... la remise totale de la dette, le jugement retient en substance que l'indu résulte d'une erreur de la caisse et que la situation financière et personnelle de l'intéressé constitue un obstacle à la répétition de l'indu ;

Qu'en statuant ainsi, alors que seul l'organisme social avait la faculté de remettre ou de réduire, en cas de précarité de la situation du débiteur, le montant de sa créance, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 mars 2017, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 256-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 19 mars 1992, pourvoi n° 89-21.056, Bull. 1992, V, n° 203 (cassation), et les arrêts cités ; 2e Civ., 10 mai 2012, pourvoi n° 11-11.278, Bull. 2012, II, n° 79 (cassation sans renvoi).

Com., 21 novembre 2018, n° 17-18.306, (P)

Rejet

Cotisations – Cotisations dues à titre personnel – Travailleur indépendant – Débiteur redevable – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 613-1 et R. 241-2 du code de la sécurité sociale que l'avocat, qui exerce son activité au sein d'une société civile professionnelle, et qui relève, au titre de cette activité, du régime des travailleurs non salariés des professions non agricoles, est seul redevable des cotisations sociales afférentes à cette activité.

Il s'ensuit que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société civile professionnelle est sans incidence sur l'obligation de l'associé au paiement de ses cotisations.

Cotisations – Cotisations dues à titre personnel – Travailleur indépendant – Débiteur redevable – Obligation au paiement d'un avocat – Société civile professionnelle – Procédure collective – Ouverture – Absence d'influence

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, 22 février 2017), rendu en dernier ressort, que Mme Y..., avocat, est associée gérant de la société civile professionnelle C... & Y..., laquelle société a été mise en redressement judiciaire le 10 décembre 2015 ; que Mme Y... a formé opposition à la contrainte que lui a signifiée l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Ile-de-France le 2 février 2016 pour le recouvrement de cotisations afférentes à son activité d'avocat exercée au sein de la société, pour la période de novembre 2015 ;

Attendu que Mme Y... fait grief au jugement de valider partiellement la contrainte litigieuse alors, selon le moyen, que la société civile professionnelle d'avocats est codébitrice avec ses associés des cotisations sociales qui font d'ailleurs l'objet de déclarations et de paiement par la société elle-même ; qu'en cas de procédure collective, les associés peuvent opposer aux créanciers l'absence de déclaration de créances d'arriérés de cotisations sociales aux organes de la procédure collective ; que Mme Y... avait fait valoir en particulier que ce défaut de déclaration de créance la privait de la possibilité de déduire la charge correspondante du chiffre d'affaires de la SCP, augmentant ainsi fictivement le montant de son revenu personnel au sein de la SCP et les charges personnelles en découlant ; qu'en se bornant à retenir que Mme Y... était personnellement redevable des cotisations litigieuses, sans rechercher, comme il y était invité, si l'absence de déclaration de créance auprès des organes de la procédure collective de la SCP d'avocats ne s'opposait pas aux poursuites exercées personnellement contre elle, le tribunal des affaires de sécurité sociale a privé son jugement de base légale au regard des articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-28 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte des articles L. 613-1 et R. 241-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable, que l'avocat, qui exerce son activité au sein d'une société civile professionnelle, et qui relève, au titre de cette activité, du régime des travailleurs non salariés des professions non agricoles, est seul redevable des cotisations sociales afférentes à cette activité ; qu'il s'ensuit que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société civile professionnelle est sans incidence sur l'obligation de l'associé au paiement de ses cotisations ; qu'ayant énoncé que Mme Y... était personnellement redevable des cotisations sociales calculées sur ses revenus perçus au titre de son activité indépendante exercée au sein de la société civile professionnelle C... & Y..., le tribunal, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision de valider la contrainte ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Schmidt - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles L. 613-1 et R. 241-2 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Sur le débiteur redevable des cotisations sociales afférentes à l'activité d'un travailleur indépendant, cf. : 2e Civ., avril 2015, pourvoi n° 14-13.698, Bull. 2015, II, n° 85 (cassation).

2e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-20.226, (P)

Renvoi devant la cour de justice de l'Union européenne et sursis à statuer

Généralités – Législation – Règlement (CE) n° 883/2004 – Champ d'application – Détermination – Renvoi à la Cour de justice de l'Union européenne

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

A rendu l'arrêt suivant :

Rappel des faits :

1. De nationalité française, mais résidant à Stuttgart en République fédérale d'Allemagne, professeur agrégé de l'Education nationale, Mme Catherine Z... a été admise à la retraite, à effet du 1er août 2010, par un arrêté du recteur de l'académie de Strasbourg en date du 7 juillet 2010. N'ouvrant pas droit à pension au titre du régime des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat, faute pour elle de totaliser quinze années de services civils et militaires actifs, Mme Z... a été rétablie, à concurrence de la durée des services accomplis pour le ministère de l'Education nationale, dans ses droits au titre de l'assurance vieillesse du régime général.

2. Mme Z... a sollicité, le 27 juillet 2011, la liquidation de ses droits à pension auprès de la caisse allemande compétente (Deutsche Rentenversicherung Bund), qui a transmis sa demande à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Alsace-Moselle (la CARSAT). Celle-ci a attribué à l'intéressée, à effet du 1er novembre 2011, une pension de retraite.

La pension prenant effet au soixante-cinquième anniversaire de l'intéressée, elle a été liquidée au taux plein de 50 % indépendamment de la durée de sa carrière (périodes cotisées et périodes assimilées).

3. Mme Z... a saisi, par lettre du 18 mars 2012, la commission de recours amiable de la CARSAT d'une réclamation portant, d'une part, sur la date d'effet de sa pension, d'autre part, sur la prise en compte, pour la détermination du nombre des périodes cotisées et assimilées retenu pour le calcul de sa pension, de la majoration pour enfant handicapé prévue par l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale. Mme Z... a élevé, en effet, une enfant handicapée, sa fille Lucie, née le [...].

4. Sa demande ayant été rejetée par la commission de recours amiable de la CARSAT, Mme Z... a saisi d'un recours les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale. Elle a été déboutée de ses demandes par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Strasbourg par un jugement du 8 avril 2015.

5. Saisie à son tour du litige, la cour d'appel de Colmar a confirmé la décision des premiers juges en ce qui concerne la date d'effet de la pension, mais elle l'a infirmée pour le surplus et, statuant de nouveau, elle a jugé que la pension de retraite de Mme Z... devait être calculée en tenant compte d'une majoration de sa carrière de huit trimestres en raison de l'éducation de son enfant handicapé (arrêt du 27 avril 2017).

6. Pour statuer ainsi, la cour d'appel de Colmar s'est fondée sur les dispositions de l'article 5 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (le règlement n° 883/2004) : la Ville de Stuttgart ayant versé à Mme Z..., à compter du 10 novembre 1995, une aide financière régulière pour allégement des charges du handicap de sa fille sur le fondement de l'article 35a, paragraphe 1, point 1 du huitième livre du code social allemand, la cour d'appel en a déduit que l'intéressée avait ainsi perçu un revenu lié à un handicap susceptible de produire un effet juridique, et que les prestations allemande et française étant équivalentes pour des faits ou événements semblables, elle pouvait prétendre, en vertu de la règle européenne de coordination, à la majoration de carrière prévue par la législation française.

7. La CARSAT d'Alsace-Moselle a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar.

Au soutien de son pourvoi, elle fait grief à l'arrêt attaqué « d'avoir dit que la retraite de Mme Z... devait être majorée de huit trimestres pour enfant handicapé », alors, selon le moyen :

1°/ que l'application des textes européens ne peut donner lieu à une discrimination à rebours, donnant plus de droits aux personnes ayant relevé de systèmes d'allocations d'autres pays membres qu'aux assurés sociaux ayant toujours relevé uniquement du régime français ; que, comme le faisait justement valoir la caisse devant la cour d'appel, la majoration de la durée d'assurance pour enfant handicapé suppose que l'enfant ait été atteint d'une incapacité permanente d'au moins 80 % ; que la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait, sans vérifier que la fille de Mme Z... avait été atteinte d'une incapacité permanente d'au moins 80 % ; que la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 5 du règlement CE n° 883/2004, les articles L. 351-4-1, L. 541-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que la question de savoir si l'enfant handicapée de Mme Z... était affectée d'une incapacité d'au moins 80 %, ouvrant droit à la majoration de la durée d'assurance pour enfant handicapée, était une question d'ordre médical ; que la cour d'appel aurait dû ordonner, au besoin d'office, une expertise technique ; qu'elle a ainsi violé l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale ;

Rappel des dispositions du droit de l'Union européenne invoquées au soutien du moyen :

8. Inséré dans le titre Ier : Dispositions générales, l'article 5 du règlement n° 883/2004, intitulé « Assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d'événements », précise :

À moins que le présent règlement n'en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en oeuvre prévues, les dispositions suivantes s'appliquent :

a) si, en vertu de la législation de l'État membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d'autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d'un autre État membre ou de revenus acquis dans un autre État membre ;

b) si, en vertu de la législation de l'Etat membre compétent, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, cet État membre tient compte des faits ou événements semblables survenus dans tout autre Etat membre comme si ceux-ci étaient survenus sur son propre territoire.

Rappel du droit national (France) :

9. Aux termes de l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale :

Les assurés sociaux élevant un enfant ouvrant droit, en vertu des premier et deuxième alinéas de l'article L. 541-1, à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et à son complément ou, en lieu et place de ce dernier, de la prestation de compensation prévue par l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles bénéficient, sans préjudice, le cas échéant, de l'article L. 351-4, d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois dans la limite de huit trimestres.

10. Aux termes de l'article L. 541-1 du même code :

Toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé, si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé.

Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l'aide nécessaire.

La même allocation et, le cas échéant, son complément peuvent être alloués, si l'incapacité permanente de l'enfant, sans atteindre le pourcentage mentionné au premier alinéa, reste néanmoins égale ou supérieure à un minimum, dans le cas où l'enfant fréquente un établissement mentionné au 2° ou au 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou dans le cas où l' état de l'enfant exige le recours à un dispositif adapté ou d'accompagnement au sens de l'article L. 351-1 du code de l'éducation ou à des soins dans le cadre des mesures préconisées par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles.

L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé n'est pas due lorsque l'enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale des frais de séjour par l'assurance maladie, l'Etat ou l'aide sociale, sauf pour les périodes de congés ou de suspension de la prise en charge.

11. Pris pour l'application des dispositions reproduites au point 10, l'article R. 541-1 du même code fixe à 80 % le taux le pourcentage d'incapacité permanente que doit présenter l'enfant handicapé pour ouvrir droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (alinéa 1) et à 50 % le taux retenu pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale (alinéa 3).

Mention des dispositions du droit national (RFA) telles qu'elles résultent des productions :

12. L'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux dont Mme Z... a bénéficié pour sa fille, procède, dans son principe, des dispositions d'une loi fédérale du 26 juin 1990 (BGBI I, p. 1163) insérées sous le paragraphe S 35a du code social allemand (SGB). Ces dispositions précisent :

Les enfants et les adolescents handicapés mentaux ou menacés d'un pareil handicap ont droit à une aide à l'intégration. Cette aide est proposée selon les besoins individuels :

1. en ambulatoire,

2. en crèche pour les jeunes enfants ou en demi-pension dans d'autres structures,

3. par un personnel soignant adapté et

4. en pension dans un établissement spécialisé ou d'autres types d'hébergement.

Pour la mission et l'objectif de l'aide, la désignation du groupe de personnes et du type de mesures relève du § 39, alinéa 3, et du § 40, de la loi fédérale sur l'aide sociale et du décret d'application du § 47, pour la durée d'application de ces documents relatifs aux handicapés mentaux et au personnes menacées par un tel handicap.

Si une aide à l'éducation doit être proposée simultanément, il convient de recourir à des institutions, des services et des personnes adaptés, non seulement pour remplir les obligations d'aide à l'intégration, mais également pour couvrir les besoins éducatifs. Des mesures thérapeutiques pédagogiques pour les enfants qui n'ont pas encore l'âge d'être scolarisés doivent être proposées et, si le besoin de prise en charge le permet, il convient de recourir à des structures accueillant des enfants handicapés et des enfants valides.

Motifs du renvoi :

13. Le montant des pensions de retraite au titre du régime général est déterminé, en particulier, par la durée pendant laquelle l'assuré a été, antérieurement à la liquidation de ses droits à pension, assujetti au régime et appelé à cotiser au titre du risque vieillesse.

La durée est exprimée en trimestres, le versement des cotisations afférentes à une durée minimale d'activité salariée (en principe équivalente à 800 heures rémunérées selon le salaire minimum interprofessionnel de croissance). Lorsque l'assuré ne justifie pas d'un nombre de trimestres au moins équivalent au nombre requis (lequel est fonction de l'année de naissance de l'assuré), le calcul de la pension fait l'objet, en fonction du nombre de trimestres faisant défaut, d'une part, d'une minoration de son taux (décote), d'autre part, d'une proratisation de son montant ; la minoration du taux est écartée toutefois lorsque l'assuré a atteint un âge déterminé (soixante-cinq ans pour les assurés nés, telle Mme Z..., [...]) ; à l'inverse, l'assuré qui justifie d'un nombre de trimestres supérieur au nombre requis, peut prétendre, sous certaines conditions, à la majoration du taux de sa pension (surcote).

14. Si la carrière est normalement composée de périodes ayant donné lieu à cotisations, elle peut être complétée par la prise en compte de périodes qui n'ayant pas donné lieu à activité, ni à cotisations, sont néanmoins assimilées à des périodes d'activité et prises en compte pour le calcul de la pension. Il en va ainsi, par exemple, des périodes de maladie et de maternité indemnisées, des périodes de chômage indemnisé ou encore des périodes afférentes à l'accomplissement du service national.

Le supplément de pension afférent à ces périodes est remboursé au régime d'assurance vieillesse, soit par le Fonds de solidarité vieillesse, soit par la Caisse nationale des allocations familiales.

15. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les dispositions de l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale, qui ouvrent à l'assuré qui a eu à sa charge un enfant handicapé le bénéfice d'une majoration de carrière égale à un trimestre par période d'éducation de trente mois sans que la majoration puisse excéder huit trimestres.

La majoration est subordonnée toutefois à une condition bien précise : l'obtention pour l'enfant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

16. Des dispositions relatives à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, il ressort, en premier lieu, que celle-ci relève de la branche des prestations familiales, qui constitue l'une des branches du système français de sécurité sociale ; comme telle, elle est comprise dans le champ d'application matériel de la sécurité sociale au sens de l'article 2 du règlement n° 883/2004.

En deuxième lieu, l'allocation est attribuée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, et servie par la caisse d'allocations familiales ; elle répond à des conditions objectives et est exclusive de toute condition tenant aux ressources de l'allocataire.

En troisième lieu, le taux d'incapacité de l'enfant retenu pour l'attribution de l'allocation et de son complément est déterminé, dans les différents cas de figure où ils peuvent être attribués, d'après un guide-barème fixé par voie réglementaire, sous le contrôle du juge. Dernier point, on relèvera que la majoration pour enfant handicapé s'applique sans préjudice des dispositions de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, lesquelles ouvrent à tout assuré qui a eu ou élevé des enfants dans les conditions qu'elles précisent, le bénéfice d'une majoration de la durée de la carrière retenue pour le calcul de la pension. C'est à ces conditions que Mme Z... aurait pu prétendre, pour sa fille, à l'attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

17. Il convient d'ajouter que le bénéfice de la majoration de carrière prévu par l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale joue également lorsque l'indemnisation du handicap a pris la forme non de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, dont l'attribution prend normalement fin lors du vingtième anniversaire de l'enfant, mais de la prestation de compensation prévue par l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles. Normalement accessible aux handicapés âgés de plus de vingt ans (seize ans dans certains cas déterminés), la prestation de compensation relève, quant à elle, de l'aide sociale ; l'attribution de l'allocation n'est pas directement soumise à condition de revenu, mais les revenus sont pris en compte, le cas échéant, pour déterminer le montant de la prestation.

18. Des éléments recueillis, l'aide versée à Mme Z... par la Ville de Stuttgart ne paraît pas relever, selon les règles pertinentes du droit allemand, de l'organisation de la sécurité sociale, mais de l'aide sociale et de l'assistance. Elle ne figure d'ailleurs pas dans la déclaration effectuée par le gouvernement fédéral auprès de l'Union européenne au titre de l'article 9 du règlement n° 883/2004 qui décrit la législation allemande comprise dans le champ d'application matériel de ce dernier au titre des prestations sociales contributives (prestations rattachables à une branche de sécurité sociale au sens de l'article 3, § 1, ou des prestations spéciales mixtes de sécurité sociale et d'assistance sociale (prestations mentionnées à l'article 3, § 3, du règlement, relevant de l'article 70 du règlement et de l'annexe 10 au même règlement). Il apparaît par ailleurs que cette aide revêt un caractère subsidiaire et que son attribution n'est pas subordonnée a priori à un taux ou à un niveau précis d'incapacité ou de handicap.

19. Les dispositions de l'article 5, sous a) du règlement n° 883/2004 ont un objet bien précis : permettre à l'assuré qui relève de la législation d'un Etat membre selon laquelle le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d'autres revenus produit certains effets juridiques, d'obtenir les mêmes effets du chef de « prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d'un autre Etat membre ou de revenus acquis dans un autre Etat membre ». Ce texte, qui figure au nombre des dispositions générales du règlement de coordination, n'a pas d'équivalent dans l'ancien règlement n° 1408/71/CE du 14 juin 1971 ; il traduit néanmoins le souci des rédacteurs du règlement de transcrire dans le mécanisme de coordination certains des principes directeurs formulés par la Cour de justice de l'Union européenne.

20. Le litige opposant Mme Z... à la CARSAT d'Alsace-Moselle se rapporte, plus précisément, à la définition des prestations équivalentes au sens des dispositions du règlement n° 883/2004.

L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et l'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux constituent-elles, au sens de l'article 25, sous a), du règlement n° 883/2004 des prestations équivalentes, de sorte que Mme Z... puisse bénéficier, pour le calcul de sa pension de retraite au titre de la législation française, de la majoration de carrière prévue par celle-ci au bénéfice des assurés ayant élevé un enfant handicapé et perçu à cette fin l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ?

21. Si l'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux n'est pas au nombre des prestations mentionnées dans la déclaration du gouvernement fédéral allemand en application de l'article 9 du règlement n° 883/2004, cette circonstance ne suffit pas à elle seule à exclure la prestation du champ d'application matériel du règlement, fut-ce au titre des dispositions des articles 3, § 3,et 70, relatifs aux prestations spéciales à caractère non contributif.

La qualification de la prestation, au regard des dispositions du règlement n° 883/2004 qui déterminent le champ d'application matériel de la coordination, revêt un caractère préalable.

22. S'il est admis qu'elle est comprise dans le champ d'application matériel du règlement n° 883/2004, il y a lieu de déterminer si l'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux et l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé constituent des prestations équivalentes au sens de l'article 5, sous a) du règlement, étant observé que si les deux prestations poursuivent un même objectif de compensation des charges inhérentes à l'éducation d'un enfant handicapé, l'attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé procède de la réunion de conditions objectives, qui impliquent, en particulier, un taux de handicap élevé, mais excluent toute prise en compte des ressources de l'allocataire, l'aide à l'intégration des enfants et des adolescents handicapés mentaux paraît tributaire, avant tout, de l'étendue concrète des besoins.

23. La Cour de justice de l'Union européenne ne semble pas avoir rendu de décision sur la question. Certes, dans un arrêt C-453/14 du 21 janvier 2016, la Cour de justice de l'Union européenne a retenu, d'une part, que les dispositions de l'article 25, sous a), du règlement n° 883/2004 n'avaient vocation à s'appliquer qu'à des prestations relevant du champ d'application de ce dernier (point 32), d'autre part, qu'il y a lieu, pour procéder à la comparaison des prestations en cause, de tenir compte de l'objectif poursuivi par ces prestations et par les réglementations qui les ont instaurées (point 34).

La question soumise à la Cour se rapportait toutefois à des prestations relevant explicitement, selon l'une et l'autre législations nationales en présence, de la sécurité sociale au sens du règlement n° 883/2004.

24. Il apparaît ainsi que le litige opposant Mme Z... à la CARSAT d'Alsace-Moselle soulève une difficulté sérieuse quant à l'interprétation de l'article 5, sous a), du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale en tant qu'il doit ou s'appliquer, pour la liquidation d'une pension de retraite selon une législation nationale qui confère des effets juridiques au bénéfice antérieur d'une prestation familiale, à une prestation servie selon la législation d'assistance d'un autre Etat membre.

25. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer la question à la Cour de justice de l'Union européenne.

PAR CES MOTIFS :

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes :

1/ L'aide pour allégement des charges du handicap prévue par le § 35a du huitième livre du Sozialgesetzbuch (code social allemand) relève-t-elle du champ d'application matériel du règlement n° 883/2004 ?

2/ Dans l'affirmative, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, son complément ou à défaut la prestation de compensation du handicap, d'une part, et l'aide à l'intégration des enfants et adolescents handicapés prévue au § 35a du huitième livre du Sozialgesetzbuch (code social allemand), d'autre part, présentent-elles un caractère équivalent au sens de l'article 5, sous a) du règlement n° 883/2004, compte tenu de la finalité de l'article L. 351-4-1 du code français de la sécurité sociale tendant à la prise en compte des charges inhérentes à l'éducation d'un enfant présentant un handicap pour la détermination de la durée d'assurance ouvrant droit au service d'une pension de retraite ?

Sursoit à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cadiot - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet -

Textes visés :

Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ; article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-18.248, (P)

Cassation

Prestations – Infraction – Pénalité – Recours gracieux – Avis motivé de la commission des pénalités – Communication – Défaut – Sanction – Détermination

Il résulte des articles L. 114-17, I, alinéa 6, et R. 114-11 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, que peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure ainsi que la sauvegarde des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Viole ces textes, le tribunal qui, ayant constaté que dans le cadre de son recours gracieux l'intéressé n'avait pas été destinataire de l'avis motivé de la commission adressé au directeur de la caisse d'allocations familiales, retient que cette omission n'entache pas la validité de la pénalité prononcée par celui-ci.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 114-17, I, alinéa 6, et R. 114-11 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure ainsi que la sauvegarde des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que, par décision du 12 novembre 2014, après un recours gracieux, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Aude a notifié à Mme X... épouse Y... une pénalité financière, au motif que celle-ci avait commis une fraude en ne déclarant pas son changement de situation familiale au cours de la période du 28 décembre 2011 au 30 septembre 2013 ; que l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale aux fins d'obtenir l'annulation de cette pénalité ainsi que le retrait de son inscription du fichier de la base nationale fraude ;

Attendu que pour rejeter les demandes, après avoir constaté que l'avis de la commission, dont la teneur est rappelée par la décision du 12 novembre 2014, n'avait pas été adressé directement à Mme Y..., le jugement retient que cette omission, que l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale ne sanctionne pas par la nullité, n'entache pas la validité de la décision du 12 novembre 2014 ainsi que cela résulte de l'article 114 du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'intéressée n'avait pas été destinataire de l'avis motivé de la commission saisie par le directeur de l'organisme dans le cadre de son recours gracieux, le tribunal qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 avril 2016, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Carcassonne ; remet la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montpellier.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Articles L. 114-17, I, alinéa 6, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 et R. 114-11 du code de la sécurité sociale.

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