Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 7 novembre 2018, n° 17-27.618, (P)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Demande de mainlevée de la mesure – Procédure devant le juge des libertés et de la détention – Réception de la demande par le greffe – Enregistrement immédiat – Limites – Circonstances exceptionnelles

En l'absence de circonstances exceptionnelles, l'enregistrement d'une demande de mainlevée d'une mesure de soins psychiatriques doit intervenir dès réception de la requête par le greffe du tribunal de grande instance. Le juge statue dans les douze jours à compter de cette date.

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Demande de mainlevée de la mesure – Procédure devant le juge des libertés et de la détention – Délai pour statuer – Point de départ – Détermination

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 21 octobre 2016, le représentant de l'Etat dans le département a pris, à l'égard de M. X..., une décision de réadmission en soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, en application des dispositions de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique ; que ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la mesure ;

Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier Sud francilien, relevée d'office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique ;

Attendu que le pourvoi formé contre le centre hospitalier Sud francilien, présent à l'audience pour avoir été avisé conformément aux textes précités, mais qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles R. 3211-10, R. 3211-11 et R. 3211-30 du code de la santé publique, ensemble les articles L. 123-1 et R. 123-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu que le juge des libertés et de la détention est saisi d'une demande de mainlevée d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement par requête transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal de grande instance et enregistrée dès sa réception ; qu'il statue dans les douze jours à compter de cet enregistrement ;

Attendu que, pour dire que le juge a statué dans le délai imparti, l'ordonnance retient que si la requête est parvenue au greffe du tribunal de grande instance le 26 janvier 2017, elle n'a été reçue par le service du juge des libertés et de la détention que le 31 janvier, lequel l'a enregistrée le 3 février, de sorte que sa décision du 9 février a été rendue dans les douze jours à compter de l'enregistrement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de circonstances exceptionnelles, l'enregistrement devait intervenir dès réception de la requête par le greffe du tribunal de grande instance, de sorte que le délai de douze jours était expiré au moment où le juge a rendu sa décision, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier Sud francilien ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 27 février 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles R. 3211-10, R. 3211-11 et R. 3211-30 du code de la santé publique ; articles L. 123-1 et R. 123-1 du code de l'organisation judiciaire.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 27 février 2013, pourvoi n° 11-20.405, Bull. 2013, I, n° 28 (cassation sans renvoi).

1re Civ., 21 novembre 2018, n° 17-21.184, (P)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Examen médical mensuel – Délais – Computation – Modalités – Détermination

Les articles 640 à 642 du code de procédure civile, qui régissent la computation légale des délais de procédure, ne sont pas applicables à celle du délai prévu à l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, qui ordonne un examen médical mensuel du patient admis en soins psychiatrique sans consentement sur décision du représentant de l'Etat, cette obligation étant de nature administrative non contentieuse.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 3213-3 et R. 3211-7 du code de la santé publique et les articles 640 à 642 du code de procédure civile ;

Attendu que ces derniers textes, qui régissent la computation légale des délais de procédure, ne sont pas applicables à celle du délai prévu à l'article L. 3213-3 du code de la santé publique, qui ordonne un examen médical mensuel du patient admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat, cette obligation étant de nature administrative non contentieuse ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. X..., admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'État dans le département en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique ;

Attendu que, pour rejeter toute irrégularité tirée du non-respect du délai pour l'établissement des certificats médicaux mensuels obligatoires, l'ordonnance retient que les articles 641 et 642 du code de procédure civile, auxquels renvoie l'article R. 3211-7 du code de la santé publique, sont applicables à la computation de ce délai ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, s'agissant d'une obligation de nature administrative non contentieuse, le premier délai courait à compter du lendemain de l'admission de M. X... en soins psychiatriques sans consentement et les délais suivants, le lendemain de chaque examen médical, chacun de ces délais expirant le jour du mois suivant portant le même quantième, sans prorogation en cas d'expiration un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 mai 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Azar - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 640 à 642 du code de procédure civile ; l'article L. 3213-3 du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

Sur la computation des délais de quantième en quantième en matière de procédure administrative non contentieuse, cf. : CE, 28 février 1986, n° 38325, publié au Recueil Lebon. Sur l'absence de prorogation des délais expirant un samedi, dimanche ou jour férié, cf. : CE, 17 juin 1983, n° 30458, publié au Recueil Lebon ; CE, 13 octobre 1993, n° 141677, mentionné au tables du Recueil Lebon ; CE, 5 mai 1985, n° 38164, mentionné au tables du Recueil Lebon.

1re Civ., 22 novembre 2018, n° 18-14.642, (P)

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Prise en charge de la personne décidée sous une autre forme que l'hospitalisation complète – Modifications – Contrôle de la régularité de la décision ayant maintenu le programme de soins transformé en hospitalisation complète – Conditions – Détermination

Dans le cas où le juge des libertés et de la détention statue à l'occasion de la réadmission d'un patient en hospitalisation complète, le juge peut contrôler la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d'appel.

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Procédure – Contrôle de la régularité de la décision ayant maintenu le programme de soins psychiatriques – Critique des certificats médicaux mensuels obligatoires – Office du juge – Communication

Les certificats médicaux obligatoires mensuels établis pour la poursuite du programme de soins, en application de l'article L. 3212-7 du code de la santé publique, n'étant pas alors systématiquement communiqués en application de l'article R. 3211-12 du même code, il appartient au juge d'en solliciter la communication, s'ils sont critiqués.

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Procédure – Décision de maintien du programme de soins – Certificats médicaux mensuels obligatoires – Défaut – Effets – Détermination

Il incombe au juge de rechercher si, dans le cas où le programme de soins aurait été maintenu en l'absence de certificats mensuels obligatoires, une telle irrégularité portait atteinte aux droits du patient.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique ;

Attendu que, dans le cas où il est saisi, sur le fondement du deuxième de ces textes, pour statuer sur la réadmission en hospitalisation complète d'un patient intervenue en application du premier, le juge peut contrôler la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d'appel ; qu'à l'occasion de ce contrôle, il appartient au juge de solliciter la communication des certificats relatifs au programme de soins, s'ils sont critiqués, dès lors qu'ils ne sont pas au nombre des pièces au vu desquelles la mesure d'hospitalisation complète a été décidée, dont le dernier texte prévoit la communication systématique au juge ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que Mme Y... a présenté des troubles psychiatriques qui ont motivé des soins sans consentement, tantôt sous le régime d'une hospitalisation complète, tantôt en soins ambulatoires, sous la forme d'un programme de soins ; que, le 6 janvier 2018, alors qu'un programme de soins était en cours depuis le 15 mai 2017, en application d'une décision du directeur d'établissement, celui-ci a pris une décision de réadmission en hospitalisation complète, puis a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure ; qu'en cause d'appel, Mme Y... a contesté la régularité du programme de soins, en invoquant l'absence des certificats médicaux mensuels ;

Attendu que, pour maintenir la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, l'ordonnance retient que la patiente a évoqué à plusieurs reprises le programme de soins préalable à la réadmission, qu'elle respectait, de sorte qu'aucune atteinte aux droits n'était caractérisée ;

Qu'en statuant ainsi, sans solliciter la communication des certificats médicaux obligatoires établis mensuellement en application de l'article L. 3212-7 du code de la santé publique, ni rechercher si, dans le cas où le programme de soins aurait été maintenu en l'absence de certificats mensuels, une telle irrégularité portait atteinte aux droits de la patiente, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont l'application est suggérée par le mémoire ampliatif ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 2 février 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique.

1re Civ., 28 novembre 2018, n° 17-28.272, (P)

Cassation partielle

Transfusion sanguine – Virus de l'hépatite C – Contamination – Dommage – Réparation – Indemnisation du préjudice spécifique de contamination – Portée

Le préjudice spécifique de contamination incluant les souffrances, répare deux fois les éléments d'un même préjudice et viole l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe d'une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit, une cour d'appel qui alloue à la victime d'une contamination transfusionnelle une indemnité au titre des souffrances endurées et une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination.

Transfusion sanguine – Virus de l'hépatite C – Contamination – Préjudice spécifique – Caractérisation – Guérison de la victime – Préjudice postérieur – Risque d'altération de l'état de santé lié à la contamination – Caractérisation nécessaire

Une cour d'appel, ayant constaté qu'une victime est guérie, ne peut allouer un préjudice spécifique de contamination pour l'avenir, sans caractériser l'existence, après la date de guérison, d'un risque d'altération de l'état de santé lié à la contamination, justifiant la réparation d'un tel préjudice.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1988, Mme Z... a subi trois séances de sclérose de varices pratiquées par Jean Y..., médecin ; qu'à la suite de la découverte de contaminations par le virus de l'hépatite C chez un nombre important de patients soignés par ce praticien, Mme Z... a, en 2003, effectué, à la demande de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, un dépistage de l'hépatite C, qui a révélé une telle contamination ; qu'après avoir sollicité une expertise en référé, elle a assigné en responsabilité et indemnisation Mme Jacqueline X..., veuve Y..., M. Jean-Marie Y... et M. Jean-Philippe Y...(les consorts Y...) en leur qualité d'héritiers du praticien, décédé entre temps ; que la contamination de Mme Z... a été imputée aux séances de sclérothérapie subies ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe d'une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination virale ; qu'il inclut notamment les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l'espérance de vie ainsi que la crainte des souffrances ; qu'il comprend aussi le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination ; qu'il comprend également les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ; qu'il comprend enfin les souffrances, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément provoqués par les soins et traitements subis pour combattre la contamination ou en réduire les effets ;

Attendu qu'en condamnant les consorts Y... à payer à Mme Z... une indemnité au titre des souffrances endurées et une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination incluant les souffrances, la cour d'appel a réparé deux fois les éléments d'un même préjudice et violé le texte et le principe susvisés ;

Et sur la seconde branche de ce moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe d'une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que, pour fixer l'indemnité allouée à Mme Z... au titre du préjudice spécifique de contamination, l'arrêt relève que, si elle est considérée comme guérie et n'a pas à ce jour présenté de déclaration de la maladie, la crainte de cette maladie et des affections opportunistes, présente depuis quatorze ans, est destinée à se poursuivre ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence, après la date de la guérison, d'un risque d'altération de l'état de santé lié à la contamination, justifiant la réparation d'un tel préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme Jacqueline X..., veuve Y..., M. Jean-Marie Y... et M. Jean-Philippe Y..., ès qualités, à payer à Mme Z... en réparation de son préjudice les sommes de 4 000 euros en réparation des souffrances endurées et 10 000 euros pour le préjudice de contamination, l'arrêt rendu le 11 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Richard -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit.

Rapprochement(s) :

Sur l'inclusion des souffrances endurées dans le préjudice spécifique de contamination et les conséquences quant à l'indemnisation, à rapprocher : 1re Civ., 3 mai 2006, pourvoi n° 05-10.411, Bull. 2006, I, n° 214 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 3 mai 2006, pourvoi n° 05-11.139, Bull. 2006, I, n° 215 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 18 mars 2010, pourvoi n° 08-16.169, Bull. 2010, II, n° 65 (2) (cassation). Sur le préjudice spécifique de contamination en cas de guérison, à rapprocher : 2e Civ., 4 juillet 2013, pourvoi n° 12-23.915, Bull. 2013, II, n° 154 (rejet), et l'arrêt cité.

1re Civ., 28 novembre 2018, n° 17-17.536, (P)

Cassation

Transfusion sanguine – Virus de l'hépatite C – Contamination – Indemnisation – Modalités – Substitution de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang – Effets – Mise en jeu de la garantie des assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang – Contestation relative à l'ordre de juridiction compétent – Portée

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en référé, qu'un jugement d'un tribunal administratif du 6 juillet 2011, statuant sur la demande d'indemnisation de Mme X..., contaminée par le virus de l'hépatite C, a retenu l'origine transfusionnelle de sa contamination et condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) à payer différentes sommes à l'intéressée et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen en réparation de cette contamination ; qu'après le versement de ces sommes, l'ONIAM a assigné en remboursement la société Axa France IARD (l'assureur), en sa qualité d'assureur du centre de transfusion sanguine de Bois Guillaume (le CTS) ; qu'une ordonnance du juge de la mise en état du 9 décembre 2016, retenant qu'il incombait au juge administratif de statuer sur la responsabilité de l'Etablissement français du sang (l'EFS), venant aux droits et obligations du CTS dans la contamination de Mme X..., a soumis au juge administratif une question préjudicielle quant à cette responsabilité et sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive de ce chef ; que l'ONIAM a sollicité du premier président de la cour d'appel l'autorisation d'interjeter appel immédiat de cette ordonnance ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 380 du code de procédure civile et les principes régissant l'excès de pouvoir ;

Attendu, d'une part, que, selon le premier de ces textes, la décision de sursis à statuer peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; qu'il est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant, limitant ou différant un recours, en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu, d'autre part, que, saisi en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-17.536), le Tribunal des conflits a décidé, le 8 octobre 2018 (n° 4133), que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître du litige, après avoir relevé qu'en prévoyant, par les dispositions de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012, la possibilité pour l'ONIAM de chercher à être garanti, par les assureurs des structures de transfusion reprises par l'EFS, des sommes qu'il a versées, le législateur avait entendu conférer à la juridiction compétente pour connaître de cette action en garantie plénitude de juridiction pour statuer sur l'ensemble des questions qui s'y rapportent, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 ;

Attendu que, pour rejeter la demande de l'ONIAM, l'ordonnance retient qu'il n'appartient pas au premier président de la cour d'appel de se prononcer sur le bien-fondé de la décision du juge de la mise en état, que le délai de procédure induit par la réponse à la question préjudicielle ne peut être jugé anormalement long et qu'il n'est pas démontré l'existence de conséquences manifestement excessives liées à cette décision ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ONIAM soutenait que la juridiction judiciaire était seule compétente pour se prononcer sur son action directe à l'encontre de l'assureur de l'EFS ou des structures reprises, ce dont il résultait qu'il se prévalait d'un excès de pouvoir négatif du juge de la mise en état, ouvrant droit à un appel immédiat, le premier président a méconnu le texte et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 2 mars 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : M. Ingall-Montagnier (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 380 du code de procédure civile ; principes régissant l'excès de pouvoir.

Rapprochement(s) :

Sur l'ordre de juridiction compétent pour connaître, dans le cas d'une action en garantie intentée par l'ONIAM contre l'assureur d'un établissement de transfusion sanguine, de la responsabilité de cet établissement, à rapprocher : 1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-17.536, Bull. 2018, I, (renvoi devant le tribunal des conflits et sursis à statuer) ; Tribunal des conflits, 8 octobre 2018, n° 4133, Bul. 2018, T. conflits, publié au Recueil Lebon.

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