Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

REGIMES MATRIMONIAUX

1re Civ., 7 novembre 2018, n° 17-26.149, (P)

Rejet

Communauté entre époux – Liquidation – Récompenses – Récompenses dues à l'un des époux – Profit subsistant – Evaluation – Modalités – Détermination

Il résulte de l'article 1469, alinéa 3, du code civil que lorsque des fonds de la communauté ont servi à acquérir ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de celle-ci, dans le patrimoine propre de l'un des époux, le profit subsistant, auquel la récompense due à la communauté ne peut être inférieure, doit se déterminer d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la dite communauté ont contribué au financement de l'acquisition, le profit subsistant représentant l'avantage réellement procuré au fonds emprunter.

En conséquence, dans le cas où la communauté a payé la soulte due par un époux ayant reçu un bien en nue-propriété en donation-partage, qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, du fait du décès de l'usufruitier, en pleine-propriété dans le patrimoine emprunteur, il convient de calculer d'abord la contribution du patrimoine créancier à l'acquisition du bien donné en nue-propriété, puis de reporter cette fraction sur la valeur en pleine propriété de ce bien au jour de la liquidation.

Communauté entre époux – Liquidation – Récompenses – Récompenses dues à l'un des époux – Profit subsistant – Cas – Donation-partage d'un bien en nue propriété – Soulte payée par la communauté – Bien en pleine propriété au jour de la liquidation

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 31 mai 2017), que M. X... et Mme Y... se sont mariés sans contrat préalable ; que, par acte du 16 avril 1975, le mari a reçu en donation-partage la nue-propriété de biens immobiliers dont ses parents se sont réservé l'usufruit leur vie durant ; qu'il a payé au moyen de deniers communs la soulte mise à sa charge à ce titre ; qu'il est devenu plein propriétaire du bien au décès du dernier de ses parents ; qu'après le prononcé de leur divorce, des difficultés sont survenues entre les époux pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la seconde branche du premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire qu'il est redevable envers la communauté d'une récompense de 339 127,37 euros au titre du financement de la soulte due par lui en exécution de la donation-partage du 16 avril 1975, alors selon le moyen qu'il résulte de l'article 1469, alinéa 3, du code civil que, lorsque la récompense doit être égale au profit subsistant, le profit subsistant représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, celui-ci se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition ou de l'amélioration du bien propre ; qu'il en résulte que lorsque les fonds emprunté ont permis l'acquisition de parts indivises en nue-propriété le profit subsistant doit être calculé sur la seule valeur en nue-propriété du bien ; qu'en relevant que la valeur globale de la propriété objet de la donation-partage de 1975 s'élève en pleine propriété au regard des prix d'aliénation et de la valeur actuelle des parcelles restant propriété de M. X... à la somme de 715 931 euros, que le fait que les donateurs se soient réservé l'usufruit des biens donnés jusqu'au décès du dernier vivant d'entre eux n'a pas pour incidence de modifier le calcul de la récompense, que bénéficiaire de la nue-propriété, M. X... est devenu plein propriétaire des biens donnés au décès du dernier de ses parents et le profit subsistant pour lui, au jour de la liquidation, de cette donation-partage correspond bien à la valeur en pleine propriété des biens donnés, pour décider que dès lors le profit subsistant pour M. X..., au jour de la liquidation, de la valeur empruntée à la communauté pour financer l'acquisition par le paiement de la soulte des biens donnés dont il est devenu plein propriétaire s'établit, au regard des valeurs en pleine propriété tant à l'époque de la donation qu'à l'époque de la liquidation, à Valeur empruntée (27 441 euros) x Valeur actualisée des biens donnés en pleine propriété (715 931 euros) / Valeur en pleine propriété des biens donnés à l'époque de la donation-partage (57 930,63 euros) soit 339 127,37 euros, quand seule la valeur en nue-propriété des biens devait être prise en compte pour calculer le profit subsistant, peu important que M. X... soit devenu plein propriétaire par consolidation suite au décès des donateurs, la cour d'appel qui s'est fondée sur la valeur des biens en pleine propriété pour calculer le profit subsistant, a ainsi alloué une récompense d'un montant supérieur à l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur et elle a violé le texte susvisé ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article1469, alinéa 3, du code civil que, lorsque des fonds de la communauté ont servi à acquérir ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de celle-ci, dans le patrimoine propre de l'un des époux, le profit subsistant, auquel la récompense due à la communauté ne peut être inférieure, doit se déterminer d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la dite communauté ont contribué au financement de l'acquisition ; que le profit subsistant représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur ;

Attendu qu'il s'ensuit que dans le cas où la communauté a payé la soulte due par un époux ayant reçu un bien en nue-propriété en donation-partage, qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, du fait du décès de l'usufruitier, en pleine-propriété dans le patrimoine emprunteur, il convient de calculer d'abord la contribution du patrimoine créancier à l'acquisition du bien donné en nue-propriété, puis de reporter cette fraction sur la valeur en pleine propriété de ce bien au jour de la liquidation ;

Que si, en prenant en compte, pour le calcul du profit subsistant, la valeur en pleine propriété des biens donnés, tant au jour de leur acquisition qu'à celui de la liquidation, la cour d'appel a évalué de façon erronée la récompense due à la communauté, le résultat auquel elle parvient est nécessairement identique à celui qui aurait été obtenu à partir du calcul tout aussi inexact fondé sur la seule valeur des biens en nue-propriété, dans la proportion initiale de celle-ci, de sorte que M. X... est sans intérêt à la cassation de cette disposition qui ne lui fait pas grief ; que le moyen n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article 1469, alinéa 3, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 18 janvier 2017, pourvoi n° 16-12.391, Bull. 2017, I, n° 18 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

1re Civ., 7 novembre 2018, n° 17-25.965, (P)

Rejet

Communauté entre époux – Propres – Emploi ou remploi – Bien acquis excédant la somme remployée – Contribution de la communauté – Calcul – Modalités – Détermination

Il résulte de l'article 1436 du code civil que la contribution de la communauté ne comprend que les sommes ayant servi à régler partie du prix et des frais de l'acquisition, à l'exclusion de l'indemnité de remboursement anticipé du prêt, qui ne peut être assimilée à de tels frais, étant constitutive d'une charge de jouissance supportée par la communauté.

En application de ces mêmes dispositions, est propre un bien payé avec les fonds propres de l'un des époux dont le montant est supérieur à la somme dépensée par la communauté pour parfaire le prix d'acquisition. La circonstance que la contribution de cet époux à l'acquisition du bien était inférieur à la moitié de la valeur d'achat de ce bien est indifférente à la qualification du bien en propre.

Communauté entre époux – Propres – Emploi ou remploi – Bien acquis excédant la somme remployée – Contribution de la communauté – Calcul – Modalités – Exclusion – Indemnité de remboursement anticipé du prêt souscrit pour le financement partiel de l'acquisition

Communauté entre époux – Propres – Emploi ou remploi – Bien acquis excédant la somme remployée – Emprunt souscrit pour le financement partiel de l'acquisition – Indemnité de remboursement anticipé du prêt – Nature – Détermination – Portée

Communauté entre époux – Propres – Qualification – Conditions – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 juin 2017), qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y..., mariés en 1981 sans contrat préalable ; que, par acte du 19 juin 1986, ils avaient acquis ensemble un bien immobilier avec déclaration de remploi par chacun d'eux et financement du solde au moyen d'un prêt ; que des difficultés sont survenues entre eux pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que le bien immobilier acquis le 19 juin 1986 est un bien propre de Mme Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que l'indemnité de remboursement anticipé du prêt constitue une dépense ayant servi à l'acquisition du bien financé ; que la cour d'appel, en énonçant, pour dire que le bien immobilier était un bien propre de Mme Y..., que l'indemnité de remboursement anticipé ne pouvait être assimilée à des frais d'acquisition qui se limitaient aux frais initiaux, a violé les articles 1437 et 1469 du code civil ;

2°/ que l'époux qui se prévaut du caractère propre d'un immeuble acquis pendant le mariage doit rapporter la preuve de ce qu'il a financé plus de 50 % de la valeur d'achat du bien considéré ; qu'en se bornant, pour dire que le bien immobilier était un bien propre de Mme Y..., à énoncer que cette dernière avait apporté plus que la communauté, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que sa contribution à l'acquisition du bien était inférieure à la moitié de la valeur d'achat de celui-ci n'excluait pas la qualification de bien propre, de sorte que l'immeuble devait être considéré comme un bien commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1436 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article 1436 du code civil que la contribution de la communauté ne comprend que les sommes ayant servi à régler partie du prix et des frais de l'acquisition ; que la cour d'appel a exactement retenu que l'indemnité de remboursement anticipé du prêt, constitutive d'une charge de jouissance supportée par la communauté, ne pouvait être assimilée à de tels frais ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir justement énoncé qu'en application du même texte, est propre un bien payé avec des fonds propres dont le montant est supérieur à la somme dépensée par la communauté pour parfaire le prix d'acquisition, l'arrêt constate que Mme Y... a apporté une somme supérieure à celle dépensée par la communauté puisque, sur un prix global d'acquisition de 136 981,26 euros, elle a apporté une somme de 60 979,61 euros et la communauté a dépensé une somme de 60 756,75 euros, M. X... ayant lui-même apporté une somme de 15 244,90 euros ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, dont elle a déduit que l'immeuble litigieux était un bien propre de Mme Y..., la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés :

Attendu que le rejet du premier moyen rend sans objet l'examen de ces griefs ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Boullez -

Textes visés :

Article 1436 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la définition de l'indemnité de remboursement anticipé du prêt comme charge de jouissance supportée par la communauté, à rapprocher : 1re Civ., 5 mars 2008, pourvoi n° 07-12.392, Bull. 2008, I, n° 66 (rejet).

1re Civ., 7 novembre 2018, n° 17-26.222, (P)

Cassation partielle

Régimes conventionnels – Participation aux acquêts – Fonctionnement – Patrimoine final – Composition – Biens appartenant à l'époux au jour de la dissolution du régime matrimonial – Applications diverses – Somme figurant au solde créditeur du compte de l'époux exploitant à titre individuel un fonds de commerce

Selon les articles 1572, alinéa 1, et 1574 du code civil, font partie du patrimoine final tous les biens qui appartiennent à l'époux au jour où le régime matrimonial est dissous et les biens existants sont estimés d'après leur état à l'époque de la dissolution du régime matrimonial et d'après leur valeur au jour de la liquidation de celui-ci.

En conséquence, dans le cas où un époux exploite à titre individuel un fonds de commerce, la somme figurant au solde créditeur du compte de l'exploitant, qui lui appartient, doit être prise en compte, pour déterminer la consistance de son patrimoine final ainsi que son évaluation.

Régimes conventionnels – Participation aux acquêts – Liquidation – Biens existants – Estimation – Date – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X..., mariés sous le régime de la participation aux acquêts, et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1572, alinéa 1, et 1574 du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, font partie du patrimoine final tous les biens qui appartiennent à l'époux au jour où le régime matrimonial est dissous ; que, selon le second, les biens existants sont estimés d'après leur état à l'époque de la dissolution du régime matrimonial et d'après leur valeur au jour de la liquidation de celui-ci ;

Attendu que, pour fixer à 518 817 euros la créance de participation de Mme X..., l'arrêt retient que le compte d'exploitant de M. Y..., d'un montant de 543 062 euros, figure au bilan du fonds de commerce d'officine de pharmacie qu'il exploite, que les sommes, qui ont été utilisées pour l'entreprise, ne sont plus disponibles et que, si celui-ci devait les récupérer, il ne pourrait le faire que par prélèvement sur le produit de la vente du fonds, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte au titre de son patrimoine personnel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la somme figurant au solde créditeur du compte de l'exploitant appartenait à M. Y..., qui exploitait à titre individuel son fonds de commerce, de sorte qu'elle devait être retenue pour la détermination de la consistance de son patrimoine final et son évaluation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation, prononcée sur la première branche du premier moyen, entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt condamnant M. Y... à payer à Mme X... une prestation compensatoire d'un certain montant ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 518 817 euros la créance de participation de Mme X... et condamne M. Y... à lui payer la prestation compensatoire évaluée à 60 000 euros sans délais, l'arrêt rendu le 24 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Reygner - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Articles 1572, alinéa 1, et 1574 du code civil.

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