Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

1re Civ., 8 novembre 2018, n° 18-13.894, (P)

QPC - Irrecevabilité et non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Divers droit civil – Loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 – Principe de responsabilité – Droit à un recours juridictionnel effectif – Principe d'égalité devant la justice – Principe de dignité – Disposition législative – Défaut – Irrecevabilité

Divers droit civil – Loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 – Article 1er – Principe de responsabilité – Droit à un recours juridictionnel effectif – Principe d'égalité devant la justice – Principe de dignité – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que, par acte du 30 mai 2005, l'association Mouvement international pour les réparations (le MIR) et l'association le conseil mondial de la diaspora panafricaine ont assigné l'Etat devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France aux fins d'obtenir une expertise pour évaluer le préjudice subi par le peuple martiniquais et une provision destinée à une future fondation ; que plusieurs personnes physiques se sont jointes à cette action ; qu'à l'occasion du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt refusant d'accueillir les demandes, le MIR a, par mémoires distincts et motivés, présenté deux questions prioritaires de constitutionnalité, dans les termes suivants :

1°/ Les dispositions de la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, en ce qu'elles ne prévoient ni ne permettent l'indemnisation des faits d'esclavage, dont elles reconnaissent rétroactivement l'illicéité en les qualifiant de crime contre l'humanité portent-elles atteinte au principe constitutionnel de répression des faits d'esclavage et au principe fondamental reconnu par les lois de la République ayant le même objet, ainsi qu'au principe constitutionnel de responsabilité, au droit à un recours juridictionnel effectif, au principe d'égalité devant la justice et au principe de dignité prévus par les articles 1er, 4, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

2°/ Les dispositions de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, en ce qu'elles ne prévoient aucune exception au délai de prescription quadriennal en faveur des créances indemnitaires résultant de l'engagement de la responsabilité de l'Etat au titre des faits d'esclavage dont il a été l'auteur, portent-elles une atteinte injustifiée et disproportionnée au principe constitutionnel de répression des faits d'esclavage et au principe fondamental reconnu par les lois de la République ayant le même objet, ainsi qu'au principe constitutionnel de responsabilité, au droit à un recours juridictionnel effectif, au principe d'égalité devant la justice et au principe de dignité garantis par les articles 1er, 4, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

Mais attendu que la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit, par suite, être revêtue d'une portée normative ; que, si la loi du 21 mai 2001 tend à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, une telle disposition, ayant pour seul objet de reconnaître une infraction de cette nature, ne saurait être revêtue de la portée normative attachée à la loi, de sorte qu'elle ne peut être utilement arguée d'inconstitutionnalité ; que la première question est irrecevable ;

Attendu, s'agissant de la seconde question, que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, applicable au litige, n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, en premier lieu, que cette question n'est pas nouvelle ;

Et attendu, en second lieu, que la question ne présente pas un caractère sérieux en ce que l'instauration d'un délai de prescription particulier, susceptible d'interruption et de suspension, prévoyant notamment que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir ou ignore sa créance, qui n'a ni pour objet ni pour effet de priver le créancier de son droit d'obtenir l'indemnisation de son préjudice, répond à un objectif d'intérêt général et n'introduit aucune distinction injustifiée de nature à priver les justiciables de garanties égales ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE la question prioritaire portant sur la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité ;

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Marlange et de La Burgade -

2e Civ., 22 novembre 2018, n° 18-40.035, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Nouvelle Calédonie – Loi du pays n° 2001-016 du 11 janvier 2002 – Articles 16, alinéas 1 et 17 – Incompétence négative – Garantie des droits – Applicabilité au litige – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (la CAFAT) lui ayant notifié un avis de régularisation pour la période du 1er trimestre 2008 au 4e trimestre 2010, afférent à l'affiliation de journalistes au régime général, suivi, le 10 avril 2012, d'une mise en demeure puis d'une contrainte décernée, le 28 février 2013, la société Agence de communication d'édition et de publication a formé opposition devant le tribunal du travail, lequel a rejeté ses demandes et validé la contrainte ; qu'ayant formé appel du jugement, la cotisante a présenté, par un écrit distinct et motivé, une question prioritaire de constitutionnalité que, par un arrêt du 6 septembre 2018, la cour d'appel a transmise à la Cour de cassation qui l'a reçue le 18 septembre 2018 ;

Attendu que la question transmise est ainsi libellée :

« L'alinéa 1 de l'article 16 de la loi du pays n° 2001-016 du 11 janvier 2002 prévoyant que le contrôle des agents s'effectue dans les conditions prévues par les textes en vigueur et l'article 17 de la loi du pays n° 2001-016 du 11 janvier 2002 prévoyant que les cotisations et pénalités sont recouvrées selon les règles et sous les garanties et sanctions prévues par les textes en vigueur, portent-ils atteinte aux principes garantis par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 disposant que la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, et aux droits et libertés garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 disposant que toute Société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ? »

Attendu que les dispositions législatives critiquées sont applicables au litige qui se rapporte aux conditions dans lesquelles la CAFAT procède aux opérations de contrôle et de recouvrement des cotisations sociales ;

Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que la méconnaissance par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie de la compétence qu'il tient des articles 77 de la Constitution et 99 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée, pour fixer par voie de loi du pays les principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale, ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que si les dispositions du premier alinéa de l'article Lp 16 et l'article Lp 17 de la loi « du pays » n° 2001-016 du 11 janvier 2002 précisent, les premières, que le contrôle de l'application des dispositions en matière d'affiliation et de cotisations sociales s'effectue dans les conditions prévues par les textes en vigueur, les secondes, que les cotisations et pénalités sont recouvrées selon les règles en vigueur et sous les garanties et sanctions prévues par les textes en vigueur, il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elles portent atteinte par elles-mêmes au principe des droits de la défense et au principe du contradictoire qui en est le corollaire, dès lors que les personnes qui font l'objet d'un contrôle disposent d'un droit de recours juridictionnel effectif répondant aux exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

D'où il suit que la question n'étant pas sérieuse, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : M. de Monteynard -

1re Civ., 7 novembre 2018, n° 18-14.982, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Protection des consommateurs – Code de la consommation – Article L. 311-33 (loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010) – Droit de propriété – Incompétence négative – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que, le 22 mars 2014, M. X... (l'acquéreur-emprunteur) a acquis de la société Home Plus (le vendeur) un système de pompe à chaleur, financé par un crédit d'un montant de 26 000 euros, souscrit le même jour, auprès de la société CA Consumer Finance (le prêteur) ; qu'après avoir formé un pourvoi contre l'arrêt prononçant la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, ordonnant la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats et condamnant le vendeur à garantir l'acquéreur-emprunteur du remboursement du capital au prêteur, le vendeur a présenté, par mémoire distinct et motivé, la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article L. 311-33, dans sa version applicable à l'espèce, devenu l'article L. 312-56 du code de la consommation, en ce qu'il n'encadre pas les conditions de mise en oeuvre de la garantie du vendeur, exposant ce dernier à restituer deux fois le prix de vente entre les mains de l'acquéreur et de l'emprunteur, sans que cela ne soit justifié par un objectif de protection du prêteur ou de l'acquéreur poursuivi par la loi, est-il contraire au droit de propriété, garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et, à tout le moins, entaché d'une incompétence négative au regard de l'article 34 de la Constitution ? » ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Mais attendu que la condamnation à garantie, de nature indemnitaire, prononcée à la demande du prêteur en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, oblige le vendeur, pour le cas où l'emprunteur n'y satisferait pas lui-même, à rembourser le prêt ; que le vendeur qui a désintéressé le prêteur dispose d'une action récursoire contre l'emprunteur, de sorte que la disposition critiquée ne porte pas atteinte au droit de propriété et n'est entachée d'aucune incompétence négative ;

D'où il suit que, la question posée ne présentant pas un caractère sérieux, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Soc., 21 novembre 2018, n° 18-15.844, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Relations individuelles de travail – Code de la sécurité sociale – Article L. 241-8 – Jurisprudence constante – Liberté contractuelle – Liberté d'entreprendre – Droit de propriété – Applicabilité au litige – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu qu'à l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d'appel de Paris, la société Skylar France demande à la Cour de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation, sont-elles contraires aux principes constitutionnels de liberté contractuelle, de liberté d'entreprendre et de droit de propriété en ce qu'elles interdisent aux parties à un contrat de travail de prendre en compte pour la détermination de la rémunération variable (versée en plus d'un salaire fixe supérieur au minimum légal et/ou conventionnel) les charges patronales payées sur la rémunération des salariés ? »

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, lequel se rapporte à la licéité d'une clause de rémunération variable ;

Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que la disposition en cause, telle qu'interprétée par la Cour de cassation, ne porte une atteinte disproportionnée ni à la liberté contractuelle, ni à la liberté d'entreprendre, non plus qu'au droit de propriété, dès lors que la nullité d'une clause du contrat de travail faisant supporter, fût-ce de manière indirecte, les cotisations patronales par le salarié ne vise qu'à assurer l'effectivité des règles de répartition de la charge des cotisations sociales entre salariés et employeurs et que la portée ainsi donnée par la jurisprudence à la disposition légale contestée, édictée dans un objectif de protection des salariés, ne fait que traduire la conciliation voulue par le législateur entre, d'une part, la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre, et, d'autre part, l'intérêt général et l'ordre public social ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. David - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Gatineau et Fattaccini -

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