Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES

1re Civ., 14 novembre 2018, n° 17-23.135, (P)

Cassation partielle

Médecin – Contrat avec une clinique – Rupture par la clinique – Invocation d'une faute grave – Rupture sans préavis – Nécessité

Une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien d'un contrat d'exploitation ou d'exercice conclu entre un professionnel de santé ou une société professionnelle et un établissement de santé pendant la durée même limitée du préavis et ne peut, dès lors, être retenue que si la résiliation a été prononcée avec un effet immédiat.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Clinique de l'Alma (la clinique) a été autorisée, par décision du ministère de la santé du 17 décembre 2009, à installer un scanographe à usage médical et a conclu, le 21 décembre 2010, avec M. X..., radiologue, une convention pour l'exploitation d'un appareil de ce type ; que cette convention prévoyait notamment que chacune des parties pourrait y mettre fin en respectant un préavis de six mois, que la résiliation du contrat par la clinique entraînerait au bénéfice du praticien le paiement d'une indemnité correspondant à une année de chiffre d'affaires et que la clinique pourrait résilier le contrat, sans indemnité ni préavis, dans le cas où le praticien commettrait une faute grave ; que, le 24 août 2011, la clinique a, d'une part, par avenant à cette convention, autorisé la transmission de la convention à la SELAS Alma scanner (la société), dont M. X... était l'unique associé, prévu la possibilité pour le praticien de faire intervenir d'autres praticiens préalablement agréés et précisé que MM. Y... et Z... étaient d'ores et déjà agréés, d'autre part, conclu des contrats d'exercice avec ces praticiens, dans lesquels elle reconnaissait être avisée du projet destiné à les transférer à la société et déclarait l'accepter ; qu'un contrat du 15 septembre 2011 a organisé le transfert de ces contrats d'exercice, à titre gracieux et à effet du 24 août 2011, à la société représentée par M. X... ; que, par lettre du 25 juillet 2014, la clinique a résilié la convention à effet du 31 janvier 2015, en énonçant un certain nombre de griefs à l'égard de M. X... et en s'opposant au versement d'une indemnité de résiliation à la société ; que cette dernière l'a assignée, notamment en paiement de cette indemnité ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches, le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche, et le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la troisième branche du premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la clinique fait grief à l'arrêt d'écarter l'existence d'une faute grave et de la condamner à payer à la société l'indemnité de résiliation prévue par la convention alors, selon le moyen, que le comportement adopté par une partie à l'occasion de l'exécution d'un contrat peut caractériser une faute grave justifiant la résiliation unilatérale de ce contrat par l'autre partie ; que, pour retenir que la clinique ne rapportait pas la preuve d'une faute grave commise par la société et justifiant la résiliation unilatérale du contrat d'exploitation du scanner, la cour d'appel a retenu que le comportement personnel de M. X..., qui pourrait être constitutif de fautes professionnelles à l'égard de ses patients, ne pouvait entrer en compte dans l'appréciation de la légitimité de la rupture unilatérale du contrat d'exploitation du scanner faute de lien avec ce contrat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les principes applicables à la résiliation unilatérale des contrats pour faute grave ;

Mais attendu qu'une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien d'un contrat d'exploitation ou d'exercice conclu entre un professionnel de santé ou une société professionnelle et un établissement de santé pendant la durée même limitée du préavis ; qu'elle ne peut, dès lors, être retenue que si la résiliation a été prononcée avec un effet immédiat ; que la cour d'appel a relevé que la clinique avait résilié le contrat en accordant à la société un préavis de six mois ; qu'il en résulte que la qualification de faute grave ne pouvait qu'être écartée ; que, par ce motif de pur droit substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux justement critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour fixer le montant de l'indemnité de résiliation et condamner la clinique à la payer à la société, l'arrêt retient qu'il y a lieu de tenir compte tant de l'activité de M. X... que de celle de MM. Z... et Y..., associés de la société, devant être regardés comme « le praticien » au sens du contrat après l'entrée en vigueur de l'avenant du 24 août 2011 ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la clinique qui faisait valoir qu'après la résiliation de la convention d'exploitation du scanographe, MM. Z... et Y... avaient poursuivi leur activité au sein de la clinique, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 371 037 euros le montant de l'indemnité de résiliation, l'arrêt rendu le 15 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : M. Ingall-Montagnier (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 1184 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 13 octobre 1998, pourvoi n° 96-21.485, Bull. 1998, I, n° 300 (2) (rejet).

1re Civ., 14 novembre 2018, n° 17-27.980, n° 17-28.529, (P)

Cassation partielle

Médecin – Responsabilité – Produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de la profession ou à l'accomplissement d'un acte médical – Conditions – Détermination

Même lorsqu'ils ont recours à des produits de santé pour l'accomplissement d'un acte médical, les professionnels de santé n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute et il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute. En l'absence de présomptions graves, précises et concordantes, permettant de l'imputer à l'administration du produit litigieux, la responsabilité des professionnels de santé en cause ne peut qu'être écartée.

Médecin – Responsabilité – Produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de la profession ou à l'accomplissement d'un acte médical – Conditions – Imputabilité du dommage à la faute du professionnel de santé – Preuve – Charge – Patient

Médecin – Responsabilité – Devoir d'information – Manquement – Dommage – Préjudice indemnisable – Nature – Détermination – Portée

Le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins peut, lorsque l'un de ces risques se réalise, faire perdre au patient une chance de l'éviter en refusant qu'il soit pratiqué ou encore causer à celui auquel l'information était due un préjudice résultant d'un défaut de préparation aux conséquences de ce risque. Viole l'article 1382, devenu 1240 du code civil, une cour d'appel qui répare un préjudice moral, tout en constatant qu'aucun risque dont les représentants légaux du patient auraient dû être informés ne s'est réalisé.

Médecin – Responsabilité – Devoir d'information – Manquement – Dommage – Préjudice indemnisable – Conditions – Réalisation du risque dont le patient aurait dû être informé

Joint les pourvois n° 17-27.980 et 17-28.529, qui sont connexes ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'alléguant l'existence de troubles graves causés à leur fils Raphaël, né le [...], par le vaccin contre l'hépatite B dénommé Engerix B (le vaccin), produit par la société Glaxosmithkline (le producteur), M. et Mme Y... ont, en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de l'enfant, assigné en responsabilité et indemnisation le producteur et Mme X..., pédiatre (le praticien), qui avait, le 26 avril 1996, pratiqué la seconde injection de ce vaccin ; qu'une expertise médicale a été ordonnée et confiée à un collège d'experts ; que M. et Mme Y... ont été désignés comme tuteurs de M. Raphaël Y..., devenu majeur ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 17-28.529, pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. et Mme Y..., personnellement et ès qualités, (les consorts Y...) font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de nullité de l'expertise judiciaire, alors selon le moyen :

1°/ que les exceptions de nullité relatives aux actes de procédure fondées sur l'inobservation des règles de fond, contrairement à celles fondées sur des vices de forme, peuvent être proposées en tout état de cause ; que la nullité d'une mesure d'instruction résultant de ce qu'elle a été réalisée en méconnaissance du principe de l'impartialité peut être soulevée en tout état de cause ; qu'en relevant, pour juger irrecevable l'exception de nullité des opérations d'expertise présentée par les consorts Y..., que ces derniers n'avaient soutenu aucune demande de nullité de l'expertise en première instance, sans s'expliquer sur la méconnaissance par l'un des experts, du principe de l'impartialité, invoquée par les consorts Y..., qui constituait pourtant un vice de fond pouvant être proposé en tout état de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 118 et 119 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que les exceptions de nullité relatives aux actes de procédure fondées sur l'inobservation des règles de fond, contrairement à celles fondées sur des vices de forme, peuvent être proposées en tout état de cause ; que la nullité d'une mesure d'instruction résultant de ce qu'elle a été réalisée en méconnaissance du principe de la contradiction peut être soulevée en tout état de cause ; qu'en relevant, pour juger irrecevable l'exception de nullité des opérations d'expertise présentée par les consorts Y..., que ces derniers n'avaient soutenu aucune demande de nullité de l'expertise en première instance, sans s'expliquer sur la méconnaissance par les experts, du principe du contradictoire, invoquée par les consorts Y..., qui constituait pourtant un vice de fond pouvant être proposé en tout état de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 118 et 119 du code de procédure civile, ensemble les articles 16 du même code et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, qu'une partie à une instance au cours de laquelle une expertise judiciaire a été réalisée a la possibilité de faire sanctionner une méconnaissance par l'expert du principe de l'impartialité ou du principe de la contradiction en sollicitant sa nullité, conformément aux dispositions de l'article 175 du code de procédure civile qui régissent la nullité des actes des procédure, sans que les conditions posées méconnaissent son droit à un procès équitable ; que, d'autre part, les dispositions des articles 118 et 119 du code de procédure civile ne régissent que les irrégularités du fond limitativement énumérées à l'article 117 du même code ; que l'arrêt constate que les consorts Y... ont présenté leur défense au fond devant le tribunal, sans réitérer le moyen pris de la nullité de l'expertise invoqué devant le juge de la mise en état ; que la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que cette nullité, soulevée devant elle, était couverte, de sorte que la demande des consorts Y... était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les trois dernières branches, du même moyen et le deuxième moyen du même pourvoi, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur les troisième et quatrième moyens du même pourvoi, réunis :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'écarter l'existence d'un manquement du praticien à une obligation de sécurité de résultat ainsi que sa responsabilité au titre d'une faute d'imprudence en procédant à la vaccination et de rejeter leur demande tendant à sa condamnation à réparer intégralement les dommages liés à la pathologie présentée par M. Raphaël Y..., alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière d'utilisation des produits de santé, le contrat formé entre le patient et son médecin met à la charge de ce dernier une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels qu'il utilise pour l'exécution d'un acte médical d'investigation ou de soin ; qu'en jugeant que les consorts Y... ne seraient pas fondés à se prévaloir d'une obligation de sécurité de résultat à la charge du praticien qui a pratiqué l'injection du vaccin litigieux et que la responsabilité de ce médecin ne pourrait être recherchée que pour faute, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que la preuve de la participation du vaccin litigieux à la survenance de la maladie peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; que les éléments liés à la proximité temporelle entre l'administration d'un vaccin et la survenance d'une maladie ainsi qu'à l'absence d'antécédents médicaux personnels et familiaux, en relation avec cette maladie, constituent des indices dont la conjonction peut, le cas échéant, conduire une juridiction nationale à considérer qu'une victime a satisfait à la charge de la preuve pesant sur elle ; qu'en se bornant à retenir que « l'apparition des premiers signes de la maladie chez un enfant de six mois, jusque là en bonne santé, contemporaine des injections de vaccin et l'absence d'antécédents familiaux sont des facteurs invoqués par les appelants qui ne permettent pas de démontrer que la vaccination est à la l'origine de la maladie ; qu'il n'est pas établi que la maladie du syndrome Cach soit déclenchée par un élément extérieur et il ne peut être exclu une origine génétique de la maladie même en l'absence d'antécédents familiaux ; que le lien temporel entre la vaccination et l'apparition de la maladie, le fait que d'autres membres de la famille ne soient pas atteints de la même maladie, ne sont pas des éléments qui permettent de laisser présumer que le syndrome Cach a été déclenché par l'injection du vaccin Engérix B », pour en déduire « qu'il n'existe pas de présomptions graves, précises et concordantes permettant de déterminer que la maladie de M. Raphaël Y... est imputable à la vaccination », la cour d'appel, qui a écarté ces indices de manière abstraite, sans procéder à un examen concret de la situation de l'enfant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable au litige ;

3°/ qu'en jugeant qu'il résulterait des analyses techniques, ainsi que de l'absence de mise en garde du dictionnaire Vidal sur une éventuelle apparition d'un syndrome Cach après vaccination, que le risque d'apparition chez l'enfant d'un tel syndrome n'était ni connu, ni prévisible, ni même identifié à la date des vaccinations, sans s'expliquer sur les documents postérieurs à l'expertise invoqués par les consorts Y... pour demander une nouvelle expertise, notamment sur les déclarations du professeur H..., dont il résultait que l'enfant n'avait jamais été atteint du syndrome Cach de sorte que le fondement même de l'expertise judiciaire était erroné et que ses conclusions ne pouvaient être prises en compte, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable au litige ;

4°/ que si la preuve que le matériel utilisé par le professionnel de santé n'a pas présenté la sécurité nécessaire suppose la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi par la victime, une telle preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; que le doute scientifique, qui ne prouve ni n'exclut l'existence d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin et le dommage, est un élément neutre que le juge ne peut retenir en faveur ou au détriment de l'une ou l'autre des parties ; qu'en déduisant l'absence d'imputabilité de la maladie de M. Raphaël Y... au vaccin contre l'hépatite B de l'analyse des avis des scientifiques qui relatent une absence de consensus scientifique sur l'étiologie de la maladie de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

5°/ que le médecin est tenu d'une obligation de prudence dans l'exercice de son art ; que le médecin qui constate que les mentions du Vidal ne sont pas conformes aux mentions contenues dans la notice d'un médicament doit vérifier les informations incohérentes pour garantir la sécurité du patient auquel il administre son produit ; qu'en jugeant que le praticien n'aurait pu être « tenu responsable du défaut de conformité des indications de la notice d'utilisation avec les mentions du dictionnaire médical », cependant que si le médecin n'était pas responsable du contenu de ces documents, il lui incombait, néanmoins, de tirer les conséquences de ce défaut de conformité avant de procéder à la vaccination, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable en la cause ;

6°/ qu'en toute hypothèse, le médecin est tenu d'une obligation de prudence dans l'exercice de son art ; que les consorts Y... faisaient valoir, dans leurs écritures d'appel, que le praticien avait manqué à son devoir de prudence en réalisant une injection vaccinale sur un enfant qu'il ne connaissait pas et qui n'était pas en bonne santé puisqu'il présentait des signes cliniques inquiétants depuis le 24 décembre 1995, qui s'étaient traduits par des spasmes massifs généralisés et des crises d'épilepsie depuis le 19 janvier 1996 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen des conclusions des consorts Y..., propre à établir un manquement du praticien à son obligation de prudence, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que la preuve de la participation du vaccin litigieux à la survenance de la maladie peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; que les éléments liés à la proximité temporelle entre l'administration d'un vaccin et la survenance d'une maladie ainsi qu'à l'absence d'antécédents médicaux personnels et familiaux, en relation avec cette maladie, constituent des indices dont la conjonction peut, le cas échéant, conduire une juridiction nationale à considérer qu'une victime a satisfait à la charge de la preuve pesant sur elle ; qu'en se bornant à retenir que « l'apparition des premiers signes de la maladie chez un enfant de six mois, jusque là en bonne santé, contemporaine des injections de vaccin et l'absence d'antécédents familiaux sont des facteurs invoqués par les appelants qui ne permettent pas de démontrer que la vaccination est à la l'origine de la maladie ; qu'il n'est pas établi que la maladie du syndrome Cach soit déclenchée par un élément extérieur et il ne peut être exclu une origine génétique de la maladie même en l'absence d'antécédents familiaux ; que le lien temporel entre la vaccination et l'apparition de la maladie, le fait que d'autres membres de la famille ne soient pas atteints de la même maladie, ne sont pas des éléments qui permettent de laisser présumer que le syndrome Cach a été déclenché par l'injection du vaccin », pour en déduire « qu'il n'existe pas de présomptions graves, précises et concordantes permettant de déterminer que la maladie de M. Raphaël Y... est imputable à la vaccination », la cour d'appel, qui a écarté ces indices de manière abstraite, sans procéder à un examen concret de la situation de l'enfant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable au litige ;

8°/ qu'en jugeant qu'il résulterait des analyses techniques, ainsi que de l'absence de mise en garde du dictionnaire Vidal sur une éventuelle apparition d'un syndrome Cach après vaccination, que le risque d'apparition chez l'enfant d'un tel syndrome n'était ni connu, ni prévisible, ni même identifié à la date des vaccinations, sans s'expliquer sur les documents postérieurs à l'expertise invoqués par les consorts Y... pour demander une nouvelle expertise, notamment sur les déclarations du professeur H..., dont il résultait que l'enfant n'avait jamais été atteint du syndrome Cach de sorte que le fondement même de l'expertise judiciaire était erroné et que ses conclusions ne pouvaient être prises en compte, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable au litige ;

9°/ que, si la responsabilité pour faute d'imprudence du professionnel de santé suppose la preuve du fait que la maladie est imputable à l'acte médical, une telle preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; que le doute scientifique, qui ne prouve ni n'exclut l'existence d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin et le dommage, est un élément neutre que le juge ne peut retenir en faveur ou au détriment de l'une ou l'autre des parties ; qu'en déduisant l'absence d'imputabilité de la maladie de M. Raphaël Y... au vaccin contre l'hépatite B de l'analyse des avis des scientifiques qui relatent une absence de consensus scientifique sur l'étiologie de la maladie de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt retient, à bon droit, que, même lorsqu'ils ont recours à des produits de santé pour l'accomplissement d'un acte médical, les professionnels de santé n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute et qu'il appartient au patient de prouver que son dommage est imputable à une telle faute ;

Attendu, ensuite, qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le rapport d'expertise concluait que M. Raphaël Y... présentait un syndrome Cach dont le lien avec la vaccination n'était pas établi et que les consorts Y..., contestant ces conclusions, faisaient valoir que de nombreuses autres hypothèses de diagnostic avaient été émises par les praticiens consultés et versaient aux débats une étude génétique écartant le diagnostic posé, la cour d'appel a, sans procéder à une analyse abstraite ni s'en tenir à l'existence d'un doute scientifique, apprécié la valeur et la portée des différents éléments de preuve soumis et estimé souverainement que les conclusions des experts n'étaient pas remises en cause par cette étude génétique ne comportant l'énoncé d'aucun diagnostic, qu'il n'était pas établi que la maladie du syndrome Cach soit déclenchée par un élément extérieur et que la proximité temporelle entre la vaccination et l'apparition des premiers signes de la maladie chez un enfant en bonne santé comme l'absence d'antécédents familiaux ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes, permettant d'imputer la maladie de M. Raphaël Y... à la vaccination ;

Attendu, enfin, qu'après avoir retenu, d'une part, qu'aucune faute ne pouvait être imputée au praticien découlant de la discordance entre les mentions figurant dans le dictionnaire Vidal 1995 et la notice du vaccin, d'autre part, qu'en l'absence d'imputabilité de la maladie à ce vaccin, la faute d'imprudence résultant des circonstances de l'injection, à la supposer établie, était sans lien avec la maladie et les dommages dont se prévalaient les consorts Y..., la cour d'appel, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, n'a pu qu'en déduire que la responsabilité du praticien n'était pas engagée à ces titres ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n° 17-27.980, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins peut, lorsque l'un de ces risques se réalise, faire perdre au patient une chance de l'éviter en refusant qu'il soit pratiqué ou encore causer à celui auquel l'information était due un préjudice résultant d'un défaut de préparation aux conséquences de ce risque ;

Attendu que, pour déclarer le praticien responsable, en application de ce texte, du préjudice moral subi par les consorts Y... du fait d'un manquement à son devoir d'information, l'arrêt relève qu'il ne démontre pas avoir informé les parents de M. Raphaël Y... des effets indésirables du vaccin, de ses contre-indications et de ses autres effets possiblement nocifs, qu'en l'absence de preuve d'une imputabilité de la maladie à l'injection du vaccin et de lien entre le défaut d'information et la survenance du dommage, ce défaut ne porte pas sur un risque qui s'est réalisé, de sorte qu'il n'existe pas de perte de chance de ne pas contracter le syndrome Cach et de préjudice d'impréparation, mais qu'indépendamment de toute réalisation d'un risque, la violation du droit à l'information du patient et de ses parents justifie une réparation, même en l'absence de dommages corporels causés par l'intervention du médecin ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'aucun risque dont les consorts Y... auraient dû être informés ne s'était réalisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen unique du pourvoi n° 17-27.980 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare Mme X... responsable, en application de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, du préjudice moral subi par M. Luigi Y..., Mme Maryline Y... et M. Raphaël Y... du fait d'un manquement à son devoir d'information, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : M. Ingall-Montagnier (premier avocat général) et M. Sudre - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles 16, 118, 119 et 175 du code de procédure civile ; article 1147 du code civil ; article 1382, devenu 1240 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 30 avril 2014, pourvoi n° 12-21.484, Bull. 2014, I, n° 75 (1) (cassation partielle), et les arrêts cités ; 1re Civ., 30 avril 2014, pourvoi n° 13-13.579 et 13-14.234, Bull. 2014, I, n° 74 (rejet), et l'arrêt cité. 1re Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-17.510, Bull. 2012, I, n° 165 (2) (cassation partielle sans renvoi). 1re Civ., 23 janvier 2014, pourvoi n° 12-22.123, Bull. 2014, I, n° 13 (rejet), et les arrêts cités.

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