Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 15 novembre 2018, n° 17-27.844, (P)

Cassation

Conclusions – Conclusions d'appel – Dernières écritures – Domaine d'application

En application de l'article 954, alinéa 3, devenu alinéa 4, du code de procédure civile, les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, à défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. Seules sont soumises aux prescriptions de ce texte les conclusions qui déterminent l'objet du litige ou qui soulèvent un incident, de quelque nature que ce soit, de nature à mettre fin à l'instance.

Encourt en conséquence la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui retient que la partie ayant pris des conclusions ne tendant qu'à l'irrecevabilité des conclusions de la partie adverse est réputée avoir abandonné ses précédentes conclusions.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 954, alinéa 3, devenu alinéa 4, du code de procédure civile ;

Attendu que seules sont soumises aux prescriptions de ce texte les conclusions qui déterminent l'objet du litige ou qui soulèvent un incident, de quelque nature que ce soit, susceptible de mettre fin à l'instance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'un arrêt irrévocable ayant ordonné l'expulsion de Mme Y..., qui occupait un local appartenant à Mme X..., veuve Y..., cette dernière a fait délivrer à l'occupante un commandement de payer et de quitter les lieux ; que Mme Y... a relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance l'ayant déboutée de l'opposition qu'elle avait formée à ce commandement ; que celle-ci a conclu, le 4 avril 2016, à la réformation du jugement puis, le 27 juin 2016, à l'irrecevabilité des conclusions d'intimée de Mme X..., veuve Y... ;

Attendu que pour confirmer le jugement déféré, l'arrêt retient que le dispositif des dernières conclusions de l'appelante ne contient aucune demande de réformation du jugement déféré et se borne à soulever l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée, qui de son côté sollicite la confirmation de la décision, que la cour d'appel ne peut donc que considérer que l'infirmation ou la réformation de la décision déférée n'est pas demandée par l'appelante ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les conclusions du 27 juin 2016 ne tendaient qu'à l'irrecevabilité des conclusions de la partie adverse, la cour d'appel, qui demeurait saisie des conclusions remises le 4 avril 2016 par Mme Y..., a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 954, alinéa 3, devenu alinéa 4, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la notion de dernières écritures au sens de l'article 954, alinéa 2, devenu alinéa 3, puis, alinéa 4, du code de procédure civile, à rapprocher : 2e Civ.,18 décembre 2008, pourvoi n° 07-20.238, Bull. 2008, II, n° 273 (cassation), et les arrêts cités.

Com., 21 novembre 2018, n° 17-12.761, n° 17-17.559, (P)

Rejet

Instance – Interruption – Redressement et liquidation judiciaires – Domaine d'application – Exclusion – Défaut de dessaisissement du débiteur – Cas – Exercice d'un droit propre – Rapport à succession

Joint les pourvois n° 17-12.761 et 17-17.559, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Yvette E... veuve A... est décédée en laissant pour lui succéder Mmes Marie-Françoise A... B..., Roselyne A... B... et Anne-Marie A... C... (les consorts A...) et M. Z... ; qu'un jugement du 30 décembre 2010 a ouvert les opérations de liquidation et partage de la succession et désigné un expert afin de déterminer les avantages devant donner lieu, de la part de M. Z..., à rapport à la succession ; que le 12 mai 2011, au cours de l'instance d'appel afférente à ce jugement, M. Z... a été mis en liquidation judiciaire et M. Y..., liquidateur, est intervenu volontairement à l'instance qui a donné lieu à un arrêt confirmatif du 26 janvier 2012 ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, un jugement du 7 janvier 2014, auquel le liquidateur n'a pas été partie, a dit que M. Z... devrait rapporter des sommes à la succession ; que M. Z... et son liquidateur ont relevé appel de ce second jugement, en demandant le prononcé de sa « nullité », outre, s'agissant de M. Z..., la « nullité » de l'expertise judiciaire ;

Sur les premiers moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. Z... et son liquidateur font grief à l'arrêt de rejeter leurs exceptions de nullité et de procédure, en conséquence, de dire que M. Z... devra rapporter à la succession une somme aux titres d'avantages reçus et d'indemnités d'occupation, et de rejeter la demande de M. Z... tendant à voir dire qu'en cas de déclassification de deux parcelles dépendant de la succession, au jour du partage, Mme Roselyne B... devra prendre en charge la différence entre l'évaluation au jour du partage et le prix au jour où la vente des terrains constructibles aura pu être réalisée alors, selon le moyen :

1°/ que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que les jugements intervenus en dépit de l'interruption de l'instance sont réputés non avenus ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; que l'instance en cours devant le tribunal de grande instance du Mans relative aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme Yvette E... a, en conséquence, été interrompue ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'aucun acte de reprise d'instance n'est intervenu devant ce tribunal ; qu'en refusant cependant de dire non avenu le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 7 janvier 2014, hors la présence de la Selarl Sarthe mandataire, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z..., et en l'absence de confirmation du jugement par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

2°/ que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il importe peu que l'action en justice relative aux droits et biens acquis au titre d'une succession engagée au moment de la mise en liquidation judiciaire n'induise pas la constitution d'une dette à la charge du débiteur ; qu'en retenant que le litige qui porte sur la détermination de l'actif successoral à partager et les rapports éventuels de co-héritiers n'impliquait pas nécessairement l'appel à la cause de M. Y..., au motif inopérant que le fait de rapporter des sommes à une succession n'induit pas obligatoirement la constitution d'une dette à la charge du co-héritier, à l'issue des opérations de partage, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

3°/ que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que la reprise ne peut intervenir que suite à la mise en cause du liquidateur ; qu'il appartient à toute partie intéressée de reprendre l'instance ; qu'en jugeant qu'il appartenait à M. Y..., par la connaissance qu'il avait des enjeux patrimoniaux du litige et des effets éventuels vis-à-vis de la procédure de liquidation judiciaire d'intervenir volontairement et de se constituer devant le premier juge, sans nécessité d'une quelconque assignation à l'initiative de Mmes A... lors de la reprise de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile ;

4°/ qu'une motivation inintelligible équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour débouter la société Sarthe mandataire et M. Y... de leurs demandes tendant à voir dire le jugement du 7 janvier 2014 non avenu, que « le placement en liquidation judiciaire étant intervenu avant la reprise de l'instance, il n'entraînait pas à nouveau l'interruption de la procédure, le liquidateur s'étant en outre constitué dès la procédure d'appel antérieure », la cour d'appel a statué par des motifs inintelligibles en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que l'instance devant le tribunal de grande instance avait valablement reprise en raison de la reprise de l'instance d'appel, l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession ; que l'instance d'appel est distincte de l'instance de première instance si bien que la reprise de l'instance d'appel ne vaut pas reprise de la première instance encore pendante ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; que l'instance en cours devant le tribunal de grande instance du Mans relative aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme Yvette E... a, en conséquence, été interrompue ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'aucun acte de reprise d'instance n'est intervenu devant ce tribunal ; qu'en considérant que l'intervention du liquidateur à la procédure d'appel antérieure valait reprise de la première instance et qu'il ne pouvait dès lors être fait grief à Mmes A... de ne pas avoir appelé M. Y... à la cause devant le tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile ;

6°/ que les instances en cours à la date du jugement de mise en liquidation judiciaire, qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, sont interrompues jusqu'à la déclaration faite par le créancier poursuivant de sa créance ; que les instances tendant au rapport à succession par le débiteur de diverses sommes d'argent doivent s'analyser comme tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en retenant que Mmes A... n'avaient pas à déclarer leurs créances pour que l'instance tendant au rapport à succession par M. Z... de diverses sommes d'argent puisse reprendre, la cour d'appel a violé les articles L. 641-3 et L. 622-22 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement à ce que postule le moyen pris en ses première et deuxième branches, lorsqu'est pendante, à la date du jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, une instance relative aux opérations de compte, liquidation et partage d'une indivision successorale dans laquelle il a des droits à faire valoir en qualité d'héritier, le débiteur dispose d'un droit propre pour continuer à défendre seul dans cette instance et n'est donc pas dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens et de ses droits relativement à une telle action ;

Attendu, en deuxième lieu, que le rapport s'effectue en valeur, par voie d'imputation de la valeur de la libéralité rapportable sur la part de l'héritier gratifié, et qu'il résulte de l'article 826 du code civil que ce n'est qu'au moment du partage qu'est due l'éventuelle créance de soulte compensant l'inégalité des lots et dont le gratifié peut être débiteur envers ses cohéritiers ; qu'il s'ensuit que l'instance tendant au rapport à une succession par un débiteur mis en liquidation judiciaire ne s'analyse pas en une instance en cours au sens de l'article L. 622-22 du code de commerce ; que dès lors, contrairement à ce que postule le moyen pris en sa sixième branche, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les consorts A... n'étaient pas tenus, dans le cadre d'une telle instance, de déclarer une créance au passif de la liquidation judiciaire de M. Z... ;

Et attendu, enfin, que, même si une instance pendante ayant pour objet un rapport à succession ne relève pas de l'article L. 622-22 du code de commerce et n'est pas non plus interrompue par la mise en liquidation judiciaire du débiteur en application de l'article 369 du code de procédure civile, dès lors qu'elle se rapporte à l'exercice d'un droit propre et n'emporte donc pas dessaisissement du débiteur, le liquidateur n'en doit pas moins être mis en cause dans une telle instance, en raison de l'indivisibilité de son objet entre le débiteur et son liquidateur, dès lors qu'elle a une incidence patrimoniale ; que le jugement obtenu en l'absence d'une telle mise en cause peut néanmoins être régularisé si, en cause d'appel, le liquidateur devient partie à l'instance ; qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, l'arrêt constate que la société Sarthe mandataire a comparu et conclu devant elle, en qualité de liquidateur de M. Z..., pour critiquer le jugement du 7 janvier 2014 rendu sans qu'elle ait été mise en cause devant les premiers juges, ce dont il ressort que la procédure a été régularisée en cause d'appel ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux justement critiqués par les troisième et cinquième branches, la décision se trouve justifiée ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche et qui ne peut être accueilli en ses troisième et cinquième, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur les seconds moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. Z... et son liquidateur font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que les actes accomplis après l'interruption de l'instance, dont les opérations d'expertise, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; qu'en refusant cependant de dire non avenu le rapport d'expertise déposé le 31 décembre 2012, hors la présence de la Selarl Sarthe mandataire, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z..., et en l'absence de confirmation du rapport par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'expertise judiciaire a été ordonnée par le jugement du 30 décembre 2010, confirmé par un arrêt du 26 janvier 2012 auquel le liquidateur a été partie pour être intervenu volontairement devant la cour d'appel, après la mise en liquidation judiciaire de M. Z... le 12 mai 2011 ; que par ces seules constatations, desquelles il ressort qu'après l'ouverture de cette liquidation judiciaire, l'instance d'appel, qui a abouti à l'arrêt du 26 janvier 2012 confirmant le chef de dispositif du jugement du 30 décembre 2010 désignant l'expert, a été régulièrement reprise à l'égard du liquidateur, de sorte que le rapport déposé ultérieurement par l'expert n'encourait pas la sanction du non avenu prévue par l'article 372 du code de procédure civile, la cour d'appel a pu rejeter les demandes tendant à voir dire « nulle » l'expertise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article L. 622-22 du code de commerce ; article 369 du code de procédure civile.

Com., 7 novembre 2018, n° 17-16.176, (P)

Irrecevabilité

Mesure d'administration judiciaire – Définition – Jugement de prorogation du délai d'examen de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire – Portée

Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 537 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2017), qu'un jugement du 9 avril 2013 a prononcé la résolution du plan de redressement de M. X... et sa liquidation judiciaire, en fixant au 9 avril 2014 le délai au terme duquel la clôture de la procédure devrait être examinée, délai prorogé au 9 avril 2016 par un jugement du 27 février 2014 ; qu'une ordonnance rendue le 22 octobre 2014 par le juge-commissaire, autorisant la vente aux enchères publiques d'un immeuble appartenant à M. X..., a été frappée d'appel par le débiteur, qui a, en outre, demandé et obtenu le renvoi du litige devant la cour d'appel de Paris, en application de l'article 47 du code de procédure civile ; que le débiteur a été convoqué par le greffe devant le tribunal afin qu'il soit statué sur la prorogation du terme de la liquidation judiciaire que sollicitait le liquidateur ; que le débiteur s'est opposé à la prorogation et a demandé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire ; que le tribunal a prorogé de deux ans le délai au terme duquel la clôture de la procédure serait examinée, soit jusqu'au 9 avril 2018 ; que M. X... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt ayant déclaré irrecevable l'appel qu'il avait formé contre ce jugement ;

Mais attendu que la décision par laquelle le tribunal proroge le délai d'examen de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire en application de l'article L. 643-9, alinéa 1, du code de commerce et rejette, par voie de conséquence, la demande de clôture faite par le débiteur pour s'opposer à ce report, est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir, contrairement à la décision qui rejetterait la demande de clôture de la procédure formée par le débiteur à tout autre moment, en application de l'article L. 643-9, alinéa 4, du même code ; qu'en conséquence, M. X..., dont l'appel de cette décision n'était pas recevable, n'est pas davantage recevable à se pourvoir en cassation ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Richard ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article L. 643-9, alinéas 1 et 4, du code de commerce ; article 537 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Dand le même sens que : Com., 22 mars 2016, pourvoi n° 14-21.919, Bull. 2016, IV, n° 44 (irrecevabilité), et l'arrêt cité.

3e Civ., 15 novembre 2018, n° 16-26.172, (P)

Rejet

Pièces – Examen par le juge – Libre discussion préalable des parties – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 21 juin 2016), que, le 31 mars 2009, la SCI Nick 54, devenue SCI Aurel 1, bailleresse, a notifié à la société MGB, cessionnaire du droit au bail commercial depuis le 22 avril 1998, une demande de révision du loyer selon la valeur locative du bien, puis a saisi le juge des loyers commerciaux d'une demande en fixation du loyer du bail révisé à une certaine somme ;

Attendu que la société MGB fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expertise judiciaire, de retenir à une certaine somme la valeur locative du bien et de fixer, en conséquence, le montant du loyer révisé au 31 mars 2009, alors, selon le moyen, que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire, qu'en fondant exclusivement sa décision sur l'expertise effectuée par M. D... et celle effectuée par le cabinet Roux quand il était constant que ces deux expertises n'avaient pas été réalisées contradictoirement, la cour d'appel a méconnu les principes du contradictoire et de l'égalité des armes, en violation de l'article 16 du code de procédure civile et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, dès lors que ces éléments avaient été soumis à la libre discussion des parties, la cour d'appel, devant qui n'était pas invoquée une violation de l'article 6, § 1, précité, a pu, sans violer le principe de contradiction, se fonder sur le rapport d'expertise judiciaire établi lors d'une instance opposant la bailleresse à son associé et sur le rapport d'expertise établi unilatéralement à la demande de celle-ci, dont elle a apprécié souverainement la valeur et la portée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 16 du code de procédure civile.

1re Civ., 28 novembre 2018, n° 17-17.536, (P)

Cassation

Sursis à statuer – Décision de sursis – Appel – Autorisation du premier président – Motif grave et légitime – Caractérisation – Nécessité – Exception – Cas – Excès de pouvoir

Si, selon l'article 380 du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime, il est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant, limitant ou différant un recours, en cas d'excès de pouvoir.

Dès lors, méconnaît ce texte et les principes régissant l'excès de pouvoir, un premier président qui, alors qu'une ordonnance du juge de la mise en état avait, dans le cas d'une action directe exercée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à l'encontre de l'assureur d'un centre de transfusion sanguine, sursis à statuer et saisi la juridiction administrative d'une question préjudicielle, rejette la demande de cet office qui invoquait que la juridiction judiciaire était seule compétente pour se prononcer sur cette action, ce dont il résultait qu'il se prévalait d'un excès de pouvoir négatif, ouvrant droit à un appel immédiat.

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en référé, qu'un jugement d'un tribunal administratif du 6 juillet 2011, statuant sur la demande d'indemnisation de Mme X..., contaminée par le virus de l'hépatite C, a retenu l'origine transfusionnelle de sa contamination et condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) à payer différentes sommes à l'intéressée et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen en réparation de cette contamination ; qu'après le versement de ces sommes, l'ONIAM a assigné en remboursement la société Axa France IARD (l'assureur), en sa qualité d'assureur du centre de transfusion sanguine de Bois Guillaume (le CTS) ; qu'une ordonnance du juge de la mise en état du 9 décembre 2016, retenant qu'il incombait au juge administratif de statuer sur la responsabilité de l'Etablissement français du sang (l'EFS), venant aux droits et obligations du CTS dans la contamination de Mme X..., a soumis au juge administratif une question préjudicielle quant à cette responsabilité et sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive de ce chef ; que l'ONIAM a sollicité du premier président de la cour d'appel l'autorisation d'interjeter appel immédiat de cette ordonnance ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 380 du code de procédure civile et les principes régissant l'excès de pouvoir ;

Attendu, d'une part, que, selon le premier de ces textes, la décision de sursis à statuer peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; qu'il est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant, limitant ou différant un recours, en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu, d'autre part, que, saisi en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-17.536), le Tribunal des conflits a décidé, le 8 octobre 2018 (n° 4133), que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître du litige, après avoir relevé qu'en prévoyant, par les dispositions de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012, la possibilité pour l'ONIAM de chercher à être garanti, par les assureurs des structures de transfusion reprises par l'EFS, des sommes qu'il a versées, le législateur avait entendu conférer à la juridiction compétente pour connaître de cette action en garantie plénitude de juridiction pour statuer sur l'ensemble des questions qui s'y rapportent, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 ;

Attendu que, pour rejeter la demande de l'ONIAM, l'ordonnance retient qu'il n'appartient pas au premier président de la cour d'appel de se prononcer sur le bien-fondé de la décision du juge de la mise en état, que le délai de procédure induit par la réponse à la question préjudicielle ne peut être jugé anormalement long et qu'il n'est pas démontré l'existence de conséquences manifestement excessives liées à cette décision ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ONIAM soutenait que la juridiction judiciaire était seule compétente pour se prononcer sur son action directe à l'encontre de l'assureur de l'EFS ou des structures reprises, ce dont il résultait qu'il se prévalait d'un excès de pouvoir négatif du juge de la mise en état, ouvrant droit à un appel immédiat, le premier président a méconnu le texte et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 2 mars 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : M. Ingall-Montagnier (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 380 du code de procédure civile ; principes régissant l'excès de pouvoir.

Rapprochement(s) :

Sur l'ordre de juridiction compétent pour connaître, dans le cas d'une action en garantie intentée par l'ONIAM contre l'assureur d'un établissement de transfusion sanguine, de la responsabilité de cet établissement, à rapprocher : 1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-17.536, Bull. 2018, I, (renvoi devant le tribunal des conflits et sursis à statuer) ; Tribunal des conflits, 8 octobre 2018, n° 4133, Bul. 2018, T. conflits, publié au Recueil Lebon.

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