Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

POSTES ET COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES

Soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.007, n° 17-20.008, (P)

Rejet

La Poste – Contrat de travail – Elément du salaire – Complément Poste – Montant – Attribution – Différence de traitement – Principe d'égalité de traitement – Atteinte – Appréciation – Modalités – Examen comparatif des compléments Poste – Eléments pris en compte – Exclusion – Différentiel complément Poste – Portée

La Poste – Contrat de travail – Elément du salaire – Complément Poste – Montant – Attribution – Différence de traitement – Principe d'égalité de traitement – Atteinte – Conditions – Fonctions identiques ou similaires – Charge de la preuve – Détermination – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-20.007 et 17-20.008 ;

Sur les premier et second moyens des pourvois réunis :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 29 mars 2017), que Mmes Y... et C..., salariées de La Poste, ont, par acte du 29 mai 2013, saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaires au titre du « complément Poste » ;

Attendu que La Poste fait grief aux arrêts de faire droit aux demandes des salariées, alors, selon le moyen :

1°/ que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en l'espèce,

La Poste avait rappelé, dans ses écritures, qu'un accord collectif conclu à La Poste le 5 février 2015 a supprimé le complément Poste et lui a substitué une double allocation comprenant d'une part, un complément de rémunération et, d'autre part, pour certains agents bénéficiant, à sa date, d'un complément Poste plus élevé que ce complément de rémunération, une « indemnité de carrière antérieure personnelle » destinée à permettre (article II-1) « le maintien, à titre personnel, du montant du complément Poste acquis avant la date de mise en oeuvre du présent accord », et dont il est précisé qu'elle « est héritée notamment de la perte antérieure de dispositifs de primes et indemnités » ; qu'en accueillant cependant la demande en rappel de complément Poste des demandeurs sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet accord n'avait pas à la fois validé pour le passé et pérennisé pour l'avenir les différences de traitement existantes dans l'attribution du complément Poste, dont les partenaires sociaux ont ainsi reconnu qu'elles étaient non seulement fondées mais justifiées par la compensation de la perte des primes et indemnités antérieures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

2°/ que le complément Poste, tel que finalisé par la décision n° 717 du 4 mai 1995, a pour double vocation, d'une part, de rémunérer le niveau de fonction et la maîtrise du poste, d'autre part, d'indemniser les agents de la perte de primes et indemnités antérieures ; que, selon l'article 63 de cette décision et l'article 13 du « guide mémento des règles de gestion RH » PS-II.1, le « différentiel de complément Poste » versé à certains agents de droit privé ayant perçu antérieurement à son institution des primes et indemnités « hors normes », constitue une « composante » du complément Poste, qui représente « la différence entre ce complément et le complément indemnitaire précédemment versé » ; que cet élément de rémunération, dont l'unique particularité est d'être destiné aux agents ayant perçu des primes et indemnités d'un montant excédant le maximum du champ de normalité ou du seuil unique en l'absence de champ de normalité, a donc le même objet et la même finalité que la part indemnitaire du complément Poste, à savoir permettre le maintien, à titre personnel, de ces primes et indemnités antérieurement acquises ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 63 de la décision n° 717 du 4 mai 1995, ensemble l'article 13 du « Guide mémento des règles de gestion » PS-II.1 ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article 2 du code civil qu'une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu'il tient du principe d'égalité de traitement pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord ;

Attendu, ensuite, que l'égalité de rémunération doit être assurée pour chacun des éléments de la rémunération ; qu'ayant relevé que le « différentiel complément Poste » institué par les articles 61 et 63 de la décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste constitue un complément indemnitaire accordé aux agents affectés avant le 1er janvier 1995 au service général afin de maintenir le niveau de leurs indemnités après l'instauration du niveau unique du complément Poste, que les pratiques indemnitaires anciennes introduisant une dispersion hors norme pour moins de 10 % des agents, il a été décidé que la différence entre le complément Poste et le complément indemnitaire précédemment attribué sera versée sous l'appellation « différentiel complément Poste », la cour d'appel en a déduit à bon droit que cette indemnité dont bénéficiaient les deux salariées en cause qui ont été engagées avant 1995, ayant un objet et une finalité distincts de celui du complément Poste, ne devait pas être prise en compte dans la comparaison entre le complément Poste versé aux salariés et celui versé aux fonctionnaires se trouvant dans une situation identique ou similaire ;

Attendu, enfin, que, selon la délibération du 25 janvier 1995 du conseil d'administration de La Poste, les primes et indemnités perçues par les agents de droit public et les agents de droit privé et initialement regroupées au sein d'un complément indemnitaire ont été supprimées et incorporées dans un tout indivisible appelé « complément Poste » constituant désormais de façon indissociable l'un des sous-ensembles de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel et, selon la décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste, la rémunération des agents de La Poste se compose de deux éléments, d'une part, le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels, lié au grade et rémunérant l'ancienneté et l'expérience, d'autre part, le « complément Poste », perçu par l'ensemble des agents, qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste ; qu'en application du principe d'égalité de traitement, pour percevoir un complément Poste du même montant, un salarié doit justifier exercer au même niveau des fonctions identiques ou similaires à celles du fonctionnaire auquel il se compare ;

Et attendu qu'après avoir constaté que La Poste s'était engagée, aux termes de l'accord salarial du 10 juillet 2001 à combler d'ici fin 2003 l'écart existant entre les compléments poste des agents contractuels des niveaux I.2, I.3 et II.1 et ceux perçus par les fonctionnaires de même niveau, la cour d'appel a relevé d'abord, que les salariées, qui avaient renoncé à leurs demandes postérieures à l'entrée en vigueur de l'accord du 2 février 2015, se comparaient à un fonctionnaire exerçant comme elles les fonctions de guichetier confirmé, dont le montant mensuel du « complément Poste » était supérieur à celui qu'elles percevaient, ensuite, que La Poste fournissait pour seule explication à cette différence, un historique de carrière distinct du fonctionnaire ainsi que la renonciation par les fonctionnaires aux indemnités et primes perçues avant 1995, contredisant ainsi le plan de convergence progressive qu'elle avait mis en place pour combler l'écart existant ; qu'elle en a exactement déduit que la différence de traitement n'était justifiée par aucune raison pertinente et que le principe « à travail égal salaire égal » avait été méconnu ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur) - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Balat -

Textes visés :

Article 2 du code civil ; décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste ; principe d'égalité de traitement.

Rapprochement(s) :

Sur l'application dans le temps d'une convention ou d'un accord collectif, à rapprocher : Soc., 24 janvier 2007, pourvoi n° 04-45.585, Bull. 2007, V, n° 14 (2) (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité. Sur le principe que l'égalité de rémunération doit être assurée pour chacun des éléments de la rémunération, cf. : CJCE, arrêt du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, § 34 ; CJCE, arrêt du 26 juin 2001, Brunnhofer, C-381/99, § 35 et suivants. Sur le contentieux dit du « complément Poste », à rapprocher : Soc., 4 avril 2018, pourvoi n° 16-27.703, Bull. 2018, V, n° 63 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.

Soc., 14 novembre 2018, n° 17-11.294, (P)

Rejet

La Poste – Instruction du 4 février 2005 – Maintenance des postes de travail – Effets – Nouvelle fonction de rattachement d'un poste de travail – Fonction de rattachement d'un niveau supérieur au niveau de classification du salarié – Accès du salarié au niveau de classification du poste – Modalités – Procédure de promotion interne résultant de l'accord d'entreprise du 6 juin 2006 – Nécessité – Portée

Il résulte d'une part de l'instruction du 4 février 2005 relative à la maintenance des postes de travail au sein de La Poste, que lorsque la nouvelle fonction de rattachement est d'un niveau supérieur au niveau de classification du salarié, l'accès de celui-ci au niveau de classification du poste se fera selon les dispositifs de promotion en vigueur et d'autre part, de l'accord d'entreprise du 6 juin 2006 relatif à la promotion au sein de la société La Poste, que l'accès aux fonctions de cadre supérieur qui constituent un franchissement significatif de niveau de responsabilité, s'effectue par la seule voie de la reconnaissance du potentiel professionnel (RPP).

Justifie ainsi sa décision la cour d'appel, qui constatant qu'à la suite de la campagne de maintenance 2010, le poste de travail du salarié avait été rattaché à la fonction de chef de projet MOE informatique relevant du groupe A, en a déduit qu'il devait se soumettre à la procédure de promotion interne résultant de l'accord du 6 juin 2006.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 novembre 2016), et les pièces de la procédure, que M. Y... a été engagé, à compter du 1er octobre 2006, en qualité d'intégrateur sur plates formes par la société La Poste, niveau III-3 de la convention commune de La Poste France-Télécom ; qu'à la suite d'une campagne de maintenance des postes de travail ouverte en 2010, son poste a été rattaché à la fonction de chef de projet MOE informatique groupe A classification IV-1 à compter du 21 septembre 2010 ; que revendiquant une reclassification professionnelle et une revalorisation salariale, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rattachement à la fonction de chef de projet MOE informatique relevant du grade ICS-1 à compter du 21 septembre 2010, du grade ICS2 à compter du 21 septembre 2012 et de ses demandes de rappel de salaires, alors, selon le moyen :

1°/ que pour déterminer la qualification attribuée à un salarié, le juge doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées ; qu'en se contentant, pour débouter le salarié de ses demandes, d'écarter l'application de l'accord d'entreprise du 12 juillet 1996 pour l'amélioration de la gestion des agents contractuels régis par la convention commune La Poste France-Télécom pour retenir celle de l'accord du 6 juin 2006 relatif à la promotion au sein de la société La Poste, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si M. Y... n'exerçait pas effectivement des fonctions supérieures à celles prévues dans son contrat de travail, ce qui résultait d'ailleurs des constatations mêmes des premiers juges et avait été admis par les supérieurs hiérarchiques du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil ;

2°/ qu'ainsi que le soulignait M. Y... dans ses écritures, l'accord d'entreprise du 12 juillet 1996 pour l'amélioration de la gestion des agents contractuels régis par la convention commune La Poste France-Télécom, toujours en vigueur et non remis en cause par l'accord du 6 juin 2006 relatif à la promotion au sein de la société La Poste, régit les modifications de classification de poste résultant notamment des opérations de maintenance des postes de travail ; que, conformément aux dispositions de l'article 7 de cet accord d'entreprise, en cas de classification du contrat de travail à un niveau supérieur à celui du contrat détenu, l'agent bénéficie d'un avenant afin de porter le niveau figurant sur le contrat au niveau de reclassification obtenu après vérification de son poste ; qu'en estimant, pour débouter de l'ensemble de ses demandes M. Y..., dont il était par ailleurs constant qu'il occupait des fonctions supérieures à celles prévues dans son contrat de travail, que les dispositions de l'accord d'entreprise du 12 juillet 1996 ne régiraient que les conséquence de la classification initiale de 1996 et n'étaient pas applicables, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil et L. 2254-1 du code du travail ;

3°/ qu'en écartant l'application de l'accord d'entreprise du 12 juillet 1996 dont l'article 7 dispose qu'en cas de classification du contrat de travail à un niveau supérieur à celui du contrat détenu, l'agent bénéficie d'un avenant afin de porter le niveau figurant sur le contrat au niveau de reclassification obtenu après vérification de son poste, au bénéfice d'une instruction du 4 février 2005 publiée au bulletin des ressources humaines de la société La Poste, énonçant que l'accès du salarié au niveau supérieur de classification de sa nouvelle fonction de rattachement, se fera selon les dispositifs de promotion en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil et L. 2254-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant rappelé, par motifs propres et adoptés, qu'aux termes de l'instruction du 4 février 2005 relative à la maintenance des postes de travail, lorsque la nouvelle fonction de rattachement est d'un niveau supérieur au niveau de classification du salarié, l'accès de celui -ci au niveau de classification du poste se fera selon les dispositifs de promotion en vigueur, et qu'aux termes de l'accord d'entreprise du 6 juin 2006 relatif à la promotion au sein de la société La Poste, l'accès aux fonctions de cadre supérieur qui constituent un franchissement significatif de niveau de responsabilité, s'effectue par la seule voie de la reconnaissance du potentiel professionnel (RPP), la cour d'appel, qui a constaté qu'à la suite de la campagne de maintenance 2010, le poste de travail du salarié avait été rattaché à la fonction de chef de projet MOE informatique relevant du groupe A, en a exactement déduit, sans encourir les griefs visés par la deuxième et la troisième branches du moyen, qu'il devait se soumettre à la procédure de promotion interne résultant de l'accord du 6 juin 2006 ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Accord d'entreprise du 6 juin 2006 relatif à la promotion au sein de la société La Poste ; instruction RH de la société La Poste du 4 février 2005 relative à la maintenance des postes de travail.

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