Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS

1re Civ., 28 novembre 2018, n° 17-31.144, (P)

Cassation partielle

Notaire – Responsabilité – Obligation de vérifier – Vérification de la capacité du client – Consultation nécessaire des publications légales afférentes aux procédures collectives – Recherche suffisante

Viole l'article 1382, devenu 1240 du code civil, une cour d'appel qui, pour retenir un manquement du notaire à son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte de vente auquel il a prêté son concours, retient que, par une simple recherche sur internet, accessible à tous, celui-ci était en mesure de faire le lien entre le vendeur et la société dont il était le gérant et, partant, de s'interroger sur la situation réelle du vendeur, en consultant notamment l'extrait Kbis de cette société, qui lui aurait révélé l'existence d'une procédure collective, alors que le notaire n'était pas tenu de procéder à d'autres recherches que celles consistant en la consultation des publications légales, dont il n'était pas établi qu'elles auraient permis de déceler la mise en liquidation judiciaire du vendeur.

Notaire – Responsabilité – Obligation de vérifier – Etendue – Limites – Détermination – Portée

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme D... ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 18 décembre 1998 a placé la société Pressigny palettes en liquidation judiciaire ; qu'un jugement du 12 octobre 2007 a mis en liquidation judiciaire M. Z..., précédemment gérant de cette société, pour défaut d'exécution de sa condamnation au titre de l'action en comblement de passif ; que, par acte authentique du 26 mars 2014 reçu par M. X... (le notaire), M. Z... et son épouse ont vendu à Mme D... (l'acquéreur) une maison à usage d'habitation moyennant le prix de 40 000 euros ; que, suivant ordonnance du 15 avril 2014, le juge-commissaire a autorisé M. C..., mandataire à la liquidation judiciaire de M. Z... (le liquidateur), à vendre cette maison aux enchères publiques, sur la mise à prix de 40 000 euros ; que le liquidateur a assigné M. et Mme Z..., l'acquéreur et le notaire, sur le fondement des articles L. 640-1 et suivants du code de commerce, en inopposabilité à son égard de la vente de l'immeuble et en paiement du prix de vente, déduction faite de la somme de 20 000 euros versée par le Trésor public ;

Attendu que, pour déclarer l'acte de vente inopposable à la liquidation judiciaire de M. Z..., condamner in solidum ce dernier et le notaire à payer au liquidateur la somme de 20 000 euros et condamner M. et Mme Z... à garantir le notaire des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt retient que M. Z..., qui a indiqué au notaire être agent d'entretien, n'était pas inscrit au registre du commerce, que la mention de la procédure collective ouverte à son égard a été portée au registre du commerce et des sociétés, non pas à son nom mais à celui de la société Pressigny palettes, société dont le notaire n'avait pas connaissance, mais que le liquidateur établit, par la production de captures d'écran, qu'une simple recherche sur Internet, via le moteur de recherche google.fr, en entrant les termes « Y... Z... », renvoie au site www.société.com, dont la consultation permet de constater que le nom recherché figure comme dirigeant de la société Pressigny palettes ; qu'il ajoute que, par cette simple recherche, accessible à tous, le notaire était en mesure de faire le lien entre M. Z... et la société Pressigny palettes et, partant, de s'interroger sur la réelle situation du vendeur, en consultant notamment le Kbis de cette société, qui lui aurait révélé l'existence de la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le notaire n'était pas tenu de procéder à d'autres recherches que celles consistant en la consultation des publications légales, dont il n'était pas établi qu'elles auraient permis de déceler la mise en liquidation judiciaire de M. Z..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à M. C..., ès qualités, la somme de 20 000 euros, l'arrêt rendu le 5 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Mornet - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 1382, devenu 1240 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 8 janvier 2009, pourvoi n° 07-18.780, Bull. 2009, I, n° 1 (rejet) ; 1re Civ., 29 juin 2016, pourvoi n° 15-17.591, Bull. 2016, I, n° 147 (cassation partielle).

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