Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

FILIATION

1re Civ., 7 novembre 2018, n° 17-25.938, (P)

Rejet

Actions relatives à la filiation – Action en contestation et en recherche de paternité – Prescription prévue par l'article 321 du code civil – Convention européenne des droits de l'homme – Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale – Compatibilité – Applications diverses

Une cour d'appel qui relève que la demanderesse à une action en contestation et en recherche de paternité a disposé de délais très importants pour agir afin de faire établir sa filiation biologique et s'est abstenue de le faire dans le délai légal, qu'elle a attendu le décès du père prétendu et l'ouverture de sa succession pour exercer l'action alors qu'elle avait des liens affectifs avec lui depuis sa petite enfance et, en particulier, qu'elle avait encore la possibilité d'agir après avoir appris la vérité sur sa filiation biologique, peut en déduire que le délai de prescription qui lui est opposé respecte un juste équilibre et qu'il ne porte pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 6 juillet 2017), que Mme Y... a été inscrite à l'état civil comme étant née le [...] de Paulette K... et Jacques Y..., son époux ; que ceux-ci sont décédés respectivement les [...] ; que, par testament authentique reçu le 5 octobre 2010, Guy C... a déclaré reconnaître Mme Y... comme étant sa fille ; qu'il est décédé le [...] ; qu'en décembre 2014 et janvier 2015, Mme Y... a assigné ses sept frères et soeurs, un neveu, par représentation de son père décédé, ainsi que Mme Marie-Claire C..., fille de Guy C..., et ses deux filles mineures, L... et M..., en contestation de la paternité de Jacques Y... et établissement de celle de Guy C... ; que Mme Marie-Claire C... s'est opposée à cette action ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer son action en contestation de paternité irrecevable et de rejeter sa demande d'expertise biologique, alors, selon le moyen :

1°/ que la filiation est un élément essentiel du droit à l'identité personnelle, partie intégrante du droit au respect de la vie privée au sens de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'ensuit que l'action tendant, pour un enfant, à faire établir sa filiation biologique est une action d'état devant demeurer imprescriptible a fortiori lorsque le parent biologique a manifesté son intention d'établir son lien de filiation ; qu'en l'espèce, le lien de filiation de Mme Y... à l'égard de M. C... était établi par un test ADN auquel M. C... s'était spontanément livré ; que l'action intentée par Mme Y... n'avait d'autre objet que de mettre sa situation juridique en conformité avec la réalité biologique, conformément à la volonté formellement exprimée, de son vivant, par M. C... ; qu'en jugeant néanmoins qu'il y avait lieu de faire application de l'article 321 du code civil pour déclarer l'action irrecevable, la cour a porté atteinte à la substance du droit à la filiation biologique de la requérante ;

2°/ que la filiation est un élément essentiel du droit à l'identité personnelle, partie intégrante du droit au respect de la vie privée au sens de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'ensuit que les juges, doivent, pour statuer sur une action relative à la filiation fondée sur les articles 320 et suivants du code civil, apprécier si concrètement, dans l'affaire qui leur est soumise, la mise en oeuvre d'une prescription ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale conventionnellement garanti, une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; qu'en objectant à Mme Y... de s'être abstenue d'agir dans le délai de prescription (soit [...] 2011) motif pris de sa connaissance de la probabilité de la paternité de M. C..., plus d'un an avant l'expiration de ce délai, sans autrement s'expliquer sur la tardiveté de cette révélation, ni sur la volonté formellement exprimée par son véritable père dans un testament du 5 octobre 2010 (soit dans le délai de prescription) et pas davantage sur l'espérance légitime de la requérante de voir sa filiation établie par l'effet d'un testament qui l'avait déterminée à ne pas exercer alors d'action judiciaire, tandis que le parquet lui-même s'opposera à la transcription de sa filiation le 6 juin 2014, soit après l'expiration du délai susmentionné, la cour n'a pas opéré une balance concrète entre les intérêts en présence et s'est bornée à faire abstraitement application d'un délai de forclusion sans égard pour les circonstances spéciales justifiant l'absence d'action judiciaire dans le délai ainsi que la fermeture de tout recours utile contre la décision du parquet, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que le droit au respect de la vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comprend, outre le droit de faire reconnaître son ascendance, celui de connaître son ascendance ; qu'il en résulte que la prescription de l'action relative à la filiation ne fait pas obstacle à une action tendant à la reconnaissance de l'ascendance génétique par voie d'expertise ; qu'en l'espèce Mme Y... sollicitait à titre principal l'établissement de sa filiation biologique à l'égard de M. C... et subsidiairement, que soit ordonné une expertise biologique aux fins de caractériser cette ascendance génétique ; que pour débouter la requérante de cette demande spécifique, la cour se contente de constater la prescription de l'action relative à la filiation ; qu'en statuant ainsi, la cour a méconnu le caractère autonome de l'action en reconnaissance de l'ascendance par voie d'expertise et violé les dispositions précitées ;

Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article 320 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, la filiation légalement établie fait obstacle, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait ;

Que l'arrêt en déduit exactement que Mme Y... ne pouvait faire établir un lien de filiation avec Guy C... sans avoir, au préalable, détruit le lien de filiation avec Jacques Y... ;

Attendu, ensuite, que le délai pour agir en contestation de paternité, qui était de trente ans en application des textes et de la jurisprudence antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, est désormais de dix ans, en l'absence de possession d'état conforme au titre, en application des articles 334 et 321 du code civil, issus de cette ordonnance ; qu'il résulte de l'article 2222, alinéa 2, du code civil qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Que le délai de dix ans applicable à l'action en contestation de paternité de Mme Y..., qui a couru à compter du 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, ne peut donc excéder la durée de trente ans, courant à compter de la majorité, prévue par la loi antérieure ;

Attendu qu'ayant relevé que Mme Y..., née le [...], était devenue majeure le [...], de sorte que le délai pour agir en contestation de paternité expirait [...] 2011, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en contestation de paternité engagée en décembre 2014, après l'expiration du délai de prescription prévu par la loi antérieure, était irrecevable ;

Attendu que, selon le moyen, cette solution porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme Y..., garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'aux termes de ce texte :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Attendu que ces dispositions sont applicables en l'espèce dès lors que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée ;

Attendu que, si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée, cette ingérence est, en droit interne, prévue par la loi, dès lors qu'elle résulte de l'application des textes précités du code civil, qui définissent de manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation ; que cette base légale est accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets ;

Qu'elle poursuit un but légitime, au sens du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique ;

Que les délais de prescription des actions en contestation de paternité ainsi fixés par la loi, qui laissent subsister un délai raisonnable pour permettre à l'enfant d'agir après sa majorité, constituent des mesures nécessaires pour parvenir au but poursuivi et adéquates au regard de cet objectif ;

Que, cependant, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ;

Attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que Mme Y... n'a jamais été empêchée d'exercer une action tendant à faire établir sa filiation biologique, mais s'est abstenue de le faire dans le délai légal ; qu'il constate qu'alors qu'elle avait des liens affectifs avec Guy C... depuis sa petite enfance, elle a attendu son décès, le [...], et l'ouverture de sa succession pour exercer l'action ; qu'il ajoute qu'elle a disposé de délais très importants pour agir et qu'elle disposait encore d'un délai jusqu'au [...] 2011, lorsqu'elle a été rendue destinataire, le 6 février 2010, d'un test de paternité établissant, selon elle, de façon certaine, le lien de filiation biologique avec Guy C... ;

Que de ces constatations et énonciations, dont il ressort que Mme Y... a eu la possibilité d'agir après avoir appris la vérité sur sa filiation biologique, la cour d'appel a pu déduire que le délai de prescription qui lui était opposé respectait un juste équilibre et qu'il ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : Me Bouthors ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 321 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.068, Bull. 2016, I, n° 216 (rejet), et l'arrêt cité.

1re Civ., 21 novembre 2018, n° 17-21.095, (P)

Cassation

Actions relatives à la filiation – Actions aux fins d'établissement de la filiation – Action en recherche de paternité – Prescription prévue par l'article 321 du code civil – Convention européenne des droits de l'homme – Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale – Proportionnalité – Appréciation concrète – Recherche nécessaire

Si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la prescription des actions relatives à la filiation est prévue par la loi et poursuit un but légitime en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique.

Il appartient toutefois au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre des dispositions de droit interne relatives à la prescription de l'action ne porte pas, au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention, une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi.

En conséquence, prive sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 321 du code civil, une cour d'appel qui retient qu'une action en recherche de paternité est prescrite, et que ce délai de prescription tend à protéger la sécurité juridique et les droits des tiers, de sorte qu'il n'est pas contraire à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre des délais légaux de prescription n'était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu.

Donne acte à M. K... X... du désistement de son pourvoi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 321 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-13.133), que M. Bernard X..., né le [...] de Marie F... et reconnu par Camille X... [...], a engagé, [...], une action en contestation de la paternité de ce dernier et en établissement judiciaire de la paternité d'Auguste Z... à son égard ;

Attendu que, pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt retient que, M. Bernard X... étant devenu majeur le 25 août 1981, la prescription de l'action en recherche de paternité était acquise au 1er juillet 2006 et que ce délai de prescription tend à protéger la sécurité juridique et les droits des tiers, de sorte qu'il n'est pas contraire à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription n'était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Azar - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 321 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.068, Bull. 2016, I, n° 216 (rejet), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 1 février 2017, pourvoi n° 15-27.245, Bull. 2017, I, n° 35 (2) (rejet).

1re Civ., 7 novembre 2018, n° 17-26.445, (P)

Rejet

Actions relatives à la filiation – Jugements – Publicité – Inobservation – Nullité – Nécessité de l'invoquer par simples observations au moment du prononcé du jugement

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 juin 2017), que A... Y... a été déclarée à l'état civil comme étant née le [...] de Mme X... et M. Y..., son époux ; que M. Z... l'a reconnue le 15 novembre 2007 ; que, n'ayant pu faire transcrire cette reconnaissance en marge de l'acte de naissance de l'enfant, il a, par actes des 27 mars 2008 et 30 avril 2009, assigné M. et Mme Y... en contestation de la paternité de M. Y... et en établissement de sa paternité ; qu'un jugement du 18 décembre 2009 a déclaré son action recevable et ordonné une expertise biologique ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de dire que M. Z... est le père de A... Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que les décisions en matière de filiation sont prononcées en audience publique ; qu'en prononçant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel qui était saisie d'une action en contestation de paternité a violé les articles 451, 458, 1149 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que tout jugement doit mentionner, à peine de nullité, le nom du représentant du ministère public s'il a assisté aux débats ; qu'en s'abstenant de mentionner le nom du représentant du ministère public ayant assisté aux débats dans le cadre d'une action en contestation de paternité où la communication de l'affaire au ministère public est d'ordre public, la cour d'appel a violé les articles 425, 454, 458 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu, d'abord, que si, aux termes de l'article 1149 du code de procédure civile, lorsqu'elle est saisie d'une action relative à la filiation, la juridiction prononce un jugement en audience publique, après instruction de l'affaire et débats en chambre du conseil, il résulte de l'article 458, alinéa 2, du même code que la nullité pour inobservation de la publicité de la décision ne peut être ultérieurement soulevée si elle n'a pas été invoquée au moment de son prononcé par simples observations dont il est fait mention au registre d'audience ; qu'il n'est pas allégué que de telles observations aient été formulées, de sorte qu'en sa première branche, le moyen n'est pas recevable ;

Et attendu, ensuite, que, le ministère public étant partie jointe à l'instance, l'affaire devait lui être communiquée en application de l'article 425, 1°, du code de procédure civile, mais il n'était pas tenu d'assister à l'audience en application de l'article 431 du même code ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le ministère public n'était pas représenté à l'audience, de sorte que la deuxième branche, qui reproche à la cour d'appel de ne pas avoir mentionné le nom de son représentant, est sans portée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme Y... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'une action en contestation de paternité doit être exercée, à peine d'irrecevabilité, contre le père dont la filiation est contestée et contre l'enfant ; que dans une telle action, les intérêts de l'enfant mineur dont la filiation est contestée étant en opposition avec ceux de ses représentants légaux, il ne peut être représenté que par un administrateur ad hoc ; et qu'en matière d'état des personnes, les fins de non-recevoir ont un caractère d'ordre public ; qu'en accueillant l'action en contestation de paternité diligentée par M. Z..., sans relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de A... Y... dont la filiation était contestée, prise en la personne d'un mandataire ad hoc, la cour d'appel a violé les articles 14, 125 du code de procédure civile, 332, 333, 334, 388-2 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que, le jugement avant dire droit du 18 décembre 2009, devenu irrévocable, ayant, dans son dispositif, déclaré l'action recevable et ordonné une expertise biologique, l'autorité de la chose jugée attachée à ce chef de dispositif s'opposait à ce que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de l'enfant soit relevée d'office par la cour d'appel ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. et Mme Y... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir ; qu'une simple action en contestation de paternité exercée par un tiers et une reconnaissance de paternité ne sont pas de nature à elles seules à vicier une possession d'état caractérisée en tous ses éléments ; qu'en jugeant que la simple reconnaissance par M. Z... de A... Y... après sa naissance et son assignation en contestation de paternité étaient de nature à priver la possession d'état de M. Y... -établie en tous ses éléments- de ses caractères paisibles et non équivoque, la cour d'appel a violé les articles 311-1 et 311-2 du code civil ;

2°/ que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir ; qu'une action en contestation de paternité irrecevable exercée par un tiers et une reconnaissance de paternité ne sont pas de nature à elles seules à vicier une possession d'état caractérisée en tous ses éléments ; qu'en jugeant que la simple reconnaissance par M. Z... de A... Y... après sa naissance et son assignation en contestation de paternité irrecevable par l'absence de mise en cause de l'enfant étaient de nature à priver la possession d'état de M. Y... -établie en tous ses éléments- de ses caractères paisibles et non équivoque, la cour d'appel a violé les articles 311-1 et 311-2 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté que M. Z... avait reconnu l'enfant moins de trois mois après sa naissance et assigné M. et Mme Y... pour faire établir sa paternité, a pu en déduire que la possession d'état de l'enfant à l'égard de M. Y..., qui n'était ni paisible ni dépourvue d'équivoque, ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 311-2 du code civil ;

Et attendu, ensuite, que M. et Mme Y... n'ont pas soutenu, dans leurs conclusions, que, l'action de M. Z... étant irrecevable, elle n'était pas de nature à vicier la possession d'état ; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait en sa seconde branche, partant irrecevable ;

D'où il suit qu'il ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. et Mme Y... font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit que pour un motif légitime et à condition que cette atteinte ne soit pas disproportionnée ; qu'en énonçant de manière péremptoire que l'intérêt supérieur de l'enfant imposait qu'il connaisse sa filiation biologique réelle bien que l'action en contestation de paternité de M. Z... et la reconnaissance subséquente constituent une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale et l'intérêt supérieur de l'enfant au regard du fait que A... Y... n'est pas à l'origine de l'action tendant à l'établissement de sa filiation biologique, qu'elle a toujours vécu avec M. Y... et porté son nom, a été élevée par lui, le considérant comme son père et étant considérée par tous comme son enfant depuis près de dix ans, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 3, § 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il n'est pas de l'intérêt supérieur de A... de dissimuler sa filiation biologique et de la faire vivre dans un mensonge portant sur un élément essentiel de son histoire ; qu'il ajoute qu'il sera peut-être difficile pour l'enfant de devoir considérer M. Z... comme son père mais qu'il appartiendra à M. et Mme Y... de l'aider à appréhender cette situation ; que la cour d'appel, qui a pris en considération le droit au respect de la vie privée de l'enfant et son intérêt supérieur, qu'elle a apprécié souverainement et au regard des circonstances particulières du dossier, a statué dans le respect des exigences conventionnelles résultant des textes précités ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat(s) : Me Le Prado -

Textes visés :

Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; articles 425, 451, 454, 458 et 1149 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Com., 23 mars 1999, pourvoi n° 97-30.319, Bull. 1999, IV, n° 70 (1) (rejet), et l'arrêt cité.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.