Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 7 novembre 2018, n° 17-16.176, (P)

Irrecevabilité

Liquidation judiciaire – Clôture – Procédure – Délai d'examen de la clôture – Jugement de prorogation – Nature – Mesure d'administration judiciaire – Portée

La décision par laquelle le tribunal proroge le délai d'examen de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire en application de l'article L. 643-9, alinéa 1, du code de commerce et rejette, par voie de conséquence, la demande de clôture faite par le débiteur pour s'opposer à ce report, est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir, contrairement à la décision qui rejetterait la demande de clôture de la procédure formée par le débiteur à tout autre moment, en application de l'article L. 643-9, alinéa 4, du même code.

Liquidation judiciaire – Clôture – Procédure – Demande de clôture formée par le débiteur en application de l'article L. 643-9, alinéa 4, du code de commerce – Décision de rejet – Nature – Mesure d'administration judiciaire (non)

Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 537 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2017), qu'un jugement du 9 avril 2013 a prononcé la résolution du plan de redressement de M. X... et sa liquidation judiciaire, en fixant au 9 avril 2014 le délai au terme duquel la clôture de la procédure devrait être examinée, délai prorogé au 9 avril 2016 par un jugement du 27 février 2014 ; qu'une ordonnance rendue le 22 octobre 2014 par le juge-commissaire, autorisant la vente aux enchères publiques d'un immeuble appartenant à M. X..., a été frappée d'appel par le débiteur, qui a, en outre, demandé et obtenu le renvoi du litige devant la cour d'appel de Paris, en application de l'article 47 du code de procédure civile ; que le débiteur a été convoqué par le greffe devant le tribunal afin qu'il soit statué sur la prorogation du terme de la liquidation judiciaire que sollicitait le liquidateur ; que le débiteur s'est opposé à la prorogation et a demandé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire ; que le tribunal a prorogé de deux ans le délai au terme duquel la clôture de la procédure serait examinée, soit jusqu'au 9 avril 2018 ; que M. X... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt ayant déclaré irrecevable l'appel qu'il avait formé contre ce jugement ;

Mais attendu que la décision par laquelle le tribunal proroge le délai d'examen de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire en application de l'article L. 643-9, alinéa 1, du code de commerce et rejette, par voie de conséquence, la demande de clôture faite par le débiteur pour s'opposer à ce report, est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir, contrairement à la décision qui rejetterait la demande de clôture de la procédure formée par le débiteur à tout autre moment, en application de l'article L. 643-9, alinéa 4, du même code ; qu'en conséquence, M. X..., dont l'appel de cette décision n'était pas recevable, n'est pas davantage recevable à se pourvoir en cassation ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Richard ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article L. 643-9, alinéas 1 et 4, du code de commerce ; article 537 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Dand le même sens que : Com., 22 mars 2016, pourvoi n° 14-21.919, Bull. 2016, IV, n° 44 (irrecevabilité), et l'arrêt cité.

Com., 21 novembre 2018, n° 17-12.761, n° 17-17.559, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Instance en cours – Interruption – Domaine d'application – Exclusion – Rapport à succession

Une instance pendante ayant pour objet un rapport à succession ne constitue pas une instance en cours au sens de l'article L. 622-22 du code de commerce et n'est pas non plus interrompue par la mise en liquidation judiciaire du débiteur en application de l'article 369 du code de procédure civile, dès lors qu'elle se rapporte à l'exercice d'un droit propre et n'emporte donc pas dessaisissement du débiteur. Le liquidateur doit cependant être mis en cause dans une telle instance, en raison de l'indivisibilité de son objet entre le débiteur et son liquidateur, dès lors qu'elle a une incidence patrimoniale. Le jugement obtenu en l'absence d'une telle mise en cause peut néanmoins être régularisé si, en cause d'appel, le liquidateur devient partie à l'instance.

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Instance ayant une incidence patrimoniale – Mise en cause du liquidateur judiciaire – Nécessité – Portée

Joint les pourvois n° 17-12.761 et 17-17.559, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Yvette E... veuve A... est décédée en laissant pour lui succéder Mmes Marie-Françoise A... B..., Roselyne A... B... et Anne-Marie A... C... (les consorts A...) et M. Z... ; qu'un jugement du 30 décembre 2010 a ouvert les opérations de liquidation et partage de la succession et désigné un expert afin de déterminer les avantages devant donner lieu, de la part de M. Z..., à rapport à la succession ; que le 12 mai 2011, au cours de l'instance d'appel afférente à ce jugement, M. Z... a été mis en liquidation judiciaire et M. Y..., liquidateur, est intervenu volontairement à l'instance qui a donné lieu à un arrêt confirmatif du 26 janvier 2012 ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, un jugement du 7 janvier 2014, auquel le liquidateur n'a pas été partie, a dit que M. Z... devrait rapporter des sommes à la succession ; que M. Z... et son liquidateur ont relevé appel de ce second jugement, en demandant le prononcé de sa « nullité », outre, s'agissant de M. Z..., la « nullité » de l'expertise judiciaire ;

Sur les premiers moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. Z... et son liquidateur font grief à l'arrêt de rejeter leurs exceptions de nullité et de procédure, en conséquence, de dire que M. Z... devra rapporter à la succession une somme aux titres d'avantages reçus et d'indemnités d'occupation, et de rejeter la demande de M. Z... tendant à voir dire qu'en cas de déclassification de deux parcelles dépendant de la succession, au jour du partage, Mme Roselyne B... devra prendre en charge la différence entre l'évaluation au jour du partage et le prix au jour où la vente des terrains constructibles aura pu être réalisée alors, selon le moyen :

1°/ que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que les jugements intervenus en dépit de l'interruption de l'instance sont réputés non avenus ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; que l'instance en cours devant le tribunal de grande instance du Mans relative aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme Yvette E... a, en conséquence, été interrompue ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'aucun acte de reprise d'instance n'est intervenu devant ce tribunal ; qu'en refusant cependant de dire non avenu le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 7 janvier 2014, hors la présence de la Selarl Sarthe mandataire, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z..., et en l'absence de confirmation du jugement par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

2°/ que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il importe peu que l'action en justice relative aux droits et biens acquis au titre d'une succession engagée au moment de la mise en liquidation judiciaire n'induise pas la constitution d'une dette à la charge du débiteur ; qu'en retenant que le litige qui porte sur la détermination de l'actif successoral à partager et les rapports éventuels de co-héritiers n'impliquait pas nécessairement l'appel à la cause de M. Y..., au motif inopérant que le fait de rapporter des sommes à une succession n'induit pas obligatoirement la constitution d'une dette à la charge du co-héritier, à l'issue des opérations de partage, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

3°/ que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que la reprise ne peut intervenir que suite à la mise en cause du liquidateur ; qu'il appartient à toute partie intéressée de reprendre l'instance ; qu'en jugeant qu'il appartenait à M. Y..., par la connaissance qu'il avait des enjeux patrimoniaux du litige et des effets éventuels vis-à-vis de la procédure de liquidation judiciaire d'intervenir volontairement et de se constituer devant le premier juge, sans nécessité d'une quelconque assignation à l'initiative de Mmes A... lors de la reprise de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile ;

4°/ qu'une motivation inintelligible équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour débouter la société Sarthe mandataire et M. Y... de leurs demandes tendant à voir dire le jugement du 7 janvier 2014 non avenu, que « le placement en liquidation judiciaire étant intervenu avant la reprise de l'instance, il n'entraînait pas à nouveau l'interruption de la procédure, le liquidateur s'étant en outre constitué dès la procédure d'appel antérieure », la cour d'appel a statué par des motifs inintelligibles en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que l'instance devant le tribunal de grande instance avait valablement reprise en raison de la reprise de l'instance d'appel, l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession ; que l'instance d'appel est distincte de l'instance de première instance si bien que la reprise de l'instance d'appel ne vaut pas reprise de la première instance encore pendante ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; que l'instance en cours devant le tribunal de grande instance du Mans relative aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme Yvette E... a, en conséquence, été interrompue ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'aucun acte de reprise d'instance n'est intervenu devant ce tribunal ; qu'en considérant que l'intervention du liquidateur à la procédure d'appel antérieure valait reprise de la première instance et qu'il ne pouvait dès lors être fait grief à Mmes A... de ne pas avoir appelé M. Y... à la cause devant le tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile ;

6°/ que les instances en cours à la date du jugement de mise en liquidation judiciaire, qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, sont interrompues jusqu'à la déclaration faite par le créancier poursuivant de sa créance ; que les instances tendant au rapport à succession par le débiteur de diverses sommes d'argent doivent s'analyser comme tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en retenant que Mmes A... n'avaient pas à déclarer leurs créances pour que l'instance tendant au rapport à succession par M. Z... de diverses sommes d'argent puisse reprendre, la cour d'appel a violé les articles L. 641-3 et L. 622-22 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement à ce que postule le moyen pris en ses première et deuxième branches, lorsqu'est pendante, à la date du jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, une instance relative aux opérations de compte, liquidation et partage d'une indivision successorale dans laquelle il a des droits à faire valoir en qualité d'héritier, le débiteur dispose d'un droit propre pour continuer à défendre seul dans cette instance et n'est donc pas dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens et de ses droits relativement à une telle action ;

Attendu, en deuxième lieu, que le rapport s'effectue en valeur, par voie d'imputation de la valeur de la libéralité rapportable sur la part de l'héritier gratifié, et qu'il résulte de l'article 826 du code civil que ce n'est qu'au moment du partage qu'est due l'éventuelle créance de soulte compensant l'inégalité des lots et dont le gratifié peut être débiteur envers ses cohéritiers ; qu'il s'ensuit que l'instance tendant au rapport à une succession par un débiteur mis en liquidation judiciaire ne s'analyse pas en une instance en cours au sens de l'article L. 622-22 du code de commerce ; que dès lors, contrairement à ce que postule le moyen pris en sa sixième branche, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les consorts A... n'étaient pas tenus, dans le cadre d'une telle instance, de déclarer une créance au passif de la liquidation judiciaire de M. Z... ;

Et attendu, enfin, que, même si une instance pendante ayant pour objet un rapport à succession ne relève pas de l'article L. 622-22 du code de commerce et n'est pas non plus interrompue par la mise en liquidation judiciaire du débiteur en application de l'article 369 du code de procédure civile, dès lors qu'elle se rapporte à l'exercice d'un droit propre et n'emporte donc pas dessaisissement du débiteur, le liquidateur n'en doit pas moins être mis en cause dans une telle instance, en raison de l'indivisibilité de son objet entre le débiteur et son liquidateur, dès lors qu'elle a une incidence patrimoniale ; que le jugement obtenu en l'absence d'une telle mise en cause peut néanmoins être régularisé si, en cause d'appel, le liquidateur devient partie à l'instance ; qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, l'arrêt constate que la société Sarthe mandataire a comparu et conclu devant elle, en qualité de liquidateur de M. Z..., pour critiquer le jugement du 7 janvier 2014 rendu sans qu'elle ait été mise en cause devant les premiers juges, ce dont il ressort que la procédure a été régularisée en cause d'appel ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux justement critiqués par les troisième et cinquième branches, la décision se trouve justifiée ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche et qui ne peut être accueilli en ses troisième et cinquième, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur les seconds moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. Z... et son liquidateur font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que les actes accomplis après l'interruption de l'instance, dont les opérations d'expertise, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; qu'en refusant cependant de dire non avenu le rapport d'expertise déposé le 31 décembre 2012, hors la présence de la Selarl Sarthe mandataire, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z..., et en l'absence de confirmation du rapport par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'expertise judiciaire a été ordonnée par le jugement du 30 décembre 2010, confirmé par un arrêt du 26 janvier 2012 auquel le liquidateur a été partie pour être intervenu volontairement devant la cour d'appel, après la mise en liquidation judiciaire de M. Z... le 12 mai 2011 ; que par ces seules constatations, desquelles il ressort qu'après l'ouverture de cette liquidation judiciaire, l'instance d'appel, qui a abouti à l'arrêt du 26 janvier 2012 confirmant le chef de dispositif du jugement du 30 décembre 2010 désignant l'expert, a été régulièrement reprise à l'égard du liquidateur, de sorte que le rapport déposé ultérieurement par l'expert n'encourait pas la sanction du non avenu prévue par l'article 372 du code de procédure civile, la cour d'appel a pu rejeter les demandes tendant à voir dire « nulle » l'expertise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article L. 622-22 du code de commerce ; article 369 du code de procédure civile.

Com., 21 novembre 2018, n° 17-18.978, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Pouvoirs du juge – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 624-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014, que le juge de la vérification des créances saisi de la contestation d'une créance doit, avant de la déclarer irrecevable, se prononcer sur le caractère sérieux de cette contestation et son incidence sur l'existence ou le montant de la créance déclarée.

Si tel est le cas, le juge, ou la cour d'appel à sa suite, doit surseoir à statuer sur l'admission, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent. A l'inverse, si la contestation n'est pas sérieuse ou est sans influence sur l'admission, il doit l'écarter et admettre la créance déclarée.

Liquidation judiciaire – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Décisions du juge-commissaire – Défaut de pouvoir juridictionnel – Sursis à statuer – Nécessité

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant contrat de crédit-bail en date du 10 avril 2000, la société BNP Lease (la BNP) a donné du matériel en location à la société Y... PSM (la société) ; que le même jour, M. Y..., gérant de la société, s'est rendu caution solidaire de celle-ci en garantie du paiement des sommes dues au crédit-bailleur ; que par un jugement du 7 octobre 2015, M. Y... a été mis en liquidation judiciaire, la société A... étant désignée en qualité de liquidateur ; que la BNP a déclaré sa créance, qui a été contestée ; que le juge-commissaire ayant admis la créance, M. Y... et le liquidateur ont fait appel de l'ordonnance en soulevant la nullité du cautionnement et sa disproportion, et en demandant l'allocation de dommages-intérêts ;

Attendu que pour déclarer ces demandes irrecevables et confirmer l'ordonnance d'admission, l'arrêt retient que le juge-commissaire et, à sa suite, la cour d'appel ne sont pas compétents pour statuer sur la validité du contrat ayant donné naissance à la créance, ni sur l'opposabilité d'un cautionnement, ni sur une demande de dommages-intérêts formée par le débiteur contre le créancier, ni sur la responsabilité encourue par ce dernier dans l'exécution du contrat fondant la déclaration de créance et que le débat ouvert devant la cour d'appel, s'agissant de la validité de l'engagement de caution, échappe à l'évidence à sa compétence ;

Qu'en statuant ainsi, sans se prononcer au préalable sur le caractère sérieux de la contestation du débiteur et son incidence sur l'existence ou le montant de la créance déclarée, alors que, si tel avait été le cas, elle devait surseoir à statuer sur l'admission après avoir invité les parties à saisir le juge compétent ou, à l'inverse, si la contestation n'était pas sérieuse ou sans influence sur l'admission, elle devait l'écarter et admettre la créance déclarée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la révocation de l'ordonnance de clôture du 27 février 2017 à la date du 6 mars 2017, l'arrêt rendu le 3 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 624-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Com., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-16.414, Bull. 2017, (cassation).

Com., 21 novembre 2018, n° 17-18.094, (P)

Cassation

Organes – Juge-commissaire – Compétence – Exclusion – Cas – Appréhension du bien entre les mains d'un tiers détenteur – Conséquences – Acquisition par le propriétaire d'un bien meuble du droit à sa restitution

Dès lors que le droit du propriétaire d'un bien meuble à obtenir la restitution de ce dernier dans le cadre de la procédure collective est définitivement acquis, le juge-commissaire n'est pas compétent pour ordonner, en application des articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce, l'appréhension du bien entre les mains d'un tiers détenteur.

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Agri TP a été mise en liquidation judiciaire le 23 décembre 2011, M. Y... étant désigné liquidateur ; que la société Star Lease, qui avait conclu avec la société débitrice un contrat de crédit-bail régulièrement publié, a adressé une demande de restitution du matériel, objet du contrat, au liquidateur, lequel a acquiescé à la demande, tout en précisant que le bien n'était pas inventorié et avait disparu ; que la société Star Lease a saisi le juge-commissaire en vue d'être autorisée à procéder à l'appréhension du matériel en quelques lieu et mains qu'il se trouve ; que l'ordonnance du juge-commissaire ordonnant la restitution du bien lui ayant été signifiée en sa qualité de tiers détenteur, M. X... a fait opposition à l'ordonnance et a décliné la compétence du juge-commissaire ;

Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné sous astreinte la restitution du matériel où qu'il se trouve, et précisé que le débiteur de l'astreinte était M. X..., l'arrêt retient qu'en application de l'article R. 624-14 du code de commerce, qui prévoit une procédure dérogatoire aux mesures prévues par le code des procédures civiles d'exécution, le crédit-bailleur, dont le droit de propriété est opposable aux tiers, peut réclamer la restitution des biens au liquidateur et, à défaut de l'obtenir, saisir le juge-commissaire aux mêmes fins, l'appréhension éventuelle des biens n'étant que la conséquence de l'autorisation de restituer ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le droit du crédit-bailleur à obtenir la restitution du bien dans le cadre de la procédure collective était définitivement acquis de sorte que, ce droit n'étant plus lui-même en cause, le juge-commissaire n'était pas compétent pour ordonner l'appréhension de ce bien entre les mains d'un tiers détenteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Lévis -

Textes visés :

Articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce.

Com., 7 novembre 2018, n° 17-22.194, (P)

Rejet

Sauvegarde – Période d'observation – Déclaration de créances – Procédure – Indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté – Obligation – Conditions – Impossibilité de calculer le montant des intérêts au jour de la déclaration de créance – Portée

L'article R. 622-23 du code de commerce n'exige l'indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance.

Il en résulte que, lorsqu'une déclaration inclut le montant, déjà calculé, des intérêts à échoir, une cour d'appel n'est pas tenue, dans sa décision d'admission, de préciser les modalités de calcul de la créance d'intérêts à échoir, ni de réserver la possibilité d'une modification ultérieure du montant de cette créance en raison d'événements susceptibles d'influer sur le cours des intérêts.

Sauvegarde – Période d'observation – Déclaration de créances – Procédure – Indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté – Possible modification du montant en raison d'événements susceptibles d'influer sur le cours des intérêts – Nécessité (non) – Déclaration incluant le montant calculé des intérêts à échoir

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 mars 2017, RG n° 16/02117), que, le 5 janvier 2015, la société La Pharmacie a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, un plan de sauvegarde étant arrêté à son profit le 18 janvier 2016 ; que la Société générale (la banque) a déclaré au passif une créance au titre d'un prêt n° [...] à concurrence d'une somme totale comprenant un montant échu et un montant à échoir, lequel incluait le montant du capital restant dû et des intérêts contractuels à échoir pour un montant déjà calculé ; que cette créance a été contestée ;

Attendu que la société débitrice et le commissaire à l'exécution de son plan font grief à l'arrêt d'admettre la créance de la banque au passif, à titre privilégié, à concurrence des sommes de 25 973,44 euros à titre échu et 2 414 484,60 euros à échoir, cette dernière incluant celle de 352 838,62 euros d'intérêts contractuels à échoir, alors, selon le moyen :

1°/ que l'impossibilité de connaître, au jour de la déclaration de créance, le montant des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, qui ne pourra être connu qu'au jour de l'arrêt du cours des intérêts, fait obstacle à la possibilité pour le juge-commissaire de liquider la créance correspondante lors de sa décision d'admission ; qu'en ce cas, le juge-commissaire peut seulement admettre le montant des échéances impayées avant l'ouverture de la procédure collective ainsi que celui du capital restant à échoir, en précisant les modalités de calcul des intérêts restant à courir au taux contractuel sans pouvoir immédiatement en fixer le montant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fixé la créance d'intérêts à échoir de la Société générale, au titre du prêt n° [...], à la somme de 352 838,62 euros ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que, s'agissant d'intérêts dont le cours n'avait pas été arrêté, il n'était pas possible d'en connaître le montant au jour de la déclaration, de sorte que le juge-commissaire ne pouvait admettre la créance d'intérêts à échoir qu'en précisant les modalités de calcul de ces intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;

2°/ qu'à supposer que le juge-commissaire n'ait pas à préciser lui-même, dans sa décision d'admission, les modalités de calcul de la créance d'intérêts à échoir, dès lors que ces modalités ressortent de la déclaration de créance, il doit néanmoins réserver, en ce cas, la possibilité d'une modification ultérieure de ce montant, en fonction d'événements susceptibles d'influer sur le cours des intérêts restant à payer, par exemple en application d'une clause de remboursement anticipé ; qu'en effet, sa décision ne peut avoir autorité de la chose jugée que relativement aux modalités de calcul des intérêts à échoir, et non du montant de ces intérêts tel qu'indiqué dans la déclaration de créance, susceptible de variations ; qu'en se bornant à fixer la créance au titre des intérêts à échoir de la Société générale à la somme 352 838,62 euros, sans réserver la possibilité d'une modification ultérieure de ce montant, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;

Mais attendu que l'article R. 622-23 du code de commerce n'exige l'indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance ; que la déclaration litigieuse incluant le montant, déjà calculé, des intérêts à échoir, la cour d'appel, qui n'avait, dans sa décision d'admission, ni à préciser les modalités de calcul de la créance d'intérêts à échoir, ni à réserver la possibilité d'une modification ultérieure du montant de cette créance en raison d'événements susceptibles d'influer sur le cours des intérêts, n'a pas méconnu les exigences des articles L. 622-25 et R. 622-23, 2°, du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article R. 622-23 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Com., 5 mai 2015, pourvoi n° 14-13.213, Bull. 2015, IV, n° 71 (rejet).

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