Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

COPROPRIETE

3e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-27.766, (P)

Rejet

Conseil syndical – Membre – Responsabilité – Faute – Faute personnelle dans l'accomplissement de sa mission – Réparation du dommage causé à un tiers – Conditions – Faute grave – Défaut – Portée

L'action en responsabilité délictuelle formée par un tiers à l'encontre d'un membre du conseil syndical d'une copropriété et fondée sur un manquement contractuel s'exerce dans les limites prévues par le second alinéa de l'article 1992 du code civil.

Dès lors, une cour d'appel a pu retenir qu'une négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constituait pas en soi, en l'absence de collusion frauduleuse démontrée entre le syndic et le président ou un membre du conseil syndical, une faute suffisamment grave pour engager la responsabilité du président ou du membre du conseil syndical.

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2017), que, lui reprochant diverses fautes dans l'exercice de son mandat de président du conseil syndical de son immeuble, Mme Y..., copropriétaire, a assigné M. Z..., en condamnation au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter la demande, alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité du conseil syndical peut être engagée pour faute simple ; que dans ses écritures d'appel, Mme Y... faisait valoir que la responsabilité de M. Z..., en sa qualité de président du conseil syndical, se trouvait engagée au titre de sa négligence dans la surveillance des comptes du syndic, qui comportaient de nombreuses irrégularités ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande, au motif « que l'éventuelle négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constitue pas en soi, en l'absence de collusion frauduleuse démontré entre le syndic et le président ou un membre du conseil syndical, une faute lourde qui engagerait alors la responsabilité du président ou du membre du conseil syndical », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

2°/ que si le conseil syndical est libre d'avoir recours aux services d'un technicien de son choix, l'exercice de cette liberté se trouve placé sous le contrôle du juge ; que dans ses écritures d'appel, Mme Y... faisait valoir que M. Z..., en sa qualité de président du conseil syndical, avait commis une faute en engageant des frais inutiles en ayant recours à un maître d'oeuvre réclamant des honoraires supérieurs à ceux arrêtés par l'assemblée générale des copropriétaires et à un expert-comptable et un avocat ayant émis des notes d'honoraires dans les mêmes conditions, pour des missions en réalité inutiles ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande, au motif que les frais litigieux n'avaient « pas été jugés inutiles par l'assemblée générale », alors qu'il appartenait au juge d'exercer son contrôle sur la manière dont M. Z... avait rempli sa mission, indépendamment de l'appréciation qui avait pu en être faite par l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 27, alinéa 2, du décret du 26 mai 1967 ;

Mais attendu que l'action en responsabilité délictuelle formée par un tiers à l'encontre d'un membre du conseil syndical et fondée sur un manquement contractuel s'exerce dans les limites prévues par le second alinéa de l'article 1992 du code civil ; que la cour d'appel, qui a pu retenir qu'une négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constituait pas en soi, en l'absence de collusion frauduleuse démontrée entre le syndic et le président ou un membre du conseil syndical, une faute suffisamment grave pour engager la responsabilité du président ou du membre du conseil syndical et qui a relevé que les dépenses engagées par le conseil syndical l'avaient été dans la limite fixée par l'assemblée générale et n'avaient pas été jugées inutiles par celle-ci, en a exactement déduit que la demande de condamnation de M. Z... pour des manquements commis en sa qualité de président du conseil syndical devait être rejetée ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jariel - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1992 du code civil.

3e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-27.526, (P)

Rejet

Résidence services – Charges – Services spécifiques – Recouvrement – Recouvrement direct par le syndicat des copropriétaires – Conditions – Modification du règlement de copropriété – Nécessité (non)

Dans une résidence services soumise au statut de la copropriété, la reprise du recouvrement, directement par le syndicat de copropriété, des charges relatives aux conventions de restauration et aux conventions hôtelières prévues au règlement de copropriété ne nécessite pas de modification de ce règlement.

Résidence services – Règlement – Modification – Nécessité – Exclusion – Cas – Recouvrement, par le syndicat des copropriétaires, des charges afférentes aux services spécifiques prévus par le règlement de copropriété

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 novembre 2015), que M. et Mme Z..., propriétaires de deux lots dans une résidence services soumise au statut de la copropriété, soutenant que les charges qui leur étaient réclamées n'étaient imputables qu'aux copropriétaires ayant usage des services concernés, ont assigné le syndicat des copropriétaires en mainlevée de l'opposition, formée par le syndic, au paiement du prix de vente d'un de ces lots ;

Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter la demande, alors selon le moyen :

1°/ qu'à défaut d'extension de l'objet du syndicat des copropriétaires à la fourniture aux occupants de l'immeuble, de services spécifiques, notamment de restauration, de surveillance, d'aide ou de loisirs, par une modification du règlement de copropriété, le syndicat des copropriétaires n'est pas habilité à fournir aux occupants de l'immeuble, des services spécifiques, ni de procéder au recouvrement de charges de cercle ayant pour objet ces services ; qu'en l'espèce, le règlement de copropriété qui n'a pas été modifié, stipule seulement (article 35), que le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes ; que dès lors le syndicat des copropriétaires n'était pas habilité à fournir aux occupants de l'immeuble, des services spécifiques, ni à procéder au recouvrement de charges de cercle ayant pour objet ces services ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 14 et 41-1 de la loi du 10 juillet 1965 dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ que les dépenses afférentes aux prestations individualisées ne constituent pas des charges de copropriété ; qu'en entérinant les demandes du syndicat des copropriétaires sans s'expliquer ainsi qu'elle y était invitée sur la nature des « charges de cercle » dont le paiement était demandé, et sans vérifier notamment si ces charges ne comprenaient pas des dépenses afférentes à des prestations individualisées ne constituant pas des charges de copropriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 41-3 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ que dans une résidence service soumise au statut de la copropriété, les copropriétaires dont les lots sont restés inoccupés et qui par conséquent n'ont pas confié l'exploitation de leurs lots à la société qui gère les prestations de restauration et les prestations hôtelières, ne sont pas tenus de supporter les charges afférentes à ces services qui ne présentent aucune utilité objective pour leurs lots ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 41-3 et 10 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 dans leur rédaction applicable à la cause ;

4°/ qu'il résulte des stipulations du règlement de copropriété que les contrats de restauration et de prestation hôtelières régularisés ont pour objet la fourniture de prestations spécifiques bénéficiant aux « occupants » de la résidence ; qu'en énonçant que les charges de cercle seraient dues par les copropriétaires même non occupants, la cour d'appel a violé l'article 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 devenu 1103 du code civil ;

5°/ qu'en se bornant à énoncer qu'il ne serait pas allégué que les montants visés dans les justificatifs produits ne sont pas conformes à la répartition prévue dans le règlement de copropriété ou qu'ils ont réglé des sommes qui ont été omises, sans répondre aux conclusions des époux Z... qui contestaient les sommes réclamées en faisant valoir qu'aucune explication n'est donnée par le syndicat de copropriété sur le détail des charges de cercle et la réalité des sommes refacturées et les services effectivement réalisés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que les charges relatives aux conventions de restauration et aux conventions hôtelières étaient prévues au règlement de copropriété, que la reprise de leur recouvrement directement par le syndicat de copropriété ne nécessitait pas de modification du règlement et que l'utilité que les services ainsi fournis présentaient à l'égard de chaque lot s'appréciait de façon objective, indépendamment de l'utilisation effective par les copropriétaires de ces services ou de l'occupation des appartements, et relevé qu'il n'était pas allégué par M. et Mme Z... que les montants réclamés dans les justificatifs produits par le syndicat n'étaient pas conformes à la répartition prévue dans le règlement de copropriété, la cour d'appel, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté du terme « occupant » dans le règlement de copropriété rendait nécessaire, en a exactement déduit que M. et Mme Z... restaient redevables des charges relatives aux services spécifiques assurés par le syndicat des copropriétaires ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dagneaux - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles 10, alinéa 1, et 41-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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