Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

1re Civ., 21 novembre 2018, n° 17-21.095, (P)

Cassation

Article 8 – Respect de la vie privée et familiale – Compatibilité – Actions aux fins d'établissement de la filiation – Action en recherche de paternité – Prescription prévue par l'article 321 du code civil – Proportionnalité – Appréciation concrète – Recherche nécessaire

Donne acte à M. K... X... du désistement de son pourvoi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 321 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-13.133), que M. Bernard X..., né le [...] de Marie F... et reconnu par Camille X... [...], a engagé, [...], une action en contestation de la paternité de ce dernier et en établissement judiciaire de la paternité d'Auguste Z... à son égard ;

Attendu que, pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt retient que, M. Bernard X... étant devenu majeur le 25 août 1981, la prescription de l'action en recherche de paternité était acquise au 1er juillet 2006 et que ce délai de prescription tend à protéger la sécurité juridique et les droits des tiers, de sorte qu'il n'est pas contraire à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription n'était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Azar - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 321 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.068, Bull. 2016, I, n° 216 (rejet), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 1 février 2017, pourvoi n° 15-27.245, Bull. 2017, I, n° 35 (2) (rejet).

1re Civ., 7 novembre 2018, n° 17-25.938, (P)

Rejet

Article 8 – Respect de la vie privée et familiale – Compatibilité – Actions relatives à la filiation – Action en contestation et en recherche de paternité – Prescription prévue par l'article 321 du code civil – Proportionnalité

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 6 juillet 2017), que Mme Y... a été inscrite à l'état civil comme étant née le [...] de Paulette K... et Jacques Y..., son époux ; que ceux-ci sont décédés respectivement les [...] ; que, par testament authentique reçu le 5 octobre 2010, Guy C... a déclaré reconnaître Mme Y... comme étant sa fille ; qu'il est décédé le [...] ; qu'en décembre 2014 et janvier 2015, Mme Y... a assigné ses sept frères et soeurs, un neveu, par représentation de son père décédé, ainsi que Mme Marie-Claire C..., fille de Guy C..., et ses deux filles mineures, L... et M..., en contestation de la paternité de Jacques Y... et établissement de celle de Guy C... ; que Mme Marie-Claire C... s'est opposée à cette action ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer son action en contestation de paternité irrecevable et de rejeter sa demande d'expertise biologique, alors, selon le moyen :

1°/ que la filiation est un élément essentiel du droit à l'identité personnelle, partie intégrante du droit au respect de la vie privée au sens de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'ensuit que l'action tendant, pour un enfant, à faire établir sa filiation biologique est une action d'état devant demeurer imprescriptible a fortiori lorsque le parent biologique a manifesté son intention d'établir son lien de filiation ; qu'en l'espèce, le lien de filiation de Mme Y... à l'égard de M. C... était établi par un test ADN auquel M. C... s'était spontanément livré ; que l'action intentée par Mme Y... n'avait d'autre objet que de mettre sa situation juridique en conformité avec la réalité biologique, conformément à la volonté formellement exprimée, de son vivant, par M. C... ; qu'en jugeant néanmoins qu'il y avait lieu de faire application de l'article 321 du code civil pour déclarer l'action irrecevable, la cour a porté atteinte à la substance du droit à la filiation biologique de la requérante ;

2°/ que la filiation est un élément essentiel du droit à l'identité personnelle, partie intégrante du droit au respect de la vie privée au sens de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'ensuit que les juges, doivent, pour statuer sur une action relative à la filiation fondée sur les articles 320 et suivants du code civil, apprécier si concrètement, dans l'affaire qui leur est soumise, la mise en oeuvre d'une prescription ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale conventionnellement garanti, une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; qu'en objectant à Mme Y... de s'être abstenue d'agir dans le délai de prescription (soit [...] 2011) motif pris de sa connaissance de la probabilité de la paternité de M. C..., plus d'un an avant l'expiration de ce délai, sans autrement s'expliquer sur la tardiveté de cette révélation, ni sur la volonté formellement exprimée par son véritable père dans un testament du 5 octobre 2010 (soit dans le délai de prescription) et pas davantage sur l'espérance légitime de la requérante de voir sa filiation établie par l'effet d'un testament qui l'avait déterminée à ne pas exercer alors d'action judiciaire, tandis que le parquet lui-même s'opposera à la transcription de sa filiation le 6 juin 2014, soit après l'expiration du délai susmentionné, la cour n'a pas opéré une balance concrète entre les intérêts en présence et s'est bornée à faire abstraitement application d'un délai de forclusion sans égard pour les circonstances spéciales justifiant l'absence d'action judiciaire dans le délai ainsi que la fermeture de tout recours utile contre la décision du parquet, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que le droit au respect de la vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comprend, outre le droit de faire reconnaître son ascendance, celui de connaître son ascendance ; qu'il en résulte que la prescription de l'action relative à la filiation ne fait pas obstacle à une action tendant à la reconnaissance de l'ascendance génétique par voie d'expertise ; qu'en l'espèce Mme Y... sollicitait à titre principal l'établissement de sa filiation biologique à l'égard de M. C... et subsidiairement, que soit ordonné une expertise biologique aux fins de caractériser cette ascendance génétique ; que pour débouter la requérante de cette demande spécifique, la cour se contente de constater la prescription de l'action relative à la filiation ; qu'en statuant ainsi, la cour a méconnu le caractère autonome de l'action en reconnaissance de l'ascendance par voie d'expertise et violé les dispositions précitées ;

Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article 320 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, la filiation légalement établie fait obstacle, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait ;

Que l'arrêt en déduit exactement que Mme Y... ne pouvait faire établir un lien de filiation avec Guy C... sans avoir, au préalable, détruit le lien de filiation avec Jacques Y... ;

Attendu, ensuite, que le délai pour agir en contestation de paternité, qui était de trente ans en application des textes et de la jurisprudence antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, est désormais de dix ans, en l'absence de possession d'état conforme au titre, en application des articles 334 et 321 du code civil, issus de cette ordonnance ; qu'il résulte de l'article 2222, alinéa 2, du code civil qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Que le délai de dix ans applicable à l'action en contestation de paternité de Mme Y..., qui a couru à compter du 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, ne peut donc excéder la durée de trente ans, courant à compter de la majorité, prévue par la loi antérieure ;

Attendu qu'ayant relevé que Mme Y..., née le [...], était devenue majeure le [...], de sorte que le délai pour agir en contestation de paternité expirait [...] 2011, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en contestation de paternité engagée en décembre 2014, après l'expiration du délai de prescription prévu par la loi antérieure, était irrecevable ;

Attendu que, selon le moyen, cette solution porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme Y..., garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'aux termes de ce texte :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Attendu que ces dispositions sont applicables en l'espèce dès lors que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée ;

Attendu que, si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée, cette ingérence est, en droit interne, prévue par la loi, dès lors qu'elle résulte de l'application des textes précités du code civil, qui définissent de manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation ; que cette base légale est accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets ;

Qu'elle poursuit un but légitime, au sens du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique ;

Que les délais de prescription des actions en contestation de paternité ainsi fixés par la loi, qui laissent subsister un délai raisonnable pour permettre à l'enfant d'agir après sa majorité, constituent des mesures nécessaires pour parvenir au but poursuivi et adéquates au regard de cet objectif ;

Que, cependant, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ;

Attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que Mme Y... n'a jamais été empêchée d'exercer une action tendant à faire établir sa filiation biologique, mais s'est abstenue de le faire dans le délai légal ; qu'il constate qu'alors qu'elle avait des liens affectifs avec Guy C... depuis sa petite enfance, elle a attendu son décès, le [...], et l'ouverture de sa succession pour exercer l'action ; qu'il ajoute qu'elle a disposé de délais très importants pour agir et qu'elle disposait encore d'un délai jusqu'au [...] 2011, lorsqu'elle a été rendue destinataire, le 6 février 2010, d'un test de paternité établissant, selon elle, de façon certaine, le lien de filiation biologique avec Guy C... ;

Que de ces constatations et énonciations, dont il ressort que Mme Y... a eu la possibilité d'agir après avoir appris la vérité sur sa filiation biologique, la cour d'appel a pu déduire que le délai de prescription qui lui était opposé respectait un juste équilibre et qu'il ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : Me Bouthors ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 321 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.068, Bull. 2016, I, n° 216 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-27.943, (P)

Rejet

Premier Protocole additionnel – Article 1er – Protection de la propriété – Droit au respect des biens – Restrictions – Non-cumul d'une pension de retraite au titre du régime des travailleurs agricoles non salariés avec le revenu d'une activité agricole non-salariée – Compatibilité

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 septembre 2017), qu'ayant demandé la liquidation de ses droits à pension de retraite à effet du 1er juillet 2014 et la caisse de mutualité sociale agricole de Midi-Pyrénées Nord lui ayant opposé un refus au motif qu'il poursuivait son activité non salariée agricole, M. X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur la demande de saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne, qui est préalable :

Attendu que M. X... demande que soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « l'article L. 732-39, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime qui impose aux exploitants agricoles non salariés souhaitant liquider leur pension de retraite de cesser définitivement leur activité non salariée agricole est-il contraire au principe général du droit de l'Union interdisant toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'âge ? »

Mais attendu que si l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne rend obligatoire le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, cette obligation disparaît dans le cas où la question soulevée n'est pas pertinente ;

Et attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le principe de non-discrimination en fonction de l'âge, qui est un principe général du droit de l'Union, est concrétisé par la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Mangold ; 19 janvier 2010, aff. C-555/07, Kücükdeveci) ;

Qu'aux termes de son article 3, cette directive ne s'applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurité sociale ou de protection sociale ;

Qu'il en résulte que l'article L. 732-39, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime, dans sa version issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicable au litige, qui subordonne le service d'une pension de retraite, prenant effet postérieurement au 1er janvier 1986, liquidée par le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et dont l'entrée en jouissance intervient à compter d'un âge fixé par voie réglementaire, à la cessation définitive de l'activité non salariée agricole, n'entre pas dans le champ d'application de la directive susvisée, et que la question n'est pas pertinente ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question à la Cour de justice de l'Union européenne ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que les lois ne peuvent réglementer l'usage des biens que conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; qu'en l'espèce, en faisant application de l'article L. 732-39, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime pour en conclure que M. X... n'avait pas le droit de poursuivre son activité agricole, une fois sa retraite liquidée, quand cette disposition législative oblige in fine l'exploitant agricole qui prend sa retraite à louer ou vendre ses terres et donc à le priver du droit d'user de ses biens sans qu'une telle mesure ne soit justifiée par l'intérêt général, la cour d'appel a violé le droit au respect des biens tel que garanti par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en toute hypothèse, une atteinte au droit d'une personne au respect de ses biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait application de l'article L. 732-39, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime pour en conclure que M. X... n'avait pas le droit de poursuivre son activité agricole, une fois sa retraite liquidée ; qu'en statuant ainsi quand cette disposition législative, à supposer même qu'elle poursuive le but légitime de favoriser la libération des terres pour permettre l'installation de jeunes agriculteurs, conduit à porter une atteinte disproportionnée au droit de l'exploitant agricole au respect de ses biens compte tenu de l'inefficacité de la mesure par rapport au but recherché, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il résulte du second alinéa de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les dispositions du premier alinéa, qui prévoient que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international, ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ;

Et attendu que la disposition critiquée, qui subordonne en principe la liquidation des droits à une pension de retraite au titre du régime des travailleurs non salariés des professions agricoles à la cessation définitive de l'activité non salariée agricole et n'en admet le cumul avec le revenu tiré d'une activité non salariée agricole que sous de strictes conditions, a pour objet de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, de sorte qu'elle poursuit un but d'intérêt général et ne méconnaît pas les exigences du texte susvisé ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable en sa troisième branche, est infondé pour le surplus ;

Et sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait application de l'article L. 732-39, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime pour en conclure que M. X... devait cesser définitivement son activité agricole, une fois sa retraite liquidée ; qu'en statuant ainsi, quand l'application de cette disposition législative conduit à ce que les exploitants agricoles, une fois arrivés à l'âge de la retraite, soient traités différemment s'ils décident de liquider leur retraite, des salariés et des autres non-salariés qui sont, eux, autorisés à cumuler prestations vieillesse et poursuite de leur activité, la cour d'appel a violé le principe général du droit de l'Union de l'interdiction des discriminations fondées sur l'âge, tel que concrétisé dans la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

Mais attendu que l'article L. 732-39, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicable au litige, n'entre pas dans le champ d'application de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000 ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011.

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