Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

3e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-27.766, (P)

Rejet

Effets – Effet à l'égard des tiers – Dommage – Réparation – Condition

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2017), que, lui reprochant diverses fautes dans l'exercice de son mandat de président du conseil syndical de son immeuble, Mme Y..., copropriétaire, a assigné M. Z..., en condamnation au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter la demande, alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité du conseil syndical peut être engagée pour faute simple ; que dans ses écritures d'appel, Mme Y... faisait valoir que la responsabilité de M. Z..., en sa qualité de président du conseil syndical, se trouvait engagée au titre de sa négligence dans la surveillance des comptes du syndic, qui comportaient de nombreuses irrégularités ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande, au motif « que l'éventuelle négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constitue pas en soi, en l'absence de collusion frauduleuse démontré entre le syndic et le président ou un membre du conseil syndical, une faute lourde qui engagerait alors la responsabilité du président ou du membre du conseil syndical », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

2°/ que si le conseil syndical est libre d'avoir recours aux services d'un technicien de son choix, l'exercice de cette liberté se trouve placé sous le contrôle du juge ; que dans ses écritures d'appel, Mme Y... faisait valoir que M. Z..., en sa qualité de président du conseil syndical, avait commis une faute en engageant des frais inutiles en ayant recours à un maître d'oeuvre réclamant des honoraires supérieurs à ceux arrêtés par l'assemblée générale des copropriétaires et à un expert-comptable et un avocat ayant émis des notes d'honoraires dans les mêmes conditions, pour des missions en réalité inutiles ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande, au motif que les frais litigieux n'avaient « pas été jugés inutiles par l'assemblée générale », alors qu'il appartenait au juge d'exercer son contrôle sur la manière dont M. Z... avait rempli sa mission, indépendamment de l'appréciation qui avait pu en être faite par l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 27, alinéa 2, du décret du 26 mai 1967 ;

Mais attendu que l'action en responsabilité délictuelle formée par un tiers à l'encontre d'un membre du conseil syndical et fondée sur un manquement contractuel s'exerce dans les limites prévues par le second alinéa de l'article 1992 du code civil ; que la cour d'appel, qui a pu retenir qu'une négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constituait pas en soi, en l'absence de collusion frauduleuse démontrée entre le syndic et le président ou un membre du conseil syndical, une faute suffisamment grave pour engager la responsabilité du président ou du membre du conseil syndical et qui a relevé que les dépenses engagées par le conseil syndical l'avaient été dans la limite fixée par l'assemblée générale et n'avaient pas été jugées inutiles par celle-ci, en a exactement déduit que la demande de condamnation de M. Z... pour des manquements commis en sa qualité de président du conseil syndical devait être rejetée ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jariel - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1992 du code civil.

1re Civ., 14 novembre 2018, n° 17-23.135, (P)

Cassation partielle

Résiliation – Résiliation unilatérale conventionnellement prévue – Clinique – Contrat avec un médecin – Faute grave – Effet

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Clinique de l'Alma (la clinique) a été autorisée, par décision du ministère de la santé du 17 décembre 2009, à installer un scanographe à usage médical et a conclu, le 21 décembre 2010, avec M. X..., radiologue, une convention pour l'exploitation d'un appareil de ce type ; que cette convention prévoyait notamment que chacune des parties pourrait y mettre fin en respectant un préavis de six mois, que la résiliation du contrat par la clinique entraînerait au bénéfice du praticien le paiement d'une indemnité correspondant à une année de chiffre d'affaires et que la clinique pourrait résilier le contrat, sans indemnité ni préavis, dans le cas où le praticien commettrait une faute grave ; que, le 24 août 2011, la clinique a, d'une part, par avenant à cette convention, autorisé la transmission de la convention à la SELAS Alma scanner (la société), dont M. X... était l'unique associé, prévu la possibilité pour le praticien de faire intervenir d'autres praticiens préalablement agréés et précisé que MM. Y... et Z... étaient d'ores et déjà agréés, d'autre part, conclu des contrats d'exercice avec ces praticiens, dans lesquels elle reconnaissait être avisée du projet destiné à les transférer à la société et déclarait l'accepter ; qu'un contrat du 15 septembre 2011 a organisé le transfert de ces contrats d'exercice, à titre gracieux et à effet du 24 août 2011, à la société représentée par M. X... ; que, par lettre du 25 juillet 2014, la clinique a résilié la convention à effet du 31 janvier 2015, en énonçant un certain nombre de griefs à l'égard de M. X... et en s'opposant au versement d'une indemnité de résiliation à la société ; que cette dernière l'a assignée, notamment en paiement de cette indemnité ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches, le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche, et le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la troisième branche du premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la clinique fait grief à l'arrêt d'écarter l'existence d'une faute grave et de la condamner à payer à la société l'indemnité de résiliation prévue par la convention alors, selon le moyen, que le comportement adopté par une partie à l'occasion de l'exécution d'un contrat peut caractériser une faute grave justifiant la résiliation unilatérale de ce contrat par l'autre partie ; que, pour retenir que la clinique ne rapportait pas la preuve d'une faute grave commise par la société et justifiant la résiliation unilatérale du contrat d'exploitation du scanner, la cour d'appel a retenu que le comportement personnel de M. X..., qui pourrait être constitutif de fautes professionnelles à l'égard de ses patients, ne pouvait entrer en compte dans l'appréciation de la légitimité de la rupture unilatérale du contrat d'exploitation du scanner faute de lien avec ce contrat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les principes applicables à la résiliation unilatérale des contrats pour faute grave ;

Mais attendu qu'une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien d'un contrat d'exploitation ou d'exercice conclu entre un professionnel de santé ou une société professionnelle et un établissement de santé pendant la durée même limitée du préavis ; qu'elle ne peut, dès lors, être retenue que si la résiliation a été prononcée avec un effet immédiat ; que la cour d'appel a relevé que la clinique avait résilié le contrat en accordant à la société un préavis de six mois ; qu'il en résulte que la qualification de faute grave ne pouvait qu'être écartée ; que, par ce motif de pur droit substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux justement critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour fixer le montant de l'indemnité de résiliation et condamner la clinique à la payer à la société, l'arrêt retient qu'il y a lieu de tenir compte tant de l'activité de M. X... que de celle de MM. Z... et Y..., associés de la société, devant être regardés comme « le praticien » au sens du contrat après l'entrée en vigueur de l'avenant du 24 août 2011 ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la clinique qui faisait valoir qu'après la résiliation de la convention d'exploitation du scanographe, MM. Z... et Y... avaient poursuivi leur activité au sein de la clinique, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 371 037 euros le montant de l'indemnité de résiliation, l'arrêt rendu le 15 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : M. Ingall-Montagnier (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 1184 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 13 octobre 1998, pourvoi n° 96-21.485, Bull. 1998, I, n° 300 (2) (rejet).

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