Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

CONSTRUCTION IMMOBILIERE

3e Civ., 8 novembre 2018, n° 17-19.823, (P)

Rejet

Maison individuelle – Contrat de construction – Construction avec fourniture de plan – Contrat entaché d'irrégularités – Clause de réserve de travaux au maître de l'ouvrage – Défaut – Portée

Un maître de l'ouvrage ne saurait, sous couvert de l'irrégularité du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, faire supporter au constructeur la responsabilité d'une malfaçon dans l'exécution de travaux, qu'il lui incombait certes de réaliser, mais qui ont été exécutés par une entreprise tierce, à la demande du maître de l'ouvrage.

Maison individuelle – Contrat de construction – Construction avec fourniture de plan – Contrat entaché d'irrégularités – Clause de réserve de travaux au maître de l'ouvrage – Défaut – Action du maître de l'ouvrage en réparation de malfaçons – Exclusion – Cas – Travaux réalisés par une entreprise tierce à la demande du maître de l'ouvrage

Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 14 avril 2017), que Mme X... et la société Villas Bourbon bois ont signé un contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture du plan ; qu'ayant constaté des remontées d'humidité dans toutes les pièces du rez-de-chaussée, Mme X... a, après expertise, assigné la société Villas Bourbon bois en réparation de ses préjudices ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement des sommes de 59 195,54 euros au titre de la réparation des désordres afférents à l'humidité et de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son trouble de jouissance, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de construction de maison individuelle doit mentionner le coût du bâtiment à construire, égal à la somme du prix convenu et, s'il y a lieu, du coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution en précisant d'une part, le prix convenu qui est forfaitaire et définitif, sous réserve, s'il y a lieu, de sa révision dans les conditions et limites convenues conformément à l'article L. 231-11, et qui comporte la rémunération de tout ce qui est à la charge du constructeur, y compris le coût de la garantie de livraison d'autre part, le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le constructeur et faisant l'objet, de la part du maître de l'ouvrage, d'une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge ; que les travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution qui n'ont pas été décrits et chiffrés par le constructeur sont réputés compris dans le prix convenu et par conséquent mis à la charge du constructeur à qui il incombe de les exécuter, aucun des ouvrages ou fourniture mentionnés dans la notice descriptive ne pouvant être omis ; que la cour d'appel qui a constaté qu'aucune clause du contrat ne réservait au maître de l'ouvrage les travaux de poses et d'étanchéité des sanitaires, mais que pour autant ces travaux n'avaient pas été pris en charge par la société Villas Bourbon bois mais confiés par le maître de l'ouvrage à un tiers dont la prestation s'était avérée défectueuse et qui refuse d'indemniser le maître de l'ouvrage du préjudice résultant de la carence de la société Villas Bourbon bois qui n'avait pas exécuté les travaux prévus à la notice descriptive qui lui incombaient du fait de l'irrégularité du contrat qu'elle avait fait souscrire à Mme X..., n'a pas tiré de ses propres énonciations les conséquences légales qui en découlaient et a violé les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêté du 27 novembre 1991 fixant la notice descriptive prévue par les articles R. 231-4 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation relatifs au contrat de construction d'une maison individuelle ;

2°/ que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages qui l'affectent dans l'un de ses éléments constitutifs et le rendent impropre à sa destination ; que la cour d'appel qui a relevé que selon l'expert l'ampleur et les conséquences du sinistre avaient été aggravées par la mise en oeuvre de cloisons en placoplâtre lorsque le contrat initial, modifié à l'insu de Mme X..., prévoyait la mise en oeuvre de certaines cloisons en blocs manufacturés en ciment ainsi que par l'absence de protection des pieds de cloison qui ont été scellés dans la chape selon un dispositif qui n'est pas conforme au DTU 25.41 et qui écarte la responsabilité du constructeur a violé l'article 1792 du code civil ;

3°/ que le constructeur dont la responsabilité est engagée en vertu de l'article 1792 du code civil n'est déchargé qu'après dix ans à compter de la réception des travaux ; que le créancier qui agit tardivement mais dans le délai de prescription ne commet pas de faute sauf abus dans l'exercice de son droit ; que la cour d'appel qui, pour écarter le responsabilité du constructeur relève que Mme X..., informée par le constructeur de l'origine des désordres, n'avait rien fait pour y remédier laissant ainsi s'aggraver le sinistre initialement circonscrit tant dans sa localisation que dans son ampleur, a violé les articles 1792 et 1792-4-1 du code civil ;

4°/ que la victime n'a pas l'obligation de minimiser son dommage dans l'intérêt du responsable ; que la cour d'appel qui, pour écarter la responsabilité du constructeur, relève que Mme X..., informée par le constructeur de l'origine des désordres, n'avait rien fait pour y remédier, laissant ainsi s'aggraver le sinistre, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les travaux de pose et d'étanchéité des sanitaires n'avaient pas été réalisés par la société Villa Bourbon bois, mais confiés par Mme X... à une entreprise tierce, non identifiée, et que l'origine du désordre tenant à l'humidité des murs était entièrement liée à une malfaçon d'exécution du bac à douche, la cour d'appel a retenu à bon droit, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, que Mme X... ne saurait, sous couvert de l'irrégularité du contrat, faire supporter à la société Villas Bourbon bois la responsabilité d'une malfaçon dans l'exécution de travaux qu'il lui incombait certes de réaliser, mais qu'elle n'a, de fait, pas exécutés, et qu'il y avait lieu de rejeter la demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Charpenel (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles L. 231-2 et R. 232-4 du code de la construction et de l'habitation.

3e Civ., 22 novembre 2018, n° 17-12.537, (P)

Rejet

Maison individuelle – Contrat de construction – Construction avec fourniture de plan – Règles d'ordre public – Violation – Sanction – Nullité relative – Effets – Détermination – Portée

Une cour d'appel, qui prononce la nullité d'un contrat de construction de maison individuelle, peut retenir que la mesure de remise en état des lieux, emportant démolition de l'immeuble, constituerait une sanction disproportionnée au regard des travaux réalisés, quasiment achevés, et de la gravité des désordres et que, ce chef de demande, seul expressément formulé par le maître de l'ouvrage, étant rejeté, celui-ci restait redevable, par le jeu des restitutions réciproques, du coût de la construction réalisée, sous déduction des malfaçons et moins-values et des sommes déjà versées.

Maison individuelle – Contrat de construction – Construction avec fourniture de plan – Règles d'ordre public – Violation – Sanction – Nullité relative – Effets – Démolition de l'ouvrage – Opposition du constructeur – Proportionnalité entre la sanction et la gravité des désordres – Défaut – Portée

Maison individuelle – Contrat de construction – Nullité – Effets – Demande exclusive en démolition – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 décembre 2016), que M. X... a confié à la société Les 5 Eléments la construction d'une maison individuelle ; que le chantier a été interrompu ; que la société Les 5 Eléments, prise en la personne de son liquidateur, a, après expertise, assigné M. X... en paiement de sommes ; que M. X... a assigné en intervention forcée la société L'Auxillaire et M. Z..., respectivement assureur et gérant de la société Les 5 Eléments, en sollicitant la requalification du contrat en contrat de construction de maison individuelle, sa résiliation aux torts exclusifs du constructeur et la condamnation de M. Z... à réparer le préjudice lié au défaut de garantie de livraison ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et de le condamner à payer au liquidateur la somme de 172 520,46 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que la nullité d'un contrat de construction de maison individuelle pour violation des règles d'ordre public protectrices du maître de l'ouvrage permet à ce dernier de solliciter la remise en état du terrain sans indemnité pour le constructeur au titre des travaux réalisés, et que la démolition ordonnée à la demande du maître de l'ouvrage interdit au constructeur de solliciter le coût des travaux qu'il a réalisés ; qu'en l'espèce, ayant annulé le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans signé entre M. X..., maître de l'ouvrage, et la société Les 5 Eléments, faute pour celle-ci, d'avoir respecté les règles d'ordre public applicables à ce contrat, la cour d'appel a cependant estimé que la remise en état des lieux, emportant démolition, demandée par M. X... qui avait pris l'initiative de faire achever l'ouvrage, constituerait une « sanction disproportionnée » au regard des travaux réalisés, quasiment achevés, représentant la somme de 280 313 euros et de la gravité des désordres dont le coût des travaux de reprise avait été évalué à 27 695 euros par l'expert, outre qu'elle risquerait d'impliquer un enrichissement sans cause ; qu'en outre, la cour d'appel a retenu que M. X... se trouvait débiteur, par le jeu des restitutions réciproques, de la somme de 172 520 euros, représentant le coût de la construction réalisée diminué du coût des malfaçons et moins-values (256 840 euros), dont devait aussi être déduit l'acompte de 84 320 euros payé par M. X... ; qu'en statuant ainsi, cependant que M. X... faisait valoir que, comme constaté dans le rapport d'expertise, la construction avait été édifiée avec une erreur d'implantation, puisque, prévue avec un angle ouvert de 135°, elle avait été réalisée avec un angle de 145°, ce qui obligeait à redistribuer notamment la cuisine, les toilettes du rez-de-chaussée, la chambre et la salle de bain de l'étage, et sans rechercher si, indépendamment de l'évaluation des malfaçons et moins-values par l'expert, cette erreur d'implantation, pour laquelle l'expert a exclu toute possibilité de correction, ne justifiait pas la remise en état des lieux par démolition de l'édifice et ce, par conséquent, sans indemnité pour le constructeur au titre des travaux réalisés, et sans que le constructeur puisse solliciter le coût des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 230-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1304 du code civil dans sa version applicable au litige ;

2°/ que, en l'état de l'annulation d'un contrat de construction de maison individuelle dont le constructeur n'a pas respecté les règles d'ordre public applicables, le juge qui ne fait pas droit à la demande de remise en état/démolition formulée par le maître de l'ouvrage, doit lui substituer une indemnisation et que le constructeur ne peut pour sa part au plus prétendre qu'à la restitution des sommes qu'il a déboursées ; qu'en l'espèce, ayant annulé le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans signé entre M. X..., maître de l'ouvrage, et la société Les 5 Eléments, faute pour celle-ci, d'avoir respecté les règles d'ordre public applicables à ce contrat, la cour d'appel a cependant estimé que la remise en état des lieux, emportant démolition, demandée par M. X... qui avait pris l'initiative de faire achever l'ouvrage, constituerait une « sanction disproportionnée » au regard des travaux réalisés, quasiment achevés, représentant la somme de 280 313 euros et de la gravité des désordres dont le coût des travaux de reprise avait été évalué à 27 695 euros par l'expert, outre qu'elle risquerait d'impliquer un enrichissement sans cause ; qu'en outre, la cour d'appel a retenu que M. X... se trouvait débiteur, par le jeu des restitutions réciproques, de la somme de 172 520 euros, représentant le coût de la construction réalisée diminué du coût des malfaçons et moins-values (256 840 euros), dont devait aussi être déduit l'acompte de 84 320 euros payé par M. X... ; qu'en statuant ainsi cependant que, faute d'ordonner la remise en état sollicitée, la cour d'appel devait lui substituer une indemnisation, laquelle devait non seulement englober le coût des travaux de reprise et les moins-values, mais également l'obligation de conserver une maison qui, en l'occurrence, présentait un défaut d'implantation non susceptible d'être corrigé, et que le constructeur pouvait au plus prétendre à la restitution des frais engagés pour effectuer les travaux, la cour d'appel a violé les articles L. 230-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1304 du code civil dans sa version applicable au litige ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les désordres constatés consistaient en une erreur d'implantation de l'angle du bâtiment, une erreur de réalisation des trémies de l'escalier rendant l'aménagement prévu au-dessous impossible, un défaut d'enrobage de certains fers des ouvrages en béton armé, un défaut d'aspect des poteaux ronds et une mauvaise réparation de l'angle d'un chapiteau en pierre, un oubli de la réservation de la cheminée et une dégradation de murs enterrés, que le montant total des travaux réalisés s'élevait à 280 313 euros pour des malfaçons à reprendre pour un coût évalué à 27 695 euros, les travaux réalisés par le constructeur ayant été évalués à 89,5 % du gros-oeuvre, et que les photographies versées au débat attestaient que la maison était à ce jour quasiment terminée, la cour d'appel, qui, procédant à la recherche prétendument omise, a pu en déduire que la mesure de remise en état des lieux, seule expressément formulée par M. X..., alors qu'il avait pris l'initiative de faire achever l'ouvrage, constituerait une sanction disproportionnée, au regard des travaux réalisés, et aujourd'hui quasiment achevés, et de la gravité des désordres, et que, ce chef de demande étant rejeté, M. X... restait redevable, par le jeu des restitutions réciproques, du coût de la construction réalisée, sous déduction des malfaçons et moins-values et des sommes déjà versées, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : Me Le Prado ; Me Carbonnier ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 230-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation ; article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.