Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-27.798, (P)

Cassation

Prix – Fixation du loyer du bail renouvelé – Prix fixé en fonction du chiffre d'affaires – Portée – Accord des parties – Saisine du juge des loyers commerciaux – Fixation à la valeur locative

La stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est calculé sur la base du chiffre d'affaires du preneur, sans pouvoir être inférieur à un minimum équivalent à la valeur locative des lieux loués, n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, la valeur locative déterminant le minimum garanti.

Prix – Fixation du loyer du bail renouvelé – Prix fixé en fonction du chiffre d'affaires – Portée – Application des dispositions du décret du 30 septembre 1953

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 145-33 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles,19 septembre 2017), que, le 3 mars 1999, la société Hammerson Saint-Quentin Ville, aux droits de laquelle vient la société Espace Saint-Quentin (ESQ) a consenti à la société André, un bail commercial stipulant un « loyer annuel hors taxes dont le montant sera égal à 7 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués » qui ne pourra être inférieur à une certaine somme, étant convenu qu'à l'occasion de chacun des renouvellements successifs du bail, le loyer minimum garanti sera fixé à la valeur locative, appréciée au jour d'effet du bail renouvelé et que les parties soumettaient « volontairement la procédure et les modalités de fixation de cette valeur locative aux dispositions des articles 23 à 23-9 et 29 à 31 du décret du 30 septembre 1953 » et attribuaient « compétence au juge des loyers du tribunal de grande instance du lieu de situation de l'immeuble » ; qu'ensuite de la délivrance d'un congé avec offre de renouvellement au 1er avril 2012 et notification d'un mémoire préalable visant un loyer annuel minimum de 200 800 euros hors taxes et charges, la société ESQ a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation de la valeur locative du bien au jour du renouvellement du bail ;

Attendu que, pour rejeter cette demande et annuler la clause figurant au troisième alinéa de l'article IV 1 du bail, l'arrêt retient que cette clause tente de réintroduire la procédure et les modalités de fixation du montant du loyer, telles que prévues au statut des baux commerciaux, pour une partie seulement de ce loyer, que, si les parties ont la libre disposition de définir les règles de fixation du loyer de renouvellement, elles n'ont pas celle d'attribuer au juge une compétence qu'il ne tire que de la loi et de lui imposer d'appliquer la loi dans les conditions qu'elles-mêmes définissent, que le renvoi contenu dans l'alinéa litigieux aux textes depuis lors codifiés aux articles L. 145-33 et suivants et R. 145-2 et suivants du code de commerce, confie au juge des loyers commerciaux l'office de fixer le plancher du loyer à la valeur locative, laquelle, selon l'article L. 145-33 du code de commerce, ne peut s'envisager que comme étant un plafond de loyer et, ainsi, lui donne mission de s'opposer à l'application de la loi, opposition dans laquelle la liberté contractuelle trouve sa limite ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est calculé sur la base du chiffre d'affaires du preneur, sans pouvoir être inférieur à un minimum équivalent à la valeur locative des lieux loués, n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, la valeur locative déterminant le minimum garanti, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article L. 145-33 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence du juge des loyers commerciaux en matière de fixation du loyer du bail renouvelé calculé pour partie en proportion du chiffre d'affaires réalisé dans les lieux loués, à rapprocher : 3e Civ., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-16.826, Bull. 2016, III, n° 145 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

3e Civ., 29 novembre 2018, n° 17-23.058, (P)

Cassation partielle

Prix – Révision – Clause d'indexation – Distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée entre deux révisions – Distorsion résultant des stipulations de la clause d'indexation – Sanction

Seules les stipulations d'une clause d'indexation qui créent la distorsion prohibée par l'article L. 112-1 du code monétaire et financier sont réputées non écrites.

Viole ce texte, une cour d'appel qui répute non écrite en son entier une clause d'indexation qui ne prévoit la prise en compte d'une période de variation indiciaire supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision que pour un premier ajustement et qui constate que les périodes de référence suivantes avaient la même durée.

Donne acte à la société de l'Ouest de son désistement le 3 juillet 2018 et à la société Go sports de son acceptation et de sa renonciation aux demandes dirigées contre la société de l'Ouest du 10 juillet 2018 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 juin 2017), que, le 30 novembre 2012, la société Go sports, locataire d'un local, propriété de la société Alta Orgeval, a sollicité le renouvellement du bail commercial à compter du 1er janvier 2013 ; que, le principe du renouvellement acquis, les parties se sont opposées sur le montant du loyer du bail renouvelé ; qu'après avoir mis en demeure la bailleresse, la locataire a saisi le tribunal d'une demande en restitution de l'indu fondée sur la violation, par la clause d'indexation, des dispositions de l'article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que la société Go sports fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de la clause d'indexation stipulée au bail du 26 mars 2001 ;

Attendu que, sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale, le moyen, qui ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation du caractère direct du rapport existant entre la nature de l'indice retenu par les parties à une convention et l'activité de l'une des parties et qui relève du pouvoir souverain des juges du fond, ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 112-1 du code monétaire et financier ;

Attendu qu'en application de ce texte, est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, tel que le bail commercial, prévoyant la prise en compte, dans l'entier déroulement du contrat, d'une période de variation indiciaire supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision ;

Attendu que, pour dire non écrite, en son entier, la clause d'indexation du loyer, l'arrêt retient qu'elle prévoit une période de variation annuelle de l'indice de juillet 1999 à juillet 2000, supérieure à la durée de sept mois s'étant écoulée entre la prise d'effet du bail au 1er juin 2000 et la première révision du loyer au 1er janvier 2001 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite et que la clause prévoyait un premier ajustement, illicite mais ponctuel, tenant à la prise d'effet du bail en cours d'année civile, tandis que les périodes de référence suivantes avaient la même durée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal critiquant la disposition condamnant la société de l'Ouest à verser une certaine somme en remboursement d'un trop-perçu de loyer à la société Go sports, qui, par suite du désistement de la société de l'Ouest, est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions réputant non écrite, en son entier, la clause d'indexation du loyer stipulée en page 13 du contrat de bail signé le 26 mars 2001 entre la société civile immobilière de l'Ouest, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société en nom collectif Alta Orgeval et la société par actions simplifiée Go sport France et condamnant la société en nom collectif Alta Orgeval à payer à la société par actions simplifiée Go sport France la somme de 191 784,66 euros TTC, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 19 avril 2016, en remboursement du trop perçu de loyer, l'arrêt rendu le 13 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Echappé (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article L. 112-1 du code monétaire et financier.

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