Numéro 11 - Novembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2018

ASSURANCE RESPONSABILITE

1re Civ., 14 novembre 2018, n° 16-23.730, (P)

Cassation partielle

Assurance obligatoire – Agent immobilier – Garantie – Etendue – Activité de conseil à l'occasion d'une vente immobilière

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y..., pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Nexalys ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 1er août 2007, à la suite d'un démarchage à domicile, M. X... a conclu un contrat intitulé « plan d'épargne fiscal et patrimonial » avec la société Nexalys, par l'intermédiaire de laquelle il a signé un contrat préliminaire de vente en l'état futur d'achèvement, réitéré devant notaire le 18 mars 2008, portant sur un appartement au prix de 111 800 euros, intégralement financé au moyen d'un prêt ; que, le 4 juin 2009, la société Nexalys a été placée en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur ; qu'invoquant un préjudice financier résultant d'une inadaptation de l'opération à sa situation personnelle, M. X... a déclaré entre les mains de ce dernier une créance de dommages-intérêts et l'a assigné, ainsi que l'assureur de la société Nexalys, la société Allianz IARD (la société Allianz), aux fins de voir juger que la société Nexalys a manqué à son obligation de conseil, fixer sa créance d'indemnisation à la somme déclarée et condamner la société Allianz à la lui payer ; que, cette dernière ayant fait valoir que sa garantie n'était pas acquise au motif que la société A... lui avait succédé à compter du 1er janvier 2009 et que la réclamation du 8 avril 2011 était postérieure à cette date, M. X... a attrait celle-ci en la cause, aux fins de garantie, conjointement ou en lieu et place de la première ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que relève de l'activité de transaction immobilière le fait de prêter son concours, de manière habituelle, même à titre accessoire, à des opérations portant sur la vente de biens immobiliers ; qu'il s'ensuit qu'à défaut de conditions particulières limitant la garantie ou de clauses d'exclusion, le contrat d'assurance couvrant une activité déclarée de transaction immobilière ou l'ensemble des activités entrant dans le champ d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 est susceptible de garantir la responsabilité de l'assuré dans la délivrance de conseils à l'occasion d'une vente immobilière, notamment au titre de conseils en investissement ou en défiscalisation ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. X... formées contre la société A..., l'arrêt retient que la société Nexalys a fourni une prestation de conseil en investissement patrimonial aux fins de défiscalisation et non une prestation d'agent immobilier ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la police d'assurance garantissait l'assurée pour l'activité « transactions immobilières », de sorte que le conseil en investissement et défiscalisation fourni par la société Nexalys, qui en constituait l'accessoire, était couvert par la police, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la quatrième branche du moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. X... formées contre la société Allianz, l'arrêt retient que la société Nexalys a fourni à celui-ci une prestation de conseil en investissement patrimonial aux fins de défiscalisation et non une prestation d'agent immobilier ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si le contrat ne couvrait pas également les activités accessoires, et notamment l'activité de conseil en investissement immobilier en vue d'une opération de défiscalisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. X... formées contre les sociétés Allianz IARD et A..., l'arrêt rendu le 21 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Le Bret-Desaché ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970.

3e Civ., 8 novembre 2018, n° 17-24.488, (P)

Rejet

Assurance obligatoire – Travaux de bâtiment – Garantie – Etendue – Limites – Détermination

L'activité « étanchéité sur supports horizontaux ou inclinés exclusivement par procédé Paralon », déclarée par un entrepreneur à son assureur, n'inclut pas la mise en oeuvre d'un autre procédé d'étanchéité.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 juin 2017), que la société Avilia, exerçant sous le nom commercial Sapa services, assurée en responsabilité civile et décennale auprès de la société Thelem assurances, a réalisé des travaux d'étanchéité horizontale dans plusieurs chantiers ; que, des désordres liés à l'infiltration d'eau étant apparus, la société Avilia a assigné en garantie la société Thelem assurances ;

Attendu que la société Avilia fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que la garantie de l'assureur construction concerne le secteur d'activité professionnelle déclarée par le constructeur ; que la cour d'appel en considérant que la société Avilia ne pourrait se prévaloir de la garantie de la société Thelem assurances quand il résulte de ses propres constatations que les désordres pour lesquels la garantie de l'assureur est poursuivie correspondent à l'activité déclarée par la société Sapa services et prévue par le contrat litigieux - l'activité d'étanchéité sur supports horizontaux ou inclinés, a violé les articles L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances ;

2°/ qu'en considérant que la société Sapa services avait mis en oeuvre un procédé d'étanchéité particulier – Moplas SBS – pour exclure la garantie de la société Thelem assurances, souscrite pour l'activité d'étanchéité sur supports horizontaux ou inclinés, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances ;

3°/ qu'une clause qui a pour conséquence d'exclure de la garantie certains travaux réalisés par un constructeur dans l'exercice de son activité d'entrepreneur fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et doit par suite être réputée non écrite ; qu'en considérant que la clause qui limiterait la garantie de la société Thelem assurance à l'activité d'étanchéité par procédé Paralon serait valable, quand cette clause fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance responsabilité obligatoire, la cour d'appel a violé les articles L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances ;

4°/ qu'en considérant d'une part que le procédé d'étanchéité Moplas est équivalent au procédé Paralon, que son usage est le même, que les mêmes normes professionnelles s'y appliquent, qu'il est soumis aux mêmes techniques d'application, au même type de mise en oeuvre, par le même personnel, qu'il relève de la même activité dans la nomenclature des activités du contrat, de sorte qu'il implique un calcul identique des cotisations d'assurance, et d'autre part que l'assureur aurait évalué son risque et accepté l'assurance en se fondant sur la seule fiche technique relative au produit Paralon, excluant ainsi la garantie du fait de l'utilisation de Moplas, les juges du fond se sont contredits, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Avilia avait souscrit une police garantissant ses responsabilités civile et décennale en déclarant l'activité n° 10 « Etanchéité sur supports horizontaux ou inclinés exclusivement par procédé Paralon » et constaté qu'elle ne contestait pas avoir mis en oeuvre un procédé d'étanchéité Moplas sbs et non un procédé Paralon, la cour d'appel, qui en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se prévaloir de la garantie de la société Thelem, peu important que les deux procédés eussent trait à l'étanchéité, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Charpenel (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances.

3e Civ., 8 novembre 2018, n° 17-13.833, (P)

Cassation partielle

Assurance obligatoire – Travaux de bâtiment – Garantie – Mise en oeuvre – Tiers constructeurs – Conditions – Désordres relevant de la garantie décennale

Viole les articles L. 124-3 et L. 241-1 du code des assurances la cour d'appel qui, pour rejeter le recours en garantie formé par des constructeurs et leur assureur contre l'assureur de responsabilité décennale d'un autre constructeur, prend en compte, non la nature des désordres, mais le fondement juridique de la responsabilité de l'assuré, alors que l'assureur de responsabilité décennale d'un constructeur doit sa garantie pour les désordres relevant de la garantie décennale.

Donne acte à M. X..., à la société Techniques et économie du bâtiment (la société TEB) et à la société Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y..., M. Z..., ès qualités de liquidateur de la société Méditerranée charpentes, et le syndicat des copropriétaires de la Bastide du bois Saint-Joseph ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 décembre 2016), que la société Saint-Rieul a, sous la maîtrise d'oeuvre de conception de M. X..., architecte, et la maîtrise d'oeuvre d'exécution du cabinet TEB, tous deux assurés par la MAF, entrepris la réhabilitation d'une bastide ancienne, et sa transformation en un immeuble collectif ; que la société Méditerranée charpentes, assurée auprès de la SMABTP, a été chargée de la révision générale de la toiture-couverture ; qu'une mission de contrôle technique a été confiée à la société Bureau Veritas ; que l'assureur dommages-ouvrage de l'opération était la SMABTP ; que les parties communes ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception avec réserves en date du 3 juin 2004 ; que la société Saint-Rieul a vendu en l'état futur d'achèvement à M. Y... un appartement situé au rez-de-chaussée de l'immeuble, lequel a déclaré à la SMABTP, assureur dommages ouvrage, un sinistre relatif à des décollements de tuiles et des chutes de fragments de tuiles et de mortier ; que la SMABTP, assureur dommages-ouvrage, a, après expertise, reconnu devoir sa garantie et émis des propositions de financement, jugées insuffisantes par M. Y... et le syndicat des copropriétaires, qui l'ont assignée en paiement de sommes ; que des appels en garantie ont été formés ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 124-3 et L. 241-1 du code des assurances ;

Attendu que, pour rejeter le recours en garantie formé par M. X..., la société TEB et la MAF contre la SMABTP, assureur décennal de la société Méditerranée charpentes, l'arrêt retient que l'exécution défectueuse des travaux de révision de la toiture par cette société est constitutive d'une faute engageant sa responsabilité civile quasi-délictuelle, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, fondement qui exclut que la garantie de la SMABTP, assureur décennal de la société Méditerranée charpentes, soit retenue ;

Qu'en statuant ainsi, en prenant en compte, non la nature des désordres, mais le fondement juridique de la responsabilité de l'assuré, alors que l'assureur de responsabilité décennale d'un constructeur doit sa garantie pour les désordres relevant de la garantie décennale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le recours en garantie formé par M. X..., la société TEB et la MAF contre la société SMABTP, assureur décennal de la société Méditerranée charpentes, l'arrêt rendu le 9 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Charpenel (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles L. 124-3 et L. 241-1 du code des assurances.

3e Civ., 22 novembre 2018, n° 17-22.112, (P)

Cassation

Assurance obligatoire – Travaux de bâtiment – Garantie – Obligation – Exclusion – Défaut – Cas – Clause subordonnant l'acquisition de la garantie à la résiliation d'une étude technique

Garantie – Exclusion – Disposition de la police – Clause subordonnant l'acquisition de la garantie à la résiliation d'une étude technique – Effets

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 2017), que, le 17 mars 2007, M. X... et Mme Y... ont confié à la société BCTP, depuis en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles (la société MMA), la construction d'un mur de soutènement implanté derrière un mur de clôture existant ; que, le 5 avril 2007, ils ont conclu avec la société Azur et construction un contrat de construction de maison individuelle ; que, se plaignant de fissures sur le mur de clôture préexistant, M. X... et Mme Y... ont, après expertise, assigné en indemnisation la société MMA, qui a appelé à l'instance la société Azur et construction ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour condamner la société Azur et construction, in solidum avec la société MMA, à payer diverses sommes à M. X... et Mme Y... et à garantir partiellement la société MMA, l'arrêt retient qu'il appartenait à la société Azur et construction, en vertu de l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, d'envisager tous les travaux d'adaptation au sol et d'équipements extérieurs indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, dont faisait partie le mur de soutènement destiné à soutenir les terres provenant du déblaiement effectué pour la construction de la maison, soit pour les intégrer dans son contrat, soit pour en estimer le coût s'ils étaient laissés à la charge des maîtres de l'ouvrage, et qu'elle n'a pas prévu cette réalisation ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la réalisation du mur de soutènement avait été prévue et confiée par le maître de l'ouvrage à la société BCTP par un contrat distinct du contrat de construction de maison individuelle conclu avec la société Azur et construction, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu les articles L. 241-1 et L. 243-8 du code des assurances ;

Attendu que, pour condamner la société MMA in solidum avec la société Azur et construction à payer certaines sommes à M. X... et Mme Y..., l'arrêt retient que le mur de soutènement construit par la société BCTP est affecté de désordres relevant de la responsabilité décennale des constructeurs, et que la clause contractuelle, subordonnant l'acquisition de la garantie pour un mur de soutènement des terres à la réalisation préalable d'une étude technique par un ingénieur conseil spécialisé et à la conformité des travaux aux préconisations résultant de cette étude, est une clause d'exclusion qui fait échec aux règles d'ordre public en excluant sa mise en oeuvre dans d'autres hypothèses que celles prévues par l'article A 243-1 annexe 1 du code des assurances ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause qui subordonne l'acquisition de la garantie à la réalisation d'une étude technique ne constitue pas une exclusion de garantie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Renard - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 241-1 et L. 243-8 du code des assurances.

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