Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

TRAVAIL TEMPORAIRE

Soc., 25 octobre 2023, n° 22-21.845, n° 22-21.846, n° 22-21.847, n° 22-21.848, n° 22-21.849, n° 22-21.850, (B), FS

Cassation

Entreprise de travail temporaire – Rémunération du salarié – Décision unilatérale de l'entreprise – Attribution d'une prime – Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat – Paiement – Cumul – Cumul avec la prime attribuée dans l'entreprise utilisatrice – Fondement – Détermination – Portée

Le salarié temporaire peut prétendre, en application de l'article L. 1251-18 du code du travail, au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mise en place dans l'entreprise utilisatrice en application de l'article 1 de la loi n° 2018-2013 du 24 décembre 2018.

Le règlement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat versée en exécution de son engagement unilatéral au profit de ses salariés permanents et temporaires, ne dispense pas l'entreprise de travail temporaire du paiement, en application de l'article L. 1251-18 du code du travail, de celle instituée au sein de l'entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-21.845 à 22-21.850 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Lyon, 9 septembre 2022), rendus en dernier ressort, Mme [E] et cinq autres salariés intérimaires de l'entreprise de travail temporaire Adecco France ont exécuté des missions d'intérim auprès de la société Electricité de France.

3. L'entreprise de travail temporaire a, par décision unilatérale du 28 décembre 2018, mis en place au profit de ses salariés permanents et temporaires, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat en application de l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018.

4. L'entreprise utilisatrice a, par décision unilatérale du 29 janvier 2019, décidé de mettre en place cette prime au profit de ses salariés. Cette décision précisait que les salariés éligibles étaient ceux liés à la société par un contrat de travail au 31 décembre 2018.

5. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au paiement par l'entreprise de travail temporaire de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mise en place par l'entreprise utilisatrice.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Les salariés font grief aux jugements de les débouter de leurs demandes au titre de la prime PEPA et à titre de dommages-intérêts pour préjudice de retard, exécution déloyale du contrat de travail et discrimination, alors :

« 1° / qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise utilisatrice dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice ; que le conseil de prud'hommes a constaté que la société EDF avait mis en place la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat par décision unilatérale du 29 janvier 2019 ; qu'en disant les exposants inéligibles au versement de cette prime PEPA au motif que la société EDF « a exclu le personnel intérimaire de [son bénéfice », quand une telle exclusion, contraire au principe d'égalité de traitement, ne pouvait être opposée aux salariées intérimaires, le conseil de prud'hommes a violé ledit principe, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ;

2°/ qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise utilisatrice dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice, nonobstant la circonstance que l'entreprise de travail temporaire ait également octroyé cette prime à ses salariés intérimaires ; qu'en disant les exposants inéligibles au versement de la prime PEPA dans l'entreprise utilisatrice au motif inopérant qu'elles avaient bénéficié du versement d'une prime PEPA au sein du groupe Adecco, leur employeur, le conseil de prud'hommes a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-18, alinéa 1, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 :

7. Selon les deux premiers de ces textes, la rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l'article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail.

8. Selon le troisième de ces textes, constitue une rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

9. Selon le dernier de ces textes, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, exonérée d'impôt sur le revenu, de toutes les cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle ainsi que des participations, taxes et contributions prévues aux articles 235 bis, 1599 ter A et 1609 quinviciès du code général des impôts ainsi qu'aux articles L. 6131-1, L. 6331-2, L. 6331-9 et L. 6322-37 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de son versement, peut être attribuée par l'employeur à l'ensemble des salariés ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond. Cette prime bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure. Elle ne peut se substituer à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur dans l'entreprise. Elle ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versés par l'employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales, contractuelles ou d'usage.

10. La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qui constitue un accessoire payé par l'employeur, entre dans la rémunération du salarié.

11. Pour débouter les salariés de leur demande en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat versée par l'entreprise utilisatrice, les jugements retiennent que les salariés temporaires n'étaient pas éligibles à la prime mise en place au sein de l'entreprise utilisatrice et qu'ils ont perçu cette prime exceptionnelle de pouvoir d'achat telle qu'elle a été instituée dans l'entreprise de travail temporaire.

12. En statuant ainsi, alors que l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ne déroge pas à l'article L. 1251-18 du code du travail et que le règlement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat en exécution de son engagement unilatéral ne dispensait pas l'entreprise de travail temporaire du paiement de celle instituée au sein de l'entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements rendus le 9 septembre 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Lyon ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Lyon autrement composé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 1251-18, alinéa 1, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail ; article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation pour l'entreprise utilisatrice d'attribuer, sur décision unilatérale, tant aux salariés permanents qu'aux salariés temporaires, la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, à rapprocher : Soc., 25 octobre 2023, pourvoi n° 21-24.161, Bull., (cassation).

Soc., 25 octobre 2023, n° 21-24.161, (B), FS

Cassation

Entreprise de travail utilisatrice – Rémunération du salarié – Décision unilatérale de l'entreprise – Attribution d'une prime – Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat – Egalité de traitement – Egalité entre le salarié temporaire et le salarié permanent – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Paris, 13 octobre 2021), rendu en dernier ressort, Mme [U], salariée intérimaire de l'entreprise de travail temporaire FED finance, a exécuté des missions d'intérim d'avril à décembre 2018 auprès de la société Allianz vie.

2. L'entreprise utilisatrice a décidé de mettre en place au profit de ses salariés, en application de l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat.

3. Le syndicat CFTC intérim, agissant en faveur de la salariée temporaire en application de l'article L. 1251-59 du code du travail, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement par l'entreprise de travail temporaire d'une somme au titre de la prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat et de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le syndicat fait grief au jugement de le débouter de sa demande en paiement à la salariée temporaire de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et de sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors « qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise de travail temporaire dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise de travail temporaire ; que l'entreprise utilisatrice ne peut pas exclure du bénéfice de cette prime les salariés intérimaires si elle a gratifié ses propres salariés ; qu'une telle décision, discriminatoire, est inopposable aux salariés de l'entreprise de travail temporaire ; qu'en jugeant néanmoins que la salariée intérimaire n'était pas éligible à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, au motif que la société Allianz vie avait exclu par décision unilatérale les collaborateurs en contrat d'intérim du bénéfice de la prime, le conseil de prud'hommes a statué par des motifs tout aussi erronés qu'inopérants, en violation du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-18, alinéa 1, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 :

5. Selon les deux premiers de ces textes, la rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l'article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail.

6. Selon le troisième de ces textes, constitue une rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

7. Selon le dernier de ces textes, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, exonérée d'impôt sur le revenu, de toutes les cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle ainsi que des participations, taxes et contributions prévues aux articles 235 bis, 1599 ter A et 1609 quinvicies du code général des impôts ainsi qu'aux articles L. 6131-1, L. 6331-2, L. 6331-9 et L. 6322-37 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de son versement, peut être attribuée par l'employeur à l'ensemble des salariés ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond. Cette prime bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure.

8. La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qui constitue un accessoire payé par l'employeur, entre dans la rémunération du salarié.

9. Pour débouter le syndicat de la demande en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et de dommages-intérêts, le jugement retient que la décision unilatérale signée le 23 janvier 2019, énonce que les collaborateurs en contrat d'intérim au 31 décembre 2018 ne sont pas concernés par la mesure et que l'entreprise utilisatrice ne souhaitant pas donner cette prime exceptionnelle de pouvoir d'achat à ses intérimaires l'a stipulé clairement dans sa décision unilatérale.

10. En statuant ainsi, alors que l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ne déroge pas à l'article L. 1251-18 du code du travail, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 octobre 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Paris autrement composé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles L. 1251-18, alinéa 1, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail ; article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018.

Soc., 25 octobre 2023, n° 21-21.946, (B), FS

Cassation partielle

Entreprise utilisatrice – Obligations – Protection de la sécurité et de la santé du salarié – Durées maximales de travail – Respect – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 octobre 2020), M. [K], ouvrier qualifié, a été mis à disposition de la société Eupec Pipecoatings France, spécialisée dans les gazoducs, par plusieurs entreprises de travail temporaire, entre janvier 2002 et décembre 2015.

2. Le 11 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

3. Par jugement d'un tribunal de commerce du 3 mai 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Eupec Pipecoatings France, la société W.R.A étant désignée en qualité de liquidatrice. Cette dernière a été appelée en cause par mémoire déposé le 24 avril 2023 et signifié le 5 mai 2023.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail, alors « que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en retenant qu'aucune des pièces produites par le salarié ne permettait de retenir la violation par l'entreprise utilisatrice de la durée maximale du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-21 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil :

6. Selon le premier de ces textes, pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail, notamment pour ce qui a trait à la durée du travail.

7. Selon le second, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

8. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'entreprise utilisatrice.

9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation des durées maximales quotidiennes de travail, l'arrêt retient que le salarié, qui ne précise pas les dates ni même les périodes des dépassements et laisse le soin à la cour de se reporter sans autre précision aux pièces du dossier, produit aux débats des attestations de collègues de travail. Il relève qu'aucune de ces pièces ne permet de retenir la violation par l'entreprise utilisatrice des durées maximales de travail. Il souligne que la plupart des attestants procèdent par voie d'affirmations générales en indiquant que l'intéressé travaillait dix heures par jour « voire plus » mais ces attestations sont douteuses comme rédigées en des termes similaires sans aucun élément permettant de les corroborer.

L'arrêt précise que l'étude des quelques bulletins de paie produits aux débats, comportant fréquemment des heures supplémentaires, ne révèle aucun dépassement des durées maximales de travail.

10. L'arrêt ajoute qu'en ce qui concerne la durée des pauses, la société utilisatrice évoque la forte rémunération allouée au salarié pour compenser les sujétions rencontrées lors des chantiers, mais admet être dans l'impossibilité de justifier du respect de ses obligations en matière de pauses.

L'arrêt en conclut que la société ne justifie pas avoir respecté les obligations lui incombant en sa qualité d'entreprise utilisatrice.

11. L'arrêt retient encore que le salarié qui se borne, sans autre explication, à réclamer une somme n'explicite pas sa demande, alors qu'en vertu de l'article 9 du code de procédure civile il incombe aux parties d'alléguer les faits utiles au soutien de leur demande et de les prouver et que s'en tenant à des considérations générales, il ne démontre ni l'étendue ni même l'existence de son préjudice.

12. En statuant ainsi, sans constater que l'entreprise utilisatrice justifiait avoir respecté les durées maximales de travail prévues par le droit interne, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [K] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la violation des durées maximales de travail, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 23 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Doumic-Seiller -

Textes visés :

Article L. 1251-21 du code du travail ; article 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination de la charge de la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et le droit interne, à rapprocher : Soc., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-13.267, Bull. 2013, V, n° 220 (cassation), et les arrêts cités. Sur l'obligation pour l'entreprise utilisatrice de garantir la protection de la sécurité et de la santé du salarié intérimaire, à rapprocher : Soc., 30 novembre 2010, pourvoi n° 08-70.390, Bull. 2010, V, n° 270 (cassation) ; Soc., 26 février 2020, pourvoi n° 18-22.556, Bull., (cassation partielle) ; Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 20-23.312, Bull., (rejet).

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