Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION

Soc., 25 octobre 2023, n° 21-24.161, (B), FS

Cassation

Salaire – Primes et gratifications – Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat – Attribution – Décision de l'entreprise utilisatrice – Décision unilatérale – Bénéficiaire – Salarié temporaire de l'entreprise – Fondement – Egalité de traitement – Détermination – Portée

Le salarié temporaire peut prétendre, en application de l'article L. 1251-18 du code du travail, au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mise en place dans l'entreprise utilisatrice en application de l'article 1 de la loi n° 2018-2013 du 24 décembre 2018.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Paris, 13 octobre 2021), rendu en dernier ressort, Mme [U], salariée intérimaire de l'entreprise de travail temporaire FED finance, a exécuté des missions d'intérim d'avril à décembre 2018 auprès de la société Allianz vie.

2. L'entreprise utilisatrice a décidé de mettre en place au profit de ses salariés, en application de l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat.

3. Le syndicat CFTC intérim, agissant en faveur de la salariée temporaire en application de l'article L. 1251-59 du code du travail, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement par l'entreprise de travail temporaire d'une somme au titre de la prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat et de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le syndicat fait grief au jugement de le débouter de sa demande en paiement à la salariée temporaire de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et de sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors « qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise de travail temporaire dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise de travail temporaire ; que l'entreprise utilisatrice ne peut pas exclure du bénéfice de cette prime les salariés intérimaires si elle a gratifié ses propres salariés ; qu'une telle décision, discriminatoire, est inopposable aux salariés de l'entreprise de travail temporaire ; qu'en jugeant néanmoins que la salariée intérimaire n'était pas éligible à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, au motif que la société Allianz vie avait exclu par décision unilatérale les collaborateurs en contrat d'intérim du bénéfice de la prime, le conseil de prud'hommes a statué par des motifs tout aussi erronés qu'inopérants, en violation du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-18, alinéa 1, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail et l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 :

5. Selon les deux premiers de ces textes, la rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l'article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail.

6. Selon le troisième de ces textes, constitue une rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

7. Selon le dernier de ces textes, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, exonérée d'impôt sur le revenu, de toutes les cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle ainsi que des participations, taxes et contributions prévues aux articles 235 bis, 1599 ter A et 1609 quinvicies du code général des impôts ainsi qu'aux articles L. 6131-1, L. 6331-2, L. 6331-9 et L. 6322-37 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de son versement, peut être attribuée par l'employeur à l'ensemble des salariés ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond. Cette prime bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure.

8. La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qui constitue un accessoire payé par l'employeur, entre dans la rémunération du salarié.

9. Pour débouter le syndicat de la demande en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et de dommages-intérêts, le jugement retient que la décision unilatérale signée le 23 janvier 2019, énonce que les collaborateurs en contrat d'intérim au 31 décembre 2018 ne sont pas concernés par la mesure et que l'entreprise utilisatrice ne souhaitant pas donner cette prime exceptionnelle de pouvoir d'achat à ses intérimaires l'a stipulé clairement dans sa décision unilatérale.

10. En statuant ainsi, alors que l'article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ne déroge pas à l'article L. 1251-18 du code du travail, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 octobre 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Paris autrement composé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles L. 1251-18, alinéa 1, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail ; article 1 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018.

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