Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 25 octobre 2023, n° 21-21.946, (B), FS

Cassation partielle

Durée maximale – Seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne – Preuve – Charge – Détermination – Cas – Contrat de travail temporaire – Entreprise utilisatrice – Portée

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'entreprise utilisatrice.

Durée maximale – Durées maximales fixées par le droit interne – Respect – Preuve – Charge – Détermination – Cas – Contrat de travail temporaire – Entreprise utilisatrice – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 octobre 2020), M. [K], ouvrier qualifié, a été mis à disposition de la société Eupec Pipecoatings France, spécialisée dans les gazoducs, par plusieurs entreprises de travail temporaire, entre janvier 2002 et décembre 2015.

2. Le 11 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

3. Par jugement d'un tribunal de commerce du 3 mai 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Eupec Pipecoatings France, la société W.R.A étant désignée en qualité de liquidatrice. Cette dernière a été appelée en cause par mémoire déposé le 24 avril 2023 et signifié le 5 mai 2023.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail, alors « que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en retenant qu'aucune des pièces produites par le salarié ne permettait de retenir la violation par l'entreprise utilisatrice de la durée maximale du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-21 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil :

6. Selon le premier de ces textes, pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail, notamment pour ce qui a trait à la durée du travail.

7. Selon le second, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

8. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'entreprise utilisatrice.

9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation des durées maximales quotidiennes de travail, l'arrêt retient que le salarié, qui ne précise pas les dates ni même les périodes des dépassements et laisse le soin à la cour de se reporter sans autre précision aux pièces du dossier, produit aux débats des attestations de collègues de travail. Il relève qu'aucune de ces pièces ne permet de retenir la violation par l'entreprise utilisatrice des durées maximales de travail. Il souligne que la plupart des attestants procèdent par voie d'affirmations générales en indiquant que l'intéressé travaillait dix heures par jour « voire plus » mais ces attestations sont douteuses comme rédigées en des termes similaires sans aucun élément permettant de les corroborer.

L'arrêt précise que l'étude des quelques bulletins de paie produits aux débats, comportant fréquemment des heures supplémentaires, ne révèle aucun dépassement des durées maximales de travail.

10. L'arrêt ajoute qu'en ce qui concerne la durée des pauses, la société utilisatrice évoque la forte rémunération allouée au salarié pour compenser les sujétions rencontrées lors des chantiers, mais admet être dans l'impossibilité de justifier du respect de ses obligations en matière de pauses.

L'arrêt en conclut que la société ne justifie pas avoir respecté les obligations lui incombant en sa qualité d'entreprise utilisatrice.

11. L'arrêt retient encore que le salarié qui se borne, sans autre explication, à réclamer une somme n'explicite pas sa demande, alors qu'en vertu de l'article 9 du code de procédure civile il incombe aux parties d'alléguer les faits utiles au soutien de leur demande et de les prouver et que s'en tenant à des considérations générales, il ne démontre ni l'étendue ni même l'existence de son préjudice.

12. En statuant ainsi, sans constater que l'entreprise utilisatrice justifiait avoir respecté les durées maximales de travail prévues par le droit interne, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [K] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la violation des durées maximales de travail, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 23 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Doumic-Seiller -

Textes visés :

Article L. 1251-21 du code du travail ; article 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination de la charge de la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et le droit interne, à rapprocher : Soc., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-13.267, Bull. 2013, V, n° 220 (cassation), et les arrêts cités. Sur l'obligation pour l'entreprise utilisatrice de garantir la protection de la sécurité et de la santé du salarié intérimaire, à rapprocher : Soc., 30 novembre 2010, pourvoi n° 08-70.390, Bull. 2010, V, n° 270 (cassation) ; Soc., 26 février 2020, pourvoi n° 18-22.556, Bull., (cassation partielle) ; Soc., 8 février 2023, pourvoi n° 20-23.312, Bull., (rejet).

Soc., 25 octobre 2023, n° 20-22.800, (B), FS

Rejet

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Exclusion – Cas – Travailleur n'ayant pas de lieu de travail fixe ou habituel – Déplacements entre le domicile et les sites du premier et du dernier clients – Conditions – Temps de déplacement ne répondant pas à la définition du temps de travail effectif – Office du juge – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code.

Doit être approuvée la cour d'appel qui, ayant retenu, en premier lieu, que le contrôle de l'employeur quant au respect des plannings, à l'optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisait pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu'il prenait l'initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l'employeur n'étant que rétrospectifs et se justifiant par la mise en place d'un dispositif d'indemnisation des trajets anormaux, que le salarié pouvait choisir les soirées étapes au-delà d'une certaine distance et que cette prescription n'avait pas pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l'employeur mais d'éviter de trop longs trajets, et qu'un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation, en second lieu, que le salarié ne caractérisait pas l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, ce dont elle a pu en déduire que l'accomplissement de ces tâches ne conférait pas audit domicile la qualité de lieu de travail, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l'employeur lui allouât une indemnité mensuelle, en a déduit que les temps de trajet entre le domicile du salarié et les sites des premier et dernier clients ne constituaient pas du temps de travail effectif.

Travail effectif – Temps assimilé à du travail effectif – Cas – Travailleur n'ayant pas de lieu de travail fixe ou habituel – Déplacements entre le domicile et les sites des premier et dernier clients – Conditions – Temps de déplacement répondant à la définition du temps de travail effectif – Office du juge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2020), M. [W] a été engagé en qualité d'assistant de délégation, emploi ultérieurement intitulé inspecteur régional, à compter du 20 septembre 1999, par la société Auxiga.

Le 25 avril 2001, les parties ont conclu une convention de forfait en jours.

Le contrat de travail a été transféré à la société Auxiliaire de contrôle à compter du 1er janvier 2009.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 1er août 2017 à l'effet d'obtenir l'annulation de sa convention de forfait en jours et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme son salaire moyen mensuel pour l'année 2019, de limiter à une certaine somme celle allouée au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents compris, et de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en paiement de rappel de salaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de dommages-intérêts au titre de l'entrave à la vie privée et d'un manquement à l'obligation de sécurité, alors :

« 1°/ que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif ; que pour limiter le rappel de salaire pour heures supplémentaires et rejeter les demandes subséquentes, après avoir rappelé que le salarié faisait valoir que le volume des heures de travail administratives accomplies à domicile avait une incidence sur la qualification des premiers et derniers trajets en travail effectif, en ce que ce volume conférait à son domicile un usage de bureau, transformant dès lors en trajet d'un lieu de travail vers un autre, le trajet depuis ce lieu ou vers celui-ci, la cour d'appel a retenu que pour autant, le salarié ne caractérisait nullement l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, en alléguant dans ses dernières écritures qu'elles seraient de dix heures par semaine, alors même qu'il les évaluait à deux heures trente en moyenne dans ses pièces et que cette activité, en sa qualité de travailleur itinérant, ne conférait pas la qualité de lieu de travail à son domicile, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l'employeur lui allouait une indemnité mensuelle à ce titre ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que les parties étaient convenues que le salarié effectuerait, aux frais de l'employeur, un travail administratif à son domicile, ce dont elle devait déduire que le temps de trajet entre le domicile du salarié, lieu où ce dernier devait exercer une partie de ses fonctions, et les locaux des clients de l'employeur constituait un temps de travail effectif et devait être rémunéré comme tel, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

2°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les conclusions qui les saisissent ; que pour dire que le salarié ne caractérisait nullement l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, l'arrêt a retenu que le salarié alléguait dans ses dernières écritures que les tâches administratives accomplies à domicile seraient de « dix heures par semaine », alors même qu'il les évaluait à deux heures trente en moyenne dans ses pièces ; qu'en statuant ainsi, alors que dans ses écritures, corroborées par ses pièces, le salarié soutenait que toutes les tâches administratives effectuées au domicile, avant de partir ou en rentrant, représentaient plus de « dix heures de travail par mois », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions du salarié, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu'après avoir relevé que le véhicule de service du salarié disposait d'un dispositif de géolocalisation, que le salarié recevait un planning mensuel, qu'il devait impérativement soumettre à l'accord de son supérieur la réalisation d'heures supplémentaires, tout décalage, anticipation ou annulation d'un contrôle, qu'il recevait également un planning hebdomadaire indiquant les contrôles à effectuer et les dates des contrôles et que si l'employeur soutenait que le salarié jouissait d'une liberté d'organisation de ses journées dès lors qu'il déterminait le choix de son itinéraire, l'ordre et l'heure de ses interventions, cette liberté était en réalité limitée puisque l'employeur pouvait pointer des anomalies, la cour d'appel a retenu que pour autant, ce contrôle quant au respect des plannings, à l'optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisaient pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu'il prenait l'initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l'employeur n'étant que rétrospectifs et se justifiant pleinement dès lors que ce dernier avait mis en place un dispositif d'indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à indemnisation au delà de quarante-cinq minutes, qu'en outre, en tant que travailleur itinérant le salarié restait libre de vaquer à ses obligations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier et il ne saurait davantage arguer de l'existence de soirées étapes imposées par l'employeur au delà d'une certaine distance, dès lors qu'il pouvait les choisir et que cette prescription n'avait nullement pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l'employeur mais d'éviter de trop longs trajets et qu'enfin, un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié devait utiliser, pour faire le trajet entre les locaux des clients de son employeur et son domicile, un véhicule de service doté d'un dispositif de géolocalisation, ce dont elle devait déduire que le temps de trajet pour se rendre aux locaux des clients constituait un temps effectif devant être rémunéré comme tel, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 2 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles L. 3121-1 et L. 3121-4, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code.

5. En premier lieu, après avoir relevé que le nombre des heures supplémentaires que le salarié estimait avoir accomplies résultait de la prise en considération dans son temps de travail effectif des temps de trajet entre le domicile et les sites des premier et dernier clients, la cour d'appel a d'abord constaté que le véhicule de service utilisé par l'intéressé disposait d'un dispositif de géolocalisation, qu'il recevait un planning mensuel, qu'il devait impérativement soumettre à l'accord de son supérieur la réalisation d'heures supplémentaires, tout décalage, anticipation ou annulation d'un contrôle, et qu'il recevait également un planning hebdomadaire indiquant les contrôles à effectuer et les dates de ces derniers.

6. Elle a retenu ensuite que le contrôle quant au respect des plannings, à l'optimisation des temps de trajets et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffisait pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée, dès lors qu'il prenait l'initiative de son circuit quotidien, les contrôles de l'employeur n'étant que rétrospectifs et se justifiant pleinement dès lors que l'employeur avait mis en place un dispositif d'indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à indemnisation au-delà de quarante-cinq minutes.

7. Elle a ajouté qu'en tant que travailleur itinérant, le salarié restait libre de vaquer à des occupations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier et qu'il ne saurait davantage arguer de l'existence de soirées étapes imposées par l'employeur au-delà d'une certaine distance, dès lors qu'il pouvait les choisir et que cette prescription n'avait nullement pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l'employeur mais d'éviter de trop longs trajets.

8. Elle a en outre relevé qu'un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service lui permettait de désactiver la géolocalisation.

9. En second lieu, ayant souverainement retenu que le salarié ne caractérisait pas l'importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, elle a pu en déduire que l'accomplissement de ces tâches ne conférait pas audit domicile la qualité de lieu de travail, quand bien même son usage ponctuel justifiait que l'employeur lui allouât une indemnité mensuelle.

10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que les temps de trajet entre le domicile du salarié et les sites des premier et dernier clients ne constituaient pas du temps de travail effectif.

11. Le moyen, qui, pris en sa deuxième branche, est inopérant, n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité au titre des temps de trajets anormaux, alors « qu'il résulte des articles L. 3121-4, L. 3121-7 et L. 3121-8 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif ; que lorsqu'il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière ; qu'à défaut d'accord collectif, la contrepartie est déterminée par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent ; que pour débouter le salarié de sa demande d'un complément d'indemnité au titre des temps de trajets anormaux, la cour d'appel a retenu que si le salarié était fondé à revendiquer un seuil d'anormalité de ses trajets au delà de trente minutes et, partant, une contrepartie pour quatre cent trente-et-une heures de temps anormal de trajet accomplies entre 2016 et 2019, en revanche il n'était pas fondé à se référer à la compensation fixée par l'employeur dans sa note de service 001-16 du 7 janvier 2016, soit un taux horaire normal, pour évaluer le montant de sa compensation et que le juge ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, fixer de compensation à un niveau équivalent à une rémunération normale dès lors que « le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif » ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'employeur avait décidé le 7 janvier 2016, par voie d'engagement unilatéral, d'appliquer au temps anormal de trajet la rémunération du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble l'article 1134 ancien, devenu 1104, du code civil et les règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux. »

Réponse de la Cour

13. Lorsque le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il appartient au juge, en l'absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral pris conformément aux textes qui le prévoient, de déterminer la contrepartie due au salarié. Il ne peut pour ce faire assimiler le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail à un temps de travail effectif.

14. Après avoir retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'engagement unilatéral de l'employeur en date du 7 janvier 2016 n'avait pas été pris après consultation des délégués du personnel et qu'il n'était dès lors pas conforme aux prescriptions légales le prévoyant, la cour d'appel a, à bon droit, déterminé la contrepartie due au salarié sans assimiler le taux horaire à celui du temps de travail effectif.

15. Le moyen, qui est inopérant pour la période antérieure au 7 janvier 2016, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de prise en compte, dans le temps de travail effectif, des temps de trajet d'un travailleur itinérant entre son domicile et les sites du premier et du dernier clients, à rapprocher : Soc., 1er mars 2023, pourvoi n° 21-12.068, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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