Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 4 octobre 2023, n° 21-25.748, (B), FRH

Rejet

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accord d'entreprise – Accord sur les modalités de consultation – Consultations récurrentes des institutions représentatives du personnel – Base de données économiques et sociales – Contenu – Négociation préalable – Caractère obligatoire (non) – Fondement – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 septembre 2021), statuant en matière de référé, le groupe Fiducial, dont le métier historique est l'expertise comptable, a développé plusieurs autres branches d'activité.

Les opérations d'acquisition sont opérées par la holding Fiducial security services. Celle-ci a fait l'acquisition au 1er octobre 2020 de 100 % des actions de la société Prosegur security holding France, ainsi que 100 % des actions de la société Prosegur services France, ces dernières devenant des filiales autonomes de la holding.

La société Fiducial private security est une autre filiale de la holding.

2. Une information a été notamment faite auprès du comité social et économique de la société Fiducial private security (le CSE) le 10 juin 2020, portant sur le projet de cession des titres des sociétés françaises de la division sécurité du groupe Prosegur à la société Fiducial security services.

3. Le 23 septembre 2020, M. [U], Mme [S] et M. [N], membres élus du CSE, et le syndicat CGT Fiducial private security Ile-de-France (le syndicat) ont fait assigner la société Fiducial private security (la société) aux fins notamment d'obtenir la suspension des opérations de cession des titres des sociétés françaises de la division sécurité du groupe Prosegur au profit de la holding Fiducial security service en l'absence de consultation du CSE ou à tout le moins la suspension du projet de réorganisation interne nécessairement engendré par l'achat du groupe Prosegur, la communication par la société au CSE des informations complètes sur la division sécurité du groupe Prosegur, la consultation sous astreinte du CSE relative à l'achat du groupe Prosegur et la condamnation de la société à leur verser certaines sommes à titre de provisions.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, cinquième et sixième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le syndicat et MM. [U] et [N], membres élus du CSE, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à ce que soit suspendue la mise en place actuelle d'une base de données économiques et sociales dépourvue de toute négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives et que soit ordonnée la mise en place d'une négociation loyale avec les organisations syndicales représentatives sur l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement d'une base de données économiques et sociales, sous astreinte, alors :

« 1°/ que l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques sociales sont définies par un accord d'entreprise ; que la conclusion d'un tel accord revêt donc un caractère obligatoire ; qu'en retenant que l'employeur n'avait commis aucun manquement en s'abstenant d'engager des négociations avec les organisations syndicales représentatives en vue de la conclusion d'un accord sur l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques et sociales au motif erroné qu'un tel accord n'est pas obligatoire, la cour d'appel a violé l'article L. 2312-21 du code du travail, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ;

2°/ que l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques sociales sont définies par un accord d'entreprise ; que l'employeur est tenu d'engager des négociations avec les organisations syndicales représentatives en vue de la conclusion d'un tel accord ; qu'en rejetant les demandes tendant à la suspension de la base de données mise en place sans négociation et à l'engagement de négociations en vue de la conclusion d'un accord sur la base de données économiques et sociales sans rechercher si, comme l'y invitaient les conclusions des parties, l'employeur avait ou non engagé des négociations loyales avec les organisations syndicales représentatives en vue de la conclusion d'un tel accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-21 du code du travail et 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 2312-18 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 :

« Une base de données économiques et sociales rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à disposition du comité social et économique. Ces informations comportent en particulier des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération et les informations sur la méthodologie et le contenu des indicateurs prévus à l'article L. 1142-8.

Les éléments d'information transmis de manière récurrente au comité sont mis à la disposition de leurs membres dans la base de données et cette mise à disposition actualisée vaut communication des rapports et informations au comité, dans les conditions et limites fixées par un décret en Conseil d'Etat.

Lorsque les dispositions du présent code prévoient également la transmission à l'autorité administrative des rapports et informations mentionnés au deuxième alinéa, les éléments d'information qu'ils contiennent sont mis à la disposition de l'autorité administrative à partir de la base de données et la mise à disposition actualisée vaut transmission à cette autorité. »

7. Aux termes de l'article L. 2312-21 du même code :

« Un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, définit :

1° L'organisation, l'architecture et le contenu de la base de données économiques et sociales ;

2° Les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales, notamment les droits d'accès et le niveau de mise en place de la base dans les entreprises comportant des établissements distincts, son support, ses modalités de consultation et d'utilisation.

La base de données comporte au moins les thèmes suivants : l'investissement social, l'investissement matériel et immatériel, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise, les fonds propres, l'endettement, l'ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants, les activités sociales et culturelles, la rémunération des financeurs, les flux financiers à destination de l'entreprise.

L'accord peut également intégrer dans la base de données les informations nécessaires aux négociations obligatoires prévues à l'article L. 2242-1, au 1° de l'article L. 2242-11 ou à l'article L. 2242-13 et aux consultations ponctuelles du comité social et économique prévues à l'article L. 2312-8 et à la sous-section 4.

L'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données sont tels qu'ils permettent au comité social et économique et, le cas échéant, aux délégués syndicaux d'exercer utilement leurs compétences.

A défaut d'accord prévu à l'alinéa premier, un accord de branche peut définir l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales dans les entreprises de moins de trois cents salariés. »

8. Aux termes de l'article L. 2312-36 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :

« En l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité social et économique.

La base de données est accessible en permanence aux membres de la délégation du personnel du comité social et économique ainsi qu'aux membres de la délégation du personnel du comité social et économique central d'entreprise, et aux délégués syndicaux.

Les informations contenues dans la base de données portent sur les thèmes suivants :

1° Investissements : investissement social (emploi, évolution et répartition des contrats précaires, des stages et des emplois à temps partiel, formation professionnelle et conditions de travail), investissement matériel et immatériel et, pour les sociétés mentionnées aux I et II de l'article L. 225-102-1 du code du commerce, les informations en matière environnementale présentées en application du III du même article ;

2° Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise : diagnostic et analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l'âge, de la qualification et de l'ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l'entreprise, part des femmes et des hommes dans le conseil d'administration ;

3° Fonds propres et endettement ;

4° Ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants ;

5° Activités sociales et culturelles ;

6° Rémunération des financeurs ;

7° Flux financiers à destination de l'entreprise, notamment aides publiques et crédits d'impôts ;

8° Sous-traitance ;

9° Le cas échéant, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe.

Ces informations portent sur les deux années précédentes et l'année en cours et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes.

Le contenu de ces informations ainsi que les modalités de fonctionnement de la base sont déterminés par un décret en Conseil d'Etat, le contenu pouvant varier selon que l'effectif de l'entreprise est inférieur ou au moins égal à trois cents salariés.

Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique, du comité social et économique central d'entreprise et les délégués syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations contenues dans la base de données revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur. »

9. Aux termes de l'article R. 2312-10 du même code :

« En l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, les informations figurant dans la base de données portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu'elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes.

Ces informations sont présentées sous forme de données chiffrées ou, à défaut, pour les années suivantes, sous forme de grandes tendances.

L'employeur indique, pour ces années, les informations qui, eu égard à leur nature ou aux circonstances, ne peuvent pas faire l'objet de données chiffrées ou de grandes tendances, pour les raisons qu'il précise. »

10. Il ressort de ces textes que, le contenu de la base de données économiques et sociales étant, en l'absence d'accord, déterminé par les dispositions légales et réglementaires précitées, la négociation préalable d'un accord prévu à l'article L. 2312-21 du code du travail ne présente pas de caractère obligatoire.

11. La cour d'appel qui a retenu que l'employeur n'avait commis aucun manquement en s'abstenant d'engager des négociations avec les organisations syndicales en vue de la conclusion d'un accord sur l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques et sociales, de sorte qu'il n'y avait lieu à référé sur la demande de suspension de la mise en place de cette base de données, n'encourt pas les griefs du moyen.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

12. Le syndicat et les deux élus du CSE font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la société a manqué à son obligation de mettre un local aménagé à la disposition du CSE et que soit ordonnée la mise à disposition d'un local aménagé conformément aux dispositions légales pour le CSE, sous astreinte, alors « que l'employeur est tenu de mettre un local aménagé à la disposition du comité social et économique ; que la mise à disposition d'un local constitue une obligation de résultat dont l'employeur ne peut s'exonérer que s'il justifie d'un cas de force majeure ; qu'en retenant que l'absence de mise à disposition du CSE de la société d'un local aménagé ne caractérisait pas un manquement de l'employeur sans constater qu'un cas de force majeure avait empêché ce dernier de satisfaire à son obligation de mise à disposition d'un local, la cour d'appel a violé l'article L. 2312-25 du code du travail. »

Réponse de la Cour

13. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, d'une part que le CSE dispose des locaux qui étaient affectés aux anciens comités d'entreprise, d'autre part que la question du choix d'un nouveau local a été inscrite à l'ordre du jour mais sans cesse reportée par les élus eux-mêmes.

14. Le moyen est, dès lors, inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 2312-18, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, L. 2312-21, L. 2312-36, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, et R. 2312-10 du code du travail.

Soc., 18 octobre 2023, n° 21-60.159, (B), FS

Cassation

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords d'entreprise – Accord d'entreprise non majoritaire – Validation – Consultation des salariés – Régularité – Contestation – Modalités – Détermination – Portée

Il résulte de l'application combinée des articles L. 2232-12, R. 2232-5 et R. 2314-24 du code du travail, R. 211-3-15, 1°, R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire et des articles 761, 2°, et 817 du code de procédure civile que les contestations relatives aux consultations des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise, qui se déroulent dans le respect des principes généraux du droit électoral, sont formées par voie de requête, les parties étant dispensées de constituer avocat.

Viole ces textes le jugement qui, pour déclarer irrecevable une requête, retient que la procédure de contestation, prévue par l'article R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire, est écrite avec représentation obligatoire et que le tribunal judiciaire ne pouvait être saisi que par voie d'assignation ou de requête conjointe.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, 21 mai 2021) et les productions, deux syndicats représentatifs ont sollicité de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe (la caisse) l'organisation d'une consultation du personnel de la caisse afin de valider deux accords collectifs signés le 31 décembre 2020 par des organisations syndicales représentant plus de 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles et ont informé les autres organisations représentatives, le SUNICAG-SUD-CAM et le syndicat Union générale des travailleurs de la Guadeloupe (UGTG), de cette demande de consultation.

2. Un protocole d'accord relatif à l'organisation de la consultation du personnel a été signé le 1er mars 2021 entre la caisse et les quatre organisations syndicales représentatives.

Le vote s'est déroulé du 17 au 19 mars 2021 par voie électronique.

3. Par requête du 1er avril 2021, invoquant l'existence d'irrégularités dans le déroulement du scrutin, le SUNICAG-SUD-CAM a saisi un tribunal judiciaire d'une contestation de cette consultation et les trois autres organisations syndicales sont intervenues à l'instance.

4. A l'audience de renvoi du 18 mai 2021, le SUNICAG-SUD-CAM a déclaré se désister de ses demandes.

L'UGTG a soutenu oralement à l'audience, à titre reconventionnel, l'annulation du processus de consultation.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. L'UGTG fait grief au jugement de dire irrecevables la requête introductive et la demande soutenue à l'audience en annulation de la procédure de consultation des salariés, alors « que cette procédure est légalement assimilée à une élection professionnelle et relève de ce fait de la procédure sans représentation non obligatoire ; qu'en conséquence, le tribunal, qui a déclaré irrecevable la requête alors qu'elle l'avait régulièrement saisi de l'affaire, a méconnu les articles R. 211-3-12 à R. 211-3-23 du code de l'organisation judiciaire, R. 2232-5 du code du travail, 761 et 817 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2232-12, R. 2232-5 et R. 2314-24 du code du travail, R. 211-3-15, 1°, R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire et les articles 761, 2°, et 817 du code de procédure civile :

6. Selon l'article L. 2232-12 du code du travail, la consultation des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise non majoritaire, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l'employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique.

L'accord est valide s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

7. Aux termes de l'article R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît des contestations relatives :

1° Aux modalités d'organisation, à la liste des salariés devant être consultés et à la régularité des procédures de consultation sur les accords d'entreprise prévues par les articles L. 2232-12, L. 2232-23-1, L. 2232-24 et L. 2232-26 du code du travail ;

2° A la liste des salariés devant être consultés et à la régularité des procédures de consultation prévues par les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail.

8. Selon l'article R. 2232-5 du code du travail, les contestations relatives à la liste des salariés devant être consultés et à la régularité de la consultation sont de la compétence du tribunal judiciaire qui statue en dernier ressort.

9. En application de l'article R. 2314-24 du même code, le tribunal judiciaire est saisi par voie de requête des contestations portant sur l'électorat et la régularité des opérations électorales ainsi que sur la désignation de représentants syndicaux.

10. En vertu de l'article 761, 2°, du code de procédure civile, les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et notamment dans les matières énumérées par l'article R. 211-3-15, 1°, du code de l'organisation judiciaire, portant sur les contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection des membres de la délégation du personnel au comité social et économique.

11. Aux termes de l'article 817 du même code, lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat conformément aux dispositions de l'article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées.

12 Il résulte de l'application combinée de ces textes que les contestations relatives aux consultations des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise, qui se déroulent dans le respect des principes généraux du droit électoral, sont formées par voie de requête, les parties étant dispensées de constituer avocat.

13. Pour déclarer irrecevable la requête, le jugement retient que le litige ne relève pas de l'une des hypothèses pour lesquelles les parties sont dispensées de constituer avocat, que la procédure est la procédure écrite avec représentation obligatoire et que, dans ces circonstances, le tribunal ne pouvait être saisi que par voie d'assignation ou de requête conjointe.

14. En statuant ainsi, alors qu'il avait été régulièrement saisi par voie de requête, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions du jugement déclarant « irrecevable » la requête saisissant la juridiction entraîne, par voie de conséquence, la cassation des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Pointre-à-Pitre autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : Mme Laulom -

Textes visés :

Articles L. 2232-12, R. 2232-5 et R. 2314-24 du code du travail ; articles R. 211-3-15, 1°, et R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire ; articles 761, 2°, et 817 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur les modalités de contestation de la régularité de la consultation des salariés afin de valider un accord d'entreprise non majoritaire, à rapprocher : Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-60.270, Bull., (cassation).

Soc., 4 octobre 2023, n° 22-23.551, (B) (R), FS

Cassation sans renvoi

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Révision – Avenant – Extinction d'un accord collectif de branche à durée déterminée – Modalités – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 2231-1, alinéa 1, L. 2232-6, L. 2261-7 et L. 2261-8 du code du travail et du principe de la liberté contractuelle en matière de négociation collective que les partenaires sociaux sont en droit de conclure, dans les conditions fixées par l'article L. 2261-7 du code du travail, un avenant de révision d'un accord collectif de branche à durée indéterminée mettant fin à cet accord, dès lors que cette extinction prend effet à compter de l'entrée en vigueur d'un autre accord collectif dont le champ d'application couvre dans son intégralité le champ professionnel et géographique de l'accord abrogé par l'avenant de révision.

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Révision – Avenant de révision d'un accord collectif de branche à durée déterminée – Validité du nouvel accord – Condition – Accord couvrant l'intégralité du champ professionnel et géographique de l'accord abrogé – Portée

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Révision – Avenant de révision d'un accord collectif de branche à durée déterminée – Validité du nouvel accord – Condition – Moment – Entrée en vigueur concomitante à l'extinction de l'accord abrogé – Portée

Intervention volontaire

1. Il est donné acte à la Confédération générale du travail de son intervention volontaire au soutien de l'Union syndicale des travailleurs de la métallurgie CGT de la Savoie (l'USTM-CGT) et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (la FTM-CGT).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 24 novembre 2022), le secteur professionnel de la métallurgie est régi par des accords collectifs, d'une part de niveau national, dont l'accord national du 10 juillet 1970 créant un statut unifié des ouvriers et des employés, techniciens et agents de maîtrise et la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, négociés par l'Union des industries et métiers de la métallurgie et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national, d'autre part de niveau territorial, négociés par chaque union des industries et métiers de la métallurgie locale et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau de la branche dans le champ géographique considéré.

3. Parmi les soixante-seize conventions territoriales de la métallurgie, a été signée, le 29 décembre 1975, la convention collective applicable aux mensuels de la métallurgie de la Savoie.

4. En 2013, l'Union des industries et métiers de la métallurgie et les organisations syndicales de salariés représentatives ont engagé une réflexion sur l'évolution du dispositif conventionnel de la métallurgie, ayant abouti à la signature, le 27 juin 2016, d'un accord national relatif à la mise en oeuvre opérationnelle de la négociation de l'évolution du dispositif conventionnel, puis, le 29 septembre 2021, d'un accord national portant dispositions en faveur de négociations territoriales et sectorielles en vue de la mise en place d'un nouveau dispositif conventionnel dans la métallurgie, révisé par avenant du 21 décembre 2021.

5. Le 7 février 2022, la convention collective nationale de la métallurgie a été signée entre l'Union des industries et métiers de la métallurgie d'une part, les organisations syndicales CFDT, FO et CFE-CGC, d'autre part. Elle a été étendue par arrêté du 14 décembre 2022.

6. L'entrée en vigueur de cette convention a été fixée au 1er janvier 2024, sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives à la protection sociale, dont l'entrée en vigueur a été prévue à compter du premier jour du mois suivant la date de publication de l'arrêté d'extension de la convention et au plus tôt le 1er janvier 2023.

7. Le 9 février 2022, l'Union des industries et métiers de la métallurgie de Savoie (l'UIMM), le syndicat CFE-CGC des deux Savoie de la métallurgie (le syndicat CFE-CGC), l'Union des syndicats de la métallurgie FO de Savoie (l'UD-FO) et le syndicat Symetal Alpes Loire CFDT (le syndicat CFDT) ont signé un avenant portant révision des dispositions conventionnelles territoriales conclues dans le champ de la convention collective du 29 décembre 1975 modifiée applicable aux mensuels de la métallurgie de la Savoie, dont l'article 1er prévoit que cette convention collective territoriale, ainsi que l'ensemble des accords collectifs, leurs avenants et annexes, conclus dans le champ de ladite convention ou dans un champ plus restreint et notamment ceux listés en annexe, sont abrogés et cessent de produire leurs effets à compter de l'entrée en vigueur de la convention collective nationale de la métallurgie.

8. Soutenant qu'il ne pouvait être mis fin à un accord collectif par un avenant de révision, par acte du 5 avril 2022, l'USTM-CGT et la FTM-CGT ont fait assigner l'UIMM, le syndicat CFE-CGC, l'UD-FO et le syndicat CFDT devant le tribunal judiciaire afin d'obtenir l'annulation de l'avenant du 9 février 2022 et la condamnation de l'UIMM au paiement de dommages-intérêts pour le préjudice subi.

9. La Fédération de la métallurgie CFE-CGC (la fédération CFE-CGC), la Fédération confédérée FO de la métallurgie (la fédération FO) et la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT (la fédération CFDT) sont intervenues volontairement à l'instance.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et sur le moyen du pourvoi incident provoqué, réunis

Enoncé du moyen

10. Par son moyen l'UIMM fait grief à l'arrêt d'annuler en toutes ses dispositions l'avenant du 9 février 2022 portant révision des dispositions conventionnelles territoriales conclues dans le champ de la convention collective du 29 décembre 1975 modifiée applicable aux mensuels de la métallurgie de la Savoie et ses avenants et de la condamner à payer à l'USTM-CGT et à la FTM-CGT une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, alors « que rien n'interdit, pour mettre fin à un accord collectif, de procéder, en dehors de sa dénonciation unilatérale par tout ou partie des organisations signataires prévue par l'article L. 2261-9 du code du travail, par voie de résiliation négociée dans le cadre d'un avenant de révision conclu conformément aux dispositions de l'article L. 2261-7 du code du travail ; qu'en l'espèce, suite à la conclusion d'une nouvelle convention collective nationale au sein de la branche de la métallurgie ayant vocation à unifier le statut collectif au sein de la branche et devant entrer en vigueur le 1er janvier 2024, l'UIMM de Savoie et plusieurs organisations syndicales représentatives ont conclu, le 9 février 2022, un avenant à la convention collective territoriale de Savoie du 29 décembre 1975 emportant extinction de cette convention collective à effet du 1er janvier 2024 ; qu'en affirmant, pour juger que cet avenant était nul, qu'un avenant de révision ne pouvait avoir pour objet que de modifier un accord mais non d'y mettre fin en éludant les règles applicables en matière de dénonciation et les garanties afférentes, la cour d'appel a violé les articles L. 2261-7 et L. 2261-8 du code du travail ensemble les articles 1101, 1102, 1103 et 1193 du code civil. »

11. Par leur moyen le syndicat CFE-CGC, l'UD-FO, le syndicat CFDT, la fédération CFE-CGC, la fédération FO et la fédération CFDT font grief à l'arrêt d'annuler en toutes ses dispositions l'avenant du 9 février 2022 portant révision des dispositions conventionnelles territoriales conclues dans le champ de la convention collective du 29 décembre 1975 modifiée applicable aux mensuels de la métallurgie de la Savoie et ses avenants, alors « qu'il peut être mis fin aux dispositions d'un accord collectif de travail par un avenant de révision dont les dispositions se substituent de plein droit à l'accord révisé ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2261-7 et L. 2261-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2231-1, alinéa 1, L. 2232-6, L. 2261-7 et L. 2261-8 du code du travail et le principe de la liberté contractuelle en matière de négociation collective :

12. En application de l'article L. 2231-1, alinéa 1, du code du travail, ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail les organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord.

13. L'article L. 2232-6 du même code dispose que la validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l'article L. 2122-6, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants.

L'opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de cet accord ou de cette convention, dans les conditions prévues à l'article L. 2231-8.

14. Aux termes de l'article L. 2261-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

I.

- Sont habilitées à engager la procédure de révision d'un accord interprofessionnel, d'une convention ou d'un accord de branche :

1° Jusqu'à la fin du cycle électoral au cours duquel la convention ou l'accord est conclu :

a) Une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord et signataires ou adhérentes de la convention ou de l'accord ;

b) Une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs signataires ou adhérentes. Si la convention ou l'accord est étendu, ces organisations doivent être en outre représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord ;

2° A l'issue de ce cycle :

a) Une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord ;

b) Une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs de la branche. Si la convention ou l'accord est étendu, ces organisations doivent être représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord.

II.

- Les avenants de révision obéissent aux conditions de validité des accords prévues, selon le cas, aux sections 1 et 2 du chapitre II du titre III du présent livre II.

Lorsque l'avenant de révision a vocation à être étendu, sa validité est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans son champ d'application, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre V du livre Ier de la présente deuxième partie.

15. Il résulte de ces textes qu'est valide un avenant de révision conclu par les organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de l'accord révisé à la date de conclusion de l'avenant de révision et n'ayant pas fait l'objet d'opposition dans les conditions prévues à l'article L. 2232-6 précité.

16. Aux termes de l'article L. 2261-8 du code du travail, l'avenant portant révision de tout ou partie d'une convention ou d'un accord se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie. Il est opposable, dans des conditions de dépôt prévues à l'article L. 2231-6, à l'ensemble des employeurs et des salariés liés par la convention ou l'accord.

17. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const., 29 novembre 2019, décision n° 2019-816 QPC), en matière de négociation collective, la liberté contractuelle découle des sixième et huitième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.

18. Il en résulte que les partenaires sociaux sont en droit de conclure, dans les conditions fixées par l'article L. 2261-7 du code du travail, un avenant de révision d'un accord collectif de branche à durée indéterminée mettant fin à cet accord, dès lors que cette extinction prend effet à compter de l'entrée en vigueur d'un autre accord collectif dont le champ d'application couvre dans son intégralité le champ professionnel et géographique de l'accord abrogé par l'avenant de révision.

19. En l'espèce, l'avenant du 9 février 2022 portant révision des dispositions conventionnelles territoriales conclues dans le champ de la convention collective du 29 décembre 1975 modifiée applicable aux mensuels de la métallurgie de la Savoie et ses avenants, prévoit, à son article 1er, que les partenaires sociaux conviennent que ladite convention ainsi que ses avenants et annexes conclus dans le champ de cette convention collective territoriale, ou dans un champ d'application plus restreint, sont abrogés et cessent de produire leurs effets à compter de l'entrée en vigueur de la convention collective nationale de la métallurgie, soit à compter du 1er janvier 2024, à l'exception des dispositions de la convention collective territoriale relatives à la protection sociale qui cessent de produire leurs effets au profit des dispositions nationales au plus tôt le 1er janvier 2023, et dispose, à son article 3, que le présent avenant entre en vigueur au lendemain de la date de son dépôt et entraîne la révision-extinction des dispositions territoriales aux dates indiquées aux articles précédents.

20. Il résulte de cet avenant de révision qu'il a pour effet de mettre fin à la convention collective territoriale de la Savoie du 29 décembre 1975, ainsi qu'à ses avenants et annexes conclus dans le champ de cette convention, à compter de l'entrée en vigueur des dispositions de la convention collective nationale de la métallurgie du 7 février 2022.

21. Pour annuler l'avenant du 9 février 2022, l'arrêt retient qu'en l'absence de disposition légale prévoyant que la révision peut porter sur la disparition ou l'abrogation totale d'un accord collectif, la procédure de révision n'est relative qu'aux modifications des conventions et accords collectifs et non à leur extinction, que les règles de la révision ne peuvent avoir pour objet l'extinction d'une convention collective au moyen d'une révision adoptée en vertu de la règle de la majorité, ayant pour effet d'imposer à une organisation syndicale non signataire une extinction sans passer par la procédure de dénonciation et les garanties qui y sont attachées, notamment celles de l'article L. 2261-9 du code du travail prévoyant un délai de préavis précédant la dénonciation et celles de l'article L. 2261-11 du même code relatives au maintien des effets des dispositions de l'accord dénoncé par une partie des signataires, et que l'avenant de révision litigieux ne peut être qualifié d'accord de révocation d'un commun accord dès lors que l'un des signataires s'est opposé à la signature de cet avenant.

22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

23. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute l'Union syndicale des travailleurs de la métallurgie CGT de la Savoie et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT de leur demande d'annulation de l'avenant du 9 février 2022 portant révision des dispositions conventionnelles territoriales conclues dans le champ de la convention collective du 29 décembre 1975 modifiée applicable aux mensuels de la métallurgie de la Savoie et ses avenants, de leur demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi formée à l'encontre de l'Union des industries et métiers de la métallurgie de Savoie et de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2231-1, alinéa 1, L. 2232-6, L. 2261-7 et L. 2261-8 du code du travail ; principe de la liberté contractuelle en matière de négociation collective.

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