Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

SEPARATION DES POUVOIRS

Tribunal des conflits, 9 octobre 2023, n° 23-04.284, (B)

Energie hydraulique – Construction, gestion et exploitation d'un ouvrage de production – Contrat passé avec une personne privée – Puissance inférieure à 4 500 kilowatts – Contrat de droit privé – Compétence judiciaire

1) Il résulte de la lecture combinée des articles 1, 2 et 10 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique que le contrat confiant à une personne privée la construction, la gestion et l'exploitation d'un ouvrage de production d'énergie hydroélectrique dont la puissance n'excède pas 4 500 kilowatts n'a pas la nature d'un contrat administratif par détermination de la loi.

2) L'activité de production d'électricité exercée dans le seul but de la céder à EDF ne poursuit pas un but d'intérêt général. Le contrat confiant à une personne privée la construction, la gestion et l'exploitation d'un ouvrage de production d'énergie hydroélectrique à cette unique fin ne revêt donc pas le caractère d'une délégation de service public ni celui d'une concession de travaux publics.

Energie hydraulique – Construction, gestion et exploitation d'un ouvrage de production – Contrat passé avec une personne privée – Production pour vente à EDF – But d'intérêt général – Défaut – Contrat de droit privé – Compétence judiciaire

Vu, enregistrée à son secrétariat le 2 juin 2023, l'expédition de l'ordonnance du 23 mai 2023 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Foix, saisi de la demande formée par la société anonyme Ingénierie Gestion Industrie Commerce (IGIC) tendant à l'annulation des titres de recettes émis par la commune d'[Localité 1] (Ariège) les 4 août 2014, 19 mai 2016, 14 juin 2016 et 7 novembre 2017 en vue du recouvrement des redevances dues en exécution d'une convention du 16 décembre 1989 relative à la construction et à l'exploitation d'une centrale de production électrique à partir des rivières de l'Ars et du Garbet, à la condamnation de la commune au remboursement des sommes correspondantes, à ce que soit constaté le caractère fautif de la résiliation prématurée de la convention et à la réparation des conséquences de cette résiliation, a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu la décision du 29 décembre 2020 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a refusé l'admission du pourvoi formé par la commune d'[Localité 1] contre l'arrêt du 30 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté comme présenté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître le recours formé par la société IGIC contre les titres de perception émis les 4 août 2014, 19 mai 2016, 14 juin 2016 et 7 novembre 2017 ;

Vu, enregistré le 26 juillet 2023, le mémoire produit pour la société IGIC, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente au motif que la convention du 16 décembre 1989 revêt la nature d'un contrat de droit privé ;

Vu, enregistré le 10 août 2023, le mémoire produit pour la commune d'[Localité 1], tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente au motif que la convention du 16 décembre 1989 revêt la nature d'une concession de service public et d'ouvrage public ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 décembre 1989, la commune d'[Localité 1] (Ariège), alors titulaire, en application de l'article 1 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, d'une autorisation préfectorale délivrée le 15 novembre 1989 lui permettant de disposer de l'énergie des rivières de l'Ars et du Garbet, a conclu avec la société anonyme Ingénierie Gestion Industrie Commerce (IGIC) une convention confiant à cette dernière, pour une durée de 29 ans et moyennant le versement d'une redevance annuelle, la construction, la gestion et l'exploitation d'une centrale de production d'énergie hydroélectrique, l'électricité ainsi produite étant vendue à Electricité de France (EDF). Trois avenants à ce contrat initial ont été signés en 1990, 1992 et 1994.

Par acte authentique du 16 novembre 2000 la commune a cédé à la société les terrains d'assiette de la centrale et par arrêté du 27 août 2002, le préfet de l'Ariège, à la demande de la commune, a transféré l'autorisation de droit d'eau à la société IGIC. Estimant que la convention du 16 décembre 1989 se trouvait privée d'objet, les parties ont conclu le 5 septembre 2002 une convention de mise à disposition de terrains et chemins communaux, annulant et remplaçant la convention du 16 décembre 1989, et prévoyant un nouveau mode de calcul de la redevance annuelle versée à la commune par la société IGIC. Toutefois, par un jugement du 8 janvier 2010 devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a déclaré inexistante la délibération par laquelle le conseil municipal était réputé avoir approuvé la vente des terrains d'implantation de la centrale et par un jugement du 16 mai 2013, également devenu définitif, le tribunal de grande instance de Toulouse a prononcé la nullité de la vente et ordonné le retour des biens dans le patrimoine de la commune requérante.

En conséquence, par un arrêté du 7 septembre 2018, le préfet de l'Ariège a transféré à la commune d'[Localité 1] l'autorisation qu'elle détenait initialement en vertu de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1989.

2. La société IGIC a contesté devant le tribunal administratif de Toulouse les titres exécutoires émis par la commune les 4 août 2014, 19 mai 2016, 14 juin 2016 et 7 novembre 2017 en vue du recouvrement des redevances dues en exécution de la convention du 16 décembre 1989.

Par deux jugements des 17 octobre 2017 et 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a partiellement fait droit à ces demandes.

Mais par un arrêt du 30 décembre 2019, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Bordeaux, estimant que la convention du 16 décembre 1989 revêtait le caractère d'un contrat de droit privé, a rejeté les demandes de la société comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

3. La société IGIC a assigné la commune devant le tribunal judiciaire de Foix aux fins d'annulation des titres de recettes émis par celle-ci les 4 août 2014, 19 mai 2016, 14 juin 2016 et 7 novembre 2017, de condamnation de la commune au remboursement des sommes correspondantes, de constat du caractère fautif de la résiliation prématurée de la convention et de réparation des conséquences de cette résiliation.

Par une ordonnance du 23 mai 2023, le juge de la mise en l'état de ce tribunal, après avoir jugé que la convention du 16 décembre 1989 revêtait le caractère d'un contrat administratif, a renvoyé au Tribunal des conflits, sur le fondement de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

4. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 1 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, en vigueur à la date de la signature de la convention du 16 décembre 1989 : « Nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État ».

Aux termes de l'article 2 de cette loi : « Sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance excède 4 500 kilowatts.

Sont placées sous le régime de l'autorisation toutes les autres entreprises ». S'il résulte de ces dernières dispositions ainsi que de l'article 10 de cette même loi, qui prévoit que des obligations sont imposées aux exploitants de ces centrales, que le législateur a entendu donner à l'ensemble des ouvrages de production d'énergie hydroélectrique concédés, que la personne qui en est propriétaire soit publique ou privée, le caractère d'ouvrage public, l'installation hydraulique en cause est d'une puissance inférieure à 4 500 kilowatts et ne relève pas du régime de la concession en application de ces dispositions.

Le contrat en litige n'a, par suite, pas la nature d'un contrat administratif par détermination de la loi.

5. D'autre part, l'activité de production d'électricité exercée, dans le seul but de la céder à EDF, par la société ne peut être regardée, en l'espèce, comme poursuivant un but d'intérêt général, de sorte que le contrat ne revêt pas le caractère d'une délégation de service public. Il ne constitue pas davantage, pour le même motif, un contrat de concession de travaux publics et n'a pas pour objet d'autoriser l'occupation de dépendances du domaine public. Enfin, le contrat litigieux ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs.

6. Il résulte de ce qui précède que la convention du 16 décembre 1989 revêt le caractère d'un contrat de droit privé de sorte que la contestation soulevée par la société IGIC relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des demandes formées par la société IGIC.

Article 2 :

L'ordonnance du juge de la mise en l'état du tribunal judiciaire de Foix du 23 mai 2023 est déclarée nulle et non avenue.

La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

- Président : M. Mollard - Rapporteur : M. Collin - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Galy -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique.

Tribunal des conflits, 9 octobre 2023, n° 23-04.286, (B)

Postes et télécommunications – La Poste – Contrat de travail – Agent de droit public – Modification du contrat – Renonciation au statut d'agent de droit public – Volonté claire et non équivoque – Nécessité – Défaut – Portée – Compétence du juge administratif

La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a créé, à compter du 1er janvier 1991, deux personnes morales de droit public, prenant respectivement le nom de La Poste et de France Télécom, en lieu et place des services de l'administration de l'Etat précédemment en charge de la poste et des télécommunications.

En l'absence de manifestation claire et non équivoque de la volonté d'un agent non fonctionnaire de La Poste engagé antérieurement au 1er janvier 1991 de renoncer à son statut d'agent de droit public, la seule référence, dans un contrat signé postérieurement au 1er janvier 1991, à la convention commune La Poste - France Télécom, qui règle les rapports avec le personnel contractuel de droit privé, ne permet pas de caractériser la commune intention des parties d'opter pour un régime de droit privé.

Vu, enregistré à son secrétariat le 9 juin 2023, l'expédition du jugement du 6 juin 2023, par lequel le tribunal administratif de Nantes, saisi par Mme [S] de demandes en annulation de la décision du 25 avril 2013 par laquelle la société La Poste a refusé de prendre en compte son ancienneté à compter du 1er octobre 1987, en annulation d'une décision implicite par laquelle la société La Poste a rejeté sa demande indemnitaire préalable du 30 octobre 2020, en injonction de prendre en compte pour sa rémunération de son ancienneté à compter du 1er octobre 1987, en paiement de diverses sommes en conséquence et en reconstitution de carrière avec régularisation des cotisations sociales et vieillesse et en paiement d'une indemnité au titre des préjudices financiers subis, avec intérêt au taux légal ;

Vu enregistré, le 22 août 2023, le mémoire du ministre de la santé et de la prévention, qui s'en remet à la décision du tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Considérant ce qui suit :

1. En application d'une convention conclue le 30 septembre 1987 et d'une décision du 1er octobre 1987 de la direction départementale des postes de la Sarthe, Mme [S] a exercé les fonctions de gérante de l'agence postale d'[Localité 1] (Sarthe). Elle avait en conséquence la qualité d'agent public.

2. La loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a créé, à compter du 1er janvier 1991, deux personnes morales de droit public, prenant respectivement le nom de La Poste et de France Télécom, en lieu et place des services de l'administration de l'Etat précédemment en charge de la poste et des télécommunications.

En vertu de cette loi,

La Poste et France Télécom présentaient alors, sous l'appellation d'exploitants publics, le caractère d'établissements publics industriels et commerciaux. Leurs personnels, qui avaient précédemment la qualité de fonctionnaire, ont conservé cette qualité de par la loi et sont demeurés régis par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, sous réserve des dispositions particulières de la loi du 2 juillet 1990, et par les statuts particuliers de leurs corps.

L'article 31 de la loi du 2 juillet 1990 a toutefois permis aux exploitants publics, lorsque les exigences particulières de l'organisation de certains services ou la spécificité de certaines fonctions le justifiaient, d'employer des agents contractuels sous le régime des conventions collectives. Ultérieurement, la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales a, pour La Poste, élargi cette possibilité d'employer des agents de droit privé, en supprimant la condition tenant aux exigences de l'organisation du service ou à la spécificité des fonctions.

3. En vertu de l'article 44 de la loi du 2 juillet 1990, la Poste a été substituée à l'Etat dans les contrats conclus antérieurement au 1er janvier 1991 avec les agents non fonctionnaires de la Poste. Ces derniers disposaient jusqu'au 31 décembre 1991 au plus tard, et six mois après avoir reçu notification des conditions d'exercice du choix, de la faculté d'opter soit pour le maintien de leur contrat d'agent de droit public, soit pour un régime de droit privé.

4. Un accord collectif dénommé « convention commune La Poste - France Télécom » a été conclu le 4 novembre 1991 et règle les rapports avec le personnel contractuel de droit privé employé conformément à l'article 31 de la loi du 2 juillet 1990.

5. Par lettre du 6 avril 2006, la société La Poste a proposé à Mme [S] une modification de la situation contractuelle à l'occasion de son affectation au poste de guichet de caisse-compatibilité de [Localité 2]. Un contrat à durée indéterminée a été signé le 12 juillet 2006.

6. Le 12 juin 2013, Mme [S] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la reconnaissance, en application de l'article 24 de la convention commune La Poste-France Télécom, de son ancienneté à compter de son engagement le 1er octobre 1987.

Par jugement du 10 juillet 2015, le conseil de prud'hommes du Mans s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction administrative et a invité les parties à mieux se pourvoir. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Angers du 15 mars 2018.

7. Par requêtes enregistrées les 15 juillet 2019, 5 septembre 2019 et 17 août 2022, Mme [S] a saisi la juridiction administrative pour obtenir l'annulation de la décision du 25 avril 2013 par laquelle la société La Poste a refusé de prendre en compte son ancienneté à compter du 1er octobre 1987 et de la décision implicite par laquelle la société La Poste a rejeté sa demande indemnitaire préalable du 30 octobre 2020, l'injonction à la société la Poste de prendre en compte, pour sa rémunération, son ancienneté à compter du 1er octobre 1987 et de verser, avec les intérêts légaux, les sommes qu'elle aurait dû percevoir en conséquence, en reconstituant sa carrière et en régularisant ses cotisations sociales et vieillesse ainsi qu'une somme en réparation de ses préjudice financiers.

Par jugement du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a, conformément à l'article 32 du décret du 27 février 2015, sursis à statuer sur la requête de Mme [S] jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur cette requête.

8. Au 31 décembre 1991, Mme [S] n'avait pas opté pour le régime contractuel de droit privé.

9. En l'absence de manifestation claire et non équivoque de la volonté de Mme [S] de renoncer à son statut d'agent public, la seule référence, dans le contrat signé le 12 juillet 2006, à la convention commune La Poste - France Télécom ne permet pas de caractériser la commune intention des parties d'opter pour un régime de droit privé.

10. La demande présentée par Mme [S] relève de la compétence du juge administratif.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande de Mme [S].

Article 2 :

Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juin 2023 est déclaré nul et non avenu.

La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal administratif de Nantes.

- Président : M. Mollard - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Bokdam-Tognetti (rapporteure publique) -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.

Tribunal des conflits, 9 octobre 2023, n° 23-04.282, (B)

Sécurité sociale – Allocation de logement sociale – Décisions de l'organisme payeur – Recours – Transfert de compétence – Application dans le temps – Cas

L'ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019 a transféré à la juridiction administrative le contentieux relatif à l'allocation de logement sociale, auparavant dévolu à la juridiction judiciaire.

Il résulte de l'article 23, II, 1°, de cette ordonnance que les recours formés contre les décisions prises avant le 1er janvier 2020 par l'organisme payeur au titre des aides personnelles au logement restent de la compétence de la juridiction judiciaire. Il en va de même des oppositions aux contraintes délivrées, y compris après le 1er janvier 2020, par les directeurs des caisses d'allocations familiales sur le fondement des dispositions de l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, pour le recouvrement d'indus d'allocation de logement ayant fait l'objet d'une notification de payer antérieure au 1er janvier 2020.

Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 avril 2023, l'expédition du jugement du 5 avril 2023 par lequel le tribunal judiciaire de Paris, saisi d'une opposition formée par M. [C] à la contrainte décernée le 26 janvier 2022 par la caisse d'allocations familiales de Paris pour le recouvrement d'un indu d'allocation de logement sociale, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'ordonnance du 18 mai 2022 par laquelle la présidente de la septième chambre du tribunal administratif de Nantes a déclaré la juridiction administrative incompétente pour statuer sur l'opposition à contrainte ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. [C], à la caisse d'allocations familiales de Paris et au ministre des solidarités et de la santé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu l'ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019 ;

Considérant ce qui suit :

1. Après notification à M. [C], le 14 novembre 2018, d'une demande de la caisse d'allocations familiales de Paris de remboursement d'un indu d'allocation de logement sociale d'un montant de 839 euros portant sur la période du 1er septembre au 31 décembre 2017, le directeur de la caisse lui a, le 22 janvier 2022, délivré une contrainte pour le recouvrement de cette somme.

Le 23 février 2022, M. [C] a formé opposition à cette contrainte auprès du tribunal administratif de Nantes.

2. Par ordonnance du 18 mai 2022, la présidente de la septième chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête comme portée devant une juridiction incompétente et ordonné la transmission du dossier au tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement du 5 avril 2023, le tribunal judiciaire de Paris, estimant que le litige dont il était saisi relevait de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, a sursis à statuer et renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

3. Il résulte des articles L. 142-1 et L. 142-8 du code de la sécurité sociale que le juge judiciaire connaît des litiges relatifs à l'application des législations et réglementations de sécurité sociale.

4. Jusqu'à l'ordonnance du 17 juillet 2019, en vertu de l'article L. 835-4 du code de la sécurité sociale, les différends avec les organismes chargés de statuer sur le droit à l'allocation de logement sociale, de la liquider et d'assurer son versement, étaient réglés conformément aux dispositions concernant le contentieux général de la sécurité sociale prévu à l'article L. 142-1 du même code. Il en était ainsi, notamment, des litiges relatifs à la répétition d'indus.

5. L'ordonnance du 17 juillet 2019 a créé l'article L. 825-1 du code de la construction et de l'habitation aux termes duquel : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale qui attribuent au tribunal de grande instance désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire la compétence pour connaître des contestations relatives aux pénalités prononcées en cas de fraude, les recours dirigés contre les décisions prises en matière d'aides personnelles au logement et de primes de déménagement par les organismes mentionnés à l'article L. 812-1 sont portés devant la juridiction administrative ».

6. Le II de l'article 23 de cette ordonnance dispose que, par dérogation aux dispositions du I, qui prévoient une entrée en vigueur au 1er septembre 2019 des dispositions de la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l'habitation sous réserve de certaines exceptions : « Entrent en vigueur le 1er janvier 2020 : / 1° Les dispositions du chapitre V du titre II du livre VIII du code de la construction et de l'habitation, annexées à la présente ordonnance ; ces dispositions s'appliquent aux décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation annexé à la présente ordonnance, prises à partir du 1er janvier 2020, ainsi qu'aux décisions prises, à partir de cette même date, par le directeur de l'organisme payeur sur les demandes de remise de dettes mentionnées au 2° de ce même article.

Les décisions prises avant le 1er janvier 2020 en matière d'allocation de logement demeurent soumises aux dispositions applicables en matière de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole prévues aux articles L. 142-1 et suivants du code de la sécurité sociale. [...] ».

Aux termes de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation : « Le directeur de l'organisme payeur statue, dans des conditions fixées par voie réglementaire, sur : / 1° Les contestations des décisions prises par l'organisme payeur au titre des aides personnelles au logement ou des primes de déménagement ; / 2° Les demandes de remise de dettes présentées à titre gracieux par les bénéficiaires des aides personnelles au logement. »

7. Il résulte des dispositions citées aux points 3 à 6 que les recours formés contre les décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation prises avant le 1er janvier 2020 relèvent du contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale et, dès lors, de la compétence de la juridiction judiciaire.

8. Les oppositions aux contraintes délivrées, y compris après le 1er janvier 2020, par les directeurs des caisses d'allocations familiales sur le fondement des dispositions de l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, pour le recouvrement d'indus d'allocation de logement ayant fait l'objet d'une notification de payer antérieure au 1er janvier 2020, ressortissent donc également à la compétence de la juridiction judiciaire.

9. L'opposition de M. [C] à la contrainte délivrée le 22 janvier 2022 par le directeur de la caisse d'allocations familiales de Paris pour le recouvrement d'un indu d'allocation de logement sociale ayant fait l'objet d'une notification de payer antérieure au 1er janvier 2020, elle relève dès lors de la compétence de la juridiction judiciaire.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître de l'opposition formée par M. [C] à la contrainte délivrée le 22 janvier 2022 par la caisse d'allocations familiales de Paris.

Article 2 :

Le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 4 avril 2023 est nul et non avenu.

La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

- Président : M. Mollard - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : Mme Bokdam-Tognetti -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; code de la sécurité sociale ; code de la construction et de l'habitation ; ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019.

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