Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 19 octobre 2023, n° 21-22.379, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Décision de prise en charge – Inopposabilité soulevée par l'employeur – Recours n'ayant pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil – Saisine de la commission de recours amiable

La saisine de la commission de recours amiable, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 juillet 2021) et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) a pris en charge, par décision du 5 décembre 2008, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l'un des salariés de la société [2] (l'employeur).

2. La commission de recours amiable de la caisse, saisie le 17 juin 2015, ayant rejeté, par décision notifiée le 16 juillet 2015, la contestation de l'employeur de l'opposabilité de cette décision à son égard, celui-ci a porté son recours, le 21 août 2015, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur, alors :

« 1°/ que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle se prescrit par cinq ans, ce délai courant à compter du jour où l'employeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, la caisse n'est pas tenue de notifier la décision de prise en charge à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de l'employeur, que la caisse ne démontre pas avoir envoyé la notification de la décision de prise en charge par lettre recommandée avec accusé de réception, la cour d'appel a violé les articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2224 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la caisse, qui soutenait que l'employeur aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action en inopposabilité le 5 décembre 2008, dès lors qu'il résulte des pièces produites qu'il a reçu, le 24 novembre 2008, la lettre de clôture du 20 novembre 2008 l'informant que la décision interviendrait le 5 décembre 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la circonstance que, postérieurement à la lettre de clôture, la caisse ait notifié à l'employeur le recours à un délai complémentaire d'instruction ne saurait restituer une base légale à l'arrêt attaqué dès lors la lettre du 22 novembre 2008 informait l'employeur que le recours au délai complémentaire avait pour seul objet de lui permettre de consulter le dossier dans le temps imparti par la lettre de clôture, la date d'intervention de la décision étant inchangée ; qu'en tout cas, en s'abstenant de s'expliquer sur les termes de la lettre du 22 novembre 2008 et sur les circonstances de son intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 142-18, R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2224 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. En l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.

6. Après avoir exactement retenu que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour où l'employeur a eu une connaissance effective de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par son salarié, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et preuve débattus devant elle, que l'employeur ne pouvait ignorer l'existence de la prise en charge de la maladie professionnelle litigieuse à compter de la réception de son compte de cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles du 16 juillet 2010 qui la mentionnait, pour en déduire que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à cette date.

7. Inopérant en ses première et troisième branches, le moyen n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur, alors « que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle se prescrit par cinq ans ; que la saisine de la commission de recours amiable n'interrompt pas le délai de prescription ; qu'en décidant au contraire que l'action de l'employeur, qui a saisi la commission de recours amiable par courrier du 17 juin 2015, antérieurement à l'échéance du délai quinquennal qui peut être considéré comme ayant débuté le 16 juillet 2010, n'est pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 2224, 2241 et 2242 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil et les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et R. 441-14 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige :

9. La prescription quinquennale, prévue par le premier des textes susvisés, est, en application des trois suivants, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée.

10. Il résulte des deux derniers textes susvisés que l'information donnée par la caisse à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois (2e Civ., 18 février 2021, pourvois n° 19-25.886 et n° 19-25.887, publiés au Bulletin).

11. En application de ces textes, la Cour de cassation juge que le fait pour un employeur de solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale susvisé et que l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement la commission de recours amiable de cette réclamation (2e Civ., 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.621, Bull. 2012, II, n° 208).

12. Le pourvoi pose la question de savoir si le délai de prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie, prise avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, est interrompu par la saisine de la commission de recours amiable de la caisse par l'employeur.

13. En application du principe rappelé au paragraphe 9, ce n'est que si la saisine de la commission de recours amiable peut être regardée comme une demande en justice qu'elle est susceptible d'interrompre le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil susvisé.

14. La saisine de cette commission, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil susvisé.

15. Pour déclarer recevable le recours de l'employeur, l'arrêt retient que celui-ci n'a pu ignorer, à compter de la réception de son compte employeur le 16 juillet 2010, la prise en charge de la pathologie litigieuse au titre de la législation professionnelle, mais que la prescription quinquennale n'était pas acquise compte tenu de la saisine de la commission de recours amiable par courrier du 17 juin 2015.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

19. Il résulte des énonciations des paragraphes 9 à 14 que, l'employeur ayant eu une connaissance effective de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie le 16 juillet 2010 et n'ayant saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins d'inopposabilité de cette décision à son égard que le 21 août 2015, il y a lieu de déclarer prescrite l'action de l'employeur.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable comme prescrite l'action de la société [2] aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [T] du 5 décembre 2008.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-10.909, Bull. (cassation).

2e Civ., 19 octobre 2023, n° 21-22.955, (B), FRH

Rejet

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Décision de prise en charge – Inopposabilité soulevée par l'employeur – Recours n'ayant pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil – Saisine de la commission de recours amiable

La saisine de la commission de recours amiable, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 septembre 2021), la société [3] (l'employeur) a été informée le 2 janvier 2012 de l'imputation sur son compte employeur des conséquences financières de l'accident du travail du 28 novembre 2008 de l'un de ses salariés.

2. La commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse), saisie le 26 août 2015, ayant rejeté la contestation de l'employeur de l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de cet accident, celui-ci a porté son recours, le 29 mars 2017, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire son action prescrite, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident par la caisse est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans, en application de l'article 2224 du code civil ; qu'il est cependant constant que la saisine de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie interrompt le délai de prescription, même si la commission de recours amiable n'est pas une juridiction ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la prescription quinquennale était bien applicable au recours de l'employeur et que le point de départ du délai de prescription devait être fixé au 2 janvier 2012, date de réception, par celui-ci, de la notification de son taux de cotisation AT/MP l'informant de ce que l'accident du travail déclaré par la victime avait été pris en charge par la caisse ; qu'elle en a déduit que l'employeur « disposait donc d'un délai expirant le 2 janvier 2017 » pour contester le caractère professionnel de l'accident du travail ; qu'il est constant, et non contesté, que l'employeur a saisi par lettre recommandée avec accusé de réception la commission de recours amiable de la caisse le 26 août 2015 ; qu'il s'en déduisait que son action n'était pas prescrite ; qu'en jugeant le contraire, au motif erroné qu'il « n'a saisi la juridiction que par requête du 29 mars 2017, hors du délai de cinq ans, et ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription au sens des articles 2233 et suivants et 2241 et suivants du code civil.

La saisine de la commission de recours amiable, qui n'est pas une juridiction, n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 2224 du code civil, l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009. »

Réponse de la Cour

5. La prescription quinquennale, prévue par l'article 2224 du code civil, est, en application des articles 2240, 2241 et 2244 du même code, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée.

6. Il résulte des articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le second dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que l'information donnée par la caisse à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois (2e Civ.,18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886, publié au Bulletin).

7. En application de ces textes, la Cour de cassation juge que le fait pour un employeur de solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, et que l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement la commission de recours amiable de cette réclamation (2e Civ., 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.621, Bull. 2012, II, n° 208).

8. Le pourvoi pose la question de savoir si le délai de prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, prise avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, est interrompu par la saisine de la commission de recours amiable de la caisse par l'employeur.

9. En application du principe rappelé au paragraphe 5, ce n'est que si la saisine de la commission de recours amiable peut être regardée comme une demande en justice qu'elle est susceptible d'interrompre le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil.

10. La saisine de cette commission, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil.

11. L'arrêt relève que celui-ci a été informé de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident litigieux le 2 janvier 2012, qu'il disposait donc d'un délai expirant le 2 janvier 2017 pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une contestation du caractère professionnel de cet accident, qu'il a saisi la juridiction par requête du 29 mars 2017, hors du délai de 5 ans, et qu'il ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription au sens des articles 2233 et suivants et 2241 et suivants du code civil. Il ajoute que la saisine de la commission de recours amiable, n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription.

12. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, était prescrite.

13. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886, Bull. (cassation).

2e Civ., 5 octobre 2023, n° 23-14.520, (B), FS

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Rente – Rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale – Objet – Indemnisation du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent

Par deux arrêts rendus en assemblée plénière le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et n° 21-23.947, publiés au Bulletin), la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence antérieure et décide, désormais, que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et que, dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.

Cette modification, considérée par la majorité de la doctrine comme plus favorable aux victimes, respecte l'objectif fixé par le Conseil constitutionnel dans la réserve qu'il a émise dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010. Elle ne constitue donc pas un changement de circonstances de droit susceptible de modifier l'appréciation de la conformité à la Constitution de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Rente – Préjudice indemnisé – Etendue – Détermination

Rente – Paiement – Imputation – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. M. [O] (la victime), salarié de la société [7] (l'employeur), victime le 10 mars 2016 d'un accident du travail, a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

2. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Colmar, la victime a, par mémoire distinct et motivé reçu le 12 juillet 2023 au greffe de la Cour, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est-il contraire au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques énoncé aux articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de responsabilité, qui découle de son article 4 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

3. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement de circonstances.

4. La disposition contestée a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2010-8 QPC rendue le 18 juin 2010 par le Conseil constitutionnel, qui a, cependant, émis la réserve qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les juridictions de sécurité sociale, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

5. Si, par deux arrêts rendus en Assemblée Plénière le 20 janvier 2023 (Ass. Plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, Bull.), la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence antérieure et décide, désormais, que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, et que, dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, cette modification, considérée par la majorité de la doctrine comme plus favorable aux victimes, respecte l'objectif fixé par le Conseil constitutionnel dans sa réserve. Elle ne constitue donc pas un changement de circonstances de droit susceptible de modifier l'appréciation de la conformité de cette disposition à la Constitution.

6. Par ailleurs, aucune des autres circonstances invoquées n'affecte la portée de cette disposition.

7. Dès lors, en l'absence de changement des circonstances qui justifierait un nouvel examen, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Foussard et Froger ; SCP L. Poulet-Odent -

Rapprochement(s) :

Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947, Bull. (rejet) ; Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, Bull. (cassation partielle).

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