Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 19 octobre 2023, n° 21-25.274, n° 21-25.275, n° 21-25.276, n° 21-25.277, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Caisse – Obligation générale d'information – Etendue – Détermination

L'obligation générale d'information prévue par l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale, dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés, ne leur impose pas de prendre l'initiative de renseigner les professionnels de santé sur les règles de tarification ou de facturation applicables à leurs actes professionnels.

Une caisse primaire d'assurance maladie ne commet, dès lors, pas une faute du seul fait de ne pas répondre aux demandes d'entente préalable prévues à l'article R. 165-23 du code de la sécurité sociale qui lui sont transmises par les professionnels de santé.

Caisse – Absence de faute – Professionnel de santé – Absence de réponse aux demandes d'entente préalable – Défaut

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-25.274, 21-25.275, 21-25.276 et 21-25.277 ont été joints par une ordonnance de Mme Gargoullaud, conseillère référendaire, déléguée de la première présidente de la Cour de cassation, du 6 janvier 2022.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Dijon, 21 octobre 2021), à la suite d'un contrôle de l'activité de Mmes [J] et [L] et de MM. [P] et [F] (les professionnels de santé), masseurs-kinésithérapeutes exerçant au sein d'un même cabinet, portant sur la période du 1er janvier 2015 au 16 mars 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or (la caisse) leur a notifié un indu en raison de l'inobservation des règles de facturation ou de tarification.

3. Les professionnels de santé ont saisi de recours la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, en formant, à titre subsidiaire, une demande de dommages-intérêts à l'encontre de la caisse.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief aux arrêts de la condamner à verser aux professionnels de santé des dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que les organismes de sécurité sociale ne sont pas débiteurs d'une obligation d'information envers les professionnels de santé ; qu'en jugeant en l'espèce que l'absence de réponse de la caisse aux demandes d'entente préalable formulées par les quatre praticiens du cabinet, ainsi que l'absence de tout courrier d'alerte adressé au cabinet en suite de la visite d'un agent de la caisse sur place, caractérisaient un manquement de la caisse à son devoir d'information constitutif d'une négligence fautive, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil ;

2°/ que, en tout état de cause, nul n'est censé ignorer la loi ; qu'il en résulte que les organismes de recouvrement ne sont jamais tenus de prendre l'initiative d'informer individuellement des personnes des règles applicables en matière de sécurité sociale, et ce même quand ils sont débiteurs d'une obligation d'information ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'absence de réponse de la caisse aux demandes d'entente préalable formulées par les quatre praticiens du cabinet, ainsi que l'absence de tout courrier d'alerte adressé au cabinet en suite de la visite d'un agent de la caisse sur place, caractérisaient un manquement de la caisse à son devoir d'information constitutif d'une négligence fautive, la cour d'appel, qui a ainsi considéré que la caisse était tenue de prendre l'initiative de renseigner les professionnels de santé, a violé l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382, devenu 1240 du code civil, R. 112-2 et R. 165-23 du code de la sécurité sociale :

5. D'une part, l'obligation générale d'information, prévue par le deuxième de ces textes, dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés ne leur impose pas de prendre l'initiative de renseigner les professionnels de santé sur les règles de tarification ou de facturation applicables à leurs actes professionnels.

6. D'autre part, une caisse primaire d'assurance maladie ne commet pas une faute du seul fait de ne pas répondre aux demandes d'entente préalable qui lui sont transmises par les professionnels de santé.

7. Pour accueillir la demande en dommages-intérêts formée par les professionnels de santé à l'encontre de la caisse, après avoir constaté que les actes de soins litigieux n'entraient pas dans les conditions fixées à la nomenclature générale des actes professionnels, justifiant ainsi le bien fondé des indus, l'arrêt retient que l'absence de réponse de la caisse aux demandes d'accord préalable que les professionnels de santé lui avaient adressées pour ces actes et l'absence de tout courrier d'alerte adressé aux professionnels de santé à la suite de la visite d'un agent de la caisse au cabinet caractérisent un manquement de la caisse à son devoir d'information à l'égard des professionnels de santé. Il en déduit que cette dernière est responsable de la perte de chance qu'ils ont subie de ne pas réitérer leurs erreurs de cotation.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 5 et 6 que les demandes de dommages-intérêts formées par les professionnels de santé à l'encontre de la caisse doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or à verser à M. [P] la somme de 4 311 euros, à Mme [J] la somme de 3 855 euros, à Mme [L] la somme de 4 303 euros et à M. [F] la somme de 8 060 euros à titre de dommages-intérêts, les arrêts rendus le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de dommages-intérêts de Mmes [J] et [L] et de MM. [P] et [F].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Montfort - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles R. 112-2 et R. 165-23 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 19 octobre 2023, n° 21-10.221, (B), FRH

Rejet

Cotisations – Exonération – Exonération relative aux sommes portées par une entreprise à la réserve spéciale de participation des salariés aux résultats de l'entreprise – Bénéficiaires – Entreprises ayant régulièrement conclu et déposé un accord de participation

Il résulte de l'article L. 3324-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, applicable au litige, que lorsque l'augmentation de la réserve spéciale de participation est négociée par la voie collective, le supplément de participation doit faire l'objet d'un accord spécifique prévoyant les modalités de répartition entre les salariés. A défaut d'un tel accord régulièrement déposé à la DIRECCTE, les suppléments de participation ne bénéficient pas de l'exonération de cotisations.

Il résulte de l'article L. 3314-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-67 du 21 janvier 2008, applicable au litige, que lorsqu'un accord d'intéressement a été négocié dans l'entreprise, l'employeur ne peut mettre en oeuvre un supplément d'intéressement qu'en application d'un accord spécifique dont l'objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d'intéressement. A défaut d'un tel accord régulièrement déposé à la DIRECCTE, les suppléments d'intéressement ne bénéficient pas de l'exonération de cotisations.

Cotisations – Assiette – Sommes versées au titre de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise – Conditions – Détermination

Cotisations – Exonération – Supplément d'intéressement – Conditions

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société [3] (la société) les suppléments de participation et d'intéressement alloués aux salariés au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif au supplément de participation, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 3322-6 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 3 décembre 2007, les accords de participation peuvent notamment être conclus « 1°) Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3324-9 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, [...] selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6 » ; que l'avenant prévoyant un supplément de participation peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3322-6, 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuel conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément de participation dans les conditions de répartition prévues par l'accord de participation en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre la participation dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; que ces trois accords collectifs, déposés auprès de la DIRECCTE, valant mise en place des suppléments de participation octroyés au titre de ces trois exercices, la société remplissait les exigences posées par la loi pour que ces suppléments de participation soient exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement, que « le fait que des protocoles d'accord de négociation annuelle incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas établir que les participations auraient fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées », cependant que le versement de suppléments de participation pouvait être régulièrement institué par les protocoles d'accord de négociation annuelle prévoyant l'attribution de supplément de participation, protocoles qui ont été déposés auprès de la DIRECCTE au titre des exercices 2012, 2013 et 2014, la cour d'appel a violé les articles L. 3325-1, L. 3322-6, L. 3323-4 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, l'article L. 3324-9 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-67 du 21 janvier 2008, et l'article L. 3323-5 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'à titre subsidiaire, selon l'article L. 3322-6 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 3 décembre 2007, les accords de participation peuvent notamment être conclus « 1°) Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3324-9 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, [...] selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6 » ; que l'avenant prévoyant un supplément de participation peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3322-6, 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuel conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément de participation dans les conditions de répartition prévues par l'accord de participation en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre la participation dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; qu'en retenant, pour valider le redressement, que « le fait que des protocoles d'accord de négociation annuelle incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas établir que les participations auraient fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées », sans rechercher si la mise en place des suppléments de participation au sein de l'entreprise par le biais de trois accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012, 2013 et 2014 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ne correspondait pas légalement à la mise en place du supplément de participation par un accord spécifique déposé suivant les modalités exigées par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3325-1, L. 3322-6, L. 3323-4 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, l'article L. 3324-9 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, et l'article L. 3323-5 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 3324-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, le conseil d'administration ou le directoire peut décider de verser un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos, dans le respect des plafonds mentionnés à l'article L. 3324-5 et selon les modalités de répartition prévues par l'accord de participation, ou par un accord spécifique, conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3322-6.

5. Il en résulte que lorsque l'augmentation de la réserve spéciale de participation est négociée par la voie collective, le supplément de participation doit faire l'objet d'un accord spécifique prévoyant les modalités de répartition entre les salariés. Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit avoir été déposé à la DIRECCTE du lieu où il a été conclu.

6. L'arrêt relève que si un accord de participation a été signé le 28 mars 2003 et dûment déposé à la DIRECCTE, la société a versé durant chacune des années contrôlées, des suppléments au titre de la participation qui n'ont pas fait l'objet d'un avenant régulièrement déposé. Il ajoute que le fait que des protocoles d'accord de négociations annuelles incluent des dispositions relatives à la participation ne suffit pas à établir que les suppléments de participation ont fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial, déposé suivant les modalités exigées.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'en l'absence d'accord spécifique régulièrement déposé, les suppléments de participation ne pouvaient pas bénéficier d'une exonération de cotisations.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif au supplément d'intéressement, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 3312-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, les accords d'intéressement peuvent notamment être conclus « 1° Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3314-10 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos (...) selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5 » ; que l'avenant prévoyant un supplément d'intéressement peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3312-5 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuelle conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément d'intéressement dans les conditions de répartition prévues par l'accord d'intéressement en vigueur ; que l'article L. 2242-12 du code du travail inclut à ce titre l'intéressement dans le bloc de la négociation annuelle obligatoire ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; que ces deux accords collectifs, déposés auprès de la DIRECCTE, valant mise en place des suppléments d'intéressement octroyés au titre de ces deux exercices, la société remplissait les exigences posées par la loi pour que ces suppléments d'intéressement soient exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement, que « les accords de négociation annuelle déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de l'exonération de cotisations sociales ; Dès lors, l'attribution de suppléments de participation [lire d'intéressement] en 2012, 2013 et 2014 n'ouvre pas droit aux exonérations de cotisations au vu de l'absence de respect de la formalité de dépôt », cependant que le versement de suppléments d'intéressement pouvait être régulièrement institué par les protocoles d'accord de négociation annuelle prévoyant l'attribution de supplément d'intéressement, protocoles qui ont été déposés auprès de la DIRECCTE au titre des exercices 2012 et 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 3312-5 du code du travail dans sa version issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, L. 3313-3 et L. 3314-10 du code du travail dans leur version issue de la loi 2008-67 du 21 janvier 2008, et L. 3312-4 dans sa version issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'à titre subsidiaire, selon l'article L. 3312-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, les accords d'intéressement peuvent notamment être conclus « 1°) Par convention ou accord collectif de travail » ; que l'article L. 3314-10 du même code prévoit que l'employeur « peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos [...] selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5 » ; que l'avenant prévoyant un supplément d'intéressement peut ainsi être institué par convention ou accord collectif de travail tel que prévu par l'article L. 3312-5, 1° ; que remplit cette condition le protocole d'accord de négociation annuelle conclu au sein de l'entreprise et prévoyant un supplément d'intéressement dans les conditions de répartition prévues par l'accord d'intéressement en vigueur ; que la société a fait valoir dans ses conclusions d'appel avoir mis en place les suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ; qu'en retenant, pour valider le redressement, que « les accords de négociation annuelle déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de l'exonération de cotisations sociales ; Dès lors, l'attribution de suppléments de participation [lire d'intéressement] en 2012, 2013 et 2014 n'ouvre pas droit aux exonérations de cotisations au vu de l'absence de respect de la formalité de dépôt », sans rechercher si la mise en place des suppléments d'intéressement au sein de l'entreprise par le biais de deux accords de négociation annuelle sur les salaires au titre de chacun des exercices 2012 et 2013 qu'elle a déposés auprès de la DIRECCTE ne correspondait pas légalement à la mise en place du supplément d'intéressement par un accord spécifique déposé suivant les modalités exigées par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3312-5 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, L. 3313-3 et L. 3314-10 du code du travail dans leur version issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, et L. 3312-4 dans sa version issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 3314-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-67 du 21 janvier 2008, le conseil d'administration ou le directoire peut décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos, dans le respect des plafonds mentionnés à l'article L. 3314-8 et selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement ou par un accord spécifique conclu selon les modalités prévues à l'article L. 3312-5.

11. Il en résulte que lorsqu'un accord d'intéressement a été négocié dans l'entreprise, l'employeur ne peut mettre en œuvre un supplément d'intéressement qu'en application d'un accord spécifique dont l'objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d'intéressement. Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit avoir été déposé à la DIRECCTE du lieu où il a été conclu.

12. L'arrêt relève que si un accord d'intéressement couvrant les années 2012 à 2014 a été mis en place en janvier 2012 et dûment déposé à la DIRECCTE, la société a versé des suppléments au titre de l'intéressement qui n'ont pas fait l'objet d'un avenant régulièrement déposé. Il ajoute que les accords de négociations annuelles déposés à la DIRECCTE incluant des dispositions relatives à l'intéressement ne suffisent pas à établir qu'il y aurait eu accord spécifique respectant les conditions requises.

13. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'en l'absence d'accord spécifique régulièrement déposé, les suppléments d'intéressement ne pouvaient pas bénéficier d'une exonération de cotisations.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 3324-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 ; article L. 3314-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-67 du 21 janvier 2008.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 3 juillet 2008, pourvoi n° 07-17.379, Bull. 2008, II, n° 166 (rejet) ; Soc., 5 novembre 1999, pourvoi n° 97-22.485, Bull. 1999, V, n° 432 (cassation).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.